Skip to main content

Des situations de Crise attendues dans certaines parties des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest pendant les récoltes

Des situations de Crise attendues dans certaines parties des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest pendant les récoltes

Download the report

  • Download the report
  • Messages clé
  • Contexte national
  • Zone de préoccupation: Zone de moyen d’existence de la plaine alluviale du Logone (CM01), dans la région de l’Extrême-Nord (Figure 4)
  • Calendrier saisonnier pour une année typique dans la région de l’Extrême-Nord
  • Zone de préoccupation: Zone de moyen d’existence des Hauts-Plateaux de l’ouest (CM09) dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (Figure 7)
  • Messages clé
    • La disponibilité des denrées alimentaires pour les ménages devrait s’améliorer avec le début de la récolte sèche, en juillet dans le sud et en septembre dans le nord. Dans la majeure partie du Cameroun, les récoltes stimuleront l’offre sur les marchés et entraîneront une baisse des prix des denrées alimentaires de base entre juillet et septembre, amenant une légère amélioration dans l’accès à l’alimentation pour les ménages urbains pauvres, dont beaucoup sont en situation de Stress (Phase 2 de l’IPC). Cependant, l’impact des conflits et de l’insécurité – exacerbé par des inondations saisonnières localisées – sur la production agricole, le fonctionnement des marchés et le prix des denrées alimentaires devrait entraîner des situations de Stress (Phase 2 de l’IPC) et de Crise (Phase 3 de l’IPC) dans les régions du Nord-Ouest (NO), du Sud-Ouest (O) et de l’Extrême-Nord. 

    • Dans la plupart des départements des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’accès au maïs, aux pommes de terre et aux légumineuses produits en propre et aux revenus tirés de la vente de cultures et du travail de récolte entraîneront probablement une amélioration de la situation, passant à une situation de Stress (Phase 2 de l’IPC) de juillet à septembre. Les principales exceptions sont les départements du Momo (Nord-Ouest), du Menchum (Nord-Ouest) et du Lebialem (Sud-Ouest), où l’effet des conflits est plus aigu et où de nombreux ménages pauvres n’ont pas pu cultiver. Dans ces zones, des situations de Crise (Phase 3 de l’IPC) devraient persister ; certains des ménages les plus touchés seront probablement en situation d’Urgence (Phase 4 de l’IPC). En octobre ou novembre, les ménages qui ont pu effectuer des récoltes commenceront, eux aussi, à épuiser leurs stocks et à se tourner principalement vers l’achat de leur alimentation. Cependant, le prix élevé des denrées alimentaires de base limitera les portions et la fréquence des repas. Un retour à des situations de Crise (Phase 3 de l’IPC) généralisées est attendu dans ces deux régions d’octobre à janvier. 

    • Dans les départements de l’Extrême-Nord touchés par le conflit, et notamment dans le Logone-et-Chari, le Mayo-Sava et le Mayo-Tsanaga, la récolte principale ne commence qu’en septembre. Une grande partie de la population a épuisé prématurément ses stocks produits en propre, et les opportunités de revenus sont insuffisantes pour soutenir des achats alimentaires adéquats sur les marchés dans un contexte où les prix des denrées alimentaires de base sont supérieurs à la moyenne et où le pouvoir d’achat baisse. Des situations de Crise (Phase 3 de l’IPC) sont attendues jusqu’en août, et de nombreux ménages pauvres devraient recourir à des emprunts insoutenables et à la mendicité pour atténuer leurs déficits de consommation alimentaire. Si la récolte sèche de sorgho, de maïs et de légumineuses devrait entraîner une amélioration et aboutir à une situation de Stress (Phase 2 de l’IPC) de septembre à janvier, certains ménages ayant été déplacés à plusieurs reprises disposent de capacités réduites (voire inexistantes) de cultiver et ne possèdent que quelques ressources commercialisables ; ils demeureront probablement en situation de Crise (Phase 3 de l’IPC). En outre, en raison de l’érosion à long terme du fonctionnement du marché et des capacités d’adaptation négative des ménages, une part restreinte mais croissante des ménages les plus défavorisés devrait connaître des situations d’Urgence (Phase 4 de l’IPC). 

    • Dans les départements du Mbéré (Adamaoua), du Kadey (Est) et du Lom-et-Djerem (Est), où se concentrent la plupart des réfugiés provenant de République centrafricaine, l’amélioration de la disponibilité des cultures récoltées à partir du mois de juillet favorisera un accès accru à l’alimentation et aux revenus provenant de la vente de production propre, réduisant ainsi le nombre de personnes en situation de Crise (Phase 3 de l’IPC). Cependant, compte tenu des prix supérieurs à la moyenne des denrées alimentaires de base et du niveau inférieur à la moyenne des revenus attendus pour les réfugiés et les ménages pauvres issus des communautés d’accueil, une situation de Stress (Phase 2 de l’IPC) au niveau de la zone devrait persister tout au long de la période projetée.

