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Les crises sécuritaires dans la sous-région et leurs effets constituent les menaces les plus sérieuses sur la sécurité alimentaire et les moyens d’existence des ménages du Niger. On assiste à une augmentation du nombre d’incidents sécuritaires qui continuent de provoquer des mouvements de populations dans les régions de Diffa, Tillabéry, Tahoua et Mardi. Les ménages les plus pauvres et de déplacés auront des difficultés à subvenir à leurs besoins alimentaires sans assistance et connaitront des situations de Stress et de Crise (Phases 2 ! Et 3 de l’IPC) alimentaires.
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Les cumuls des pluies moyens à supérieurs enregistrés entre juillet et septembre ont permis de rattraper le retard observé dans l’installation de la saison agricole. Toutefois, des déficits céréaliers et fourragers sont attendus à Maradi, Zinder, Tillabéry et Diffa en raison des attaques phytosanitaires, des retards dans la saison et des conflits. Les moyens d’existences vont être perturbés à la suite de baisses précoces de l’embonpoint des animaux, épuisement précoce des stocks, et des situations de Stress (Phase 2 de l’IPC) apparaitront à partir de mars 2019 dans les zones pastorales.
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Dans les agricoles et agropastorales, en plus des produits des récoltes des cultures pluviales, les cultures irriguées de décembre 2019 à mars 2020 vont bénéficier des bonnes disponibilités en eaux favorisées par les fortes précipitations enregistrées en août-septembre 2019. Ces produits des cultures irriguées vont renforcer la disponibilité alimentaire des ménages et diversifier leur consommation alimentaire tout en améliorant leurs revenus.
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Les marchés sont bien approvisionnés et les prix évoluent en deçà des prix de l’année passée et de la moyenne, à l’exception des marchés situés en zones de conflit dans les régions de Diffa, Tillabéry et Tahoua. Cette situation globalement favorable sera toutefois perturbée par la fermeture de la frontière avec le Nigéria dont les marchés constituent des sources importantes pour l’approvisionnement des marchés en céréales et de destination des produits de rente des producteurs nigériens.
Situation actuelle
La régularité des pluies enregistrées en juillet, août et septembre 2019 a permis aux cultures de boucler leur cycle végétatif dans de bonnes conditions hydriques dans la plupart des régions du pays. Malgré le retard de l’installation de la saison cette année, le cumul pluviométrique saisonnier est au moins moyen dans près de l’ensemble du pays grâce à la reprise des bonnes pluies à partir de juillet. Il y a cependant des poches localisées où le cumul pluviométrique enregistré depuis juillet ne suffit pas à compenser les déficits pluviométriques enregistrés au début de la saison, surtout à Tillabéry, Filingué et Ouallam (Tillabéry), à Tahoua et Bouza (Tahoua), Dogon Doutchi (Dosso) et à Tanout (Zinder).
Les récoltes pluviales en cours pour toutes les cultures céréalières et pour les cultures de rente présagent des résultats globalement comparables à la moyenne, sauf dans certains départements des régions de Tillabéri et de Tahoua. Dans les régions de Maradi et Zinder, les rendements et les productions agricoles seraient fortement impactés par les attaques de la chenille mineuse de l’épi du mil.
Sur le plan pastoral, à la suite d’une installation tardive de la campagne, la production fourragère a souffert d’une courte période ne dépassant pas deux mois de précipitations. Ces précipitations devenues faibles depuis début septembre n’ont pas permis le développement normal des herbacées dans certaines parties de la bande pastorale. Les productions fourragères sont qualifiées de moyennes à bonnes dans plusieurs zones agricoles, agropastorales, enclaves pastorales et les massifs forestiers. Toutefois, des productions faibles voire médiocres pourront être enregistrées dans la bande comprise entre les départements de Tassara (Tahoua), Tanout et Tesker (Zinder), N’Gourty et Nguigmi (Diffa) et Ayorou, Abala, Bankilaré, Téra, Ouallam et Banibangou (Tillabéry).
L’insécurité persistante aux frontières avec le Burkina, le Mali et le Nigeria provoque des enlèvements et des vols d’animaux dans les régions de Diffa, sud Maradi, Tillabéry et Tahoua.
