Télécharger le rapport
- Dans les zones inaccessibles de Ménaka, l’insécurité continue de limiter les mouvements des populations ainsi que les activités humanitaires. Les vols et pillages de biens, la baisse importante des activités économiques, et le recours aux stratégies d’urgence telles que la vente excessive de bétail et à la mendicité, maintiendront les ménages pauvres des zones inaccessibles de la région de Ménaka (Andéramboukane, Inekar) en Urgence (Phase 4 de l’IPC) pendant la soudure jusqu’en fin septembre. Les ménages pauvres des autres zones du Liptako Gourma qui ont recours à la réduction du volume et du nombre des repas, aux emprunts, aux ventes inhabituelles du bétail, à la vente de biens productifs et à l’assistance humanitaire sont présentement en insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC).
- Les prévisions climatiques suggèrent une confiance croissante dans un fort El Niño d'ici la fin 2023. Sur la base des tendances historiques, les années El Niño ne sont pas corrélées avec des anomalies notables dans les performances pluviométriques au Mali. L’évolution de la campagne agricole est globalement moyenne dans le pays avec toutefois des préoccupations quant au retard de développement des cultures dans certaines zones, y compris des zones de production, en lien avec la mauvaise répartition des pluies en début de saison. En plus, les difficultés d’accès aux fertilisants affecteront négativement la production agricole.
- La situation sécuritaire reste volatile dans les régions de Ménaka, Gao, Tombouctou et de Mopti avec une hausse atypique des incidents sécuritaires par rapport au mois passé. Les déplacements inhabituels de populations qui se poursuivent, la détérioration des moyens d´existence à travers la baisse des activités économiques, les vols/pillages de biens, etc., qui en découlent, exposent davantage les ménages pauvres à l’insécurité alimentaire.
- L’approvisionnement des marchés reste satisfaisant dans l’ensemble excepté dans les zones d’insécurité où les perturbations de flux réduisent plus que d’habitude l’offre des céréales sur les marchés. La hausse des prix des denrées alimentaires de base, notamment les céréales (mil, sorgho et maïs) de 15 à 47 pour cent par rapport à la moyenne quinquennale en plus de la détérioration des termes de l’échange chèvre/céréales réduisent les capacités d’accès des ménages éleveurs aux vivres.
Situation sécuritaire : Une intensification des incidents sécuritaires est observée dans le centre et le nord du pays, notamment autour de la réserve d’Ansongo-Ménaka et dans le cercle d’Andéramboukane. Selon Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), de juillet 2022 à juillet 2023, plus de 300 incidents perpétrés par des groupes armés ont été signalés dans les régions de Gao et de Ménaka, soit une augmentation de 63 pour cent comparé à l’année dernière. Selon le rapport Matrice de Suivi des Déplacements (DTM), le nombre de personnes déplacées en fin avril 2023 est estimé à 375 539 personnes contre 370 548 personnes déplacées en avril 2022, soit une hausse de 1,34 pour cent particulièrement dans le centre et le nord du pays comme à Ménaka où le nombre de déplacés atteint 48 pour cent de la population. Les perturbations de mouvement de la population et des activités économiques, qui connaissent une recrudescence à cause de la récupération par l’armée des camps transférés par la MINUSMA, engendrent une dégradation moyenne à importante des moyens d’existence dans la région de Ménaka où l’accès physique à beaucoup de localités, les flux commerciaux et l’accès humanitaire restent un défi. Par ailleurs, en fin août, le blocus imposé par les forces du Jama'a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM) sur les villes de Tombouctou, Boni, intimidant et ciblant les camions transportant des marchandises en provenance d'Algérie, de Mauritanie et d'autres régions du Mali ainsi que le transport fluvial entre Gao et Tombouctou, perturbe les flux commerciaux vers ces villes et engendre une hausse des prix des denrées alimentaires qui réduit l’accès des plus pauvres aux marchés.
