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Près de deux cent mille personnes se trouveraient actuellement en situation de crise (phase 3 de l'IPC) en l’absence d’assistance. Les personnes les plus vulnérables sont les déplacés du lac Tchad. La situation au Tibesti peut se dégrader à tout moment. L’insécurité alimentaire dans ces zones est principalement le résultat de conflits ayant conduit à une disponibilité limitée des produits alimentaires, et des faibles opportunités d’emploi. L’assistance au Lac permet cependant d’atténuer cette situation.
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La campagne agropastorale 2019/2020 a été marquée par un démarrage légèrement précoce au Tchad. Cependant, les régions du Sahel ouest ont connu des séquences sèches de 10 à 15 jours. Les résultats préliminaires de l’enquête agricole estiment la production céréalière autour de 3 000 000 tonnes. Elle est supérieure à la moyenne des cinq dernières années (+8,7 %).
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Les nouvelles récoltes renforcent les stocks résiduels et permettront aux ménages pauvres de tenir jusqu’à mai 2020, sauf dans certaines zones affectées par des périodes sèches notamment le Kanem, Bahr El Gazal, Wadi Fira, Moyen Chari, Mandoul et Logone Occidental. Ces zones ont enregistré une faible production céréalière par habitant et les stocks ne peuvent couvrir qu’entre 3 et 8 mois en moyenne.
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Les résultats de l’enquête SMART 2019 montrent que la situation reste toujours préoccupante au niveau national et dans certaines provinces. Sur les 23 provinces au niveau national, 18 sont en situation alarmante dont 9 en situation d’urgence au regard de la malnutrition aiguë globale supérieure à 15 %, selon la classification de l’OMS. Les résultats montrent également, que la situation nutritionnelle s’est dégradée dans les provinces du sud.
Situation actuelle
Situation agricole : Les bonnes pluies enregistrées de juin à octobre sont moyennes à supérieures à la moyenne et ont favorisé le développement des cultures. Les récoltes céréalières sont supérieures à la moyenne et améliorent la consommation des ménages pauvres qui avaient connu des difficultés alimentaires pendant la période de soudure. Les niveaux de stock permettent aux ménages pauvres de la plupart des régions de couvrir leurs besoins jusqu’à l’entrée de la période de soudure, à l’exception des zones ayant enregistré des faibles productions céréalières, telles que le Kanem, Bahr El Ghazal, Hadjer Lamis, Sila et Mandoul. Toutefois, les pluies excessives d’octobre ont affecté près de 19 600 ménages dans les départements du Mandoul et du Moyen Chari. Au total, plus de 200 000 ha de cultures ont été détruites par les inondations (Source Sous Cluster Sécurité alimentaire zone Sud). Cette situation reste préoccupante pour ces ménages qui restent d’être confrontés aux difficultés alimentaires pendant la période de soudure.
Marchés agricoles : A l’exception des zones de conflit (lac Tchad et Tibesti), la plupart des marchés fonctionnent avec des niveaux d’approvisionnement en sorgho, mil penicillaire, maïs, riz local, etc. supérieurs à la moyenne. Les importations de riz, et de produits alimentaires manufacturés tels que le macaroni, le spaghetti, etc. ont baissé à cause des restrictions aux importateurs, et de l’état d’urgence dans les régions du Ouaddai, Sila et Tibesti suivie de la fermeture des frontieres avec le Soudan, la Libye et la République Centrafricaine. Toutefois, la demande en produits locaux et importés est faible grâce aux bonnes récoltes. Les prix des produits alimentaires de base locaux sont en baisse dans presque toutes les régions du pays, à l’exception du Tibesti. Par exemple, le prix du mil penicillaire est en dessous de la moyenne quinquennale, avec une variation allant de 20 à 50 % dans tous les marchés suivis, sauf au Tibesti. Les prix des produits importés sont légèrement superieurs comparés à la moyenne quinquennale dans la plupart des marchés.