L’abreuvement des animaux se fait principalement au niveau des points d'eau de surface qui ont un niveau suffisant de remplissage. L’embonpoint des animaux est actuellement moyen dans toutes les régions du pays à la faveur de la satisfaction des besoins en fourrages, en eau et une situation sanitaire calme.
Les marchés sont suffisamment approvisionnés en céréales dont une partie provient des stocks de report de la campagne agricole 2018 qui a hérité de deux à trois années de récoltes céréalières moyennes.
La demande pour les céréales de base (mil, sorgho) des ménages devient de plus en plus faible par rapport aux mois passés à la faveur des récoltes qui permettent l’autoconsommation. Les céréales et les produits de rente issus des nouvelles récoltes font leur apparition sur les marchés avec des prix au producteur en baisse par rapport à la moyenne et à la même période de 2018. Les baisses sont plus significatives à Diffa Commune, Birni N Gaouré, Doutchi, Gaya et Loga (Dosso), Dakoro, Tchadoua et Tessaoua (Maradi), Galmi et Bouza (Tahoua), Ballayara (Tillabéri), Koundoumawa, Magaria, Matamèye et Mirriah (Zinder).
Les prix des animaux en septembre 2019 notamment ceux des bovins sont stables sur presque tous les marchés exceptés ceux de Diffa, Dosso, Gabi (Maradi), Birni N Konni (Tahoua) et Balleyara, Gothèye, Téra (Tillabéri) qui sont en baisse à la suite de la réduction des exportations de bétail vers le Nigéria avec la fermeture de la frontière. Les prix des petits ruminants sont en baisse par rapport au mois passé, du fait de la réduction de la demande après la fête de Tabaski mais sont globalement stables a supérieurs par rapport à l’année passée.
La situation des moyens d’existence des ménages se caractérise par l’accès normal aux revenus gagnés avec la vente de main d’œuvre pour les travaux agricoles de récoltes, la vente de produits de rente (niébé) récemment récoltés, de petits ruminants, de paille et de bois. Les revenus gagnés grâce à ces activités sont normaux à supérieurs suite à une demande locale moyenne à forte et une hausse des termes de l’échange par rapport à 2018.
Les revenus des transferts de travailleurs migrants, de la vente des produits de rente et d’animaux sont réduits à cause des effets des crises sociopolitiques en Libye et au Nigéria.
Les crises sécuritaires dans la sous-région constituent les menaces les plus sérieuses sur la sécurité alimentaire et les moyens d’existence des ménages du Niger. On assiste cette année à une augmentation du nombre d’incidents sécuritaires qui continuent de provoquer des mouvements de populations. Au 8 octobre 2019, selon le Haut comité aux réfugiés (HCR), la Direction régionale de l’état civil (DREC), cluster Protection et le Département de la sûreté et de la sécurité des Nations Unies (UNDSS), le nombre de personnes déplacées au Niger est de 432 000 personnes dont 55 000 personnes déplacées internes (PDI) et 34 000 personnes réfugiées dans la région de Tillabéri, 23 000 PDI et 19 000 personnes réfugiées dans la région de Tahoua, 109 000 PDI, 120 000 personnes réfugiées et 30 000 personnes retournées dans la région de Diffa, et 42 000 personnes réfugiées venant de Sokoto, Zamfara et Katsina (Nigéria) et installés dans la région de Maradi. L’arrivée de ces personnes déplacées dans la région de Maradi a augmenté de manière significative la densité démographique dans les zones d’accueil où ils sont dans des familles hôtes. Cette hospitalité est offerte en dépit de la précarité des capacités d’accueil, accentuant le niveau de vulnérabilité alimentaire et sanitaire des populations locales. Les résultats d’une évaluation rapide de la situation alimentaire et nutritionnelle conduite par le Dispositif National de Prévention et de Gestion des Catastrophes et des Crises Alimentaires (DNPGCA) conjointement avec les partenaires humanitaires au cours du mois d’août 2019, montrent que la pression des populations déplacées sur les ressources a accéléré l’épuisement des réserves alimentaires des ménages hôtes et que la fréquence d’approvisionnement des marchés est rendue compliquée par l’insécurité croissante. Les évaluations multisectorielles (MSA) menées par le Mécanisme de Réponse Rapide (RRM) dans 40 villages ont relevé combien l'arrivée des réfugiés a affecté la consommation alimentaire des populations locales et la situation nutritionnelle des enfants. En effet, le score de consommation alimentaire est inquiétant car 43 à 88 % des ménages enquêtés ont un score pauvre et la diversité alimentaire est mauvaise avec un nombre de repas insuffisant, surtout chez les adultes. Aussi la proportion des enfants de 6 à 59 mois dépistés avec une malnutrition aiguë modérée et une malnutrition aiguë sévère varie respectivement de de 5 à 17 % et de 3 à 8,6 %.
