L’insécurité alimentaire aiguë s’améliore dans le nord Guera à partir de juillet 2012

• La saison des pluies a commencé tôt et les pluies sont au dessus de la normale. Ce qui a amélioré de manière substantiel la disponibilité en eau et en pâturage dans les zones agropastorales et les cultures céréalières pluviales.

• La sécurité alimentaire est en graduelle amélioration dans le Sahel tchadien suite aux actions diverses des acteurs humanitaires et du gouvernement et à la pluviométrie avancée qui a amélioré la disponibilité laitière et en légumes sauvages. Ces actions se poursuivent jusqu’à septembre et visent à faciliter l’accès aux vivres aux ménages ayant de difficultés à répondre à leur besoins alimentaires d’une part et appuyer les bénéficiaires dans la relance des activités agricoles par la distribution des intrants d’autre part.  En fin juin, le nombre de ménages assistés s’élève à environ 260,000 (1,560,000 personnes).

• A cet effet, le nombre de personnes ayant besoin d’assistance identifié lors de la mission de ciblage du Ministère de l’Agriculture et de l’Irrigation en Avril 2012 (1,180,679, dont 561,000 dans la bande sahélienne) serait en baisse. 

• Les conditions de sécurité alimentaire des ménages pauvres et très pauvres qui étaient en crise jusqu’en juin dans le nord Guera se sont améliorées et resteront en Stress (IPC Phase 2) tout le mois de juillet et jusqu’à septembre. Le nombre de repas par jour est entre deux à trois grâce aux diverses actions des humanitaires et l’access aux légumes sauvages et la disponibilité laitière.

• Les prix des céréales sont stables dans la bande sahélienne pour le deuxième mois consécutif, mais avec un niveau élevé (20 à 50 pourcent) comparé à celui de juillet 2010. Le prix moyen de céréales y est de 360FCFA/kg, toute fois, il reste supérieur comparé au prix moyen de la moyenne quinquennale (318FCFA/Kg) à cause de la faible récolte de 2011/2012. La stabilité observée pourrait continuer jusqu’en septembre avec une baisse significative entre octobre et décembre.

L’insécurité alimentaire aigüe s’améliore dans le Sahel du Tchad grâce aux diverses assistances et aux pluies avancées. En dépit du déficit céréalier de prés de 22 pourcent par rapport à la moyenne quinquennale, les marchés continuent d’être approvisionnés normalement à partir de la zone de surplus du sud dont le niveau de stock commercial actuel est moyen et meilleur par rapport à 2009/10 malgré la perturbation des importations du Nigeria et de la Libye.

Les ménages pauvres et très pauvres dans le nord Guera (zone agropastorale), qui avaient épuisé leur stock depuis avril et qui n’avaient que pour seule source de nourriture l’achat sur le marché, arrivent à diversifier leurs sources de nourriture à partir de juillet grâce aux pluies avancées qui ont amélioré la disponibilité laitière et en légumes sauvages et aux multiples réponses. Le nombre de ces ménages est estimé à 18.000 (108.000 personnes) qui sont actuellement en Phase de Stress de l’IPC 2.0.

Conditions actuelles des marchés et des flux

Dans la zone sahélienne, les marchés continuent d’être approvisionnés grâce aux flux céréaliers en provenance des marchés environnants et ceux en dehors de la zone. Les céréales de l’ONASA et le sorgho en provenance des camps de refugiés sont aussi observés sur certains marchés de la zone sahélienne. L’offre en céréales est moyenne dans les marchés de gros comme Moundou, Sarh, Doba, Laï, Kélo et Bongor.

Les prix des bovins et ovins ont augmenté à cause de l’augmentation de la demande due aux préparatifs de la période de Ramadan et de la présence des commerçants exportateurs du bétail. Des grossistes en provenance de N’Djamena entrain d’acheter de bovins sont observés à Mongo.  

Actuellement, de flux de longues distances comme Amtiman-Abeché et de moyennes distances Mongo-Abéché, continuent d’être observés comme en année typique. Des flux entre la zone soudanienne et sahélienne qui s’observent normalement en période de soudure sont rarement signalés depuis le début du mois de juillet à cause de la mise sur les marchés des céréales à prix modéré par l’ONASA. Les flux céréaliers observés dans la zone soudanienne sont relativement de courtes distances, ce qui est normal en cette période.