Conditions pastorales et marchés à bétail : Le cumul de la pluviométrie au 30 septembre estimé égal à supérieur à la moyenne a conduit à une amélioration des conditions pastorales et de la disponibilité en eau. Les mares semi-permanentes retiennent encore 80 à 90 % de leur capacité, ce qui est légèrement supérieur à une année normale. Les animaux parcourent de courtes distances allant de 1 à 3km pour s’abreuver dans les zones agro-pastorales, et de 3 à 5km dans les zones pastorales ; ces distances sont typiques en cette période de l’année. Quelques transhumants observés en septembre entre Ngouri et Massakory, amorcent leur descente dans la zone de Hadjer Lamis, pour un temps de stationnement avant de poursuivre leur migration vers le sud du pays, ce qui est typique en cette période de l’année. Les animaux présentent un bon embonpoint. Avec la proximité de pâturage et d’eau, la disponibilite laitière s’améliore, entrainant une baisse du prix du lait et de son accès. La tendance baissière du prix du bétail observée depuis plusieurs années commence à se stabiliser dans certains marchés depuis quelques mois, voire à observer une hausse dans d’autres.
La main d’œuvre agricole : La disponibilité de la main d’œuvre agricole est légèrement supérieure à la moyenne grâce aux superficies emblavées (dans la zone sahélienne et au sud) qui sont légèrement supérieures de 2 à 3 % comparé à la moyenne quinquennale. Par exemple, on observe beaucoup de bras valides du Kanem se déplacer vers le lac Tchad, plus qu’en année normale, pour la récolte du maïs. Le paiement se fait souvent en nature à hauteur de 12,5kg par sac de 100kg. En plus, les revenus de cette activité en espèces permettent aux ménages pauvres d’acheter des céréales pour couvrir le minimum de leurs besoins alimentaires.
Assistance humanitaire : Le nombre des personnes en insecurité alimentaire au niveau national ayant besoin d’une assistance alimentaire a baissé et est autour de 230 000 personnes, soit une une baisse de 60 pourcent comparée à la periode de pic de la soudure (août 2019).
Situation nutritionnelle : Sur le plan national, 18 provinces sur 23 sont en situation alarmante, dont 9 en situation d’urgence au regard de la malnutrition aiguë globale (MAG) supérieure à 15 %, selon les résultats de l’Enquête nutritionnelle nationale SMART 2019, menée par le ministère de la Santé et ses partenaires entre juillet et août 2019. Les mêmes résultats révèlent que, sur le plan national, la prévalence de la MAG est de 12,9 % (12,1 – 13,7) contre 13,5 % en 2018. Ceci explique que la situation nutritionnelle au Tchad a un caractère stagnant et n’a pas beaucoup évolué en général. Cependant, la prévalence du MAG a légèrement diminué dans le Ouaddai, Wadi Fira, Batha, Hadjer Lamis, Kanem, Ennedi Ouest. Les régions du sud commencent à observer de la malnutrition, ce qui est atypique. La situation devient très difficile pour les provinces du Sahel et les niveaux critiques (15,0 à 23,9 pour cent) se trouvent chez les pasteurs et agro-pasteurs avec un niveau grave dans la zone de subsistance pastorale de l’Ennedi Est (23,9 %).
Situation de la sécurité alimentaire courante : Grâce aux bonnes récoltes en cours, aux bons niveaux de stocks résiduels, aux revenus de la main d’œuvre agricole et à la bonne disponibilité laitière, la plupart des ménages des zones agricoles, agro-pastorales et pastorales sont capables de couvrir leurs besoins alimentaires et non alimentaires de base et ne sont pas en insécurité alimentaire aiguë (Phase 1 de l’IPC). Les déplacés du Lac continuent de bénéficier de l’assistance alimentaire qui leur permet de couvrir leurs besoins alimentaires de base. Cependant, ils ne peuvent pas s’engager dans des dépenses non alimentaires en raison des perturbations de leurs moyens d’existence suite aux conflits et sont en situation de stress (Phase 2! de l’IPC) alimentaire. Au Tibesti, malgré la persistance des conflits, la situation alimentaire des ménages est sous pression (Phase 2 de l’IPC) en raison des faibles revenus et des niveaux de prix très élevés. La situation nutritionnelle au niveau national semble se stabiliser, comparativement aux deux dernières années, avec cependant des prévalences élevées dans les zones de conflit.
