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L’afflux des réfugiés soudanais dégrade la situation alimentaire à l’Est du pays

  • Perspectives sur la sécurité alimentaire
  • Tchad
  • Juin 2023 - Janvier 2024
L’afflux des réfugiés soudanais dégrade la situation alimentaire à l’Est du pays

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  • Messages clé
  • Contexte national
  • Calendrier saisonnier pour une année typique
  • Zone de préoccupation: Zone de moyen d’existence agropastorale et pêche (TD08) dans la Province du Lac (Figure 4)
  • Messages clé
    • La crise soudanaise occasionne les afflux de réfugiés et retournés ainsi que l’arrêt des flux entrants de produits alimentaires et non alimentaires. La situation alimentaire des populations hôtes, réfugiés et retournés se détériore continuellement faisant suite à la pression sur les stocks alimentaires, à la compétition sur les opportunités d’embauche et la collecte des ressources naturelles. Dans le Sahel Ouest, les bas niveaux de revenus face à des tendances haussières atypiques des prix réduisent les volumes des achats sur les marchés céréaliers et détériorent la consommation des ménages. Au Lac, la baisse des volumes de l’assistance couplée à l’accès réduit aux marchés contraint les déplacés et ménages hôtes à recourir à des stratégies d’adaptation de crise. Par conséquent, les populations pauvres de ces diverses zones sont confrontées à des déficits de consommation et sont en insécurité alimentaire aigüe de Crise (Phase 3 de l’IPC). Les ménages très pauvres et pauvres de la zone soudanienne ne peuvent satisfaire leurs besoins de consommation sans recourir à des stratégies d’adaptation à cause d’un accès limité aux marchés à la suite de l’épuisement précoce des stocks céréaliers. Ils ont une consommation alimentaire minimale d’adéquation réduite, ainsi, ils sont en insécurité alimentaire aigüe de Stress (Phase 2 de l’IPC).

    • Le démarrage de la campagne agricole pluviale est perturbé par une installation irrégulière de la saison dont un retard relatif des pluies ponctué de séquences sèches. L’insécurité due aux récents conflits intercommunautaires au sud du pays perturbe le calendrier agricole. Un manque d’équipements et la limitation des déplacements des personnes ont conduit à une baisse relative de superficies.

    • Une hausse significative de la demande en produits alimentaires suscitée par l’épuisement précoce des stocks céréaliers des ménages est observée dans la plupart des zones du pays. Cependant, la précarité née de l’érosion de la plupart des sources de revenus limite l’accès des ménages très pauvres et pauvres aux marchés céréaliers face aux hausses atypiques de prix comparés à la moyenne. Les principaux contributeurs à ces tendances sont les perturbations de flux transfrontaliers (crise ukrainienne, insécurité au Soudan et aux frontières libyennes et ralentissement saisonnier des flux) et la hausse des coûts de transport.

    • A la suite de la crise soudanaise, la présence des réfugiés soudanais et de retournés tchadiens occasionne une forte compétition entre les ménages hôtes et les réfugiés et retournés sur les moyens d’existence dans les zones d’accueil. Ceci découle de l’insuffisance des assistances humanitaires. En outre, l’arrêt des flux entrants de produits alimentaires et de carburant engendre la perturbation de l’économie locale et affecte sévèrement la sécurité alimentaire des ménages (réfugiés, retournés et hôtes). 


    Contexte national

    Situation actuelle

    Contexte sociopolitique : La situation politique est globalement calme car les décisions du Dialogue national inclusif sont en cours de mise en œuvre par le gouvernement.

    Conflits, sécurité civile et mouvements de populations : Le conflit entre les éleveurs et les agriculteurs du fin avril dans le Logone Oriental ont occasionné des pertes de moyens d’existence et des déplacements de 16 000 personnes qui ont trouvé refuge au nord-ouest en République centrafricaine (Alwhida Info). La crise soudanaise a provoqué l’afflux de plus de 180 000 personnes, réfugiés soudanais et retournés tchadiens, depuis mi-avril au fin juin 2023 au Tchad. Ces réfugiés dépendent de l’assistance humanitaire des populations locales dont les moyens d’existence déjà précaires subissent une pression fort dégradante.

    Déroulement de la saison pluvieuse : Le démarrage de la saison est marqué quelques retards par rapport à une année normale en zone soudanienne et un début plus ou moins normal dans le Salamat et le Guéra. La répartition spatiale des précipitations n’est pas uniforme. Elle est irrégulière au Moyen Chari, dans le Mandoul et y est ponctuée de séquences sèches, de durées plus ou moins longues, comme au Logone Occidental. A l’exception de la pluie de 100 mm mi-juin enregistrée à Sarh et dans de nombreuses localités de la province, dont les cumuls pluviométriques sont globalement négatifs par rapport à la même période de l’année passée.

    Campagne agricole 2023-2024 : Les perturbations de la saison pluvieuse (notamment le retard de pluviométrie et les séquences sèches) affectent les activités agricoles dont le calendrier est légèrement perturbé. Des labours intensifs et semis sont dominants dans ces provinces agricoles. Quelques débuts de sarclages de l’arachide et de sorgho de case, pour les parcelles précocement emblavées, sont observés. Au Sahel Central, les activités sont dominées par les labours au Batha, les semis au Guéra et au Salamat grâce aux bonnes pluviométries enregistrées. Au Sahel Ouest, les travaux de préparation de sol se déroulent comme en année normale. Au Ouaddaï et du Dar Sila, une légère augmentation des superficies favorisées par la mobilisation des charrues et tracteurs. Cependant au Logone Orientale et au Mandoul, une baisse des superficies est observée à cause des retards de pluies, l’insuffisance des matériels agricoles, une faible disponibilité d’intrants (engrais et semences) et les mouvements forcés de population au Logone Oriental suscités par les récents conflits. En outre, la grève des techniciens contractuels de l’Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER) depuis mi-juin dépossède les producteurs des appuis techniques en ce début de campagne agricole.

