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Les ménages pauvres de Tillabéry et Tahoua se retrouvent dans une situation de Crise (Phase 3 de l’IPC) en raison de l’épuisement de leurs stocks ayant entrainé une pression accrue de la demande, surtout pour le mois de Ramadan qui est une période de forte demande de consommation. Ces ménages pauvres ont une consommation alimentaire déficitaire en raison de leur faible pouvoir d’achat et de leur faible accès aux assistances alimentaires qui sont irrégulières et couvrent moins de 20 pour cent des ménages à cause des limitations d’accès imposées par l’insécurité. Malgré le conflit également à Diffa et Maradi Sud, les ménages pauvres font face à une insécurité alimentaire en Stress ! (Phase 2 !), grâce à l’accès régulier et sécurisé aux assistances alimentaires distribuées, couvrant 2 100 kcal par jour des besoins énergétiques.
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Les prix actuels des aliments de base telles que le mil, le maïs et le sorgho sont élevés et au-dessus de la moyenne quinquennale en raison de la difficulté de l’approvisionnement due au ralentissement des flux transfrontaliers. La hausse des besoins de consommation alimentaire et la baisse rapide de l'offre des petits producteurs locaux sont dues au calendrier simultané du jeûne du Ramadan cette année. Les hausses saisonnières anormales des prix de 15 à 30 pour cent sont enregistrées sur les marchés localisés dans les zones affectées par les conflits, réduisant l’offre des produits de base. Des hausses saisonnières anormales des prix de 15 à 30 pour cent sont enregistrées sur les marchés situés dans les zones touchées par le conflit, réduisant l'approvisionnement en produits de base.
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Les animaux maintiennent un bon état d’embonpoint et leur valeur marchande du bétail est supérieure à la moyenne quinquennale en raison du Ramadan et de sa demande accrue qui coïncide avec le début de la période de soudure lorsque les stocks sont faibles. En effet, des hausses moyennes de 15, 14 et 11 pour cent sont respectivement enregistrées pour le bélier, le bouc et le taureau par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Les termes de l’échange sont, quant eux estimés à 123 Kg de mil contre 114 kg en 2022 et 119 kg en moyenne à la même période. Bien que de nombreux éleveurs se livrent à la transhumance du bétail, l'augmentation actuelle des prix des aliments pour le bétail due à la faible disponibilité des pâturages naturels rend difficile pour ceux qui ne le font pas de subvenir aux besoins de leur bétail, ce qui peut affecter la production animale.
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Les régions de Tillabéry, Diffa et dans le Nord Tahoua et Sud Maradi continuent de subir des incidents sécuritaires entrainant des victimes civiles et militaires dont le nombre a toutefois diminué par rapport aux premiers mois de l’année 2023 et par rapport aux années précédentes selon ACLED (The Armed Conflict Location & Event Data Project). En général, la situation sécuritaire reste instable dans l’ensemble et dépendante du contexte sécuritaire dans les autres pays voisins tels que le Mali, Burkina Faso et le Nigeria.
Les disponibilités alimentaires : Malgré une production céréalière supérieure à celle de l'année passée et à la moyenne quinquennale, les ménages souffrent d'une pénurie de stocks alimentaires. Ceci est dû aux effets rétroactifs de la mauvaise production de l'année précédente, qui n'a pas permis de disposer de stocks de report, réduisant ainsi la durée des stocks céréaliers de 2022, et a contraint les ménages déficitaires à contracter des crédits.
Cependant, la campagne de contre-saison en cours pour les légumes (laitue, tomate, pomme de terre, patate douce, chou) et les céréales (riz et maïs) bénéficie de bonnes conditions hydriques. Les cultures sont actuellement au stade de la maturité et de la récolte dans la majorité des sites. Malheureusement, les productions sont inférieures à la moyenne en raison d'une diminution des superficies emblavées causée par l'insécurité qui entrave l'accès à certains sites maraîchers. La baisse de son utilisation et le coût élevé des intrants agricoles, en particulier de l'engrais, a également contribué à la diminution des superficies emblavées et des rendements inférieurs à la moyenne quinquennale.
Les marchés et prix : En avril 2023, l'approvisionnement en produits vivriers locaux, tels que le mil, le sorgho et le maïs, est globalement assuré par les offres locales grâce aux bonnes récoltes enregistrées par les grands producteurs en 2022 et aux flux transfrontaliers. Cependant, le niveau d’approvisionnement est inférieur à la normale en raison des restrictions actuelles de sorties des produits alimentaires dans certains pays limitrophes tels que le Burkina et le Mali. Les disponibilités dans les ménages pauvres sont aussi à des niveaux en dessous de la moyenne car les stocks des ménages pauvres issus des récoltes 2022 sont épuisés, non seulement en raison de la consommation mais aussi des prélèvements effectués sur les récoltes pour rembourser les dettes contractées pour faire face aux difficultés alimentaires de l'année de consommation 2021-2022. En conséquence, les ménages pauvres se tournent vers les marchés pour leur consommation alimentaire, augmentant ainsi la demande, surtout compte tenu de la consommation supplémentaire des ménages due au Ramadan. Cette augmentation significative de la demande entraîne une hausse atypique des prix des aliments de base, qui est plus importante que celle de l’année passée et qui est plus élevée de 10 à 15 pour cent par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Cette situation entraîne une diminution du pouvoir d'achat des ménages pauvres.
