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L’Urgence (Phase 4 de l’IPC) persistera au cours de la soudure à Ménaka

  • Perspectives sur la sécurité alimentaire
  • Mali
  • Juin 2023 - Janvier 2024
L’Urgence (Phase 4 de l’IPC) persistera au cours de la soudure à Ménaka

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  • Messages clé
    • L’insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) dans les cercles de Bankass, Koro, Douentza, Rharous et Ansongo se poursuivra jusqu’en septembre 2023 à cause de l’épuisement précoce des stocks, des prix élevés des denrées alimentaires et de la dégradation des moyens d’existence consécutive aux impacts de l’insécurité. A Ménaka, l’épuisement des biens productifs, les ventes atypiques de bétails, et l’accès très limité aux autres sources de revenus présagent une dégradation de l’insécurité alimentaire en Urgence (Phase 4 de l’IPC) de juin à septembre 2023, notamment pour les ménages pauvres des zones inaccessibles.

    • L’installation de la campagne agricole 2023-2024 est en cours à travers le pays avec les activités de nettoyage des champs, de transport du fumier, de labour, et de semis dans le sud du pays, ce qui offre des opportunités moyennes de revenus et de nourritures aux ménages pauvres. Des pluies normales à excédentaires attendues et la poursuite de la subvention des intrants agricoles du gouvernement sont favorables à une production de céréales globalement moyenne à supérieure à la moyenne dans la plupart des zones de grande production agricole. Toutefois, dans les zones d’insécurité, les perturbations dans les activités agropastorales réduiront le niveau des emblavures.

    • L’accès des ménages pauvres aux denrées alimentaires est réduit par rapport à la normale dans le pays à cause de l’épuisement précoce des stocks, la détérioration des termes de l’échange bétail/céréales pour les éleveurs et la baisse globale de revenus, particulièrement dans les zones d’insécurité du centre et du nord du pays. Dans ces zones d’insécurité, les ménages pauvres ont alors recours de façon atypique aux emprunts et à la réduction des dépenses non-alimentaires pour satisfaire leurs besoins alimentaires.

    • La situation sécuritaire reste volatile dans les régions de Ménaka, de Gao, et de Mopti avec la multiplication des incidents sécuritaires et des répressions contre les populations civiles par les groupes armés, engendrant des déplacements inhabituels des populations et des perturbations des activités économiques, voire l’inaccessibilité à certaines zones. La détérioration des moyens d´existence (perte d’emplois, vols/pillages de biens, difficultés d’accès humanitaires, etc.) qui en découle, accroit davantage l’exposition des ménages pauvres à l’insécurité alimentaire.


    Contexte National

    Situation actuelle

    Situation sécuritaire : Les incidents sécuritaires continuent d’être enregistrés dans le centre et le nord du pays ainsi que dans le nord des régions de Ségou et de Koulikoro. D’autres incidents isolés sont observés ailleurs à travers le pays. Selon les données de Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), au Mali, de janvier à mai 2023, une hausse de 22 pour cent des incidents sécuritaires est observée par rapport à l’année dernière pour la même période. Les attaques armées, les affrontements entre groupes armés, les assassinats ciblés et la pose d’engins explosifs se poursuivent et continuent de perturber le mouvement des personnes et des biens et le fonctionnement régulier des marchés particulièrement dans la bande frontalière avec le Burkina Faso et le Niger.   La multiplication des attaques, notamment dans les régions de Gao et de Ménaka, entre les groupes armés impliquant l’Etat Islamique dans le Grand Sahara (EIGS), le Mouvement pour le salut de l'Azawad (MSA), Jama'a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM), et le Groupe d'Autodéfense Touareg et Alliés d'Imghad (GATIA), avec des persécutions sur les populations civiles et contre les forces armées, continue d’impacter négativement les activités économiques des ménages et d’occasionner des déplacements inhabituels des populations.

    Bien que le nombre d’incidents sécuritaires soit plus élevé à cause des attaques entre les différentes groupes armés, les persécutions sur la population civile qui caractérisent l’insécurité dans les régions de Gao et de Ménaka, ont un impact plus important sur les flux commerciaux, l'accès au marché, les activités de moyens d’existence typiques et l'activité économique générale. Les populations de ces zones, notamment dans les cercles de Tidermène, Andéramboukane, et Inekar rencontrent des difficultés d’accéder aux sources habituelles de revenus et de nourritures et aux assistances humanitaires.

    Production agropastorale : Les récoltes des cultures de contre-saison de riz sont en cours au niveau des périmètres irrigués et des Offices dans la vallée du fleuve Niger de Koulikoro à Gao, ce qui améliore la disponibilité de façon saisonnière en cette denrée dans les zones concernées. Toutefois, les difficultés d’accès aux intrants agricoles (engrais, semences, carburant) à cause de leur faible disponibilité et de la flambée de leurs prix et aussi de la réduction des emblavures en lien avec l’insécurité notamment dans la zone Office du Niger, ont réduit ces récoltes par rapport à une année moyenne.

    La nouvelle campagne agricole a démarré grâce à l’installation des pluies qui, au 20 juin, sont normales à nettement excédentaires dans la plupart des régions du pays. Le nettoyage des champs, le transport de fumier, les labours, et les semis en cours dans les zones agricoles du sud du pays, offrent des opportunités moyennes de revenus et de nourritures aux ménages pauvres en cette période de soudure. Cependant, la persistance de l’insécurité dans le Liptako Gourma et par endroits dans le nord des régions de Ségou et de Koulikoro qui engendre des déplacements de populations, et des difficultés d’accès aux engrais à cause de leurs prix élevés, réduisent les ambitions en termes d’emblavures. La réduction des superficies diminue ainsi les opportunités d’emplois agricoles par rapport à la moyenne. Selon des informateurs clés, une baisse rapport à une année normale des opportunités d’emplois agricoles sont observés, notamment pour les travaux hors saison principale de mars à avril à Mopti, Gao, et Tombouctou. 

