Télécharger le rapport
-
En plus de la crise sécuritaire avec ses impacts directs de déplacement de personnes et perte de moyens d’existence, le Niger fait face à la pandémie du COVID-19 dont l’attaque est observée au niveau de 648 personnes, 20 décès et 177 guéris à la date du 19 avril 2020.
-
À Niamey, le couvre-feu et les restrictions de circulation ont un impact négatif sur les ménages urbains pauvres qui dépendent du travail informel comme principale source de revenus pour acheter de la nourriture. Une aide gouvernementale est prévue pour 700 000 bénéficiaires à Niamey et la fourniture de cette assistance devrait améliorer la sécurité alimentaire. Cependant, information sur l'ampleur ou la durée de cette assistance n’est pas encore disponible, qui serait nécessaire pour l'intégrer dans l'analyse. En l'absence de cette assistance, les ménages très pauvres sont susceptibles d'être en crise (phase 3 de l'IPC) jusqu'en septembre.
-
Les mesures prises par le gouvernement pour contenir l’évolution de COVID-19 engendrent des perturbations significatives dans le fonctionnement normal des marchés, qui se manifestent par une offre réduite de produits céréaliers et du bétail.
-
Suite aux effets combinés de la forte réduction des opportunités économiques, de la baisse du pouvoir d’achat et des niveaux de prix des produits de consommation au-dessus de la moyenne, les populations dans le besoin d’assistance alimentaire sont en hausse. Des proportions variant de 15 à 20% des populations urbaines dépendantes des emplois occasionnels/journaliers, des activités d’auto-emplois et les populations éleveurs pauvres en plus des populations rurales vulnérables en situation de Stress (Phase 2 de l’IPC) qui basculent en situation de Crise (Phase 3 de l’IPC) viennent s’ajouter à celles déjà soumises à une insécurité alimentaire en Crise (Phase 3 de l’IPC) suite à des chocs naturels/climatiques et humains défavorables.
La disponibilité alimentaire est satisfaisante dans le pays grâce à une production agricole moyenne qui a permis de constituer de bons niveaux de stocks, qui s’ajoutent aux stocks de report et aux produits importés pour constituer un potentiel commercialisable suffisant pour alimenter les flux des zones excédentaires vers les zones déficitaires ou non agricoles. Toutefois, les prix des produits agricoles restent au-dessus de ceux de l’année passée et de la moyenne quinquennale dus à des baisses localisées de production et à la réduction des flux pour cause d’insécurité et de fermeture des frontières nigérianes. Avec l’apparition du COVID-19 en mi-mars 2020 dans le pays, les mesures gouvernementales de limitation de sa propagation aboutissent à des pouvoir d'achats de ménages pauvres en baisse suite à une réduction des sources de revenus. Les implications des mesures officielles se traduisent par un confinement des producteurs excédentaires des régions de Maradi et Zinder et donc un manque de flux internes de céréales alors que les ménages riches des zones pastorales et urbaines s’engagent dans une logique de constitution de stocks de sécurité alimentaire.
A Niamey, ou la ville est en quarantaine, les artisans et autres vendeurs ambulants perdent leurs emplois ou voient leurs revenus en forte baisse avec le manque de clientèle venant généralement de l’extérieur. Les mesures gouvernementales ont aussi des implications sur le temps de travail pour certains corps de métiers exerçant dans les autres centres urbains, notamment les transports urbains, les restaurateurs et les travailleurs de nuits dont la diminution du temps de travail traduit une baisse significative des revenus journaliers. Ces mesures engendrent des pertes d’emplois pour les employés dans les domiciles par suite des limitations des contacts et distanciation sociale, alors que ces travailleurs saisonniers sont sources de revenus pour leurs ménages d’origine qui reçoivent des transferts monétaires. Les petits éleveurs ne disposant pas de leurs propres moyens de transports ne peuvent se rendre sur les marchés éloignés et vendre leurs animaux à des prix rémunérateurs à cause de l’interdiction de la circulation des véhicules de transport en commun. Les revenus sont aussi en baisse pour les vendeurs de bois et paille qui ont habituellement leur clientèle dans les centres urbains dont certains sont devenus inaccessibles suite aux mesures d’isolement.
Les mesures ont aussi des implications sur l’assistance humanitaire car en interdisant les regroupements et les contacts non distanciés, elles conduisent à l’arrêt des transferts conditionnels et inconditionnels en cash et en nature, ce qui aboutit à faire basculer certaines catégories de ménages vulnérables dans une insécurité alimentaire aigue. Toutefois, une planification est en cours pour conduire les opérations d’assistance alimentaire tout en respectant les mesures sociales et sanitaires.