    Main-d'œuvre agricole et non agricole : Une suroffre de la main d’œuvre agricole est rapportée dans la plupart des zones agricoles à cause de la baisse significative des opportunités d’embauche d’une part et, l’épuisement précoce des stocks des ménages conduisant à vendre leurs forces de travail en quête de revenus pour accéder aux marchés durant la soudure. Dans les provinces du Sahel, la suroffre de la main d’œuvre est soutenue par la présence des réfugiés soudanais à l’Est du pays, des restrictions étatiques couplées à l’insécurité civile au Tibesti limitant les flux de personnes venant du BEG, Kanem et Wadi Fira. Au Lac, la baisse des volumes de l’assistance humanitaire motive une forte mobilisation des déplacés internes au Lac à vendre leurs forces de travail en ce début de campagne agricole. Une baisse de niveaux des salaires journaliers, variant de 25 à 35 pour cent comparée à une année normale, est observée dans la plupart des localités du pays. La main d’œuvre non agricole est également caractérisée par une suroffre due à l’épuisement des stocks, la raréfaction des opportunités d’embauche et une faible demande découlant de la précarité financière des ménages nantis.

    Ressources pastorales et mouvements de bétail : L’installation normale de la saison au Salamat et au Sila a conduit à l’arrivée des transhumants de ces localités où une surcharge pastorale est observée. Cette surcharge est accentuée par l’arrêt des flux transfrontaliers de bétail à destination du Soudan dû au conflit. Une amélioration de la situation pastorale favorisée par le début de la saison en zone soudanienne grâce à la repousse des herbes et à la disponibilité des eaux d’abreuvement est observée. Le retour des transhumants, vers les zones d’attache, est ralenti à cause des perturbations de pluviométrie (pluie irrégulière, faible quantité ou séquences sèches prolongées) dans les zones agricoles. Les pasteurs retardent leur retour pour profiter des ressources pastorales disponibles. Au Sahel Ouest, malgré la fin de la soudure pastorale, les arrivées de transhumants sont légèrement retardées. Les troupeaux de sédentaires dépendent des feuilles d’épineux sur pied et des tourteaux. Les distances parcourues entre les points d’eau et les sites de parcage du bétail affectent significativement l’état physique des animaux dans la zone. La situation zoosanitaire est globalement calme.

    Stocks des ménages et stocks institutionnels : Les mauvaises productions de l’année dernière en zone soudanienne et au Lac a provoqué un épuisement significatif des stocks, occasionnant une dépendance des ménages aux marchés et à développer des stratégies d’adaptation. Celles-ci comprennent la consommation significative de produits sauvages, la réduction des volumes de rations et les ventes massives de bétail en quête de revenus pour accéder aux marchés, entre autres. La présence des réfugiés soudanais dans les provinces de l’Est occasionne des baisses significatives de niveaux de stocks des ménages hôtes partageant leurs repas avec les réfugiés et retournés. Les stocks institutionnels de l’Office National de Sécurité Alimentaire (ONASA) sont en voie de déploiement à travers des opérations de vente à prix subventionné. Plus de 1 700 tonnes de céréales et plus de 5 000 bidons d’huile de 20 litres ont été vendus dans les provinces du Kanem et du Hadjer Lamis.

    Marchés de produits alimentaires : Des faibles disponibilités en céréales locales dues aux baisses de productions en zone soudanienne en 2022 et des produits alimentaires importés à des niveaux inférieurs à la moyenne ont provoqué une baisse globale et significative des niveaux de l’offre sur la plupart des marchés. Les baisses de volumes des approvisionnements de marchés sont accentuées par les hausses des coûts de transport due à la hausse des prix de carburant à la suite des pénuries répétées intervenues depuis la fin du premier trimestre de l’année 2023. En conséquence, une augmentation remarquable de la demande est observée sur tous les marchés de produits alimentaires, y compris les céréales locales. D’importants flux céréaliers à destination des provinces sahariennes (Borkou, Ennedi Est et Ennedi Ouest, Tibesti) sont rapportés suite aux perturbations des flux entrants de produits importés à partir de la Libye. A l’Est, elle est davantage plus prononcée à cause des afflux de vagues successives de réfugiés soudanais. La hausse des coûts de transport a provoqué des hausses atypiques des prix des céréales de base par rapport à la moyenne quinquennale, même en notant la légère baisse des prix par rapport à l'an dernier. À Abéché, le mil a augmenté de 319 pour cent et le sorgho de 55 pour cent, tandis qu'à Biltine, le mil a augmenté de 31 pour cent et le sorgho de 34 pour cent en mai 2023 (Figure 1). Les prix du maïs sont en hausse de 47 pour cent à Pala, tandis que les prix du sorgho ont augmenté de 52 pour cent à Léré en mai 2023.

    Marchés à bétail : L’offre sur les marchés est fonction des zones et des espèces. En zone soudanienne, elle est légèrement au-dessus des niveaux d’une année normale, pour les ovins et caprins, notamment dans le Logone oriental à cause de la présence des transhumants dont le départ vers les zones d’attache est relativement ralenti. La présence des pasteurs retournés de la République centrafricaine renforce également l’offre locale des marchés à bétail. Dans les provinces péri‑frontalières du Soudan (Ouaddaï, Wadi Fira et Sila), l’arrêt des exportations provoqué par la crise sécuritaire au Soudan entraîne une suroffre. A Biltine les prix des ovins oscillent entre 10 à 15 pour cent de hausse comparée à la moyenne quinquennale en raison d’une demande stagnante (Figure 2). A la suite d’une augmentation de la demande nigériane malgré la dépréciation du naira nigérian et des contraintes sécuritaires annulant les flux transfrontaliers avec le Soudan, une hausse de la demande est observée au Sahel Ouest et à N’Djaména. Une hausse, comparée à la moyenne quinquennale, est observée sur les prix des ovins à Mao (69 pour cent) et des bovins à N’Djaména (18 pour cent) ainsi que dans le Wadi Fira (12 pour cent) malgré la suroffre. Les marchés des provinces frontalières du Cameroun affichent les mêmes tendances de prix. Au Lac, les achats humanitaires ont provoqué des hausses de prix de petits ruminants.