    Les conditions d’élevage sont fortement dégradées dans les régions du nord et du centre du pays à cause des perturbations de mouvements des troupeaux liés à l’insécurité et qui ont engendré une concentration inhabituelle du bétail, notamment dans la vallée du fleuve de Gao et dans certaines localités de Ménaka et de Kidal. Dans les zones du sud du pays, la régénération saisonnière des pâturages et la reconstitution des points d’eau sont en cours grâce aux pluies enregistrées, ce qui met fin à la soudure pastorale et relance les productions animales (lait, beurre, fromage) dans ces zones. L’amélioration de l’accès aux produits animaliers (lait, beurre, fromage) améliore la consommation alimentaire et le revenu pour la plupart des ménages éleveurs. Toutefois, dans les zones d’insécurité la baisse de la taille du troupeau réduit la disponibilité des produits laitiers pour les ménages. De plus, la campagne de vaccination du bétail contre les principales épizooties se poursuit à travers le pays avec l’appui de certains partenaires comme la FAO et le CICR avec toutefois des difficultés d’accès à certaines zones d’insécurité au nord du pays.

    Production de pêche : La campagne de pêche se poursuit dans les zones habituelles sur les fleuves Niger et Sénégal et au niveau des barrages et lacs du pays. Les captures de poissons sont globalement moyennes à supérieures à la moyenne dans le pays. Les revenus moyens issus de la vente de produits de la pêche améliorent le pouvoir d’achat des ménages pêcheurs et ainsi que leur alimentation. Dans le delta du Niger dans la région de Mopti, l’insécurité continue de perturber cette activité en limitant l’accès à certaines zones de pêche, ce qui réduit par rapport à la moyenne les revenus des pêcheurs de la zone et affecte leur capacité à satisfaire convenablement leurs besoins alimentaires et non alimentaires.

    Fonctionnement des marchés et prix : La baisse saisonnière des offres de céréales est observée sur les marchés du pays mais ils sont suffisants pour les demandes de consommation dans la plupart de pays, excepté sur les marchés de la région de Ménaka et par endroits dans celles de Gao (Ansongo, Gao). Dans la région de Ménaka, les difficultés d’accès aux marchés secondaires de Tidermène, Inekar, et Andéramboukane à cause de l’insécurité qui engendre l’arrêt du trafic par les transporteurs, réduisent significativement l’approvisionnement des marchés en vivres. En cette période de soudure, la hausse habituelle des demandes est observée mais moins qu’en année normale sur les marchés des zones d’insécurité qui sont délaissées au profit des marchés plus sécures des régions de Ségou, Sikasso et de Koulikoro, et aussi à cause de la baisse des revenus qui réduit le niveau des demandes.

    Dans les différents marchés des capitales régionales, les prix de la principale céréale (mil, sorgho, maïs) sont entre 20 et 50 pour cent au-dessus de la moyenne quinquennale à cause de la hausse du coût des intrants agricoles, du prix du transport en lien avec celle des hydrocarbures et les fortes demandes de reconstitution des stocks commerçants et institutionnels. Cependant, des baisses atypiques plus ou moins importantes par rapport au mois précédent sont observées sur certains marchés de production de Koro (-21 pour cent), Bankass (-18 pour cent), Ségou (-9 pour cent), grâce à la hausse des offres liée au déstockage en cours pour les besoins financiers de la nouvelle campagne agricole et aussi à la baisse des demandes en provenance des zones d’insécurité liée aux difficultés d’accès dans ces zones.

    La hausse saisonnière de l’offre de bétail est observée notamment dans les zones agropastorales du Sahel Occidental et par endroits dans les régions de Gao, Ménaka où les difficultés d’alimentation du bétail et de sauvegarde du troupeau contre les vols/enlèvements incitent les ménages à plus de ventes. La demande est en hausse à la faveur de la Tabaski et des besoins de bœufs de labour dans les zones agricoles du pays, mais reste faible sur les marchés du nord du pays où l’insécurité limite l’accès des grossistes aux marchés. Les prix du bétail sont en hausse de 18 à 32 pourcent dans les marches de Bourem, Rharous, Gao, et Mopti, grâce aux conditions d’élevage moyennes qui n’incitent à plus de vente et la forte demande de la fête de Tabaski. Cette hausse des prix du bétail favorable à des revenus pastoraux moyens à supérieurs à la moyenne, ne profite qu’aux ménages qui disposent encore des effectifs et qui ont accès aux marchés. Cependant, dans les zones d’insécurité de Ménaka et de Gao, les difficultés d’accès aux marchés en dehors du chef-lieu de la région et/ou du cercle, contribuent à réduire les prix du bétail de 3 à 15 pour cent pour les ménages qui n’ont pas accès aux marchés fonctionnels. Les termes de l’échange chèvre/céréales, en raison du niveau élevé des prix des céréales de base, demeurent inférieurs par rapport à la moyenne des cinq dernières années, ce qui réduit l’accès des éleveurs pauvres aux marchés (Figure 1).

    Figure 1

    Tendances des termes de l’échange chèvre/mil en kg/tête en mai 2023
    Tendances des termes de l’échange chèvre/mil en kg/tête en mai 2023

    Source: Calculs de FEWS NET à partir des données de l’Observatoire du marchés agricole (OMA) et du Système d’alerte précoce (SAP), Mali

    Mouvement de population : Le retour habituel de bras valides pour la nouvelle campagne agricole est en cours dans les zones agricoles mais reste faible dans les zones d’insécurité du Centre et du Nord du pays à cause de la situation sécuritaire volatile qui réduit les opportunités d’emplois locales. Les déplacements inhabituels de populations se poursuivent à cause de la persistance des incidents sécuritaires, particulièrement dans les régions de Gao et de Ménaka à la frontière avec le Burkina et le Niger où des affrontements entre groupes armés et l’intensification des offensives militaires sont observés. Le nombre de déplacés en fin avril est de 375 539 personnes, soit une baisse de 9 pour cent par rapport au mois de décembre 2022 (Rapport DTM, avril 2023). Au même moment, le retour timide des réfugiés et de certains déplacés sur la base des négociations et des accords entre communautés se poursuit avec l’appui du gouvernement et des agences humanitaires. Les régions de Bandiagara (82 005 PDIs), Mopti (73 242 PDIs), Tombouctou (49 953 PDIs), Gao (40 347 PDIs), Ménaka (38 804 PDIs) abritent le plus grand nombre de déplacés dans le pays. Ces déplacés qui connaissent une forte dégradation de leurs moyens d’existence pour la majorité, ont comme principale préoccupation, la nourriture pour 95 pour cent et les abris pour 60 pour cent selon le rapport DTM. 