Figure 1

Source: FEWS NET
Campagne Agropastorale : Entre juin et juillet, la mauvaise répartition spatiotemporelle des pluies a engendré des déficits modérés à importants dans le sud du pays. Le cumul de pluie du 1er mai au 20 août est normal à excédentaire dans le pays excepté dans les régions de Sikasso, Ségou et Koulikoro et l’Ouest de Tombouctou et l’Est de celle de Kayes où il est déficitaire (Figure I). L’évolution de la campagne agricole est marquée par un retard dans le développement des cultures dans beaucoup de zones agricoles y compris les bassins de production de Sikasso, Koulikoro et de Ségou où les semis/ re-semis se sont poursuivis jusqu’en août à cause de l’insuffisance et des séquences sèches dans l’installation des pluies au début de la saison (juin/juillet). Les superficies cultivées dans le pays sont globalement similaires (-2,3 pour cent) à celles de l’année dernière à la même période selon la Direction Nationale de l’Agriculture (DNA). Les travaux d’entretien des cultures se poursuivent et offrent des opportunités moyennes de revenus et de nourritures aux ménages pauvres dans les zones agricoles et les récoltes pour les semis précoces de maïs et d’arachide sont disponibles. Les difficultés d’accès aux engrais minéraux persistent à cause de la faible disponibilité de l’engrais subventionné et du niveau élevé des prix de plus de 30 pour cent par rapport à la moyenne sur les marchés. Dans les zones d’insécurité du centre et du nord du pays, la réduction des superficies cultivées à cause des difficultés d’accès aux champs et les déplacements des populations réduisent les revenus issus de la main d’œuvre agricole.
Conditions pastorales : La reconstitution des pâturages et des points d’eau se poursuit normalement à travers le pays grâce à la poursuite des pluies. L’embonpoint des animaux ainsi que les productions animales (lait, beure, et viande) connaissent leur amélioration saisonnière ; ce qui améliore la consommation alimentaire des ménages éleveurs ainsi que les revenus issus de la vente du bétail et des produits animaliers. Le mouvement de bétail se poursuit normalement excepté dans les zones d’insécurité du nord et du centre du pays où des perturbations sont observées à cause des enlèvements et des attaques des groupes armés comme à Ménaka, Ansongo et aussi dans la zone du Liptako Gourma. La situation zoosanitaire est calme dans l’ensemble et la campagne de vaccination se poursuit avec l’appui de certains partenaires humanitaires comme le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) et la FAO.
Pêche : La baisse saisonnière des captures de poissons est observée à cause de la montée de la crue sur les cours d’eau à travers le pays. Les captures restent moyennes dans l’ensemble excepté dans les zones d’insécurité de Mopti, Gao où les difficultés d’accès à certaines zones de pêche dans le delta intérieur du Niger en lien avec l’insécurité réduisent le niveau des captures.

Source: FEWS NET
Marchés et prix : L’offre de céréales sur les marchés reste suffisante dans l’ensemble en dépit de la baisse saisonnière des offres plus marquée qu’en année moyenne. Toutefois, dans les zones d’insécurité de Ménaka et dans les cercles de Bankass et de Koro, des perturbations énormes de flux sont observées et qui engendrent des insuffisances d’approvisionnement des marchés concernés. Les restrictions de mouvement en cours par les groupes armés autour de certaines villes du centre et du nord, telle que le blocus imposé sur la ville de Tombouctou, en réaction à la volonté de récupération par le gouvernement des camps transférés par la MINUSMA, impactent négativement sur les flux commerciaux vers ces zones. Les denrées manufacturées continuent de subir l’impact de la conjoncture internationale née du conflit Russo-Ukrainien, caractérisée par une inflation des prix de certaines denrées alimentaires (blé, huile, sucre), et qui a réduit les disponibilités. Les prix des céréales de base en fin juillet sont pratiquement stables par rapport au mois précédent même si de légères hausses sont observées par endroits. Ils sont en baisse par rapport à ceux de l’année dernière à cause des résultats de la campagne 2022 meilleurs à ceux de 2021. Par rapport à la moyenne quinquennale, les prix des céréales de base au niveau des marchés des capitales régionales (Figure 2) sont en hausse de 47 pour cent à Ménaka, 38 pour cent à Sikasso et Gao, 28 pour cent à Tombouctou, 18 pour cent à Koulikoro, 16 pour cent à Ségou, 15 pour cent à Mopti, 11 pour cent à Kidal et 7 pour cent à Kayes, ce qui réduit leur accès aux ménages pauvres.