    Figure 1

    Variation des prix sur le marché céréalier de Biltine
    Variation des prix sur le marché céréalier de Biltine.

    Source: FEWS NET

    Figure 2

    Variation des prix sur le marché à bétail de Biltine
    Variation des prix sur le marché à bétail de Biltine.

    Source: FEWS NET

    Sources de revenus : Une érosion de la plupart des sources de revenus est rapportée dans les différentes zones de moyens d’existence. Malgré la multiplication et l’intensification des différentes stratégies développées (migration saisonnière, main d’œuvre, collecte et vente de bois mort et artisanat, entre autres), les revenus restent en baisse atypique. Spécifiquement au Sahel, les restrictions gouvernementales dont l’interdiction de l’orpaillage artisanal informel couplé à l’insécurité sur les sites au Tibesti et les impacts de la crise soudanaise, réduisent les niveaux de revenus des ménages très pauvres et pauvres. Tandis que dans la zone soudanienne, les causes sont la suroffre de la main d’œuvre et la baisse/épuisement des stocks céréaliers.

    Source de nourriture : Les achats sur les marchés, constituent les principales sources alimentaires à base de céréales par les ménages, à cause des épuisements de stocks. Cependant, les volumes sont limités à cause des faibles niveaux de revenus face aux tendances haussières atypiques de prix comparées à la moyenne quinquennale. Les ménages vont rechercher les produits de cueillette, notamment les légumes hivernaux et beaucoup pourraient consommer des aliments moins prisés qu’en année normale.

    Situation nutritionnelle : Les faibles revenus ont causé un accès limité aux marchés et une faible consommation alimentaire, ce qui a entraîné une détérioration de la situation nutritionnelle dans la plupart des provinces du pays. La limitation des volumes de flux de produits importés fortement consommés au Sahel participe de cette détérioration avec des prévalences dépassant les seuils critiques au Wadi Fira (17,7 pour cent), Borkou (16,2 pour cent) et Ennedi Ouest (15,7 pour cent) selon les prévisions de l’IPC de malnutrition aiguë (AMN) de fin 2022. L’état nutritionnel très précaire (Phase 4 de l’IPC) est davantage impacté dans les zones d’accueil des réfugiés et retournés de la crise soudanaise. Des taux de malnutrition aiguë globale de plus de 19 pour cent chez les enfants de moins de cinq ans dans certains camps, et 42 pour cent de malnutrition chronique, avec une augmentation de 65 pour cent du nombre d’admissions d’enfants malnutris dans les programmes de traitement dans les camps de l’Est du pays, selon le PAM en mai 2023. Ceci constitue une urgence humanitaire davantage préoccupante en raison de la disponibilité du financement en ce début de soudure.

    Assistance humanitaire : Par suite des difficultés à mobiliser les financements destinés aux opérations humanitaires, les apports alimentaires et les transferts monétaires, en espèces sont réduits. Au Lac, les acteurs humanitaires dont le PAM et ses partenaires ont modifié les modalités de l’assistance entre avril et mai 2023, réduisant les volumes de l’assistance à des niveaux inférieurs aux besoins de consommation des ménages déplacés et hôtes.

    Depuis le début des violences au Soudan, le Tchad accueille 180 000 personnes (selon HCR, du 30 juin 2023) qui sont répartis dans les trois provinces de l’Est du pays ; au Ouaddaï (123 000), Sila (47 000), et Wadi Fira (6 540). Des opérations d’assistance humanitaires ont permis de couvrir une population globale d’environ 112 000 personnes en besoin dans le Ouaddaï, 34 870 dans le Sila et 6 419 dans le Wadi Fira. La ration distribuée entre fin avril-début mai 2023 est composée de 12,75 kg de sorgho, 3 kg de légumineuses, 1 kg d’huile, et 0,15 kg de sel et des apports sont complétés de transferts d’argent en espèces d’un montant de 40 000 FCFA/ménage/mois.

    Résultats actuels de la sécurité alimentaire

    Dans les localités péri-frontalières du Soudan, à l’Est du Tchad (province du Wadi Fira, département d’Assongha au Ouaddaï et du Kimiti au Dar Sila), la situation alimentaire de plus de 180 000 réfugiés, retournés et hôtes, est en détérioration à cause des faibles apports alimentaires. Ceci est dû à l’insuffisance des assistances humanitaires qui n’arrivent pas à couvrir leurs besoins alimentaires de base. En réponse, ils accentuent la pression sur les moyens d’existence des populations dans les provinces hôtes Cette dégradation de l’insécurité alimentaire fait suite à l’arrêt des flux entrant de produits alimentaires et les hausses de prix de produits alimentaires sur les marchés. Cela est davantage accentué par les faibles niveaux de revenus et la pression sur les moyens d’existence (stocks et opportunités d’embauche) des ménages hôtes par les réfugiés. Les ménages affectés ne peuvent satisfaire leurs besoins de consommation sans recourir à des stratégies d’adaptation de crise ; ils sont en insécurité alimentaire aigüe Crise (Phase 3 de l’IPC). Dans le Lac, la baisse des volumes de l’assistance détériore la consommation alimentaire des ménages déplacés et hôtes. Malgré le recours à des stratégies affectant leurs moyens d’existence, ils sont en Crise (Phase 3 de l’IPC). Au Sahel Ouest, (BEG et Kanem), l’accès alimentaire limité par des prix de marché élevés par rapport à la moyenne quinquennale, couplé aux bas niveaux de revenus occasionne une détérioration de la situation alimentaire des ménages en Crise (Phase 3 de l’IPC). L’insécurité alimentaire aigüe Stress (Phase 2 de l’IPC) prévaut également dans les zones sahéliennes ainsi qu’en en zone soudanienne par suite d’un accès réduit aux marchés de produits alimentaire dû aux faibles niveaux de revenus et des récents conflits intercommunautaires, spécifiquement au sud du pays.