    L’aide humanitaire alimentaire et l’aide aux moyens d’existence : Les appuis humanitaires en vivres et en non-vivres de la part du gouvernement et des différents partenaires se poursuivent principalement à l’endroit des ménages pauvres et des déplacés dans le cadre du mécanisme rapide de réponse. De janvier à avril 2023, selon le Cluster Food Security, 532 463 personnes dont 22 335 personnes déplacées ont bénéficié d’une assistance alimentaire mensuelle couvrant au moins 50% de leurs besoins, principalement sous forme de coupons. Dans la région de Ménaka où la situation alimentaire est très préoccupante, 49 445 personnes soient 59,1 pour cent de la population de la région ont reçu une assistance alimentaire de janvier à avril 2023, principalement concentrée dans la ville de Ménaka qui reçoit l’essentiel des personnes déplacées de la région. Au même moment, 1 104 965 personnes ont bénéficié des appuis en moyens d’existence (engrais, semences, aliments de bétail, petits équipements et soins vétérinaires, etc.) de la FAO, du CICR et d’autres partenaires au profit des ménages pauvres des zones d’insécurité du centre et du nord du pays.

     

    Résultats actuels de la sécurité alimentaire

    La majorité des ménages agricoles du sud du pays qui ont connu un épuisement habituel des stocks grâce aux récoltes moyennes à bonnes dans le pays traversent une soudure normale dans le temps mais plus dure qu’en année normale. Toutefois, les revenus proches de la moyenne issus des activités habituelles de la main d’œuvre agricole et non agricole, les revenus de la migration, permettent aux ménages d’accéder sans grandes difficultés aux marchés pour leur approvisionnement en vivres. Par conséquent, ils sont en insécurité alimentaire Minimale (Phase 1 de l’IPC). Cependant, la baisse globale de revenus à cause de la conjoncture nationale marquée par les effets de la crise économique mondiale, les effets de la persistance de l’insécurité sur les activités économiques du pays et le prix élevé des denrées alimentaires ont réduit les capacités d’accès des ménages pauvres à la nourriture particulièrement dans les zones d’insécurité du centre et du nord. Les ménages pauvres des zones agropastorales du pays qui ont connu des baisses de production mais qui ne valent pas 20 pour cent de la population et ceux des centres urbains qui ne peuvent satisfaire leurs besoins alimentaires et non-alimentaires sans recourir de façon atypique aux emprunts en nature ou en espèce, à la réduction des dépenses non –alimentaires essentielles voire alimentaires sont présentement en insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC).

    Dans les zones de conflit du Centre et du Nord, la forte dégradation des moyens d’existence à cause de la perturbation des activités économiques, des vols/enlèvements de biens/bétail, des pertes d’emplois, et des prix des denrées alimentaires très élevés, ont engendré des difficultés d’accès des ménages pauvres aux vivres. Les ménages qui ont alors recours à la réduction du volume et le nombre de repas et aussi à l’assistance de la part des parents/amis et des agences humanitaires, présentent une dégradation de la consommation alimentaire plus marquée qu’en année moyenne. Par conséquent, les ménages pauvres dans les zones de conflit du Centre et du Nord et qui connaissent une dépendance plus longue que d’habitude aux marchés à cause de l’épuisement précoce de leur production sont présentement en insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC). Il en est de même pour les ménages déplacés dans ces zones qui se retrouvent dans un état de détresse et qui ont besoin d’assistance pour éviter de passer à une situation d’urgence. Dans la région de Ménaka, la forte dégradation des moyens d’existence pour la majorité des ménages selon REACH, de même que l’insuffisance d’accès à la nourriture pour les ménages dans les zones inaccessibles de la région engendrent des écarts de consommation énormes. Par conséquent, ces ménages qui ont recours aux stratégies d’adaptation négatives pour réduire les écarts de consommation et qui n’ont pas accès aux assistances humanitaires sont en situation d'Urgence (Phase 4 de l'IPC). Les difficultés d’accès à la nourriture pour les ménages pauvres, en cette période de soudure plus marquée qu’en année moyenne, entrainent le recours plus accru aux stratégies d’adaptation de réduction de la qualité, du volume voire du nombre de repas. La situation nutritionnelle connait sa détérioration habituelle à cause de la dégradation des conditions d’hygiène, de la prévalence élevée des maladies (Diarrhée, paludisme, infections respiratoires etc.) en lien avec la saison des pluies. En plus de ces facteurs, les difficultés d’accès à la nourriture pour les ménages pauvres, en cette période de soudure plus marquée qu’en année moyenne, entrainent le recours plus accru aux stratégies d’adaptation de réduction de la qualité, du volume voire du nombre de repas ; ce qui contribue à dégrader plus qu’en année normale la situation nutritionnelle. La dégradation est plus marquée dans les zones d’insécurité où l’accès aux services sociaux de base et aux programmes de nutrition reste limité et surtout pour les ménages déplacés qui n’ont plus accès aux sources habituelles de revenus et de nourritures. Selon l’enquête nutritionnelle SMART rapide conduite en mars 2023, la prévalence de la Malnutrition Aiguë Globale (MAG) est précaire dans les cercles de Bankass, Gao et Nioro (entre 5 et 8 pourcent), préoccupante dans celui de Diéma (10,4 pourcent) et critique à Ansongo (19,7 pourcent dont 4,8 pour cent de MAS). La situation nutritionnelle est très critique au niveau de tous les sites des personnes déplacées avec des prévalences MAG très élevées dépassant le seuil de 15 pourcent comme à Gao (15,1 pourcent), Bamako (16 pourcent), San (18,2 pourcent) et Ménaka (26,9 pourcent dont 8,2 pourcent de MAS). Les programmes de dépistage et de récupération nutritionnelle se poursuivent à travers le pays avec l’appui des partenaires mais de façon limitée dans les zones d’insécurité.


    Calendrier saisonnier pour une année typique
    Titre : Calendrier saisonnier Mali
Description : Saison des pluies : mi-mai à octobre. Préparation des sols : avril à juin.