Suite à ces mesures entravant les activités de moyens d’existence en villes tout comme en campagne et perturbant le système commercial, l’insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC), concentrée avant COVID-19 dans les zones de conflit, va s’étendre à plusieurs zones y compris les zones urbaines et a beaucoup de catégories socio-économiques de ménages. L’interdiction des contacts non distanciés et des regroupements provoque une diminution des séances de sensibilisation sur la nutrition des enfants et des consultations dans les formations sanitaires aggravant les conditions sanitaires qui viennent s’ajouter aux déficits alimentaires et des moyens d’existence des ménages.
Les hypothèses du scénario FEWS NET le plus probable pour la période de février à septembre 2020 ont changé de la façon suivante :
- COVID-19 : Il y aura une propagation continue de la pandémie du COVID-19 mais avec une réduction progressive des cas confirmés à partir de mai jusqu’au moins en juin et les mesures et leurs effets vont persister jusqu’en aout/septembre 2020. Les restrictions imposées par le gouvernement resteront en place jusqu’à la fin de l’état d’urgence prévue en juillet 2020.
- Les conflits : Les conflits vont aussi persister ainsi que leurs effets sur les moyens d’existence dans les régions de Diffa dans le bassin du Lac Tchad et dans la région du Liptako-Gourma a Tillaberi et Tahoua.
- Les sources de revenus : Les mesures préventives interdisant le contact entre les personnes vont constituer des causes de méventes des produits horticoles, du bois et de la paille et vont se traduire par des revenus de vente largement inférieurs aux revenus saisonniers gagnés dans les zones urbaines et rurales. Les revenus de l’exode et de la migration seront fortement impactés par les restrictions des déplacements vers les autres pays et vers les centres urbains du pays. La vente de main d’œuvre agricole et les revenus tirés seront faibles à cause des mesures entravant le voyage de la main d’œuvre d’une zone a une autre.
- Perspective de la saison agropastorale : La campagne agricole et pastorale pourrait démarrer à la date d’installation normale mais suite aux restrictions des mouvements des personnes, il y’aura moins de main d’œuvre agricole disponible pour les semis et les sarclages, et les intrants vont couter plus chers que d’habitude avec un accès limité pour les ménages dont les dépenses alimentaires seront les priorités. Ces facteurs défavorables vont se traduire par une baisse des emblavures et de la production agricole prochaine.
- L’offre et la disponibilité alimentaire : Les stocks céréaliers des producteurs vont s’épuiser et l’offre locale sera en-dessous de la moyenne à cause de la baisse de production par rapport à la campagne précédente. Suite aux mesures de restrictions de mouvements de personne en vigueur dans tous les pays de la région, les importations et les circuits habituels d’approvisionnement régionales ne vont pas fonctionner normalement. Toutefois, la production de culture de contre saison qui se déroule normalement avec les appuis de l’Etat et de ses partenaires et le bon niveau de remplissage des principaux cours d’eau pourrait constituer des ressources alimentaires pour les populations dans les zones ayant les potentialités.
- Demande : Même si les deux à quatre mois à venir devraient être une période de forte demande de produits de consommation et de bétail à la faveur de la soudure couplée avec les périodes de Ramadan et de Tabaski, la demande commerciale sera faible suite aux couts élevés de transactions liées aux mesures de prévention et de sécurité appliquées dans les pays sources d’approvisionnements. La demande commerciale sera aussi faible car il n’y a pas d’anticipation d’une demande locale de consommation soutenue. La demande de consommation sera à son plus faible niveau suite à une forte réduction du pouvoir d’achat des consommateurs consécutive au manque d’opportunités de revenus induits par les mesures de prévention de COVID-19. La demande de bétail qu’elle soit locale ou à l’exportation sera aussi très faible à cause des mesures qui conduisent à une forte réduction de la présence des acteurs sur les marchés.
- Flux : Les flux transfrontaliers en provenance du marché du Nigeria va évoluer significativement en dessous de la moyenne à cause de la crise sécuritaire et de la fermeture de la frontière auxquelles viennent s’ajouter les mesures restrictives pour la prévention du COVID-19 qui limitent la présence des acteurs. Toutefois, les flux transfrontaliers des autres pays (Burkina Faso, Benin, Togo, Ghana, Cote d’Ivoire) vont continuer avec des circuits plus longs qui vont occasionner des couts de transactions plus élevés qui induire des hausses des prix des produits. Les flux sortants relatifs aux cultures de rente et aux animaux vont connaitre les mêmes baisses d’intensité suite à une baisse de la demande à l’exportation vers le Nigeria et le Ghana. Quant aux flux internes des zones de bonne production agricole de Maradi et Zinder, ils seront perturbés et de faible intensité à cause des mesures interdisant les rassemblements de personnes et qui pourraient s’appliquer aussi aux animations des marchés hebdomadaires.