    Calendrier saisonnier pour une année typique

    Source: FEWS NET

    Suppositions

    Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire de juin 2023 à janvier 2024 se base sur des suppositions fondamentales suivantes, par rapport à l’évolution du contexte national :

    • Situation agro-climatique 2023-2024 : Selon les Prévisions Climatiques Saisonnières en Afrique Soudano-Sahélienne (PRESASS), des précipitations moyennes à légèrement supérieures sont attendues dans les bassins inférieurs du Chari-Logone et dans le bassin moyen du Chari, et dans la zone soudanienne. Dans les zones pastorales, des séquences sèches moyennes à longues pourraient être observées durant la saison. Dans le Bassin du Système Chari-Logone, de fortes probabilités d’inondations sont attendues vers le milieu et la fin de la saison.
    • Perspectives agricoles : Des baisses de production pourraient être observées dans les zones agricoles du sud à cause des conflits intercommunautaires. Les risques d’inondations relevés pourraient davantage réduire les volumes de récoltes pluviales d’octobre 2023 de la zone méridionale.
    • Disponibilité et taux de la main-d'œuvre agricole et non agricole : L’offre de la main d’œuvre agricole serait en hausse, comparé à la normale, durant la soudure, en zone soudanienne, du Lac et les provinces d’accueil de réfugiés soudanais (Wadi Fira et Ouaddaï). L’offre de la main d’œuvre non agricole resterait globalement en hausse à cause des manques d’opportunités et de l’insécurité dans les zones de migration transfrontalière comme au Soudan.
    • Situation pastorale : Les bonnes pluviométries permettraient une bonne disponibilité des ressources pastorales (eau et tapis herbacé) favorisant un bon état physique des animaux dès la fin juillet 2023 jusqu’à la fin de la période du scénario.
    • Stocks céréaliers des ménages et institutionnels : Les ménages dépendraient des marchés pour leur consommation pendant la période de soudure. Cette dépendance baisserait graduellement et interviendrait à partir de la période des récoltes. La reconstitution des stocks institutionnels interviendra vers la fin du scénario vers décembre 2023 à janvier 2024, avec l’achat des céréales entre 25 000 et 30 000 tonnes.
    • Marchés des produits alimentaires et tendances de prix : Les baisses de volumes d’approvisionnements des marchés de produits alimentaires durant l’hivernage seraient exacerbées par les coûts élevés de transport dues à la hausse du prix du carburant. L’offre en produits alimentaires importés serait également inférieure à la normale dans la plupart des zones du pays mais plus significative, à l’Est à cause des impacts de la crise soudanaise. La tendance haussière, comparée à la moyenne quinquennale des prix de produits alimentaires impactée principalement par les faibles productions occasionnées par les inondations de fin de campagne 2022 se maintiendraient (Figure 3).

    Figure 3

    Projections des prix du mil sur le marché de N’Djaména
    Projections des prix du mil sur le marché de N’Djaména.

    Source: FEWS NET

    • Marchés à bétail : La reprise des exportations du bétail à destination du Nigéria continuerait durant toute la durée de l’analyse malgré la dépréciation du naira nigérian. Elle pourrait même s’intensifier en raison de l’arrêt de l’exportation vers le Soudan due à la fermeture des frontières. Durant toute la période de scénario, l‘exportation à destination de l’Egypte via le Soudan sera à l’arrêt à cause des troubles sécuritaires au Soudan.
    • Sources de nourriture : Durant la soudure, les achats sur les marchés constitueraient la principale source alimentaire dans la plupart des zones du pays à cause des épuisements de stock des ménages. En outre, les réfugiés dépendraient aussi des assistances humanitaires et des produits sauvages, en plus des achats sur les marchés.
    • Sources de revenus : La main d’œuvre agricole, la cueillette et la vente de produits alimentaires sauvages constitueraient les principales sources de revenus des ménages très pauvres et pauvres dans les zones agricoles et agropastorales. Mais à cause de la suroffre de la main d’œuvre, les revenus resteraient en deçà de la moyenne. Au Lac, l’artisanat et la vente de bois de chauffe ainsi que la main d’œuvre y seront fortement développés par les déplacés et ménages hôtes. Cependant, leurs revenus se maintiendraient globalement inférieurs à une année normale à cause de la pression exercée par ces ménages sur les ressources disponibles. Dès septembre, des départs massifs en migration, à partir du BEG et du Kanem vers les centres urbains à l’intérieur du pays (N’Djaména, Sarh et Moundou) seraient observés. Cependant, les revenus resteraient en baisse, comparés à la normale à cause du nombre élevé de migrants occasionnant la pression sur les opportunités. Par suite de la dépréciation du naira nigérian, les revenus issus de la vente de petits ruminants à Bol seraient en légère amélioration comparée à la moyenne quinquennale et à l’année passée. En zone soudanienne, les revenus de la main d’œuvre seraient faibles comparés à une année normale à cause de l’insécurité. D’octobre 2023 à janvier 2024, la vente de produits agricoles rapporterait des revenus proches de la moyenne dans les localités agricoles en zone méridionale à cause de la demande en hausse pour la reconstitution des stocks commerçants et des flux internes à destination des provinces structurellement déficitaires du Sahel Ouest (BEG et Kanem).
    • Conflits intercommunautaires et mouvements de population : Le niveau de violences intercommunautaires devrait atteindre un pic au début et à la fin de la saison des pluies de mai à novembre 2023, lorsque les éleveurs déplacent le bétail dans les zones agricoles. Les vols de bétail récurrents et les tensions persistantes entre agriculteurs et éleveurs devraient conduire à des affrontements dans le Moyen-Chari pendant la saison hivernale et pendant les récoltes. Dans les zones frontalières avec le RCA, malgré les efforts des autorités appelant à l'apaisement, les conflits intercommunautaires pourraient s'intensifier entre les membres des tribus en conflits et engendraient des déplacements de population.
    • Situation sécuritaire nationale et transfrontalière (RCA, Soudan) : Des combats majeurs entre les factions rebelles et le gouvernement sont peu probables en 2023. Quoi que peu probable au cours de la période de l’analyse, les affrontements transfrontaliers entre les forces centrafricaines et tchadiennes sans se limiter à des escarmouches transfrontalières sporadiques pourraient intervenir entre novembre 2023 et janvier 2024 en raison de la reprise de la circulation après la saison pluvieuse. Le conflit soudanais pourrait se déborder sur le territoire tchadien à cause de la présence des deux côtés de la frontière des mêmes tribus rivalisant actuellement au Soudan.
    • Situation nutritionnelle : De juin à septembre 2023, la malnutrition devrait progressivement se détériorer pour atteindre des niveaux critiques en raison de la réduction de l'accès à la nourriture et l’augmentation des maladies liées à la saison des pluies. Cette dégradation de la situation nutritionnelle sera davantage plus marquée dans les zones d’accueil de réfugiés de l’Est et au Sahel Ouest, notamment au BEG et Kanem. En zone soudanienne, l’épuisement des stocks et le faible accès alimentaires couplé aux mouvements forcés dans les localités affectées par les récents conflits intercommunautaires vont encore détériorer de manière significative la situation nutritionnelle. De juin à septembre 2023, deux provinces (Borkou et Wadi-Fira) et une vingtaine de départements qui seront en phase Urgence (Phase 4 de l’IPC) à cause de faibles apports alimentaires et des mauvaises pratiques d’hygiène, pourraient éprouver une détérioration assez importante de la situation nutritionnelle. A partir d’octobre 2023, l'accès à la nourriture issue des récoltes et la réduction progressive de la prévalence des maladies hydriques amélioreront les résultats nutritionnels jusqu’en janvier 2024.
    • Assistance humanitaire : À cause des baisses des volumes et le retard de l’assistance humanitaire actuelles, la situation alimentaire des déplacés et ménages hôtes du Lac pourrait empirer à des niveaux critiques entre juillet et septembre 2023. Les réfugiés soudanais et retournés tchadiens ainsi que les ménages hôtes des zones d’accueil de l’Est du pays seraient également confrontés à des déficits de consommation. Les récoltes d’octobre favoriseraient une relative amélioration de la consommation. Les opérations de vente à prix subventionnés par l’Office National de Sécurité Alimentaire ne pourraient couvrir les besoins de consommation des ménages à cause des faibles volumes accessibles et des bas niveaux de revenus, limitant l’achat de ces denrées.

    Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire

    Entre juin et septembre 2023 : À l’Est du pays, la concurrence entre ménages hôtes et réfugiés/retournés sur les opportunités occasionnant les faibles revenus tirés conduirait à une pression sur les moyens d’existence des ménages hôtes. Les mauvaises conditions hygiéniques couplés aux faibles apports alimentaires affecteraient l’état nutritionnel des enfants et femmes enceintes et allaitantes qui se détériorerait davantage. L’insuffisance de l’assistance humanitaire conduira les populations concernées à développer des stratégies de survie. Ils seront en insécurité alimentaire aigüe Crise (Phase 3 de l’IPC). Les déplacés et ménages hôtes du Lac seront également en Crise (Phase 3 de l’IPC) à cause des épuisements de stocks et des faibles revenus limitant les volumes d’achats sur les marchés. Ils exerceraient une concurrence sur les ressources disponibles mais ne pourront satisfaire leurs besoins de consommation à cause des gaps occasionnés par la baisse des volumes des apports humanitaires. Les accès alimentaires seraient limités à la suite des tendances haussières de prix sur les marchés céréaliers et la détérioration des termes de l’échange bétail – céréales. Les baisses atypiques de niveaux revenus tirés de la plupart des sources (migration, transferts, petit commerce et artisanat, entre autres) ne permettraient aux ménages du Sahel Ouest (BEG, Kanem) accentueraient l’insécurité alimentaire des ménages qui auraient une consommation alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) malgré l’intensification des stratégies d’adaptation. Cependant, la plupart des ménages des zones agricoles du Sud auraient une consommation alimentaire réduite d’adéquation minimale ; ils seraient en Stress (Phase 2 de l’IPC).

    Entre octobre 2023 et janvier 2024 : Les faibles volumes de l’assistance humanitaire continuerait de contraindre les réfugiés à exercer la pression sur les ressources des ménages hôtes. Ils maintiendraient les stratégies d’adaptation et les concurrences sur les opportunités et moyens d’existences des populations locales. Malgré cela, les ménages du département d’Assongha ne pourraient satisfaire leurs besoins de consommation et resteraient en insécurité alimentaire aigüe Crise (Phase 3 de l’IPC). La disponibilité des récoltes augmenterait l’accès alimentaire des ménages dans le BEG et Kanem et améliorait leur consommation alimentaire. Ils auraient ainsi une consommation alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC). Dans le Lac, malgré la période des récoltes qui augmenterait la disponibilité des denrées alimentaires, l’insécurité et la réduction de l’assistance alimentaire impacterait la consommation alimentaire des ménages déplacés et hôtes. Ainsi, l’insécurité alimentaire aigüe Crise (Phase 3 de l’IPC) persisterait. Au Sahel, la reprise progressive des flux céréaliers internes complèterait les disponibilités locales et réduirait modérément les niveaux de prix. Malgré les tendances des prix qui resteraient toutefois supérieures à la moyenne quinquennale, les ménages auraient une consommation alimentaire légèrement améliorée et seraient en Stress (Phase 2 de l’IPC) grâce aux apports en lait et autres produits de cueillette. Les produits issus de nouvelles récoltes contribueraient à l’amélioration de la situation des ménages de la zone soudanienne qui seront en insécurité alimentaire Minimale (Phase 1 de l’IPC).