Les flux des céréales entre le Nigeria et le Tchad sont interrompus depuis la fermeture unilatérale de la frontière par le Nigeria en décembre 2011. Malgré cette interruption, des importations de faibles quantités continuent d’être observées. Cependant, le commerce de bétail n’est pas concerné par ces mesures unilatérales du Gouvernement fédéral du Nigeria et se poursuit même s’il n’a pas atteint son niveau normal avant la fermeture.

La vente des céréales à prix modéré a eu des effets immédiats sur les marchés. A Bol, le prix du maïs qui était à 300 FCFA le kilo en fin juin est à 260 FCFA en mi-juillet. A Abéché, le sorgho qui se vendait à 270 FCFA le kg en fin juin, est à 230 FCFA le kg en mi-juillet. En général, les niveaux actuels des prix des céréales tournent autour de 320-340 XAF/kg, 30 pourcent supérieur à leurs niveaux de 2011 (160-300 XAF/Kg) et 26 pourcent supérieur à la moyenne quinquennale.

La situation pastorale

La pluviométrie en 2012 a commencé deux à trois semaines plutôt qu’en une année normale et est excédentaire (Figure 2), ce qui a amélioré la disponibilité fourragère et en eau dans presque tout le Tchad. La mission FEWS NET qui a visité le Guera (du 27 au 29 juin 2012) en traversant le Chari Baguirmi a observé les marres qui retiennent l’eau pour l’abreuvement des animaux sont presque remplies et l’accès à l’eau pour l’usage domestique s’est normalisé. La disponibilité en herbes fraîches est presque normale, ce qui a accéléré la remontée de presque 90 pourcent des pastoralistes dans leur localité de départ plus tôt qu’en année normale. La distance entre les points d’eau pour l’abreuvement des animaux et les premiers points de pâturage se sont normalisés à cause de la disponibilité en pâturage autour des villages.

Les animaux sont sortis de la soudure trois à quatre semaines plutôt qu’en année typique et les conditions physiques du bétail sont normales et meilleures qu’en 2009/10. La productivité laitière des animaux qui n’ont pas migré vers la zone soudanienne est en dessous de la normale. La mission n’a pas observé de mort de bétail.

L’assistance et les résultats actuels de la sécurité alimentaire

Depuis le mois de mars, les acteurs gouvernementaux (l’Office Nationale de la Sécurité Alimentaire) et humanitaires ont mis en place des actions (vente des céréales à prix modéré, DGV, Blanket Feeding, FFW, CFW) en réponse à la crise. Ces actions se poursuivent jusqu’à septembre et visent à faciliter l’accès aux vivres aux ménages ayant de difficultés à répondre à leur besoins alimentaires d’une part et appuyer les bénéficiaires dans la relance des activités agricoles par la distribution des intrants (semences et outils agricoles) d’autre part.  Le nombre de ménages assistés s’élève à 260.000.

Situation alimentaire

La situation alimentaire des ménages pauvres et très pauvres dans le nord Guera s’est améliorée par rapport au premier semestre de l’année grâce aux multiples assistances et à la pluviométrie avancée qui a amélioré la disponibilité en lait et en légumes sauvages. Ces ménages (18.000, ou 108,000 personnes) qui étaient en Crise dans le Nord Guera sont actuellement en Stress. Pour ce fait, toute la bande sahélienne est en Stress et le nombre de personnes en Stress est estimé à 561.000.

La situation alimentaire des ménages d’une partie de la zone soudanienne (Logone Occidental, Logone Oriental, le Mandoul et le Moyen Chari) qui dépendent des céréales et de culture de rente s’est améliorée de Stress à Minimal (IPC Phase 1) à cause des récoltes précoces d’arachide, patate douce, manioc, maïs et légumes sauvages.

La situation nutritionnelle des enfants et des mères des ménages pauvres et très pauvres s’améliore comparée au premier trimestre de l’année grâce aux interventions des acteurs humanitaires et du programme jumelé PAM/UNICEF. Le nombre d’enfants enregistrés aux centres nutritionnels à Mao diminue progressivement depuis le mois d’avril.