Résultats actuels de la sécurité alimentaire : La disponibilité alimentaire est bonne à la faveur des nouvelles récoltes qui s’ajoutent aux stocks de report et aux prix favorables sur les marches. Cela permet l’installation d’une insécurité alimentaire Minimale (Phase 1 de l’IPC) dans la majorité des zones de moyens d’existence. Toutefois, l’insécurité civile, liée aux conflits sociaux, provoque une détérioration des conditions alimentaires et des moyens d’existence dans les zones affectées de la région de Tillabéry où des ménages sont en insécurité alimentaire en Crise (Phase 3 de l’IPC) à cause de leurs faibles capacités d’adaptation et de leur accès limité aux actions humanitaires. Dans la région de Diffa, les stratégies de moyens d’existence sont aussi faibles mais les ménages arrivent couvrir leurs besoins alimentaires à leur accès aides alimentaires leur permettant de rester en situation de Stress (Phase 2! de l’IPC).
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire d’octobre 2019 à mai 2020 se base sur des suppositions fondamentales par rapport à l’évolution du contexte national, qui sont :
- Au niveau national, les résultats de la campagne hivernale seraient moyens pour les céréales et les cultures de rente du fait de la reprise des conditions favorables des pluies à partir de juillet et la continuation des pluies jusqu’en fin septembre 2019. Des déficits de production céréalières sont toutefois attendus dans les départements agricoles et agropastoraux de Téra, Tillabéri, Ouallam, Ayorou, Magaria, Kantché, Aigué, Guidan Roumdji, Tessaoua et Tahoua ;
- La récolte du riz irrigué de la campagne hivernale aurait lieu en décembre/janvier avec des productions estimées moyennes à inferieures à cause des inondations ayant détruit de grandes superficies de riz. Toutefois, cette récolte augmenterait les revenus en nature et en cash des ménages riverains du fleuve Niger notamment ceux des régions de Tillabéri, Niamey et Dosso ;
- La production horticole serait moyenne pour la campagne de cultures irriguées 2019/2020 surtout avec les appuis traditionnels importants attendus de l’Etat et de ses partenaires. Cette production de légumes et de fruits représenterait un équivalent céréalier significatif qui permettrait une augmentation du niveau et de la durée des stocks des producteurs ;
- Les opportunités d’emplois locaux et de revenus se créeraient et se maintiendraient au même niveau que la normale entre octobre et décembre 2019 pour les travaux de récolte des céréales et entre janvier et mai 2020. Les travaux de repiquage et d’entretien des cultures de riz irrigué en saison sèche sur les aménagements rizicoles et des cultures horticoles offriraient des opportunités de revenus aux ménages pauvres. Ces revenus seraient renforcés entre janvier et mai 2020, comme d’habitude par les cash for work du programme social planifié par le gouvernement et les ventes de bois et paille ;
- Il y aurait des déficits fourragers localisés dont les plus importants seraient enregistrés dans la bande comprise entre les départements de Tassara et Abalak (région de Tahoua), Ngourty et Nguigmi (Diffa), Tanout, Tesker et Belbedji (région de Zinder), Bankilaré, Ayorou, Téra, Ouallam, Abala et Banibangou (région de Tillabéry) ;
- La transhumance des animaux serait normale en décembre/janvier sauf dans les régions de Diffa et Tillabéry où la situation sécuritaire perturberait le mouvement des animaux vers les pays d’accueil des éleveurs transhumants. Les impacts négatifs de l’insécurité et du déficit fourrager se traduiraient par une perte de l’embonpoint des animaux et une baisse de leurs prix à partir de mars 2020 jusqu’en mai ;
- Entre octobre et janvier, les commerçants, les organisations de producteurs et les structures étatiques profiteraient des nouvelles récoltes pour reconstituer à un niveau optimal leurs stocks de réserve et maintenir les disponibilités alimentaires à un niveau suffisant pour les demandes de consommation ;
