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Le gouvernement a estimé un déficit d’autosuffisance céréalière significative, et il y a cette année des entraves aux flux transfrontaliers. En dépit de cela, l’approvisionnement des marchés même des zones de consommation nette du Sahel est généralement bon.
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Les prix des céréales sont élèvés de 20-43 pour cent en générale par rapport à la moyenne quinquennale. Au vue de la hausse du prix de la main d’œuvre, les niveaux élevés des prix n’affectent pas l’accès aux aliments en janvier/février.
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Les ménages très pauvres et pauvres seront en Phase 2 : Stress de l’IPC à partir d’avril jusqu'en juin, et en Phase 3 : Crise de l’IPC de juillet à septembre (Figures 1-3). Une assistance techniquement appropriée et bien ciblée sera nécessaire pour pouvoir sauver des vies entre juillet et septembre.
Le problème de l’autosuffisance céréalière et la demande
La production céréalière issue de la campagne agro-pastorale 2011-2012 est estimée à 1.620.000 tonnes, accusant une baisse de prés de 15 pourcent par rapport à la moyenne. Le déficit brut d’autosuffisance céréalier est estimé à 625.000 tonnes par rapport aux besoins de consommation. Malgré le déficit céréalier, les marchés fonctionnent normalement pour transférer les céréales des zones excédentaires vers celles déficitaires.
Le déficit brut d’autosuffisance céréalier national n’incorpore pas les stocks de rapport, qui sont typiquement estimés à environ 60.000 tonnes (en considérant l’année 2008/09 comme moyenne). En 2011/12 les stocks de rapport étaient significativement plus importants que d’habitude du fait de la production record de 2010/11.
Le déficit brut d’autosuffisance céréalier n’incorpore pas non plus les importations qui sont dans une année typique de l’ordre de 45.000 tonnes commerciales (sans importations informelles importantes) et 10.000 tonnes en aide alimentaire (sans celles du PAM de 120.800 tonnes).
Le déficit d’autosuffisance céréalier est plus accentué que d’habitude dans la bande sahélienne nord. Les céréales les plus concernées par ces baisses sont le mil et le sorgho de décrue et les zones les plus touchées par le déficit céréalier sont le Ouaddaï, Wadi Fira, Guera, Batha, Kanem et Bahr El Gazal. Les stocks ménagers sont faibles dans la zone agropastorale centrale et la zone de céréales pluviales et maraîchage de l’est et ne pouvant couvrir en moyenne que 3-4 mois de consommation depuis la récolte comparés à 7-8 mois dans une année typique. La consommation issue de la production de 2011/2012 des ménages pauvres de la zone Est céréales pluviales et maraichage ne pourra suffire que 1-3 mois comparée à 1-5 mois, et pour la zone Centrale Agro-pastorale 1-2 mois comparée à 1-2 mois pendant une année typique, selon les profils de ces zones.
L’offre des céréales
Le niveau de stock commercial actuel est au moins typique, même meilleur par rapport à la campagne 2009/10, année de mauvaise production agricole dans le Sahel. Les stocks des céréales actuels sont normaux sur les marchés du sud en général; les stocks des oléagineux sont supérieurs à la moyenne, surtout à Pont Carol du à la fermeture de la frontière du Nigeria.
Dans la zone de surplus soudanienne du sud du pays, l’offre en céréales sèches est moyenne. Elle provient des producteurs et des commerçants qui auraient réalisé des stocks en début de la campagne commerciale 2011/2012.
Dans la zone sahélienne, les céréales sèches proviennent pour le moment du Guéra et du Salamat (pour le mil et le sorgho) et de la région du Lac pour le maïs. En outre, les disponibilités attendues des cultures de décrue (berbéré) ne seront pas assez bons pour améliorer sensiblement l’offre sur les marchés comparée aux années de production moyenne.
En fin 2011, les stocks de l’Office national de sécurité alimentaire (ONASA) étaient autour de 45.000 tonnes, un niveau supérieur à la moyenne. En début janvier 2012, les autorités avaient pris la décision de vendre la moitié de stock de l’ONASA à prix modéré dans toutes les régions du pays. Après cette vente, prés de 24.918 tonnes restent en fin janvier 2012. Ce niveau est similaire au niveau pic typique des stocks ONASA.
En 2012, la vente à prix modéré d’une partie du stock de l’ONASA dans toutes les régions sans respect d’un timing approprié et sans un ciblage plus fin des ménages pauvres est une mesure jugée prématurée. Elle peut occasionner une réduction des capacités d’intervention pendant la période de soudure. On note par ailleurs que la quantité distribuée est faible et pourrait avoir un impact minime sur les prix.
Les flux
Les flux céréaliers internes du sud vers le nord sont presque normaux avec des quantités importantes sur les marchés ; les sources d’approvisionnement sont les mêmes par rapport à une année anormale. Pour le mil qui est transféré de Moundou et Koumra vers N’Djamena, et le sorgho du Mayo Kebbi vers N’Djamena, on a observé une intensification de ces flux Sud-Nord à cause de la demande en céréales sèches de la zone sahélienne plus importante que d’habitude. Une forte pression de la demande est exercée sur les marchés du Salamat, de Mandoul, du Guera, Mayo Kebbi, et du Lac. Une présence précoce et inhabituelle sur les marchés de Salamat d’acheteurs venus de Wadi Fira, du Ouaddaï, du Batha, du Guéra et de Barh El Gazel a été signalée.