    Évènements qui pourraient changer les scenarios

    Tableau 1

    Tableau 1. Événements possibles au cours des huit mois à venir qui pourraient changer le scénario le plus probable

    Zone Evénements Impact sur les conditions de la sécurité alimentaire
    Nationale Persistance et intensification de la crise soudanaise Débordements sur le territoire tchadien se produiraient à cause de la porosité des frontières et l’extension des rivalités entre membres de tribus appartenant aux groupes d’acteurs en conflits au Soudan. Ceci occasionnerait de nouveaux foyers de tensions larvés pouvant perturber significativement les fonctionnements des marchés et les moyens d’existence dans les zones d’accueil. L’insécurité alimentaire des ménages serait exacerbée et atteindre des niveaux critiques d’Urgence (Phase 4 de l’IPC).
    Retard/Manque de ressources suffisantes pour financer l’assistance conduisant à une détérioration de la sécurité alimentaire à un niveau d’Urgence (Phase 4 de l’IPC).
    Recrudescence et intensification des conflits intercommunautaires Ces conflits créeraient l’insécurité occasionnant des perturbations (mouvements forcés de populations, incendies de biens, cases et champs et arrêt des travaux agricoles) sur le déroulement de la campagne agricole. Il en résultera des baisses de production qui affecteraient la sécurité alimentaire des ménages des zones affectées à des niveaux élevés de l’insécurité alimentaire aigüe de Crise (Phase 3 de l’IPC).
    Perturbations pluviométriques Des séquences sèches prolongées et/ou répétées perturberaient le cycle végétatif des cultures et affecteraient les niveaux de rendements. Ceci limiterait les disponibilités et affecterait la situation alimentaire des ménages de nombreuses localités, dont celles des zones agricoles et également du Sahel, vers la fin de la période de scénario. Cette dégradation de la situation sera davantage prononcée en zone sahélienne, structurellement déficitaires et largement tributaire des marchés.
    Troubles sociopolitiques Une éventuelle reprise des manifestations, prolongées ou violentes durant le scénario conduirait à des perturbations des fonctionnements des marchés dans les zones affectées (Sud du pays et N’Djaména). L’accès y sera réduit à cause des niveaux de prix en hausse atypique face à des revenus inférieurs à une année normale.
    La persistance de pénuries de carburant Les tendances haussières, comparées à la moyenne quinquennale actuellement observées atteindraient des niveaux atypiques, limitant l’accès alimentaires des ménages dans la plupart des zones. Ceci sera davantage prononcé dans les zones sahéliennes et notamment au Sahel Est.
    Insécurité civile Des accrochages entre les forces gouvernementales et les factions rebelles aux frontières libyennes réduiraient significativement les volumes de flux commerciaux.
    Zone agropastorale et pêche, Province du Lac (TD08) La recrudescence de l’insécurité Le déroulement de la campagne agricole pluviale serait perturbé et les de flux internes seraient ralentis. L’assistance humanitaire serait davantage restreinte à cause de l’insécurité limitant les volumes de l’aide alimentaire. La sécurité alimentaire des déplacés et ménages se dégraderait à des niveaux non prévus par le présent scénario. Ils pourraient basculer à une insécurité alimentaire aigüe d’Urgence (Phase 4 de l’IPC).
    Retard/suspension/arrêt de financement de l’assistance La consommation alimentaire des ménages déplacés et hôtes se détériorerait à Urgence (Phase 4 de l’IPC) durant la soudure et éventuellement en Phase 3 grâce aux apports de récolte à partir novembre 2023.

    Zone de préoccupation: Zone de moyen d’existence agropastorale et pêche (TD08) dans la Province du Lac (Figure 4)

    Situation actuelle

    Contexte sécuritaire : La situation sécuritaire est globalement calme en raison de la baisse des attaques armées. De janvier à mars 2023, seuls quatre incidents de sécurité directement attribués à la province de l'État Islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) ont été signalés dans la région du Lac, conformément aux tendances saisonnières observées par le passé. Cependant, d’enlèvements de personnes notamment des femmes sont parfois signalées ces derniers mois. La province du Lac abrite près de 255 054 personnes déplacées dont plus des deux tiers soit 204 260 personnes sont localisées dans les deux départements du Fouli et Kaya, principaux foyers de l’insécurité (selon OIM).

    Figure 4

    Zone de moyen d’existence agropastorale et pêche (TD08), Province du Lac
    Zone de moyen d’existence agropastorale et pêche (TD08), Province du Lac.

    Source: FEWS NET

    Situation agricole : En cette fin de campagne contre-saison, la situation agricole est dominée par les récoltes des cultures maraîchères (oignon, patate douce). Cependant, des pénuries de carburant affectant le déroulement de la campagne, notamment l’approvisionnement des motopompes destinées à l’irrigation, a provoqué une baisse de niveau de la production comparée à une année normale En prévision du démarrage de la nouvelle campagne pluviale, la main d'œuvre de certaines localités procédera à des travaux de nettoyage des parcelles suivis de labours isolés sur quelques polders et d'activités de reconstruction des réseaux d'irrigation défectueux.

    Main d’œuvre agricole et non agricole : La main d’œuvre agricole fonctionne au ralenti en cette période de transition entre deux campagnes ; contre saison et pluviale. Peu d’activités agricoles sont actuellement pratiquées. La plupart des ménages font recours à la main d’œuvre familiale pour le nettoyage des parcelles et ainsi que les récoltes maraîchères. La main d’œuvre non agricole est dominée par les activités de manœuvre autour des places de marchés et la maçonnerie. La présence des déplacés couplée à une mobilisation des populations hôtes, victimes des pertes de récoltes par inondations de l’année 2022, contribuent à créer une suroffre face à une demande en baisse comparée à une année normale. Le salaire journalier moyen varie de 750 à 1 000 FCFA, soit une baisse de 50 à 37,5 pour cent comparé à une année normale.