    Source: FEWS NET

    Suppositions

    Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire de juin 2023 à janvier 2024 se base sur des suppositions fondamentales suivantes, au regard de l’évolution du contexte national :

    • Situation sécuritaire et mouvement des populations : Les incidents sécuritaires se poursuivront de juin à janvier 2024 dans la zone du Liptako Gourma et particulièrement dans la région de Ménaka où les perturbations resteront à un niveau élevé à cause des conflits entre les groupes armés pour la conquête de la région. Le nombre des affrontements suivis de violence sur les populations civiles devrait connaitre une baisse d’intensité pendant la saison hivernale de juillet à octobre 2023 avec pour corollaire une baisse des déplacements de populations. Dans certaines localités du centre et du nord du pays, grâce aux négociations en cours entre les différentes communautés et qui se poursuivront, et les opérations militaires en cours, on s’attend à une baisse du nombre d’incidents dans cette zone. La fin de la saison des pluies qui favorise les déplacements contribuera à rehausser le niveau des attaques par rapport à juillet/septembre mais qui sera inférieur à similaire au niveau de 2022. Sur le plan politique, l’environnement politique deviendra de plus en plus mouvementé à partir de juin qui verra le début des échéances électorales attendues dans le pays jusqu’en janvier 2024. Les protestations et contestations de certains regroupements politiques et de groupes de la société civile perturberont la quiétude des populations dans le pays.
    • Pluviométrie/crue : Les prévisions consensuelles de NOAA, IRI, Mali Météo, et de PRESASS d’avril 2023 indiquent une forte probabilité de cumul pluviométrique normal à excédentaire au Mali de juin à août 2023 et moyenne à excédentaire de juillet à septembre 2023. L’installation normale à précoce des pluies selon les mêmes prévisions est favorable à un démarrage à temps du calendrier agropastoral dans le pays. Quant aux écoulements sur les cours d’eau du pays (bassins du fleuve Niger et du fleuve Sénégal), ils seront supérieurs à la moyenne de juin à octobre 2023 dans le bassin du Niger et normaux à supérieurs à la normale dans celui du Sénégal grâce aux pluies moyennes à excédentaires attendues (Figure 2).

    Figure 2

    Probabilité de précipitation de juillet à septembre 2023
    Probabilité de précipitation de juillet à septembre 2023

    Source: NOAA

    • Inondations : Les prévisions de cumul de pluies normal à supérieur à la moyenne présagent des risques élevés d’inondation de mai à septembre 2023 particulièrement dans les zones de dépression et la vallée du fleuve Niger sur laquelle des écoulements supérieurs à la moyenne sont attendus, ce qui engendrera des pertes de biens matériels et de production agricole.
    • Productions agricoles : Les prévisions saisonnières favorables sur les facteurs climatiques  et une relative accalmie de la situation des déprédateurs sont favorables à une production agricole moyenne à supérieure à la moyenne dans le pays. Cependant, la faible disponibilité et le niveau élevé des prix des intrants agricoles (engrais chimique) de plus de 40 pour cent que la moyenne limiteront leur accès aux producteurs ; ce qui engendrera des baisses de production en dessous de la moyenne quinquennale notamment dans les zones de cultures irriguées (Riz) qui sont de très grandes utilisatrices de ce produit. Il en sera de même pour les zones d’insécurité et particulièrement dans le Liptako Gourma à cause de l’insécurité résiduelle qui continuera à affecter négativement le déroulement des activités agropastorales et à occasionner le déplacement inhabituel des populations.
    • Productions animales : Les conditions d’élevage se reconstitueront grâce à l’installation des pluies à partir de juin dans la bande sud du pays et à partir de juillet dans la zone centre et nord du pays ; ce qui contribuera à la reprise des productions animales (lait, beurre, fromage) jusqu’en janvier 2024. L’amélioration des productions animales et le regain d’embonpoint du bétail contribueront à l’amélioration de la consommation alimentaire et des revenus des ménages éleveurs. La disponibilité des résidus de récoltes améliorera l’alimentation du bétail à partir d’octobre 2023.
    • Pêche : Les captures de poissons connaitront leur baisse habituelle à cause de la reprise de la crue sur les cours d’eau de juin à octobre. Le niveau d’écoulement moyen à supérieur à la moyenne sur les cours d’eau attendu selon les prévisions saisonnières (PRESASS), est favorable à une reproduction satisfaisante des espèces piscicoles grâce à la bonne inondation attendue des zones de reproduction des poissons. Par conséquent, les perspectives pour la prochaine campagne de pêche qui démarrera en novembre 2023 seront moyennes à supérieures à la moyenne dans l’ensemble.
    • Approvisionnement des marchés en vivres : L’approvisionnement des marchés en céréales se poursuivra normalement de juin à janvier 2024 excepté dans les zones d’insécurité du centre et du nord, où des perturbations énormes de flux sont observées et pourraient même occasionner des ruptures de stocks momentanées. Les difficultés d’accès en lien également avec les conditions climatiques exacerberont la baisse des flux de céréales de juillet à août, qui resteront inférieurs à la moyenne surtout dans les zones de conflit. Les récoltes des cultures de contre-saison en juin et les ventes d’intervention de l’Office des Produits Agricoles du Mali (OPAM) dans les régions de Tombouctou, Gao, Koulikoro et Kayes amélioreront les disponibilités en céréales avant les grandes récoltes attendues à partir d’octobre. La hausse saisonnière des offres sera observée à partir d’octobre 2023 à quand les nouvelles récoltes amélioreront les disponibilités alimentaires.
    • Prix des denrées alimentaires de base : La tendance des prix des céréales supérieure à nettement supérieure à la moyenne des cinq dernières années se maintiendra de juin à janvier 2024 à cause de la baisse anticipée des offres sur les marchés, la hausse des coûts de la production et des transports ainsi que la conjoncture économique difficile dans le pays. Les perspectives de récoltes moyennes à supérieures à la moyenne de la production de céréales attendues engendreront la baisse saisonnière des prix à partir d’octobre 2023 qui resteront malgré tout supérieurs à la moyenne. Pour les denrées manufacturées et importées, la tendance des prix élevés perdurera également en lien avec le marché international et des coûts de transaction.
    • Prix du bétail : La tendance des prix du bétail supérieure à la moyenne se poursuivra grâce à la hausse des demandes en lien avec la fête de Tabaski et la reconstitution prochaine des conditions d’élevage à partir de juin/juillet à la suite de l’installation des pluies. Cependant, des baisses de prix par rapport à la moyenne seront observées sur certains marchés reculés dans les zones d’insécurité du nord des régions de Ségou, Koulikoro, Gao, Mopti et de Ménaka où les demandes sont en baisse à cause des difficultés d’accès à ces marchés. 
    • Migration : Le retour habituel des bras valides de l’exode sera observé grâce à l’installation des pluies qui relancera les activités de la nouvelle campagne agricole de juin à juillet. Les ressources moyennes à inférieures à la moyenne rapportées en juin ou envoyées durant le séjour dans les zones d’accueil des centres urbains et des pays voisins permettront aux ménages d’améliorer leur accès aux marchés notamment dans les zones de baisse de production agricole et les zones de conflit où les départs ont été plus précoces et massifs que d’habitude. Cependant, la persistance des incidents sécuritaires avec la poursuite des déplacements de populations ne militent pas pour un retour normal des migrants dans les zones de conflit. A partir de septembre/octobre, on assistera aux départs habituels des bras valides vers les centres urbains du pays, les pays voisins et aussi vers les zones d’orpaillage qui resteront les principales zones d’attraction.
    • Assistance humanitaire : Pour la période de soudure agropastorale de juin à septembre 2023, le plan national de réponses prévoit une assistance alimentaire mensuelle couvrant au moins 50 pour cent des besoins calorifiques principalement sous forme de voucher pour 1 175 983 personnes à travers tout le pays. Toutefois, la faible mobilisation des finances du côté du gouvernement et des partenaires humanitaires, et les difficultés d’accès humanitaires pour raison d’insécurité à certaines zones du pays, limiteront l’accès des populations en besoin aux vivres ; ce qui réduira l’impact des assistances.