- Les marchés seraient régulièrement et suffisamment approvisionnés en produits alimentaires. L’offre serait assurée par les récoltes de la campagne principale entre octobre et décembre 2019 et principalement par les commerçants qui disposeraient de stocks locaux et importés du Nigéria, du Burkina Faso et du Bénin entre janvier et mai 2020. Dans le sud-est du pays et le nord-ouest du pays, les flux seraient perturbés à cause des effets des conflits et de l’insécurité et la fermeture de la frontière avec le Nigeria ;
- La demande de céréales serait normale pendant toute la période d’octobre à décembre 2019 du fait de la disponibilité des récoltes issue d’une production estimée globalement moyenne. Entre janvier et mai 2020, la demande évoluerait selon une hausse typique avec les achats institutionnels, des commerçants et des coopératives mais aussi à la suite du recours aux marchés par les ménages déficitaires ;
- La migration et les revenus des transferts seraient normaux vers les centres urbains du Niger et vers les pays traditionnels d’accueil où les conditions économiques et politiques resteraient favorables pour les activités de petit commerce et de petits emplois urbains. L’exception est pour les ménages qui comptent sur le nord Nigéria et la Libye où la situation sécuritaire génère des conditions moins attrayantes ;
- Les conflits et l’insécurité sur les frontières avec le Nigeria, le Burkina Faso et le Mali continueraient et provoqueraient de nouveaux déplacements de personnes dont le nombre augmenterait et dépasserait celui des années passées. Le plan d’assistance humanitaire contribuerait à répondre aux besoins des personnes déplacées, sauf dans les zones à accès limité à cause de l’insécurité et des mesures sécuritaires.
- La situation nutritionnelle évoluerait de manière similaire à la moyenne saisonnière avec des dégradations cycliques liées aux maladies comme le paludisme, la méningite et le cholera en novembre-décembre et en janvier-mai. Des dégradations seraient aussi observées en zones pastorales entre mars et mai à la suite d’une situation alimentaire difficile.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
La disponibilité céréalière au niveau des ménages restera moyenne grâce aux nouvelles productions céréalières auxquelles s’ajoutent les productions de riz et des cultures horticoles. Les ménages agricoles et agropastoraux vont avoir une consommation alimentaire acceptable dans leur majorité sans changement des moyens d’existence. Ils ne seront pas en situation d’insécurité alimentaire (Phase 1 IPC) en octobre 2019, et ceci jusqu’en mai 2020.
Les marchés seront suffisamment approvisionnés avec les produits locaux et importés et l’accès pour les ménages éleveurs, agricoles et agropastoraux déficitaires sera favorisé par des prix stables à la consommation améliorant le pouvoir d’achat de produits de consommation. Toutefois, le déficit fourrager et la baisse du poids des animaux entre mars et mai 2020 vont conduire à des termes de l’échange en défaveur des éleveurs pauvres dont la baisse du pouvoir d’achat ne va pas permettre de réaliser des dépenses non alimentaires. Cette période de mars-mai sera caractérisée par des déficits de protection des moyens d’existence et donc une insécurité alimentaire en Stress (Phase 2 IPC) pour les ménages éleveurs pauvres.
Les conflits et l’insécurité vont continuer de provoquer l’insécurité alimentaire en Crise (Phase 3 IPC) chez les populations des zones affectées, mais cette situation va se maintenir en Stress (Phase 2! IPC) chez les populations situées dans les zones accessibles pour la distribution de l’aide humanitaire, notamment celles de Diffa.
Événements possibles au cours des huit mois à venir qui pourraient changer le scénario le plus probable.
Zone | Evénements | Impact sur les conditions de la sécurité alimentaire |
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National | Augmentation des foyers de conflits et de l’insécurité aux frontières | La réduction significative des flux des produits de consommation, de rente et d’animaux, et la diminution de la migration et des transferts augmenteraient le nombre de personnes en Crise (Phase 3 de l’IPC) alimentaire. |

Figure 1
Figure 1
Source: USGS/FEWS NET

Figure 2
Figure 2
Source: ACF
Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.