A travers une analyse des conditions actuelles, des évidences historiques, et des programmes des acteurs, FEWS NET justifie les suppositions suivantes comme fond du scénario le plus probable de juillet à décembre 2012:

• La poursuite des assistances planifiées par les acteurs humanitaires dans la grande partie de la zone sahélienne et une partie de la zone soudanienne jusqu’à septembre facilitera l’accès aux vivres par les ménages dans le besoin. Par conséquent, ces derniers traverseront la soudure avec moins d’emprunt.
• Les pluies avancées vont obliger les transhumants à faire le retour trois semaines plutôt (mi-juin) qu’en année normale. Cela réduira les conflits agriculteurs-éleveurs par endroits.
• Compte tenu de ce qui a été observé du début de l’année jusqu'à nos jours et ensuite les prévisions, la majorité des modèles indiquent qu’on doit s’attendre à un El Nino faible à modéré. A cet effet, une pluviométrie assez bonne pour le Tchad est attendue le reste de la saison.
• La campagne agricole s’annonce bonne avec une installation précoce et l’évolution des pluies excédentaires par rapport à l’année passée en fin juin enregistrées par les postes pluviométriques de l’ONDR. A cet effet, les récoltes seraient bonnes dans la grande partie de la zone agricole et des réserves importantes seront enregistrées dans les ménages à partir de début octobre.
• La disponibilité laitière s’améliore grâce à la disponibilité normale en fourrage et en eau.
• Les prémices seront sur le marché à partir de fin juillet à cause de l’arrivée précoce des pluies sur toute l’étendue du territoire nationale.
• L’approvisionnement du marché sera normal entre juillet et septembre et au dessus de la normale entre octobre et décembre.
• La vente de céréales à prix modéré de l’ONASA et les prémices feront que les prix des céréales resteront stables en juillet-août pour baisser à partir de septembre.
• L’avènement du Ramadan et de la fête d’Eid El-fitr feront augmenter le prix du bétail entre juillet et septembre pour atteindre le pic en octobre (Fête de Tabaski).

La sécurité alimentaire s’est améliorée considérablement dans tout le Tchad à partir de juillet à cause de l’installation précoce de la saison pluvieuse et des efforts conjugués du Gouvernement et des acteurs humanitaires. Une partie de la zone soudanienne (Logone Occidental, Logone Oriental, Moyen Chari et le Mandoul) qui était en stress depuis janvier 2012 est maintenant en Phase 1 s’associant au reste de la zone. Cette amélioration est causée par les récoltes des cultures à cycle court comme le maïs, la patate douce, le manioc, et la disponibilité en légumes sauvages. Dans la zone sahélienne, les ménages pauvres et très pauvres dans la zone de Nord Guera qui étaient en crise jusqu'à juin sont actuellement en stress grâce aux assistances et à la disponibilité laitière et en légumes sauvages dues aux pluies avancées. La reprise de la demande en main d’œuvre agricole sera importante à partir de juillet jusqu’à fin octobre, période de récoltes.

Invasion Acridienne

La menace d’une invasion acridienne est possible au Tchad. Les zones les plus exposées sont : Fada, Arada, Batha nord, Adré et une partie de Wadi-Fira (Biltine, Guéréda et Amzoer). Ces zones sont favorables à la ponte et au développement des criquets. Une invasion acridienne pourrait réduire la production agricole de 2012/2013 car la grande partie de la zone agricole dans la bande sahélienne sera touchée. Au niveau régional, selon la FAO, la maturation du criquet pèlerins est en cours dans le Nord du Niger et du Mali, où sont présents des petits groupes. Des zélés immatures et matures, en nombre croissant, sont apparus dans la zone de pâturage du centre du Niger.

Puisque l’intervention serait difficile au Nord Mali à cause de l’insécurité, les criquets se développeront sans traitement, avec le risque de migration vers les autres pays du Sahel dont le Tchad. A partir de fin août, si l’invasion est effective, les dégâts seront significatifs sur les cultures et le pâturage.

Les essaims sont signalés du coté du Soudan. A cet effet, une équipe de techniciens de l’Agence de Lutte Anti Acridienne basée à Abéché à l’Est du Tchad est en mission de prospection à la frontière tchado-soudanaise.

La Zone Centrale agropastorale (le Nord Guera)

La saison des pluies s’est installée progressivement dans la zone et les cumuls pluviométriques enregistrés jusqu’à fin juin sont supérieurs à l’année dernière à la même période (Mongo, 178 mm contre 73,2 en 2011 et Magalmé, 114 mm contre 70 en 2011). Les semis sont avancés et le premier sarclage des cultures à cycle court a commencé dans tout le Nord Guera.