- Prix des produits agricoles : Suite à la situation de faibles approvisionnements des produits dans le pays consécutivement aux mesures de prévention de COVID-19 appliquées dans tous les pays et qui entravent les flux transfrontaliers et internes, les prix de céréales vont se situer à des niveaux plus élevés que l’année dernière et la moyenne saisonnière. Les prix du bétail vont rester en baisse par rapport à la moyenne saisonnière à cause de la faiblesse de la demande à l’exportation et de la demande locale suite à la perturbation des marchés locaux. Avec le couvre-feu, il est impossible d’exercer certaines activités génératrices de revenus comme les petits emplois salariés dans les centres urbains par les ménages pauvres (tels les travaux de salubrités).
- Les actions humanitaires : Les partenaires humanitaires et le gouvernement ont élaboré les plans de réponse pour la période de février-septembre 2020. Avec les mesures il sera difficile de tenir les réunions de ciblage et de procéder aux distributions de vivres et de non-vivres avec l’option de centres de regroupement de distribution. Les achats institutionnels permettant de de disposer des quantités nécessaires de vivres seront entraver par les mesures sanitaires en vigueur dans tous les pays.
Le choc sécuritaire et le faible niveau du stock national consécutif à la production moyenne couplés avec les restrictions pour freiner la propagation de COVID-19 vont augmenter les prix sur les marchés tout en diminuant l’accès alimentaire suite à la perte des revenus qui vont se traduire par une insécurité en Crise (Phase 3 de l’IPC) pour les populations des régions de Tillaberi et Tahoua Nord affectée. Les ménages victimes de l’insécurité dans la région de Diffa auront accès aux aliments suffisants grâce aux programmes de réponse déjà en cours et qui vont continuer à couvrir la plupart des besoins alimentaires des personnes vulnérables suite à l’insécurité et aux déplacements internes et vont rester en Stress ! (Phase 2 ! de l’IPC). Suite aux effets conjugués de l’épuisement des stocks producteurs, du niveau élevé des prix des produits de consommation et du faible pouvoir d’achat des ménages, l’accès aux aliments sera réduit pour un grand nombre de ménages y compris les ménages urbains dont les sources de revenus seront plus impactées par les limitations des mouvements et des contacts. Les populations urbaines pauvres ou dépendantes des activités journalières et celles exerçant les activités d’auto emplois vont manquer de ressources financières pour accéder à des quantités suffisantes de nourriture et seront dans une situation de déficit alimentaire en avril et mai, soit une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 IPC) mais vont très probablement bénéficier d’assistance alimentaire du gouvernement pour faire face aux émeutes urbaines et la réponse pourrait améliorer leur situation alimentaire. Cependant, aucune information n'est encore disponible sur l'ampleur ou la durée de cette assistance, qui serait nécessaire pour l'intégrer dans l'analyse. En l'absence de cette assistance, les ménages très pauvres sont susceptibles d'être en Crise (Phase 3 de l'IPC) jusqu'en septembre
Les populations dans des proportions de 10 à 15% des zones précédemment en Stress (Phase 2 IPC) vont basculer en Crise (Phase 3 IPC) suite à la perte des revenus et du pouvoir d’achat liés aux mesures sociales et sanitaires liées au COVID 19. Ces populations vont rester en Crise jusqu’en septembre 2020 suite aux effets qui vont persister sur le fonctionnement des marchés et sur les moyens d’existence y compris les revenus de la main d’œuvre agricole.
Suite aux restrictions des mouvements de personnes aggravées par l’interdiction de certains services de transport tel que le transport en commun, les producteurs maraichers, les commerçants des produits de rente (niébé, arachide…), de produits manufacturés et d’animaux et produits animaux vont vendre beaucoup moins que d’habitude et gagneront de revenus en baisse que la moyenne à cause de la diminution des acheteurs locaux et étrangers. Leurs ressources financières seront insuffisantes pour effectuer des dépenses non alimentaires en plus des achats de nourriture et des proportions importantes de ces types de ménages situés dans toutes les zones de moyens d’existence vont évoluer vers une dégradation de la situation alimentaire à partir de mai et vont rester dans cette insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 IPC) jusqu’en septembre 2020 car même si les mesures seront levées ou allégées les effets vont persister sur les moyens d’existence.

Figure 1
Source: FEWS NET
Cette mise à jour des perspectives sur la sécurité alimentaire présente une analyse des conditions actuelles d'insécurité alimentaire aiguë et de toute évolution de la dernière projection de FEWS NET concernant les résultats de l'insécurité alimentaire aiguë dans la géographie spécifiée au cours des six prochains mois. Pour en savoir plus sur le travail, cliquez ici.