Par contre, sur les marchés de bétail, les prix des animaux ainsi que les termes de l'échange par rapport aux produits de consommation sont meilleurs que ceux de la moyenne des cinq dernières années en raison du bon état d'embonpoint des animaux et de la forte demande liée au Ramadan et à la perspective de la Tabaski en juin 2023.
Les sources de revenus des ménages : Les ménages pauvres ont principalement accès à des sources de revenus saisonnières, tels que les emplois temporaires dans les exploitations agricoles de contre saison, l'auto-emploi (vendre du foin, du bois de chauffage ou du charbon) et la vente de volaille, très demandée pendant le mois de Ramadan. Cependant, l'insécurité affecte directement les zones touchées par la réduction des superficies cultivées pendant la saison de contre-saison, entraînant une diminution de la demande et du prix de la main-d'œuvre agricole. En outre, l'insécurité limite l'accès aux zones de collecte de paille et de bois, ce qui entraîne une offre réduite et des revenus tirés des ventes inférieurs à la moyenne. Avec la hausse anormale des prix des produits de base et des revenus inférieurs à la moyenne, les ménages pauvres subissent une forte diminution de leur pouvoir d'achat.
La situation pastorale : Les conditions d'alimentation et d'abreuvement des animaux ont été maintenues à un niveau satisfaisant grâce aux mouvements des troupeaux vers les zones mieux approvisionnées en pâturages et à l'utilisation de compléments alimentaires pour le bétail. Ces conditions favorables ont permis aux animaux de maintenir un bon état d'embonpoint, ce qui a entraîné une demande soutenue pour les animaux d'embouche pour la Tabaski et des prix supérieurs à la moyenne quinquennale. Tous les marchés à bétail sont fonctionnels et affichent des prix au-dessus de la moyenne quinquennale, à l'exception des marchés situés dans les zones de conflit, les prix sont en baisse suite une forte offre des éleveurs craignant les vols et des pillages perpétrés par les groupes armés dans ces zones.
La situation sécuritaire : La persistance et l'ampleur de la crise sécuritaire se manifestent par une hausse constante du nombre de cas d'incidents sécuritaires et de victimes civiles et militaires, ainsi que du nombre de personnes déplacées internes. Selon ACLED, le nombre de cas d’incidents sécuritaires a atteint 94 en janvier, février et mars 2023, contre 87 en 2022 et 84 en 2021 à la même période, soit une augmentation moyenne de 10 pour cent par rapport aux deux années précédentes. Toutefois, les attaques terroristes de 2023 ont fait moins de victimes que celles de 2022 et 2021, avec 119 personnes tuées au cours des trois premiers mois de l'année en cours, contre 215 et 470 pour les deux années précédentes, respectivement. Les actes terroristes continuent de provoquer des déplacements de populations dont le nombre continue de croitre vu le déplacement interne de 20 000 personnes dans le premier trimestre de 2023 dans les régions de Tillabéry et Tahoua. Selon OCHA, avec ces nouveaux déplacés internes, le nombre total de personnes déplacées internes atteint plus 372 000 personnes en mars 2023 contre 275 000 personnes en mars 2022, soit une augmentation de 35 pour cent.
Les foyers de tension sécuritaire dans la région de Tillabéry et du Nord Tahoua sont les plus touchés, avec le nombre le plus élevé d'attaques terroristes et de personnes déplacées internes. Ces zones sont également confrontées à l'infiltration de groupes armés et à l'afflux de réfugiés en raison de la détérioration de la situation sécuritaire au nord du Mali et au Burkina Faso.
Suppositions mises à jour
Les hypothèses du rapport sur les perspectives de la sécurité alimentaire d’avril à septembre 2023 se maintiennent, à l'exception de celles mises à jour ci-dessous :
- Il est prévu que les attaques menées de l’EI Sahel et le JNIM dans les régions de Tillabéry et de Tahoua se poursuivent jusqu’en septembre 2023, avec une augmentation du nombre d’incidents de sécurité signalés, mais avec globalement moins de décès par rapport aux années précédentes. Cette situation est en partie due au fait que l’EI Sahel est susceptible de se concentrer sur les opérations au Mali voisin tout en utilisant les zones frontalières au Niger comme base arrière d’opérations. En outre, l’activité militante devrait suivre les tendances saisonnières passées, avec une augmentation des attaques jusqu’au pic de la saison des pluies 2023, suivie d’une diminution relative en raison des contraintes croissantes dans les mouvements associées aux inondations.
- La poursuite des attaques sporadiques des groupes armés dans les régions de Tillabéry et de Tahoua devrait entraîner de nouveaux déplacements de population. En revanche, les attaques au Mali, au Burkina Faso et au Nigéria voisins vont entraîner des flux continus de réfugiés au Niger.