     

    Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire

    L’accès moyen de la majorité des ménages aux sources habituelles de nourritures et de revenus grâce aux récoltes moyennes à bonnes de la saison dernière et la poursuite normale des sources de revenus permettent à la majorité des ménages d’accéder à la nourriture sans grandes difficultés. La dégradation habituelle de la consommation alimentaire en cours à cause de la soudure agropastorale liée à l’épuisement progressif des stocks des ménages pauvres, les prix des denrées de base nettement au-dessus de la moyenne quinquennale se poursuivra jusqu’en septembre. La dégradation de la consommation alimentaire sera plus marquée pour les ménages dans les zones ayant connu une mauvaise production agricole en 2022/23 et au niveau des centres urbains qui trainent les séquelles de l’inflation élevée. Le recours à l’intensification atypique de la main d’œuvre agricole, de dépendance à la migration surtout pour la période de juin à septembre, à la vente de bétail et d’emprunt sera observé au niveau des ménages pauvres pour satisfaire leurs besoins alimentaires notamment dans les zones connaissant un épuisement précoce des stocks à cause de la baisse des productions agricoles de l’année dernière. Par conséquent, l’insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC) en cours dans ces zones se maintiendra jusqu’en septembre. La disponibilité moyenne des récoltes en vert à partir de septembre, les récoltes principales d’octobre à janvier et la baisse saisonnière attendue des prix à partir d’octobre amélioreront l’accès des ménages à la nourriture. Ainsi, la majorité des ménages du pays sera en insécurité alimentaire Minimale (Phase 1 de l’IPC) d’octobre à janvier 2024.

    Dans les zones d’insécurité du Centre et du Nord du pays particulièrement dans la zone du Liptako Gourma, les ménages pauvres, qui ont leurs moyens d‘existence fortement dégradés, ont des difficultés moyennes à importantes d’accès aux sources habituelles de nourritures et de revenus. Ces ménages pauvres principalement dans les cercles de Bankass, Gao, Ansongo, Douentza et Koro font recours de façon atypique à la réduction des dépenses non alimentaires, aux ventes inhabituelles du bétail, aux emprunts en nature et en espèce pour satisfaire leurs besoins alimentaires. Ces stratégies d’adaptation alimentaires et les difficultés d’accès aux services sociaux de base contribueront à dégrader davantage la situation nutritionnelle déjà préoccupante dans ces zones selon le SMART rapide de mars 2023 notamment à Ansongo (19,7 pour cent de MAG). Par conséquent, l’insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) en cours dans ces zones se poursuivra jusqu’en septembre 2023. A partir d’octobre, la disponibilité des récoltes, des produits de cueillette, des produits laitiers de même que la baisse saisonnière des prix, contribueront à améliorer l’accès aux denrées alimentaires par les ménages qui seront en insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC) d’octobre à janvier 2024. Dans la région de Ménaka, les ménages ont recours aux stratégies de crise ou d’urgence à travers la vente des biens productifs, la mendicité, la vente des dernières femelles pour le bétail, ou la migration de l'ensemble de leur ménage. Dans cette région, l’accès humanitaire reste un défi notamment dans les zones inaccessibles, où on s’attend à une insécurité alimentaire d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) de juin à septembre et de Crise (Phase 3 de l’IPC) d’octobre à janvier 2024.

     

    Évènements qui pourraient changer les scenarios

    Tableau 1

     

    Tableau 1. Événements possibles au cours des huit mois à venir qui pourraient changer le scénario le plus probable

    Zone

    Evenement

    Impact sur les resultats de la sécurité alimentaire

    National

    Retard dans l’installation des pluies, un déficit important et un arrêt précoce des pluies

    Le retard dans l’installation des pluies prolongera la soudure pastorale avec réduction importante des productions animales et une mortalité de bétail plus élevée que la moyenne ; ce qui affectera négativement les capacités d’accès des ménages éleveurs aux denrées alimentaires. Il en sera de même pour un déficit pluviométrique de juin à septembre et un arrêt précoce des pluies en début septembre qui réduira les rendements des cultures et entrainera la rétention des stocks et une hausse des prix des céréales. Par conséquent, des difficultés d’accès aux vivres pour les ménages pauvres seront observées notamment dans les zones pastorales avec une hausse du nombre de personnes en insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC).

    Amélioration significative de la situation sécuritaire dans le pays

    L’amélioration significative de la situation sécuritaire dans le pays contribuera à la reprise des activités économiques, un bon approvisionnement des marchés, une reconstitution des moyens d’existence dans les zones d’insécurité et un meilleur accès aux populations en besoin pour les assistances humanitaires. Par conséquent la situation de Crise (Phase 3 de l’IPC) à Urgence (Phase 4 de l’IPC) dans les zones d’insécurité s’améliorera en insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC).