    Contexte national

    Situation actuelle

    Le conflit, l’insécurité et les déplacements : les conflits et l’insécurité – y compris les violences contre les civils – continuent de perturber les activités de moyen d’existence, les flux commerciaux, l’accès aux marchés et le fonctionnement des marchés à divers degrés dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord. Dans les zones touchées, cela se traduit par un accès à la nourriture et aux revenus inférieurs à la normale, et par des prix nettement supérieurs à la moyenne pour les denrées alimentaires de base. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, des affrontements sporadiques entre les forces gouvernementales et les combattants séparatistes continuent de perturber l’accès des ménages aux activités génératrices de revenus et d’augmenter les coûts de production et de commercialisation en raison de l’augmentation des risques financiers. Selon les données fournies par l’Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), les événements liés au conflit ont connu une légère hausse au premier trimestre 2023 par rapport à la même période en 2022, à un moment où les séparatistes intensifiaient leurs attaques afin de perturber les élections sénatoriales de mars 2023 et d’autres commémorations nationales. Cependant, les niveaux de violence observés au premier trimestre 2023 demeurent nettement inférieurs à ceux observés durant la même période en 2021. Entre avril et mai, le nombre d’incidents enregistrés a encore chuté pour atteindre 23 incidents, contre 39 au cours des deux mois précédents. Néanmoins, les estimations de l’OCHA suggèrent que des milliers de personnes ont connu de nouveaux déplacements lors des derniers mois, principalement dans les départements du Manyu (région du Sud-Ouest) et Donga Mantung (région du Nord-Ouest).

    Dans la région de l’Extrême-Nord, et en particulier dans les départements du Mayo-Sava, du Mayo-Tsanaga et du Logone-et-Chari, les attaques menées par la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique (PAOEI) contre l’armée camerounaise et les violences contre les civils continuent de provoquer des déplacements de population nouveaux et prolongés, et de limiter l’accès du personnel humanitaire. Plusieurs incursions armées en avril et en mai 2023 ont déplacé des milliers de personnes dans les arrondissements de Mayo-Moskota et de Mokolo du Mayo-Tsanaga (OIM). Cependant, les groupes islamistes se sont détournés des attaques de masse contre les populations civiles pour se concentrer sur l’attaque de positions militaires et sur les embuscades contre l’armée. Si elle demeure source de perturbations, cette évolution contribue à une réduction globale du nombre de victimes civiles enregistrées. Cette baisse du nombre de victimes civiles n’a pas encore entraîné d’amélioration des activités de moyen d’existence, en raison de la menace persistante d’être pris entre deux feux ou de subir des couvre-feux spontanés, des enlèvements ou des recrutements forcés. 

    En République centrafricaine (RCA) voisine, les conflits meurtriers continuent de déplacer des ménages vers le Cameroun, en particulier à partir des régions septentrionale et orientale de la RCA. Selon le HCR, le Cameroun accueille actuellement environ 349 000 réfugiés originaires de RCA, dont la plupart résident actuellement dans des camps et parmi les communautés d’accueil dans les départements du Lom-et-Djerem (région de l’Est), du Kadey (Est), du Mayo-Rey (région du Nord) et du Mbéré (région de l’Adamaoua). Compte tenu de l’absence de conflit dans cette région du Cameroun, les ménages de réfugiés – en particulier ceux qui sont se sont intégrés à la communauté – sont en mesure de cultiver, d’élever du bétail et de se procurer d’autres sources habituelles d’alimentation et de revenus.  Leurs ressources financières et sociales ont cependant tendance à être limitées, et ils sont en concurrence avec la population hôte pour l’obtention de terres et d’opportunités de travail.

    Les conditions des cultures : si l’engagement des ménages dans les activités de culture et les perspectives de production agricole pour l’année 2023 sont globalement normaux dans la majeure partie du pays, les cultures sont nettement inférieures à la normale dans les zones touchées par des conflits. La saison des pluies, de mars à mai, a commencé dans les temps dans la plupart des régions unimodales (régions de l’Adamaoua, du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et du Littoral) et bimodales (régions du Sud, du Centre et de l’Est) de la partie méridionale du pays. Les cultures de maïs, de racines, de tubercules et de légumineuses semées au début de la saison des pluies en mars approchent de la maturité en juin. La récolte verte de maïs, de pommes de terre et de haricots est en cours, particulièrement dans les champs semés au début du mois de mars. Les précipitations cumulées proches de la moyenne entre mai et juin ont atténué les effets négatifs de la répartition irrégulière des pluies entre mars et avril, assurant une bonne humidité des sols pendant le reste de la saison de croissance. En juin, les précipitations cumulées établies par les données CHIRPS étaient proches de la moyenne décennale (2012-2021) dans la plupart du sud, à l’exception de certaines zones localisées où des déficits légers à modérés ont été enregistrés. Dans le nord (régions de l’Extrême-Nord et du Nord), le début de la saison des pluies est globalement arrivé à temps, dans la troisième décade de mai, avec des retards localisés allant jusqu’à la première décade de juin dans les départements du Diamaré, du Mayo-Sava et du Logone-et-Chari (Extrême-Nord). Les semis de mil, de maïs, de sorgho et de légumineuses ont commencé en mai dans le Mayo-Kani et le Mayo-Tsanaga et se poursuivent dans le reste de la région de l’Extrême-Nord.