    Situation pastorale : Dans les zones insulaires, le retrait tardif des eaux a réduit le tapis herbacé dans les zones insulaires envahies par des troupeaux affluant dans ces zones pour profiter les repousses des herbes sur les parties humides. Sur la partie continentale, notamment dans partie septentrionale de la Province, la rareté du pâturage en cette fin de soudure pastorale contraint les pasteurs à faire recours à acheter une complémentation alimentaire, à base de foin et de tourteaux. Le contexte sécuritaire instable au nord de la province redouté par les pasteurs a entraîné une forte concentration d'animaux dans la partie sud du Lac, qui bénéficie de meilleures conditions de pâturage et d'eau d’abreuvement.

    Moyens d’existence : La vente de poisson, des produits de l’artisanat, du bois mort/charbon de bois et le travail journalier (main d’œuvre) constituent les principales sources de revenus des déplacés et ménages hôtes. Compte tenu de la relative amélioration de la pêche découlant du niveau appréciable des eaux du Lac, une suroffre de poissons est observée sur les marchés conduisant à des baisses ponctuelles de prix sur les marchés. Par conséquent, les niveaux de revenus qui en sont tirés par ménage sont inférieurs à une année normale avec des baisses de 25 voire 45 pour cent comparés à une année normale. Les revenus issus des autres sources comme la vente de fagots sont très réduits, inférieurs à une année normale, à cause de la compétition avec les déplacés, ce qui limite les volumes de collecte du fagot, par chaque ménage. La suroffre des produits artisanaux sur les marchés rapporte également des revenus très limités comparés à la même période d’une année normale.

    Marchés de produits alimentaires : Les flux internes de céréales déjà limités par le contexte sécuritaire ont été davantage limités par les pénuries répétées et la hausse du prix de carburant, qui ont augmenté les coûts de transport et réduit l'approvisionnement du marché en dessous de la moyenne. Sur les marchés de Bol, Ngouboua et Bagasola, des afflux massifs de commerçants en provenance de N’Djamena ont provoqué une hausse de la demande. Il est également observé une demande additionnelle des ménages et commerçants des provinces voisines du BEG et du Kanem. La dynamique des prix affiche une hausse remarquable sur les prix du maïs (15 pour cent) comparé à la moyenne quinquennale par rapport au mil étant donné qu'il s'agit de l'aliment de base, contrairement au mil qui est peu sollicité sur le marché de Bol. Le prix a légèrement baissé par rapport à l’année précédente mais en hausse par rapport à la moyenne quinquennale à la suite d’une augmentation de la demande. En effet, le changement de modalité de l’assistance basé exclusivement sur le cash a entrainé une pression supplémentaire sur les marchés céréaliers.

    Marchés à bétail : Une forte concentration de bétail est observée sur le marché de Bagasola à la suite de l’instabilité sécuritaire dans les localités insulaires et celles situées au nord de la Province dont Ngouboua. D’importants achats de petits ruminants sont rapportés sur les marchés de Bol et Bagasola à la faveur de l’action humanitaire. Les achats opérés par les acteurs humanitaires au bénéfice des déplacés internes et ménages hôtes visent à renforcer les moyens d’existence des ménages à travers la distribution des animaux reproducteurs, principalement de caprins. Cette augmentation de la demande se traduit par une hausse de prix sur les marchés concernés. Par contre, les achats de gros bétail restent timides à cause de la persistance de l’insécurité sur les axes traditionnels d’exportation à destination du Nigéria ; les flux transfrontaliers directs sont à l’arrêt.

    Termes de l’échange céréales-bétail à Bol : Les termes de l’échange laissent apparaître clairement un faible accès aux marchés de maïs par les ménages à partir de la vente des caprins (Figure 5). Par contre, il est observé une tendance positive ovin/mil qui n’est pas le principal produit de consommation dans la zone. La plupart des éleveurs préfère les caprins aux ovins en raison de sa rusticité et sa prolificité.

    Figure 5

    Termes de l’échange petits ruminants/céréales sur le marché de Bol
    Termes de l’échange petits ruminants/céréales sur le marché de Bol.

    Source: FEWS NET

    Situation nutritionnelle : A fin avril 2023, les données nutritionnelles de la province affichent une baisse comparée à la même période de 2022, de 67 pour cent des admissions avec une moyenne de 1990 cas contre 2989 cas durant les quatre mois premiers mois de l’année. Cette baisse est due à la faible fréquentation des centres nutritionnels observée depuis la baisse de la distribution de suppléments nutritionnels. Malgré cette baisse des admissions, il est relevé une détérioration de l’état nutritionnel à cause des difficultés d’accès alimentaire lié à la tendance haussière des prix sur les marchés et la baisse de l’assistance humanitaire intervenue à la fin du premier trimestre.

    Assistance humanitaire : Durant le premier trimestre de l’année 2023, le PAM et ses partenaires ont apporté une assistance humanitaire en vivres à une population de 230 641 personnes dont 154 283 personnes lors du premier round et ensuite, 76 358 personnes durant le premier trimestre 2023. Le cash mensuel par bénéficiaire était de 7000 FCFA. En avril 2023, aucune assistance n’a été fournie aux déplacés à cause du manque de ressources nécessaires. En mai, une assistance en cash était fournie aux déplacés avant d’être complétée par les vivres distribués dans le cadre de l’assistance humanitaire. Cependant, compte tenu des niveaux de prix actuellement élevés sur les marchés et des pressions sur les ressources alimentaires, notamment à cause de la baisse de l’assistance, les ménages ne peuvent couvrir les besoins de consommation à partir du cash distribué.