Suppositions
Le scénario le plus probable, d’octobre 2019 à mai 2020, est basé sur les hypothèses suivantes au niveau national :
- Agro climatologie : La production agricole pourrait être supérieure à la normale grâce au début précoce du démarrage de la saison et des hausses de superficies semées en céréales.
- Situation Phytosanitaire : Les signalements d’attaques de chenilles légionnaires resteraient dans de faibles proportions avec peu d’impacts sur les cultures. Par ailleurs, une reproduction à petite échelle de criquets aurait lieu vers la partie nord, entraînant une légère augmentation des effectifs. Cependant, on ne s’attend à aucun développement significatif du criquet pèlerin dans la région.
- Les prévisions des récoltes pluviales et perspectives pour les récoltes de contre-saison (berbéré) pour 2019/2020 : Les récoltes seraient en général bonnes et autour de la moyenne comparée au niveau de la production céréalière de 2018/2019, et supérieures à la moyenne quinquennale au niveau national. Cependant, des baisses comparées à la moyenne quinquennale pourraient intervenir au Kanem et au Bahr-el-Gazal (BEG) en raison des séquences sèches intervenues au démarrage de la campagne. Entre février et mai, les ménages de BEG et du Kanem verraient leur stock au plus bas niveau, et commenceraient à dépendre des achats. La campagne de saison sèche serait meilleure que d’habitude pour le berbéré grâce aux fortes pluies enregistrées en octobre, malgré des inondations de certaines plaines. Dans les périmètres rizicoles le long du fleuve Chari les semis de riz interviendraient comme d’habitude en janvier et février.
- Disponibilité et approvisionnement des marchés : On observerait une hausse atypique de l’offre avec les récoltes d’octobre/novembre et les stocks de report dans presque toutes les zones, à l’exception de Tibesti. Au regard de l’évolution du contexte sécuritaire, une baisse de la disponibilité en produits importés de la Libye et du Soudan serait probable pendant toute la période scenario.
- La demande des produits alimentaires (achats institutionnels) et de bétail : La demande serait globalement inférieure à la moyenne dans presque toutes les régions à l’exception du Kanem et BEG qui connaitraient une hausse à cause de l’épuisement des stocks à partir de février puis Wadi Fira, Moyen Chari et Logone Occidental en fin de période d’analyse (fin mai). La demande institutionnelle serait inférieure à la normale à cause des difficultés financières.
- L’offre de bétail serait limitée dans les zones de conflit (Lac et Tibesti), puis dans les zones en état d’urgence, notamment le Ouaddaï, Sila, et Tibesti.
- Les ressources pastorales, la transhumance et l’embonpoint du bétail : Les conditions physiques du bétail et la disponibilité de lait pourraient s’améliorer jusqu’en décembre/janvier grâce aux bonnes disponibilités d’eau et de pâturages dans les zones pastorales. Cependant, à l’ouest du Tchad, particulièrement au Kanem et BEG, des déficits fourragers pourraient être observés pour la deuxième année consécutive, ce qui entrainerait une transhumance précoce.
- Conflits et déplacements de population : Le retrait des eaux du lac Tchad à partir de février ou mars entrainerait une recrudescence des incursions de Boko Haram avec quelques incidents isolés qui pourraient limiter les activités piscicoles. Cette situation conduirait les populations à se déplacer vers les terres fermes (entre Bol et Bagassola) avec le reste de leur bétail.
- Evolution de la MAG (enquêtes SMART) : La disponibilité des récoltes et autres produits alimentaires (lait, produits de maraîchage) permettrait une amélioration de l’état nutritionnel, entre octobre 2019 et janvier 2020, dans la plupart des zones du pays à l’exception des zones de conflit (Lac et Tibesti). Entre février et mai 2020, une détérioration relative de la situation nutritionnelle pourrait être observée en raison des mouvements de population, notamment au Lac. La présence de pathologies telles que la rougeole contribuerait à accroitre l’effectif des malnutris dans les zones affectées par ces infections.
- Sources de nourriture des ménages pauvres (zones de préoccupation et Sahel) : Les principales sources de nourriture des ménages pauvres de BEG, du Kanem et de Hadjer Lamis qui sont leur propre récolte couvrirait les besoins entre octobre 2019 et janvier 2020 comme en année normale. Entre février et mai, les ménages pauvres de BEG et du Kanem verraient leur stock épuisé précocement et vont commencer à dépendre des achats.