    En dépit de précipitations et de conditions de culture normales, les conflits demeurent les principaux obstacles à l’étendue des superficies semées, au développement des cultures et aux récoltes. Par exemple, dans les départements du Mayo-Sava, du Mayo-Tsanaga et du Logone-et-Chari, on estime que la production totale a chuté de plus de 30 %, en raison d’une diminution substantielle des superficies semées. Après plus de neuf ans d’insurrection islamiste dans l’Extrême-Nord et plusieurs années d’affrontements séparatistes dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, les ménages continuent d’être confrontés à un accès réduit aux champs, à la perte et à l’abandon de terres agricoles et à des déplacements répétés. En outre, l’accès réduit aux engrais et aux semences constitue une contrainte qui limite les rendements des cultures. Si ces facteurs n’entraînent généralement pas d’anomalies importantes dans les niveaux nationaux de production, leur impact demeure important en termes de disponibilité des denrées alimentaires pour les ménages pauvres, les ménages touchés par un conflit et les ménages de réfugiés. L’accès aux semences reste faible parmi les ménages vivant dans des zones touchées par les conflits. Ceux-ci ne conservent plus de stocks de semences en raison de mauvaises récoltes passées, et doivent donc planter ce qui est disponible. La persistance du prix élevé des engrais – qui se situe actuellement à un niveau deux fois supérieur à la moyenne sur cinq ans – et les défis logistiques liés aux conflits réduisent la disponibilité des subventions gouvernementales pour les engrais et les semences. L’accès aux intrants est d’autant plus réduit dans les zones rurales ou touchées par un conflit que l’offre y est limitée et que les prix y augmentent. Les données recueillies en mai par FEWS NET montrent que les prix de l’engrais NPK (20:10:10) étaient de 14 à 25 pour cent plus élevés dans le Nord-Ouest et l’Extrême-Nord (Kousseri, Mora et Kaélé) qu’à Douala.

    La demande en main-d’œuvre : compte tenu des activités de culture en cours, l’augmentation saisonnière de la demande en main-d’œuvre agricole entraîne une augmentation relative des revenus des ménages pauvres dépendant du travail salarié dans les régions du Cameroun où les conditions de sécurité restent calmes. D’autre part, la demande en main-d’œuvre agricole demeure considérablement et inhabituellement inférieure à la normale dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, touchées par le conflit, et dans certaines parties de l’Extrême-Nord touchées par l’insurrection. Les ménages pauvres des régions touchées par les conflits ont un accès réduit aux opportunités de travail en raison de la réduction des superficies semées par les ménages des classes moyennes et aisées, et des restrictions de mouvement liées à l’insécurité régnant dans de nombreuses zones de culture. En outre, dans la région du Sud-Ouest, les plantations d’État de palmiers à huile, de caoutchouc et de bananes continuent d’adapter ou d’interrompre leurs activités en fonction des menaces des séparatistes, et la majorité de leurs plus de 17 000 salariés ont été licenciés. Enfin, la demande en main-d’œuvre dans les plantations de cacao et de café des zones touchées par les conflits a également chuté en raison de l’abandon des exploitations. 

    La demande en main-d’œuvre occasionnelle non agricole reste inférieure aux niveaux habituels dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord en raison de l’impact négatif des conflits sur les activités économiques. Les résultats de la dernière évaluation du marché du travail de l’OIM disponible (avril 2022), menée dans les zones urbaines, semi-urbaines et rurales des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, suggèrent qu’une part importante des salariés ont perdu leur emploi en raison de fermetures. Le nombre d’emplois perdus est nettement plus élevé dans les secteurs de la construction, de l’industrie manufacturière et de l’agriculture. Outre le transfert vers d’autres activités non agricoles génératrices de revenus comme la maçonnerie, la taille de pierres, le petit commerce ou la vente de bois de chauffage et charbon de bois, l’étude révèle également qu’un nombre de ménages pauvres et de classe moyenne plus important qu’à l’accoutumée a recours à des mécanismes de prêt pour compenser leurs pertes de revenus. 

    Les conditions de production du bétail : si les systèmes de moyen d’existence par les cultures concernent la majeure partie du territoire camerounais, la production de bétail est une source d’alimentation et de revenus importante dans les communautés pastorales de l’Extrême-Nord et, dans une moindre mesure, parmi les groupes d’éleveurs des régions du Nord, du Nord-Ouest et de l‘Adamaoua. Après 7 mois de saison sèche dans l’Extrême-Nord, les pluies actuelles atténuent la pénurie d’eau et, dans une certaine mesure, régénèrent les pâturages dans le nord. Cependant, les rapports de terrain établis en juin suggèrent que la disponibilité des pâturages reste généralement faible dans les départements du Diamaré, du Mayo-Sava et du Mayo-Tsanaga, dans la région de l’Extrême-Nord, où les pluies ont commencé en juin. Selon les informateurs clés interrogés, l’état d’embonpoint des grands ruminants ne se sont pas encore entièrement rétablies, nombre de troupeaux devant encore parcourir de longues distances pour trouver des pâturages plus riches. En outre, la taille des troupeaux a diminué ces dernières années dans l’Extrême-Nord en raison des conflits, de l’insécurité et des inondations. Pour mettre les choses en perspective, plus d’1,7 million de dollars de têtes de bétail ont été tuées ou confisquées dans la région du Nord-Ouest en 2021 selon un rapport de la Banque mondiale. En dehors de ces phénomènes de vol de bétail, des milliers de têtes sont également perdues chaque année dans la région de l’Extrême-Nord en raison des inondations. Les inondations de 2022 ont détruit des milliers de têtes de bétail, en particulier dans les départements du Logone-et-Chari, du Mayo-Danay et du Mayo-Sava. En revanche, la végétation favorable produite par trois à quatre mois de précipitations proches de la moyenne dans les régions du Nord-Ouest, de l’Adamaoua et de l’Ouest ont entraîné de bons états d’embonpoints et renforcé la productivité. Le niveau de l’offre sur le marché du bétail demeure proche de la normale dans les régions de l’Adamaoua et de l’Ouest, qui ne sont pas affectées par les conflits ou par l’insécurité.