    National (zones d’Office du Niger, le Sahel occidental, la bande du fleuve de Gao et de

    Tombouctou) 

    Dégâts des ennemis des cultures d’août à novembre

    Les dégâts importants des déprédateurs (oiseaux granivores, chenilles…) sur les cultures à maturation, de septembre à octobre, réduiront les disponibilités céréalières dans les zones agricoles indiquées. La baisse des disponibilités et la hausse des prix des denrées de base résultant de la rétention des stocks, réduiront l’accès des ménages pauvres aux denrées alimentaires, ce qui rehaussera les difficultés d’accès des ménages pauvres aux marchés qui seront par conséquent en insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC) au lieu de la minimale attendue.

    Centre et Nord du Mali (ML01, ML02, ML04, ML09, ML13,)

    Difficultés de mise en œuvre des assistances alimentaires prévues

    Si les niveaux de conflit augmentent plus que prévus dans les zones du centre et du nord du pays, la mise en œuvre des assistances alimentaires/humanitaires deviendra encore plus irrégulière et limitée. L’impossibilité des partenaires humanitaires à accéder aux ménages en besoin dans les zones d’insécurité entrainera des déficits de consommation alimentaire croissants qui inciteront au recours des stratégies de survie de plus en plus négatives. Un plus grand nombre de ménages seraient dans la phase de Crise (Phase 3 de l’IPC) ou la phase d’Urgence (Phase 4 de l’IPC), en particulier dans la zone de Ménaka.


    Zone de préoccupation

    Ménaka/Zone de moyen d’existence ML01 (Nomadisme et commerce transsaharien), ML02 (Nord élevage), et ML04 (Bétail, mil et envois de fonds dans le centre du pays) (Figure 3)

    Figure 3

    Carte de référence pour la zone concernée : Région de Ménaka
    Carte de référence pour la zone concernée :   Région de Ménaka

    Source: FEWS NET

    Situation actuelle

    Situation sécuritaire/mouvement des populations : Les confrontations entre les groupes armés et les persécutions sur les populations civiles se poursuivent dans la région et engendrent des déplacements inhabituels de populations vers les villes de Ménaka et Andéramboukane et aussi vers Ansongo dans la région de Gao. Selon ACLED, le nombre d’incidents du 1er janvier au 31 mai 2023 est en baisse de 21,1 pour cent par rapport à la même période de 2022 à Ménaka en raison de la domination de l’EIGS sur les autres groupes armés et qui a réduit les confrontations. Toutefois, les persécutions sur la population civile se poursuivent. En fin avril, le nombre de personnes déplacées est estimé à 38 804 contre 30 928 personnes en décembre 2022, représentant 46,4 pour cent de la population de la région selon le rapport DTM. Selon les informateurs clés, des groupes de populations dépassant 20 pour cent de la population sont contraints de rester dans des zones inaccessibles notamment dans les communes d’Inékar, d’Andéramboukane à cause du manque de moyens de transport ou par peur de représailles sur le trajet. Les perturbations majeures des activités économiques voire leurs arrêts exposent les populations à l’insécurité alimentaire surtout que l’accès humanitaire est très limité.

    Evolution des moyens d’existence : La dégradation des moyens d’existence à la suite des perturbations majeures, voire l’arrêt des activités économiques par endroits, et des vols/enlèvements de biens et de bétail, touche près de 34 pour cent des ménages des zones accessibles de la région, selon ENSAN de février 2023. Les déplacements inhabituels de populations affectent significativement la capacité des ménages d’accéder aux sources habituelles de revenus et de nourritures, voire aux assistances humanitaires en dehors des villes de Ménaka et d’Andéramboukane. Les ménages ont une dépendance inhabituelle aux envois des migrants, aux emprunts en nature/espèce, à la solidarité locale et à l’assistance humanitaire pour satisfaire leurs besoins alimentaires. L’assistance humanitaire constitue la deuxième source principale d’approvisionnement en vivres après les achats pour 31,4 pour cent des ménages selon ENSAN de février 2023. La vente plus importante que d’habitude de bétail notamment des petits ruminants pour les pauvres qui en disposent encore, ne procure que des revenus nettement inférieurs à la moyenne en raison de la baisse du capital animalier et aussi de la baisse des prix notamment pour les ménages dans les zones inaccessibles qui n'ont pas accès aux marchés et qui procèdent à des ventes d’urgence. Le recours atypique à la mendicité pour satisfaire leurs besoins alimentaires notamment pour les ménages déplacés et aussi pour les ménages pauvres résidents est de plus en plus observé au niveau des zones d’accueil. Selon ENSAN de février 2023, 18,4 pour cent des ménages enquêtés dans la zone accessible, avaient recours à la mendicité pour satisfaire leurs besoins alimentaires ; ce qui serait beaucoup plus élevé dans les zones inaccessibles où les principales activités économiques que sont la vente de bétail, le commerce, la main d’œuvre sont très limitées voire à l’arrêt. En plus, le dysfonctionnement des marchés a réduit les activités de transport, de courtage, de petit commerce par rapport à la moyenne. La présence des personnes déplacées au niveau des sites dans la ville de Ménaka et environnants, avec des moyens d’existence précaires, contribue à exacerber la pression sur les maigres opportunités d’emplois et sur les ressources pastorales et sur la communauté d’accueil dans ce contexte économique difficile.

    Production agropastorale : L’activité agropastorale se résume en cette période aux préparatifs de la nouvelle campagne agricole qui connait un faible engouement en raison de l’environnement sécuritaire volatile et du déplacement massif de populations, ce qui ne permet pas une exploitation à souhait des superficies exploitables. Quant aux productions animales (lait, beurre, fromage), elles sont nettement en dessous du niveau moyen à cause de la réduction importante de l’effectif du bétail voire inexistant à la suite des ventes excessives, des vols/enlèvements et aussi à des difficultés d’alimentation dans les pâturages fortement dégradés dans les zones accessibles (Ménaka, Tidermène, Kidal) où des concentrations inhabituelles de bétail sont observées. L’embonpoint du bétail connait sa détérioration habituelle mais plus marquée qu’en année moyenne à cause des difficultés d’alimentation liées à la forte concentration inhabituelle du bétail qui a fortement dégradé le disponible fourrager dans les zones d’accueil des troupeaux, ce qui réduit la valeur marchande des animaux et les revenus issus de la vente des produits animaux.