Les flux transfrontaliers ne sont pas à leurs niveaux habituels. Due à la mesure prise unilatéralement par le gouvernement Nigérian de fermer ses frontières avec le Tchad en fin décembre 2011, les flux vers le Nigéria sont en baisse pour le bétail (ruminants et ânes), les oléagineux et légumineuses (arachide, sésame, niébé) et les tourteaux à cause de la fermeture de la frontière qui est plus contraignant pour le Tchad que pour le Niger. Les échanges avec la Libye (exportation de camelins et importations de riz, de farine et de pates alimentaires) sont en cours, mais inférieurs aux niveaux d’avant la guerre, ce qui est lié aux problèmes sécuritaires dans ce pays. Des exportations du mil penicillaire en direction du Soudan sont d’une magnitude supérieure à la moyenne, en particulier à partir de la zone d’Adé, Goz-Beida et Hadjer Hadid.
Les prix
Pour 2011/12 il n’y a pas jusque là de signe de control des prix du gouvernement.[1] Les prix des céréales ont enregistré une hausse au moment habituel de la récolte (septembre/octobre-décembre). du fait du coût élevé de la production (plusieurs ressemis, augmentation du prix de la main d’œuvre), du retard des récoltes par un à deux mois et due à une faiblesse de l’offre des producteurs. En général, les prix des mil sont actuellement supérieurs de 20 à 43 pourcent par rapport à la moyenne. Les prix sont moins élevés à Abéché (8 pour cent par rapport à la moyenne) et plus à Moundou (70 pour cent). Ce niveau actuel de prix correspond à celui du pic (aout) en période de soudure. Malgré ces niveaux élevés, les ménages pauvres pourraient accéder à la nourriture en janvier.
Selon la tendance saisonnière des prix, la hausse pourrait être modérée voire même se stabiliser en février et mars et ensuite reprendre à partir d’avril jusqu’en aout 2012. Cette stabilité qui sera fort probable est due aux récoltes du mais et du berbère attendues en février et mars. La hausse qui sera entamée à partir d’avril risquerai de changer les conditions de marché en déclenchant une période de soudure plutôt que prévue. Cette augmentation du prix des céréales dans les zones excédentaires à partir du mois d’avril sera traduite par des niveaux de prix plus élevés dans les zones déficitaires du Sahel, notamment à Abéché, Moussoro et Mongo et par conséquent, par de déficit dans l’accès alimentaire des ménages pauvres des zones déficitaires notamment ceux de la zone Est céréalière et maraichages.
Contexte pastorale
Selon les enquêtes pastorales menées en novembre/décembre la disponibilité en pâturage et eau pour le bétail, quoique inférieure à la moyenne, est meilleure que 2009/10. Les transhumants sont partis vers les zones du Sud et la région du Lac depuis les mois de novembre et de décembre 2011 au lieu de janvier/février en année typique. Ce départ précoce observé dans la région du sud (Mandoul) a fait baisser les prix surtout des petits ruminants sur certains marchés du sud (eg. Peni). L’offre des petits ruminants devient plus importante sur les marchés du Sud avec les difficultés alimentaires que connaissent les éleveurs suite à l’augmentation du prix des céréales. Avec l’abattage forcé des porcins (dû à la peste porcine africaine en 2011), le recours à la vente des petits ruminants pour les dépenses annuelles tels que la scolarisation est plus importante que d’habitude.
L’offre de bétail est globalement bonne sur tous les marchés surtout pour les gros ruminants dont la présence sur les marchés est quasi équivalente à celle de l’année passée. La demande est par contre très faible et provient pour le moment de la capitale. Les flux vers le Nigéria (pour les bovins) et vers la Libye (pour les camelins) sont très ralentis à cause de la fermeture de la frontière Nigérienne et de la non-normalisation de la situation sécuritaire en Libye.
Concernant les termes d’échanges entre mouton et mil, l’offre de petits ruminants devient de plus en plus importante sur les marchés du Sud avec les difficultés alimentaires que connaissent les éleveurs suite au déficit fourrager et à l’augmentation du prix des céréales. Les termes d’échange mouton et mil en janvier 2012 (168 kg/mouton moyen) sont favorables aux éleveurs et agropasteurs vendeurs de mouton et relativement similaires aux niveaux de janvier 2010 et 2011. Ces ménages n’auront pas beaucoup de difficultés à renforcer leur possibilité d’accès à la nourriture pendant le premier trimestre de 2012. Il est plus probable que les termes d’échange vont se détériorer entre la période de mars à juin qui coïncide avec l’épuisement des réserves alimentaires chez les ménages pauvres, une hausse plus soutenue du prix des céréales, l’altération des performances laitière et bouchère des animaux et une baisse graduelle des opportunités d’emploi. Les prix du mil pourront s’exacerber avec l’amorce de la soudure à partir de juin/juillet.