    Le prix des denrées alimentaires de base : au mois de mai, la pénurie relative de riz, de blé et d’huile végétale importés, due aux prix élevés sur les marchés mondiaux et au coût du transport, a maintenu des prix historiquement élevés dans tout le pays. Le niveau des importations de denrées alimentaires a commencé à augmenter pendant la pandémie de COVID-19 en 2020, et cette évolution s’est accélérée après le début de la guerre en Ukraine. Le prix du riz importé a ainsi augmenté de 18 pour cent en moyenne depuis février 2022. Au deuxième trimestre 2023, ce prix était supérieur de près de 30 pour cent à celui pratiqué à la même période en 2020. En mai 2023, les prix du riz sur certains marchés de référence étaient, en moyenne, huit pour cent plus élevés qu’à la même période l’année précédente et nettement au-dessus de la moyenne sur cinq ans (Figure 1). Ces tendances sont accentuées dans les centres urbains tels que Yaoundé et Douala par rapport aux marchés ruraux de référence, probablement en raison d’une demande en achats alimentaires plus élevée pour les ménages urbains. Le prix de l’huile végétale importée a suivi des tendances similaires, augmentant de 21 à 32 pour cent depuis le début de la guerre en Ukraine. Le niveau élevé des coûts de transport, dus en partie à la hausse des prix du carburant et aux effets des conflits, constituent un facteur aggravant, qui exerce une pression à la hausse sur les prix des denrées alimentaires de base importées ou produites localement.

    Figure 1

    Prix au détail du riz importé sur certains marchés de 2019 à 2023

    Source: Calculs établis sur les données recueillies par la Délégation régionale de l’agriculture (DRADER)

    Le coût élevé, et croissant, du riz importé a conduit à des phénomènes de substitution vers le maïs, le sorgho et les racines et tubercules, conduisant à une augmentation de la demande et des prix. En mai, les prix du maïs à Douala et Yaoundé avaient augmenté de 13 et 46 pour cent, respectivement, par rapport à l’année précédente, et se trouvaient à des niveaux 60 et 100 pour cent, respectivement, plus élevés que la moyenne sur cinq ans. Sur ces deux marchés, les prix du manioc en mai étaient, en moyenne, 75 pour cent plus élevés que la moyenne sur cinq ans. De la même façon le prix du litre d’huile de palme – qui constitue un substitut à l’huile végétale – avait augmenté de respectivement 6 et 38 pour cent à Douala et à Yaoundé par rapport à mai 2022. 

    Dans les zones touchées par les conflits, les prix sont généralement plus élevés que lors des années précédant le conflit, la réduction de la production entraînant un niveau d’offre inférieur à la moyenne et une demande inhabituellement élevée. Les prix du maïs sur les marchés clés de la région du Nord-Ouest ont augmenté en moyenne de 60 pour cent entre mai 2022 et mai 2023 et sont restés nettement plus élevés qu’avant le conflit. Dans la région de l’Extrême-Nord, les prix du sorgho en mai 2023 à Kaélé, Mokolo, Kousseri et Yagoua étaient entre 15 et 35 pour cent plus élevés qu’en mai 2022, et en moyenne près de 60 pour cent plus élevés par rapport à une année ordinaire. Cette tendance a également été observée pour d’autres denrées de base produites localement. Par exemple, les prix locaux du riz étuvé dans l’Extrême-Nord étaient de 14 à 27 pour cent plus élevés que la moyenne. Le cours de l’huile de palme n’a cessé d’augmenter sur tous les marchés, celle-ci se vendant, en mai, à des prix 27 pour cent supérieurs à ceux pratiqués à la même période l’année passée.

    Le prix élevé des denrées de base alimentaires et non alimentaires continue de limiter le pouvoir d’achat des ménages pauvres. Les salaires sont supérieurs à la moyenne dans les zones urbaines et périurbaines, mais inférieurs à la moyenne dans la plupart des zones rurales en raison de la baisse de la demande en main-d’œuvre agricole ; la baisse de la demande réduit également le nombre de possibilités de revenus pour les travailleurs journaliers. Les ménages pauvres et déplacés provenant des zones touchées par les conflits sont les plus mal lotis. Ils sont en effet confrontés aux perturbations les plus importantes dans l’accès aux revenus, qui viennent se cumuler avec un niveau élevé du prix des denrées alimentaires de base, réduisant d’autant plus leur pouvoir d’achat. Dans le Nord-Ouest, par exemple, les termes d’échange main-d’œuvre/céréales pratiqués entre février et avril 2023 à Bamenda ont chuté en moyenne de 43 pour cent par rapport à ceux proposés à la même période l’année dernière ; cette baisse est encore plus importante dans d’autres départements.