    Marchés : L’approvisionnement des marchés en céréales continue d’être perturbé à cause des attaques répétées des groupes armés, des braquages sur les principaux axes routiers qui amènent les transporteurs à réduire voire à délaisser certaines destinations telles que Inékar, Tidermène, Andéramboukane et Bani Bangou au Niger. L’offre en denrées alimentaires se trouve fortement réduite par rapport à une année moyenne sur les principaux marchés et des ruptures d’approvisionnement sont signalés pour les marchés des zones à accès limité voire inaccessibles dans les communes de Inékar et d’Andéramboukane. Les flux avec l’Algérie pour les produits manufacturés et importés (pâtes alimentaires, le lait en poudre, le sucre, farine de blé, l’huile végétale) ainsi que pour le Niger (mil) se poursuivent, mais à un niveau en baisse importante par rapport à la normale à cause des perturbations de trafics liées à l’insécurité qui réduit les mouvements. Le prix du mil est nettement supérieur de 47 pour cent à Ménaka comparé à la moyenne quinquennale, ce qui réduit significativement les capacités d’accès des ménages pauvres à cette denrée de base. Quant aux marchés à bétail, leur fonctionnement reste perturbé à cause de l’insécurité. Le prix de la chèvre, l’animal le plus vendu par les ménages pauvres, par rapport à la moyenne quinquennale, est pratiquement stable sur le marché de Ménaka (+3 pour cent). Cependant, cette évolution moyenne des prix ne profite pas aux ménages pauvres aux effectifs limités et qui connaissent une réduction importante pour 73,8 pour cent des ménages (ENSAN, février 2023) à cause des vols/enlèvements, des mortalités et ventes excessives. Les termes de l’échange chèvre/mil sont en diminution par rapport à la moyenne quinquennale de 30 pour cent à Ménaka ; ce qui réduit l’accès des ménages pasteurs aux marchés.

    Assistances humanitaires : Les appuis humanitaires de vivres et de non-vivres de la part du gouvernement et des différents partenaires se poursuivent à l’endroit des ménages pauvres et des déplacés dans le cadre du mécanisme rapide de réponse. De janvier à avril 2023, selon le Cluster Food Security, 49 445 personnes soient 59,1 pour cent de la population de la région ont reçu au moins une assistance alimentaire sous forme de voucher ou de cash couvrant au moins 60 pour cent de leurs besoins calorifiques. Cependant, en raison des difficultés d’accès humanitaires à certaines zones devenues inaccessibles, l’assistance s’est focalisée dans la ville de Ménaka qui regroupe l’essentiel des personnes déplacées de la région avec 43 157 personnes en besoin concernées pour une cible de 20 514 personnes. Dans la commune d’Andéramboukane 37 pour cent des personnes en besoin ont reçu au moins une assistance alimentaire. Cette proportion est très faible dans les communes à accès limité d’Inékar avec 2 pour cent des bénéficiaires ciblés atteints et de 1 pour cent à Tidermène. En outre, des programmes d’appui aux moyens de subsistance (distribution d’aliment de bétail, vaccination du bétail) ont ciblé 34 292 personnes déplacées et des ménages hôtes et 14 236 personnes ont bénéficié des appuis en activités génératrices de revenus (OCHA, mai 2023).

     

    Suppositions

    Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire de juin 2023 à janvier 2024 se base sur des suppositions fondamentales suivantes, au regard de l’évolution du contexte national :

    • Situation sécuritaire/mouvement de population : Les affrontements entre les groupes armés se poursuivront dans la région de juin à janvier 2024. Les persécutions sur les populations civiles, les pillages de biens qui réduisent l’accès aux services sociaux de base et aux assistances humanitaires, engendreront des déplacements inhabituels de personnes les zones inaccessibles d’Inékar, Andéramboukane et de Ménaka vers les villes de Ménaka et Andéramboukane. Des offensives militaires qui s’intensifieront, calmeront par moment la situation sans empêcher la poursuite des exactions sur les populations civiles et leurs biens.
    • Approvisionnement des marchés et prix des céréales : La persistance des perturbations liées à l’insécurité sur les principaux axes routiers continuera de réduire l’intensité par rapport à la normale, les flux commerciaux de juin à janvier 2024 particulièrement dans les zones situées à la frontière avec le Niger où le trafic est parfois interrompu. Le prix du mil et des denrées importées restera nettement supérieur à la moyenne quinquennale de plus de 40 pour cent au niveau des principaux marchés de la région (Ménaka, Andéramboukane et Inékar), ce qui réduira les capacités d’accès des ménages pauvres aux marchés.
    • Evolution des moyens d’existence : La réduction du niveau des activités économiques se poursuivra de juin à janvier 2024 à cause de la persistance des incidents sécuritaires qui limitent significativement les mouvements des personnes et des biens, le fonctionnement des marchés. L’accès aux sources habituelles de revenus et de nourritures restera problématique particulièrement pour les ménages dans les zones à accès limité où l’accès humanitaire reste très faible. 
    • Assistance humanitaire alimentaire : Dans le cadre du Plan National de Réponse du gouvernement en collaboration avec les humanitaires, une assistance mensuelle de vivres principalement sous forme de voucher de juin à septembre 2023 et couvrant les 2 100 Kcal des bénéficiaires sera fournie à 51 298 personnes y compris les populations déplacées, soit 61,4 pour cent de la population de la région. Cependant, les difficultés d’accès humanitaires observées présentement, le faible niveau de financement de l’assistance (15% des besoins selon OCHA en juin 2023), ne permettront pas une mise en œuvre adéquate de cette assistance en dehors des villes de Ménaka et d’Andéramboukane même si, des ménages feront le déplacement pour accéder à ces vivres dans les zones plus sécures. Parallèlement à l’assistance alimentaire, des actions de renforcement de la résilience à travers les activités génératrices de revenus, de distribution de petits équipements, voire de bétail seront réalisées durant la même période.