- La nouvelle augmentation attendue des opérations militaires nigériennes et internationales devrait continuer à empêcher les groupes armés de concentrer des forces importantes dans des zones localisées et limiter ainsi leur capacité à mener des attaques à grande échelle contre des militaires et des civils. Cependant, malgré les pertes récentes de certains leaders, les groupes armés devraient maintenir les capacités de mener des attaques sporadiques et d’intimider les populations civiles.
- Un accord de paix conclu en janvier 2023 entre les membres des communautés Zarma et peule de Banibangou (région de Tillabéry) entraînera probablement une baisse des niveaux de violence intercommunautaire dans le département de Ouallam en 2023.
- La violence dans la région de Diffa devrait se poursuivre aux niveaux actuels jusqu’en septembre 2023, avec des attaques de Jamaatu Ahli is-Sunnah lid-Dawati wal-Jihad (JAS) et de l’ISWAP sur une base sporadique dans les départements de Diffa et de Bosso. Cependant, les niveaux de violence devraient rester nettement inférieurs à ceux observés en 2019-2020.
- Les incidents de sécurité impliquant des bandits devraient continuer à être un problème dans la région de Maradi et pourraient probablement entraîner une augmentation des déplacements de population dans la région. Bien que leur fréquence ait été saisonnière, une augmentation a été observée après la saison des pluies de 2022. Par conséquent,il est prévu que les incidents diminuent à nouveau jusqu'en août 2023, mais à des niveaux plus élevés que les années précédentes. Cette tendance est préoccupante car elle peut entraîner une augmentation des déplacements de population dans la région de Maradi. Une autre préoccupation est l'augmentation des attaques de la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique (ISWAP) dans les États voisins de Sokoto et de Kaduna, au Nigeria. Cette situation détériorant au cours des prochains mois pourrait entraîner une augmentation des déplacements de population dans la région de Maradi, car les gens cherchent refuge contre ces attaques.
Perspectives jusqu’à septembre 2023
La demande sur les marchés va continuer d'augmenter à mesure que les stocks s'épuisent, que les institutions humanitaires achètent des produits alimentaires et que les ménages recourent massivement aux marchés. Les prix pourraient augmenter de manière saisonnière et dépasser la moyenne quinquennale. Malheureusement, la majorité des ménages pauvres ne pourra pas se procurer suffisamment de nourriture pour satisfaire ses besoins énergétiques journaliers. En revanche, des aides alimentaires seront suffisantes pour combler les lacunes alimentaires dans toutes les zones de moyens d’existence et permettre aux ménages pauvres de rester en insécurité alimentaire aiguë de Stress (Phase 2 de l’IPC) jusqu’en septembre 2023.
À partir du mois d’août jusqu’en septembre 2023, la situation pastorale devrait s'améliorer, car le pâturage se régénérera et les cours d'eau se rempliront pendant la saison des pluies. Les conditions d'alimentation et d'abreuvement seront plus favorables pour améliorer l'embonpoint des animaux, les termes de l'échange bétail/céréale et la production et la vente de lait. Les ménages éleveurs pourront gagner des revenus moyens qui leur permettront de subvenir à leurs besoins alimentaires et non alimentaires. Par conséquent, ils feront face à une insécurité alimentaire aiguë Minimale (Phase 1 de l'IPC).
Malheureusement, la situation dans les régions de Tillabéry et Tahoua est préoccupante en raison de la multitude des acteurs terroristes, de la diversité des modes opératoires et de l'étendue des zones d'influence des groupes armés. L’utilisation accrue des engins explosifs et la pose d’autres incidents sécuritaires limitent les opérations militaires de sécurisation des zones et réduisent aussi l'accès des acteurs humanitaires aux populations dans le besoin pour les distributions des assistances alimentaires. Cette situation aggravera l'insécurité civile et réduira la consommation alimentaire des ménages pauvres, car ils auront épuisé leurs stocks céréaliers. En conséquence, les ménages pauvres de ces deux régions feront face à une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC).
En revanche, dans les régions de Diffa et de Maradi, il n’y a pas d’entrave pour la conduite des opérations militaires de sécurisation des zones et des distributions d'assistance alimentaire. Par conséquent, au moins 50 pour cent des ménages pauvres reçoivent régulièrement des rations alimentaires couvrant plus de 25 pour cent de leurs besoins caloriques pour continuer à face à une insécurité alimentaire de Stress ! (Phase 2 ! de l’IPC).
FEWS NET. Niger Mise à jour des Perspectives sur la Sécurité Alimentaire, février à septembre 2023 : La détérioration du pouvoir d'achat a réduit la consommation alimentaire des ménages pauvres, 2023.
Cette mise à jour des perspectives sur la sécurité alimentaire présente une analyse des conditions actuelles d'insécurité alimentaire aiguë et de toute évolution de la dernière projection de FEWS NET concernant les résultats de l'insécurité alimentaire aiguë dans la géographie spécifiée au cours des six prochains mois. Pour en savoir plus sur le travail, cliquez ici.