    Le prix du bétail : le prix du bétail augmente à l’échelle nationale en raison de l’inflation, laquelle est due, en partie, à la hausse des coûts des aliments complémentaires et du transport. Les prix sont supérieurs à la moyenne, sauf dans les zones touchées par des conflits où la demande à l’export s’est éloignée du Cameroun en raison des hostilités, entraînant une baisse des prix en dessous de la moyenne. Au mois de mai, les prix des chèvres dans l’Extrême-Nord ont varié entre des valeurs s’établissant près de 10 à 30 pour cent au-dessus de la moyenne sur les cinq années précédentes. Ils sont cependant restés stables entre avril et mai en raison de l’augmentation du nombre de ventes de détresse, qui a entraîné une offre excédentaire avant le début de la saison de soudure. Cependant, les prix élevés du bétail ne suivent pas le rythme de l’augmentation des prix des denrées alimentaires de base, ce qui entraîne une baisse des termes d’échange. Entre février et avril 2023, la quantité de sorgho pouvant être achetée pour le prix d’une chèvre dans l’Extrême-Nord (Figure 2) a diminué de 17 à 30 pour cent par rapport à la même période l’année passée, et de 21 pour cent en moyenne par rapport à la moyenne sur quatre ans. 

    Indépendamment des variations récentes du pouvoir d’achat, le commerce de bétail entre l’Extrême-Nord et le reste du bassin du lac Tchad reste limité par l’insécurité. Dans la région du Nord-Ouest, les principaux marchés de bétail de Bui et Donga Mantung demeurent fermés. De nombreux éleveurs des zones touchées par le conflit renâclent à se lancer dans de grandes transactions financières, de peur d’être attaqués ou pris en otage en échange d’une rançon. 

    Figure 2

    Termes d'échange des chèvres et du sorgho rouge dans la région de l’Extrême-Nord

    Source: Calculs établis sur les données recueillies par la Délégation régionale de l’agriculture (DRADER) de l’Extrême-Nord

    L’assistance alimentaire humanitaire : la portée de l’assistance alimentaire reste très limitée, même pendant la saison de soudure, en raison du manque de financements, des contraintes logistiques et des contraintes d’accès du personnel humanitaire. La présence de groupes armés continue d’entraver les distributions, en particulier dans des départements comme le Lebialem, le Momo et le Donga Mantung. En mars, les activités humanitaires dans certaines zones du Mayo-Sava ont dû être suspendues suite à une augmentation des menaces d’enlèvements et une résurgence des alertes et des incidents liés à des engins explosifs. Selon le Cluster pour la sécurité alimentaire du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NWSW-FSC), les partenaires humanitaires n’ont pu atteindre en moyenne que 257 000 personnes par mois dans ces deux régions depuis janvier 2023 pour leur apporter une assistance en nature, en espèces ou en bons d’achat et en les assistant dans l’accès aux moyens d’existence ; ce chiffre représente moins de 10 pour cent de la population totale des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. FEWS NET n’a pas été en mesure d’obtenir de détails quant aux distributions de nourriture dans les régions de l’Extrême-Nord, de l’Est, de l’Adamaoua et du Nord. En raison de problèmes logistiques, les opérations d’assistance par transfert d’espèces ont également été suspendues dans certaines zones. 

    Résultats actuels de la sécurité alimentaire

    Dans les zones non touchées par les conflits ou par l’insécurité, de nombreux ménages pauvres continuent d’avoir un accès quasi normal à la nourriture issue de leur propre production et gagnent des revenus de niveau moyen, provenant de sources habituelles comme la vente de cultures et d’animaux d’élevage, le travail agricole occasionnel ou la vente de bois de chauffage et de charbon de bois. Ils peuvent par conséquent maintenir une consommation alimentaire quasi normale et se trouvent dans une situation d’insécurité alimentaire Minimale (Phase 1 de l’IPC). Cependant, des situations de Stress (Phase 2 de l’IPC) existent à Yaoundé et à Douala, où le niveau relativement plus élevé des prix et la dépendance des ménages urbains vis-à-vis des achats alimentaires impliquent d’importantes difficultés dans l’approvisionnement nourriture dans des proportions minimales suffisantes. De nombreux ménages urbains pauvres ne peuvent subvenir à leurs besoins alimentaires de base qu’en recourant à l’achat d'aliments moins recherchés ou à prix réduit, ou en réduisant les portions lors des repas.