- La tendance des prix : Les tendances actuelles sont inférieures à la moyenne pour toutes les céréales à exception du riz importé qui connaitrait une hausse significative par rapport à l’année passée ; Toutefois, le marché du Tibesti garderait une tendance à la hausse jusqu’au moins mai 2020 à cause des flux limités. Le prix du bétail connaitrait également une baisse, sauf le camelin qui connaitrait une hausse par rapport à l’année passée.
- Assistance alimentaire : L'assistance alimentaire ciblant les ménages déplacés du lac Tchad est acquise pour sa mise en œuvre tout au long du scénario. Compte tenu du profilage en cours pour une catégorisation des personnes à assister, l’assistance est planifiée, financée et probable pour couvrir même les 25 300 nouveaux déplacés jusqu’à mai 2020.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
Entre octobre et janvier : Sur le plan national, l’offre de main-d'œuvre agricole resterait à des niveaux typiques tout au long de la période de récoltes pluviales. Avec des bonnes récoltes et des stocks résiduels adéquats, des prix relativement stables à inferieurs à la moyenne, et des niveaux normaux de revenus, on s'attend à ce que la majorité des ménages ne soient pas en insécurité alimentaire (Phase 1 de l’IPC) au moins jusqu'à janvier 2020. Par contre, la plupart des ménages du Tibesti se trouvant dans les zones de conflits et dépendants des achats grâce aux faibles revenus, pourraient couvrir leurs besoins alimentaires mais sans se permettre certaines dépenses non alimentaires, et seraient en Stress (Phase 2 de l’IPC). Au niveau du Lac, les ménages déplacés arrivent à couvrir presque la quasi-totalité de leurs besoins alimentaires grâce à l’assistance, aux produits de la pêche, et aux achats. Ces déplacés seraient en Stress (Phase 2 ! de l’IPC) alimentaire, grâce à l’assistance.
Entre février et mai, les ménages qui ont eu de faibles productions céréalières (Kanem, et BEG) pourraient épuiser leur stock à partir de janvier, à peine comme en année normale, et vont commencer à dépendre des marchés. Les ménages seraient limités dans leur capacité d’accéder à des biens non alimentaires de base et seraient Stressés (Phase 2 de l’IPC) à partir de février. Les personnes déplacées du Lac dépendraient de l’assistance en grande partie mais n’arriveraient pas à couvrir certaines dépenses avec leur faible revenu ; ils seraient en Stress (Phase 2! de l’IPC), grâce à l’assistance. Les ménages du Tibesti, dépendent du marché alimentaire et seraient en mesure d'acheter des aliments adéquats pour satisfaire aux exigences minimales grâce aux revenus de l’orpaillage, de transport, et de transfert. Ils ne pourraient pas répondre à certaines dépenses non alimentaires malgré les stratégies très limitées. Par ailleurs, un nombre relativement important de ménages pauvres et très pauvres dans le Kanem, BEG et Hadjer Lamis devraient recourir à des stratégies négatives pour subvenir à leurs besoins alimentaires et seront dans une situation de Crise (Phase 3 de l’IPC) pendant cette période, sans toutefois changer la classification de la zone.
Evénements possibles dans les huit prochains mois qui pourraient changer les scenarios ci-dessus.
Zone | Evénements | Impact sur les conditions de la sécurité alimentaire |
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National | De fortes pluies en novembre dans la zone soudanienne | Des pertes de récoltes céréalières et de rente stockées aux champs et des inondations des plaines pour les repiquages du berbéré diminueraient la disponibilité alimentaire des ménages. Ceci augmenterait leur dépendance au marché et basculerait certaines localités en zone soudanienne en Stress (Phase 2 de l’IPC) alimentaire. |
Détérioration des conflits en Libye | Le ralentissement des flux transfrontaliers avec la Libye diminuerait la disponibilité alimentaire à l’échelle nationale et pousserait les prix à la hausse. Ceci augmenterait le nombre de ménages en Stress et Crise (Phases 2 et 3 de l’IPC). |
Source : FEWS NET
Source : FEWS NET
Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.