L’offre de bétail sur les marchés présente la baisse saisonnière à cause des départs des animaux vers les pâturages d’hivernage mais beaucoup plus marquée dans les zones d’insécurité du centre et du nord du pays où le fonctionnement des marchés reste très perturbé voire arrêté pour certains marchés secondaires de Ménaka et de Gao. Le prix du bétail est similaire à supérieur à la moyenne quinquennale dans l’ensemble grâce à la reprise de l’embonpoint des animaux liée à la reconstitution des pâturages et des points d’eau. Sur les marchés des zones d’insécurité, la baisse des offres sur les marchés de Gao et de Rharous engendré par les départs d’éleveurs vers des zones plus sécures, contribuent à la hausse des prix notamment de la chèvre respectivement de 25 pour cent et 21 pour cent par rapport à moyenne quinquennale. A Ménaka, une hausse importante des offres est observée à cause de la présence des déplacés qui font des ventes d'urgence, engendrant une baisse des prix de la chèvre de 10 pour cent. La détérioration des termes de l’échange chèvre/céréales affecte négativement les capacités d’accès des ménages éleveurs aux vivres en raison des prix élevés des céréales.
Figure 2

Source: FEWS NET
Assistance humanitaire : La distribution gratuite de vivres couvrant au moins 50 pour cent des besoins calorifiques pour 1 175 983 personnes pour les trois mois de soudure (juin, juillet et août) et principalement sous forme de cash/coupons à travers tout le pays est en cours. L’assistance alimentaire s’est intensifiée en cette période de soudure par l’Etat et les partenaires humanitaires auprès des personnes identifiées en insécurité alimentaire à travers tout le pays. Au même moment, des ménages notamment dans les zones d’insécurité du centre et du nord du pays ont reçu des appuis en moyens d’existence à travers la vaccination du bétail, les intrants agricoles et les fonds pour les activités génératrices de revenus. Toutefois, l’accès humanitaire à certaines zones d’insécurité comme à Ménaka et par endroits dans le Liptako Gourma reste un défi majeur qui limite l’accès aux ménages en besoin d’assistance. Ces assistances humanitaires mensuelles en vivres et en non-vivres améliorent la disponibilité alimentaire et l’accès des ménages bénéficiaires pendant cette période de soudure.
Les hypothèses du rapport sur les perspectives de la sécurité alimentaire de juin 2023 à janvier 2024 se maintiennent, à l'exception de celles mises à jour ci-dessous:
- Situation sécuritaire et mouvement des populations : La dégradation de la situation sécuritaire observée depuis le mois de juin dans le Nord et Centre du pays se poursuivra particulièrement dans la bande Sud de Ménaka et Ansongo à cause de la volonté du gouvernement de réoccuper les sites transférés par la MINUSMA et de la crise politique au Niger qui facilitera le mouvement des groupes armés entre les deux pays. On assistera probablement à une multiplication des foyers de tensions dans ces zones. Ces incidents sécuritaires, marqués par la pose d’engins explosifs, la persécution des populations civiles, des assassinats ciblés dans le nord et le centre du pays, continueront à perturber les activités socio-économiques et à engendrer une hausse continue du nombre de populations déplacées.
- Productions de céréales : Le retard dans le développement des cultures à cause du déficit de pluie observé en début de saison, suivi d’une mauvaise répartition dans le temps et dans l’espace, impactera le niveau des rendements pour les cultures. En plus, les difficultés d’accès aux intrants agricoles et la réduction des superficies cultivées dans certaines zones, contribueront à une baisse des productions de céréales attendues en octobre 2023 par rapport à la moyenne.
Les difficultés d’accès des ménages pauvres aux vivres à cause des prix élevés des céréales de base, la détérioration des termes de l’échange chèvre/céréales et la précarité des revenus des ménages, engendrent une dégradation plus marquée que la moyenne de leur consommation alimentaire en cette période de soudure. L’accès à la nourriture reste moyen dans les zones agricoles du pays grâce à la disponibilité moyenne des vivres et des revenus proches de la moyenne issus des activités habituelles de revenus notamment de main d’œuvre agricole, des envois des migrants et des assistances alimentaires en cours qui contribuent à maintenir une consommation alimentaire adéquate. Par conséquent, l’insécurité alimentaire Minimale (Phase 1 de l’IPC) en cours se poursuivra jusqu’en fin septembre 2023. Toutefois, les ménages pauvres dans les zones ayant connu un épuisement précoce des stocks à cause de la baisse des productions agricoles de 2022 et ceux des centres urbains, ont recours de façon atypique à des stratégies de réduction des dépenses non alimentaires à cause de la baisse globale de revenus et des prix élevés des céréales, resteront en insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC) jusqu’en fin septembre 2023. À partir d’octobre, la disponibilité de la propre production, des céréales issues de la rémunération en nature et de la baisse saisonnière des prix, permettront à la majorité des ménages d’être en insécurité alimentaire Minimale (Phase 1 de l’IPC) jusqu’en janvier 2023. Cependant, les ménages pauvres dans la zone du Liptako Gourma, les zones d’insécurité du Nord, les ménages pauvres des centres urbains et les déplacés qui connaissent une dégradation des moyens d’existence seront en Stress (Phase 2 de l’IPC) à pire.