    En raison de niveaux de production agricole inférieurs à la moyenne l’année dernière, une grande partie de la population des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a épuisé ses stocks alimentaires issues des récoltes plusieurs mois avant la date habituelle. Les ménages doivent donc s’appuyer sur les achats sur le marché pour satisfaire leurs besoins alimentaires de base. Dans l’ensemble, les opportunités génératrices de revenus et les revenus des ménages sont limités par les conflits. Ceux-ci vident en effet les villes chaque semaine et entraînent de fréquents couvre-feux dont le non-respect est puni par la violence. Ils tendent également à éroder la productivité et le fonctionnement des marchés à long terme. Dans l’ensemble, on estime que plus de 20 pour cent des ménages pauvres sont confrontés à une consommation alimentaire modérément insuffisante lors de la saison de soudure, qui s’étend de mars à la mi-juin, en raison de revenus insuffisants pour répondre à leurs besoins alimentaires de base. Beaucoup de personnes ayant déclaré, plus tôt dans l’année, s’être tournées vers des aliments moins recherchés ou moins chers ou s’être appuyés sur la solidarité de parents vivant dans des zones plus sûres pour obtenir de la nourriture recourent désormais à des stratégies d’adaptation alimentaire de plus en plus négatives, comme la réduction des portions et de la fréquence des repas pendant la saison de soudure. Bien que l’assistance alimentaire contribue à atténuer les lacunes de consommation alimentaire pour les bénéficiaires, la plupart des personnes n’y ont pas accès, ce qui entraîne des situations de Crise (Phase 3 de l’IPC) de plus en plus courantes.

    Dans l’Extrême-Nord, la hausse des prix des denrées de base jusqu’à des niveaux historiquement élevés limite le pouvoir d’achat des ménages pauvres à un moment de l’année où la dépendance à l’égard des marchés atteint des sommets. La consommation d’aliments sauvages disponibles (okok, tasba et loulou) par les ménages pauvres atteint des niveaux inhabituellement élevés. Ceux-ci n’ont en effet pas les moyens d’acheter des céréales de base telles que le sorgho, le maïs ou le riz. Or la densité calorique de ces aliments sauvages est insuffisante pour prévenir les lacunes alimentaires. Dans les départements du Mayo-Sava, du Mayo-Tsanaga et du Logone-et-Chari, les moyens d’existence des ménages pauvres ont gravement diminué après plusieurs années d’insurrection et de violence islamistes. Pour maintenir leur moyen d’existence, de nombreux ménages pauvres de ces départements adoptent actuellement des stratégies négatives de consommation alimentaire et d’adaptation telles que la réduction des portions et de la fréquence des repas, la dépendance à l’égard d’aliments moins recherchés ou l’achat de nourriture à crédit. En outre, le recours à des stratégies d’adaptation telles que l’emprunt, l’utilisation de l’épargne et la vente d’actifs tend à augmenter pour assurer les moyens d’existence des ménages pauvres. Cependant, certains ménages signalent ne plus disposer d’épargne ou d’actifs négociables. Le remboursement des dettes contractées se fera par les revenus provenant d’activités habituelles comme le travail agricole salarié, la vente de bétail ou la vente de bois de chauffage et charbon de bois. De nombreuses personnes réduisent également leurs dépenses non alimentaires : médicaments, frais de scolarité ou intrants agricoles. Les situations de Crise (Phase 3 de l’IPC) sont donc de plus en plus répandues. 

    La plupart des réfugiés originaires de République centrafricaine (RCA) sont concentrés dans le Mbéré (Adamaoua), le Kadey (Est) et le Lom-et-Djerem (Est). La majorité des ménages pauvres réfugiés ou au sein des communautés d’accueil continuent de gagner des revenus faibles par rapport au prix élevé des denrées alimentaires de base, en raison de l’augmentation de l’offre de main-d’œuvre et de la concurrence existant dans l’accès aux emplois et aux ressources naturelles. Nombre de ces ménages s’appuient sur des stratégies d’adaptation négatives telles que la consommation d’aliments moins recherchés ou moins chers, l’emprunt de nourriture à des amis ou à des parents, la réduction des portions au moment des repas et la réduction des dépenses en matière de santé et d’éducation. Ces réductions des dépenses liées à l’éducation semblent avoir conduit des parents à déscolariser leurs enfants. Les personnes ayant déjà épuisé leur épargne ont une capacité considérablement réduite à faire face à la récente flambée des prix alimentaires. Compte tenu l’importante dépendance aux marchés lors de la saison de soudure (mai et juin) et de la baisse du pouvoir d’achat, des situations de Stress (Phase 2 de l’IPC) subsistent dans toute la zone et certains ménages de réfugiés très pauvres se trouvent probablement en situation de Crise (Phase 3 de l’IPC). 

    Un nombre réduit de ménages de personnes déplacées et de réfugiés connaissent probablement des situations d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) dans l’Extrême-Nord et le Nord-Ouest/Sud-Ouest. Ces ménages ont été soumis à des déplacements répétés et ont perdu tous leurs biens. L’accès aux opportunités génératrices de revenus est particulièrement difficile compte tenu du manque de liens sociaux sur un marché du travail déjà très compétitif. Outre le manque de capital social, le manque d’accès à la terre et au capital financier empêche ces ménages de se rétablir des sources durables de nourriture et de revenus. Compte tenu de leurs revenus et de leur capacité limitée à produire leur propre nourriture, et après avoir déjà épuisé les stratégies d’adaptation moins sévères, ces ménages n’ont d’autre choix que de mendier, souvent sur le bord des routes, ou de se résoudre à la faim. Les personnes membres de ces ménages les plus défavorisés sont susceptibles d’être sous-alimentées, d’autant plus que les niveaux de disponibilité alimentaire sont à leur point le plus bas et que les prix alimentaires sont à leur point le plus élevé lors la saison de soudure. Le niveau de l’assistance humanitaire est faible et les obstacles que les conflits posent dans le recours et l'accès à l'aide alimentaire empêchent d’atténuer les déficits de consommation alimentaire. 