Les pluies avancées ont amélioré quantitativement la disponibilité en eau dans les mares naturelles et en pâturage. Par conséquent, l’embonpoint des animaux s’améliore considérablement. Aucune épizootie n’est signalée dans la zone.

Les marchés sont approvisionnés normalement et les prix sont stables par rapport au mois de juin. Toute fois comparé au moyen quinquennal, le prix du mil pénicillaire a connu une hausse de 43 pourcent à Mongo. Les prix sont stables en juillet et connaîtront une légère hausse à cause de la période de Ramadan pour chuter à partir de septembre avec les récoltes des cultures à cycle court.

Les prix des animaux ont augmenté comparés au mois de juin. Cette hausse va continuer avec la période de Ramadan (fin juillet-début août). Les termes d’échanges bétail-céréales vont s’améliorer à partir de fin juillet à cause de la stabilité des prix des céréales et de la hausse des prix des animaux en période de Ramadan. A l’instar des termes d’échanges (bétail/céréales), les termes d’échanges (main d’œuvre/céréales) s’amélioront à partir de juillet à cause de la reprise de la demande en main d’œuvre. A Mongo, le revenu d’un jour de travail en avril 2012 rapportait 7 kg de céréales contre 8 kg en juillet. A Sarh un jour de travail en avril rapportait 5 kg contre 7.5 kg en juillet. Les termes de l’echange de l’éleveur c’est aussi amélioré en juillet. En avril 2012, un mouton moyen rapportait 104 kg de céréales contre 107 kg en juillet. A cet effet, les capacités d’achat des ménages agro-pasteurs se sont renforcées, améliorant ainsi les conditions de sécurité alimentaire de ces ménages à partir de juillet pour continuer jusqu'à septembre. L’amélioration sera importante à partir d’octobre avec les récoltes et la forte demande en bétail liée à l’avènement de la Fête de tabaski.   

Actuellement, la demande en main d’œuvre agricole a repris avec les travaux de semis et de sarclage. Cette demande sera importante à partir de septembre avec les activités de récoltes. A cet effet, les capacités d’achat des ménages très pauvres et pauvres qui n’ont pas de bétail seront renfoncées en plus de revenu issu de l’artisanat (10 pourcent), de la vente du bois (20 pourcent), et le peu d’argent transféré (5 pourcent) par certains membres de ces ménages en migration dans les grands centres urbains.

La vente du bétail et du lait constitue une source de revenu non négligeable (15 pourcent) pour les ménages pauvres qui possèdent de bétail. Avec l’avènement de Ramadan et le retour des commerçants exportateurs du bétail qui s’observe déjà dans la zone, la demande de bétail va augmenter et les termes d’échanges vont s’améliorer jusqu’à septembre.

Les actions des humanitaires, le programme jumelé PAM/UNICEF et les récoltes vont faire diminuer considérablement le nombre des enfants malnutris entre fin août et décembre.

Avec l’épuisement de stock ménager depuis trois mois, l’achat sur le marché est la principale source de nourriture des ménages pauvres et très pauvres en plus de l’assistance. Les réserves limitées (3-4 semaines) issues des diverses assistances sont observées dans certains ménages (Mission FEWS NET, Guera, juin 2012) qui étaient en crise jusqu’en juin. En plus de ces assistances, la disponibilité en lait et en légumes sauvages grâce aux pluies avancées contribue fortement à l’amélioration de la sécurité alimentaire des ménages pauvres et très pauvres dans la zone. Actuellement, ces ménages arrivent à satisfaire leurs besoins alimentaires minimum et l’insécurité alimentaire va rester en Phase de Stress jusqu’à septembre pour passer ensuite à la phase 1 (IPC 2.0) à partir d’octobre après les récoltes. Le reste de la zone agro pastorale restera en stress jusqu'à septembre pour passer à la phase 1 à partir d’octobre jusqu'à décembre.

Quant à la zone soudanienne, elle restera en phase 1 jusqu’à Décembre grâce aux prémices et aux grandes récoltes en septembre qui renforceront par conséquent les stocks des ménages. Cependant, presque toute la bande sahélienne restera en stress jusqu’à septembre avec les assistances des acteurs humanitaires et la disponibilité en légumes sauvages et en lait. Ensuite, elle passera à la phase 1 à partir d’octobre avec les récoltes. Donc, à partir d’octobre, tout le Tchad sera en Phase 1 si les prévisions pluviométriques tiennent.

Tableau 1. Les événements moins probables qui pourraient changer le scénario dessus