    Suppositions

    Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire de juin 2023 à janvier 2024 se base sur des suppositions fondamentales suivantes, par rapport à l’évolution du contexte national :

    • Insécurité civile et mouvements : Profitant de la montée des eaux et des autres herbes leur servant de camouflage, les éléments de groupes armés pourraient mener des incursions occasionnant une recrudescence de l’insécurité. Des attaques contre les populations, les positions militaires et des enlèvements pourraient être observées, ainsi que des nouvelles vagues d’afflux de déplacés internes.
    • Production agricole : Des inondations dues au débordements des eaux du Lac en fin de saison pourraient entraîner des baisses de production agricole.
    • Flux commerciaux de produits alimentaires et prix : Le contexte sécuritaire pourrait perturber des flux durant la saison pluvieuse. Les pénuries récurrentes de carburant limiteraient les volumes des flux qui reprendraient progressivement, à partir de novembre. Cependant, les volumes de ces flux se maintiendraient inférieurs à la moyenne à cause des contraintes sécuritaires. Une forte dépendance des marchés pour l’alimentation des ménages, principalement en période de soudure, favoriserait des tendances à la hausse des prix sur les marchés céréaliers par rapport à la moyenne quinquennale (Figure 6).

    Figure 6

    Projections des prix du maïs sur le marché de Bol
    Projections des prix du maïs sur le marché de Bol.

    Source: FEWS NET

    • Marchés à bétail et flux : Les flux transfrontaliers (Nigeria, Niger) de bétail resteraient à l’arrêt à cause de la persistance des impacts de l’insécurité (de la fermeture des frontières). Les achats humanitaires augmenteraient le prix à des niveaux supérieurs à la moyenne quinquennale jusqu’à la fin du scénario.
    • Source de revenus : La plupart des revenus issus de différentes sources (pêche, main d’œuvre, vente de bois de chauffe, artisanat et petit commerce) seraient en baisse comparé à une année normale. Ces baisses feraient suite aux compétitions entre pêcheurs couplée aux restrictions sécuritaires, à la suroffre de main d’œuvre et des faibles volumes de collecte de bois mort. Les revenus tirés de petit commerce comme la vente de produits de première nécessité (savon, sucre et ingrédients alimentaires, entre autres) seraient très marginaux pour les ménages pauvres.  Les niveaux actuels d'assistance humanitaire sous forme de transferts monétaires ne suffiront pas à compenser les écarts de revenus en raison des difficultés de financement.
    • Sources de nourriture : Durant la soudure, les achats sur les marchés constitueraient la principale source de nourriture. Cependant, les volumes resteraient en deçà de la normale à cause des bas niveaux de revenus face aux tendances haussières de prix atypiques sur les marchés. L’apparition des prémices suivie des récoltes à partir de fin septembre - début octobre 2023 contribuerait à réduire les niveaux de dépendance aux marchés, entre octobre 2023 et janvier 2024. Les volumes de capture de la pêche resteraient très faibles, en deçà de la normale, durant l’hivernage à cause des hausses du niveau des eaux du Lac. Ceci sera accentué par les contraintes sécuritaires qui continueraient de limiter la pêche en eaux profondes. Entre juillet et septembre 2023, les ménages déplacés et hôtes feraient davantage recours aux aliments sauvages durant l’hivernage mais les volumes resteraient faibles à cause de la pression sur les ressources. Les paiements en nature appuieraient la consommation des ménages déplacés et hôtes à partir des récoltes mais en faible quantité à cause d’effectifs élevés de travailleurs saisonniers durant le la campagne pluviale.
    • Situation nutritionnelle : L’épuisement des stocks couple à un accès limité aux marchés durant la soudure entraînera une détérioration de la situation nutritionnelle., A la suite de la dégradation des conditions hygiéniques dont la consommation des eaux de surface, manipulation des aliments avec des mains souillées entre autres, d’un accès alimentaire limité durant l’hivernage une détérioration accentuée de l’état nutritionnel serait observé. La prévalence des maladies liées à l’eau suivrait une tendance saisonnière.  En conséquence, des taux de morbidité élevés seraient rapportés. Enfin, la recrudescence de l’insécurité à travers des attaques par les groupes armés non étatiques occasionnant des mouvements forcés de population limiterait l’accès aux soins et à la prise en charge des cas de malnutrition.
    • Assistance humanitaire : L’assistance saisonnière débutera en juin pour quatre mois et couvrira l’hivernage, jusqu’en septembre 2023. FEWS NET ne dispose pas d’informations détaillées pour la période post-récolte.

    Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire

    De juin à septembre 2023 : Compte tenu des tendances haussières atypiques de prix du maïs, aliment de base, couplées à l’érosion de la plupart des sources de revenus, l’accès des déplacés et ménages hôtes aux marchés céréaliers seraient limités. La consommation alimentaire des ménages se détériorera davantage à cause de la réduction des volumes de l’assistance par suite des difficultés de financement de l’action humanitaire. La plupart des ménages développeraient des stratégies de crise (réduction de dépenses de santé et d’éducation) afin d’allouer une plus grande partie de ses revenus à l'alimentation, mais même après avoir fait cela, leurs niveaux de revenus resteraient en deçà de la normale. D’afflux de nouvelles vagues de déplacés accentuerait la malnutrition aiguë globale à cause de mauvaises pratiques d’hygiène, d’apports alimentaires insuffisants, comme le manque de moyens de subsistance et de ressources ainsi que la pression exercée sur les communautés d'accueil. Les ménages auraient un déficit de consommation alimentaire et seront en Crise (Phase 3 de l’IPC).

    D’octobre 2023 à janvier 2024 : Bien que cette période facilite l'accès à la nourriture grâce à la disponibilité des récoltes, aux produits de paiement en nature et à de légères baisses des prix du marché, les ménages ne verront pas d'amélioration significative de leur consommation alimentaire. Une légère amélioration des revenus serait observée entre octobre 2023 et janvier 2024, mais le montant resterait globalement en dessous de la moyenne. Malgré ces conditions plus légèrement favorables, la persistance de l’insécurité et la perturbation de l’assistance alimentaire ne permettent pas de satisfaire leurs besoins de consommation alimentaire de base et ils seraient en Crise (Phase 3 de l’IPC).

    Citation recommandée : FEWS NET. Tchad, Perspectives sur la sécurité alimentaire juin 2023 à janvier 2024 : L’afflux des réfugiés soudanais dégrade la situation alimentaire à l’Est du pays, 2023

    Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.

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