    Suppositions

    Le scénario le plus probable pour la période de juin 2023 à janvier 2024 se fonde sur les hypothèses suivantes à l’échelle nationale :

    • Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les niveaux de conflictualité entre les forces gouvernementales et les combattants séparatistes devraient demeurer comparables à ceux observés durant la même période en 2022. Les attaques visant les forces gouvernementales et les civils devraient connaître une relative diminution au milieu de la saison des pluies (mai-août 2023), au moment où les routes impraticables entraveront les mouvements des troupes. Après la fin de la saison des pluies, les attaques des forces séparatistes devraient connaître une relative augmentation entre octobre et janvier, conformément aux tendances saisonnières observées.
    • Dans l’Extrême-Nord, les niveaux de conflictualité associés aux opérations de la PAOEI dans les départements du Mayo-Sava, du Mayo-Tsanaga et du Logone-et-Chari devraient être inférieurs à ceux observés en 2021 et 2022. En effet, la PAOEI continue de réduire ses attaques de masse contre les populations civiles et se concentre sur l’assaut de positions militaires et l’embuscade de convois militaires. La perception d’impôts par la PAOEI sur les territoires qu’elle contrôle devrait cependant entraîner des violences – régulières mais à échelle réduite – contre des civils, la violence continuant d’être utilisée pour la collecte. Le nombre d’attaques de la PAOEI, et de décès associés, devrait connaître une relative diminution lors de la saison des pluies (de mai/juin à septembre), au moment où l’accès médiocre aux routes entrave les mouvements de troupes. Après la fin de la saison des pluies, les attaques de la PAOEI devraient connaître une relative augmentation, conformément aux tendances saisonnières observées. 
    • Sur la base des prévisions produites par les partenaires scientifiques de FEWS NET au sein de l’USGS, de la NOAA et de l’UCSB CHC, les précipitations cumulées au cours de la haute saison des pluies (de juin à septembre) dans le nord du Cameroun se situeront probablement autour ou au-dessus de la moyenne. Des inondations localisées sont attendues dans le nord du pays, notamment le long du Chari et du Logone. La seconde saison des pluies devrait débuter dans les temps à la mi-août dans les régions du Centre, de l’Est et du Sud, et les précipitations cumulées de septembre à novembre devraient être supérieures à la moyenne. 
    • Les précipitations moyennes à supérieures devraient permettre un rendement moyen des cultures de base à l’échelle nationale. Les conflits et déplacements entraîneront cependant de probables déficits localisés dans les zones de culture, et dans la production totale des zones touchées par les conflits. Les projections réalisées par le ministère de l’Agriculture et par la FAO suggèrent que la production céréalière nationale restera proche de celle de 2022 et de la moyenne sur cinq ans, indépendamment des déficits localisés.
    • Le prix des engrais devrait demeurer stable durant la période couverte par le scénario, la hausse ayant récemment ralenti dans tout le pays. Les prix devraient cependant demeurer à des niveaux historiquement élevés, et continueront de limiter le niveau des subventions proposées par le gouvernement et leur disponibilité pour les ménages pauvres. Les ménages pauvres appliqueront probablement des engrais dans des quantités inhabituellement basses, entraînant des rendements réduits ; il est cependant peu probable que les niveaux de production nationaux s’en trouvent affectés de manière significative. Les agriculteurs plus aisés peuvent en effet encore financer l’achat d’engrais, même à ces tarifs élevés, et devraient donc contribuer à une production céréalière nationale proche de la moyenne. 
    • La demande en main-d’œuvre agricole devrait généralement atteindre des niveaux saisonniers moyens lors du début de la période de récolte en juillet dans le sud du Cameroun et en octobre dans le nord. La demande en main-d’œuvre agricole demeurera cependant probablement inférieure à la moyenne dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où les conflits entraînent une réduction des superficies cultivées. 

    • Les inondations saisonnières prévues dans le nord à partir du mois d’août devraient limiter la demande en main-d’œuvre pour les tâches de désherbage lors de la haute saison de juillet/août. Cette demande limitée, associée à une réduction des salaires journaliers, entraînera une baisse significative du niveau de revenus pour des ménages pauvres qui subissent déjà les inondations et une insurrection islamiste dans toute la région.

    • L’offre de main-d’œuvre informelle dans les zones urbaines augmente lorsque les enfants ne sont pas scolarisés pendant les vacances d’été, entre juillet et septembre. Cela conduit à une baisse saisonnière des salaires pour le travail informel dans les zones urbaines. Cependant, et si l’on se fonde sur le travail de suivi des salaires journaliers pour le travail informel dans les secteurs de la construction et de la manutention de marchandises à Yaoundé et à Douala, réalisé par FEWS NET, les tendances inflationnistes devraient probablement maintenir les salaires à des niveaux légèrement supérieurs à ceux de 2022 pour le travail informel urbain, compensant l’impact de cette baisse saisonnière.