Dans le Liptako-Gourma, les difficultés importantes d’accès des ménages à la nourriture se poursuivent à cause de la dégradation continue des moyens d’existence liée à l’insécurité résiduelle et aux difficultés de mise en œuvre des assistances humanitaires de vivres. Ces ménages pauvres principalement dans les cercles de Bankass, Gao, Ansongo, Douentza et Koro, ménages incapables de satisfaire convenablement leurs besoins alimentaires ont alors recours de façon atypique à la réduction du volume des repas voire du nombre de repas, aux emprunts, aux ventes inhabituelles du bétail, à la vente de biens productifs et à l’assistance humanitaire. Par conséquent, l’insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) en cours devrait se poursuivre jusqu’en septembre 2023. Dans la région de Ménaka où l’insécurité continue d’avoir de graves conséquences, avec un nombre élevé de personnes déplacées (48,5 pour cent de la population) et où des zones sont rendues inaccessibles, les ménages rencontrent des difficultés d’accès aux sources habituelles de revenus et de nourritures et aussi aux assistances humanitaires en dehors des villes de Ménaka et d’Andéramboukane. Dans cette région, notamment dans les zones inaccessibles, les ménages ont recours à la vente des biens productifs, à la mendicité, à la vente de tout le bétail, ou à la migration de l'ensemble des membres du ménage et font face à des écarts importants de consommation alimentaire engendrant des signes visibles de malnutrition. Par conséquent, l’insécurité alimentaire d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) en cours se poursuivra jusqu’en septembre 2023. À partir d’octobre, grâce à la disponibilité même faible par rapport à la moyenne des produits de cueillette, des récoltes principales et des produits animaliers, la baisse saisonnière des prix et aussi l’amélioration de la mobilité dans la zone contribueront à améliorer la situation alimentaire qui sera en Crise (Phase 3 IPC).
Area | Evénements | Impact sur les conditions de la sécurité alimentaire |
---|---|---|
National | Déficit important de pluie/ arrêt précoce des pluies en septembre | Un déficit pluviométrique important et un arrêt précoce des pluies en septembre engendrera une baisse importante de production de céréales compte tenu du retard dans le développement des cultures; ce qui entrainera une baisse des disponibilités en céréales dans le pays. La rétention des stocks et la hausse des prix des céréales qui en résultent, limiteront l’accès aux vivres pour les ménages pauvres ce qui augmentera le nombre de personnes en insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC). |
National | Sanctions probables de la CEDEAO | Les restrictions financières et les perturbations des échanges avec les pays voisins impacteront négativement l’environnement socio-économique du pays déjà tendu. Le renchérissement du coût de la vie et la morosité des activités économiques réduiront les capacités des autorités à satisfaire les engagements sociaux (assistances alimentaires, santé, satisfaction des revendications sociales) et financiers (investissements) et celles des ménages à satisfaire de façon adéquate leurs besoins alimentaire et non alimentaire. Ainsi, le nombre de personne en en Stress (Phase 2 de l’IPC) et Crise (Phase 3 de l’IPC) augmentera. |
Citation recommandée: FEWS NET. Mali Mise à jour sur la sécurité alimentaire Août 2023: L’insécurité maintient l’Urgence (Phase 4 de l’IPC) dans la zone de Ménaka jusqu’en Octobre, 2023.
Cette mise à jour des perspectives sur la sécurité alimentaire présente une analyse des conditions actuelles d'insécurité alimentaire aiguë et de toute évolution de la dernière projection de FEWS NET concernant les résultats de l'insécurité alimentaire aiguë dans la géographie spécifiée au cours des six prochains mois. Pour en savoir plus sur le travail, cliquez ici.