     

    Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire

    Les difficultés d’accès aux sources typiques de revenus et de nourritures amènent les ménages à recourir à une diminution du nombre et du volume des repas par rapport à une année moyenne, à la vente des biens productifs et des ventes de détresse de bétail, ce qui engendre des grands déficits de consommation alimentaire notamment pour ceux qui sont dans les zones inaccessibles où les opportunités de revenus sont très limitées face à des prix des denrées alimentaires très élevés. La consommation alimentaire connait une dégradation plus marquée qu’en année moyenne à cause de la baisse importante des capacités d’accès des ménages aux marchés. La dégradation des moyens d’existence pour la majorité des ménages dans la région, de même que l’insuffisance d’accès à la nourriture pour plus de 20 pour cent des localités de la région, la baisse de revenus, aggravent la dégradation de la consommation alimentaire particulièrement pour les ménages des zones inaccessibles et les déplacés qui n’ont pas accès aux assistances humanitaires. Malgré le niveau élevé de l’assistance en vivres prévue de juin à septembre, il est probable que la situation ne s’améliore pas beaucoup notamment pour les populations dans les zones inaccessibles à cause du faible niveau de financement, des difficultés d’accès humanitaire et de la poursuite des déplacements de populations. Par conséquent, ces ménages notamment dans les zones inaccessibles qui ont recours aux stratégies d’adaptation négatives pour réduire les écarts énormes de consommation, sont probablement en situation d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) qui se poursuivra jusqu’en septembre 2023. Dans la ville de Ménaka qui regroupe l’essentiel des personnes déplacées de la région, les ménages sont en insécurité alimentaire de Crise ! (Phase 3 de IPC) grâce à l’assistance humanitaire en cours aussi bien pour les personnes déplacées que pour les populations résidentes.

    D’octobre à janvier 2024, la consommation alimentaire connaitra son amélioration saisonnière grâce à la disponibilité bien que faible par rapport à la moyenne des produits de cueillette, des récoltes principales et des produits animaliers. En plus, la poursuite de l’assistance humanitaire et la baisse saisonnière des prix qui rehausse les termes de l’échange bétail/céréales, amélioreront l’accès des ménages aux vivres ; ce qui réduira le recours aux stratégies d’adaptation d’Urgence. Les ménages contraints de respecter les règles des occupants connaitront une amélioration de la mobilité, ce qui sera favorable à une amélioration de l’accès humanitaire et du fonctionnement des marchés dans les zones inaccessibles. Les départs massifs à la migration qui seront observés, réduiront la pression sur les maigres ressources au niveau des ménages.  Au regard du niveau de dégradation élevé des moyens d’existence en lien avec l’insécurité, les ménages pauvres de la région continueront à rencontrer des difficultés d’accès adéquat à la nourriture particulièrement pour les ménages déplacés qui représentent 46,4 pour cent de la population de la région. Par conséquent, l’insécurité alimentaire d’Urgence (Phase 4 de IPC) en cours connaitra une amélioration en Crise (Phase 3 de IPC) d’octobre à janvier 2024. 

    Quant à la situation nutritionnelle, au regard des difficultés d’accès des ménages aux vivres plus importantes qu’en 2022 à cause des perturbations sécuritaires et économiques plus énormes, des déplacements importantes de population et des difficultés d’accès à l’assistance humanitaire et aux services sociaux de base, la prévalence de la Malnutrition globale aigüe (MAG) serait probablement au-dessus de celle de juillet 2022 (14,0 pour cent de MAG) qui était élevée (situation sérieuse) selon les normes de l’OMS et particulièrement pour les populations déplacées pour lesquelles la situation nutritionnelle est critique (MAG 26,9 pour cent) selon le SMART de mars 2023.

     

    Autres zones de préoccupation dans le pays

    La persistance de l’insécurité dans les cercles de Koro, Bankass, Ansongo, Gao, Gourma Rharous, Douentza, continue d’engendrer la dégradation des moyens d’existence à travers la baisse plus ou moins importante des activités socio-économiques et les déplacements inhabituels de populations. Les difficultés d’accès des ménages pauvres à la nourriture dans ces zones d’insécurité à cause de l’épuisement précoce des stocks, la baisse globale de revenus face à des prix élevés des denrées alimentaires de base les amènent à recourir de façon atypique à la réduction des dépenses non alimentaires et alimentaires, aux emprunts en nature et en espèce voire à la réduction de volume de repas. La dépendance accrue aux transferts des migrants, les ventes inhabituelles de bétail, l’intensification de la main d’œuvre agricole ou non agricole, la consommation accrue de produits sauvages et les assistances humanitaires de vivres qui couvriront au moins 50 pour cent des besoins des ménages en besoins, permettront d’atténuer le recours aux stratégies d’adaptation négatives. La dégradation saisonnière de la consommation alimentaire qui en découle, sera plus élevée que la moyenne de même que la situation nutritionnelle, exprimée par la Malnutrition Aigüe Globale (MAG) à travers la mesure du pois/taille, déjà préoccupante avec des prévalences élevées (MAG entre 10 à 14 pour cent) voire  très élevées ( 15 pour cent ou plus) dans ces zones et particulièrement au niveau des sites de déplacés selon les résultats de l’enquête nutritionnelle  SMART rapide de mars 2023. Les ménages pauvres de ces zones, incapables de satisfaire leurs besoins alimentaires sans recourir à des stratégies d’adaptation négatives sont par conséquent en insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) qui se poursuivra jusqu’en septembre. D’octobre à janvier 2024, l’amélioration saisonnière de l’accès des ménages aux denrées alimentaires sera observée grâce à la disponibilité des récoltes même inférieures à la moyenne, des productions animales (lait, fromage, beurre), des produits de cueillette et des rémunérations en nature dans les activités de récoltes. La baisse saisonnière des prix des céréales et les opportunités de rémunération contribueront à cette amélioration. Par conséquent, l’insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) en cours s’améliorera en insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC) d’octobre à janvier 2024.

    Ailleurs dans le pays, les ménages pauvres du sahel occidental de Kayes et Koulikoro, de la vallée du fleuve Niger et des centres urbains, rencontrent des difficultés d’accès aux marchés à cause de la hausse du prix des denrées de base. Ces ménages qui ont recours aux stratégies atypiques de réduction des dépenses non alimentaires et à l’intensification des activités de mains d’œuvre agricole et non agricole et d’emprunt sont en insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l'IPC) de juin à septembre 2023. A partir d’octobre, l’amélioration de l’accès des ménages aux denrées grâce aux récoltes et à la baisse des prix, l’insécurité alimentaire de Stress à Pire (Phase 2 de l’IPC) en cours s’améliorera en insécurité alimentaire Minimale (Phase 1 de l’IPC) excepté pour les ménages des centres urbains non-producteurs qui continueront à subir les impacts du niveau élevé des prix des produits alimentaires et de la baisse de revenus liée aux conséquences de la conjoncture économique difficile.

    Citation recommandée : FEWS NET. Mali. Perspectives sur la sécurité alimentaire juin 2023 à janvier 2024: L’Urgence (Phase 4 de l’IPC) persistera au cours de la soudure à Ménaka. 2023

    Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.

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