Les zones de préoccupation
La production agricole et pastorale localement inférieure à la moyenne dans la zone est céréalière et maraîchage, au sud de la zone de transhumance et au nord de la zone agropastorale, entraine une augmentation de la dépendance déjà forte des marchés mais à des prix élevés. Entre avril-août/septembre, les opportunités de génération des revenus seront limitées selon la saison. Pour ces raisons, les besoins d’assistance d’urgence sont concentrés en cette période et entre les ménages surtout très pauvres de ces zones du Sahel. Une mission du terrain sera entreprise en mars pour approfondir l’analyse de ces zones.
[1] En 2010/11 le gouvernement du Tchad imposait des prix plafonds des céréales et certains autres produits. Les commerçants ont réagit en mettant pause aux flux des zones de surplus vers les zones de consommation nette.
Dans la zone Est céréalières et maraîchage, les ménages agriculteurs pauvres et très pauvres sont les plus touchés et le marché constitue la principale source des aliments consommés.
En année normale, les principales sources d’alimentation des ménages pauvres sont leurs propres récoltes constituées principalement de mil et sorgho puis de maïs, qui couvrent en moyenne de 15 à 40 pour cent des besoins alimentaires et le complément alimentaire est assuré à travers des achats sur le marché.
La production céréalière pluviale de la campagne 2011/12 était environ 25-70 pour cent inférieure à la moyenne quinquennale dans la zone Est céréales pluviales et maraîchage. A Mangalmé une production céréalière localement de 20 à 30 pour cent de la moyenne a été constatée. Les perspectives de récolte des cultures maraichères et les tubercules qui ne sont pas meilleures. Le maïs de contre saison froide du Lac est attendu entre fin mars et début avril. Il pourra temporairement renforcer localement l’offre dans la zone. La forte dépendance des pauvres à l'égard du marché (forte demande) et des paiements en nature pour leurs aliments de base les rend particulièrement vulnérables aux hausses de prix alimentaires.
Pendant la période des récoltes et post-récolte (septembre-décembre 2011), les prix du mil dans la zone céréalière ont amorcé une hausse d’environ 13 pour cent. Sur le marché d’Abéché, les prix en janvier sont presque 20 pour cent au dessus de la moyenne des cinq dernières années.
Certains ménages se sont rendus dans le Salamat à partir du mois de Décembre pour vendre leur main d’œuvre pendant la récolte de berbéré. Les prix de la main d’œuvre a augmenté de 2.000 à 2.500 XAF/jour d’octobre 2011 à janvier 2012 (comparé à 1.500 en 2010). Suite à la main d’œuvre plus importante et qui est arrivée plus tôt que d’habitude des autres départements (Biltine, Mangalmé, etc.) par rapport aux années antérieures, le nombre de jours de travail et le prix de la main d’œuvre risquent de baisser dans les mois à venir. On assistera à une détérioration des termes d’échanges prix main d’œuvre et prix céréales. A cause de la degradation progressive des sources de nourritures et de revenues dans les mois à venir,. Contrairement à la zone soudanienne ou toutes les strategie qui sont actuellement mises en œuvre sont typiques pour la période.
Suite aux problèmes d’accès alimentaires qui vont se poser pour les menages pauvres, on pourrait s’attendre à une augmentation des taux de la malnutrition aiguë globale (MAG) dans la zone au cours des mois à venir. Pour atténuer l’impact de l’actuelle hausse des prix et ses conséquences ultérieures prévisibles avec la période de soudure, les stratégies de réponses ci-après sont planifiées et financées et sont probables:
- Une assistance alimentaire régulière aux 240.000 réfugiés soudanais et près de 180.000 déplacés internes à L’est du Tchad par le PAM à travers une ration de plus 1770 Kcal/ personne/ jour. La Russie a aussi livré 1400 tonnes de blé aux refugiés pendant la première semaine de février dans le cadre de ce volet ;
- Une assistance des rations ponctuelles de protection de semences élargies aux populations hôtes dans les zones mentionnées dessus ;
- La mobilisation de 24.000 tonnes environ du stock stratégique de Sécurité alimentaire par le Gouvernement et ses partenaires pour la vente subventionnée au profit des personnes vulnérables entre juin-août;
- Le renforcement de capacité de production aux producteurs vulnérables en mai/juin à travers la dotation en semences maraîchères, outils agricoles et produits phytosanitaires par la FAO (ampleur typique supposé) ;
- Des actions ponctuelles (dotation en semences pluviales) aux producteurs vulnérables dans le cadre du Programme National de Sécurité Alimentaire (PNSA).
La zone a bénéficié de l’opération de vente des céréales à prix modérée mise en œuvre par le gouvernement en janvier.
Cette mise à jour des perspectives sur la sécurité alimentaire présente une analyse des conditions actuelles d'insécurité alimentaire aiguë et de toute évolution de la dernière projection de FEWS NET concernant les résultats de l'insécurité alimentaire aiguë dans la géographie spécifiée au cours des six prochains mois. Pour en savoir plus sur le travail, cliquez ici.