    • Compte tenu des conditions d’approvisionnement qui demeurent tendues à l’échelle mondiale, le taux d’inflation devrait rester élevé au Cameroun, conservant une valeur proche du niveau de 6,3 % (INS) constaté en 2022. Ce niveau provient du prix international élevé des denrées de base et de l’augmentation des coûts de transport. Les prix des principales denrées importées, comme le riz, le blé, le poisson, l’huile végétale raffinée ou les engrais, devraient augmenter au-delà des niveaux de 2022 et réduire par là même le pouvoir d'achat des ménages. De nouvelles réductions dans les importations nationales sont en outre attendues. Elles font suite à l’intention du gouvernement de mettre fin aux exonérations fiscales sur le riz, le poisson et le blé en 2023, dans le cadre de sa politique de substitution des importations.

    • Si l’on se fonde sur les projections intégrées réalisées par FEWS NET concernant le prix du riz importé à Douala (Marché central), le prix au détail devrait augmenter au cours de la période concernée par le scénario pour atteindre un niveau supérieur de 26 pour cent à la moyenne sur cinq ans, et de 7 pour cent au prix de 2022 (Figure 3). Des augmentations encore plus élevées sont probables dans les départements de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest où les conflits et l’insécurité ont considérablement perturbé les structures d’approvisionnement locales. La récente augmentation des coûts de transport et du prix des carburants à la consommation devrait limiter les flux commerciaux entre les exploitations agricoles et les marchés dans tout le pays, aggravant la pression inflationniste existante.

    Figure 3

    Prix observé et projeté du riz importé à Douala-Marché central, Cameroun, en 2023, en comparaison de l’année précédente et de la moyenne sur cinq ans

    Source: Estimations FEWS NET établies sur la base des données de la DRADER, Littoral

    • La suppression brutale des subventions aux carburants au Nigeria a entraîné une réduction de l’offre et une hausse des prix dans ce pays. Les conséquences sur le prix de l’essence le long de la frontière camerouno-nigériane commencent à se faire sentir, avec des pénuries dans l’offre d’essence nigériane importées de manière informelle, qui fait l’objet d’une forte demande. Les pénuries et le prix élevé des carburants devraient contribuer à l’augmentation continue des prix des denrées alimentaires et non alimentaires, déjà très élevés, dans les villes et les villages frontaliers des régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. La hausse de l’inflation au Nigéria entraînera en outre probablement une augmentation de la demande – qui passe également par la contrebande et le commerce informel – en céréales et autres denrées essentielles bon marché produites au Cameroun, contribuant à l’augmentation des prix de ces produits.

    • L’insécurité généralisée, qui implique des vols de bétail, devrait continuer à perturber et à retarder les mouvements saisonniers des groupes nomades locaux et régionaux entre les pâturages du nord et du sud. Les déplacements ordinaires des éleveurs nigérians et tchadiens, qui retournent généralement dans leurs pays entre juillet et septembre, se trouveront limités par leur crainte d’être enlevés ou de voir leur bétail saisi. Un grand nombre d’entre eux devraient donc se fixer dans des régions inhabituelles au Cameroun. Cette dynamique devrait accroître la probabilité de conflits entre agriculteurs et éleveurs, et de représailles liées à la concurrence accrue pour l’accès aux ressources naturelles. Les mouvements du bétail dans l’Extrême-Nord et le Nord-Ouest et les flux commerciaux transfrontaliers de bétail entre l’Extrême-Nord, le Tchad et le Nigéria devraient rester inférieurs à la moyenne. 

    • Les informations concernant les plans de distribution et l’acheminement de l’aide alimentaire humanitaire au Cameroun ne sont disponibles que pour les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Selon le NWSW-FSC, le personnel humanitaire prévoit de toucher chaque mois 303 000 personnes déplacées et concernées par le conflit qui règne dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (soit environ 7 pour cent de la population régionale combinée), pour le reste de l'année civile 2023. Cependant, au 5 juin 2023, seuls 7 pour cent des financements demandés pour la sécurité alimentaire avaient été reçus. Ce montant est nettement inférieur aux 23 pour cent reçus à la même période l’année passée. Compte tenu des contraintes qui s’imposent à l’action humanitaire du fait du conflit et des déficits de financement, FEWS NET estime qu’il est peu probable que les objectifs de l’assistance alimentaire humanitaire soient atteints.

    Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire

    Dans les zones unimodales sûres du nord et les zones bimodales sûres du sud du pays, la disponibilité et l'accès des ménages à la nourriture devraient généralement s’améliorer grâce à l’augmentation des approvisionnements en production propre, la récolte sèche du maïs, des haricots, du niébé, des pommes de terre et du manioc débutant en juillet. L’augmentation des revenus tirés de la vente des récoltes et du travail agricole renforcera le pouvoir d’achat des ménages pauvres, ce qui devrait les aider à répondre à leurs besoins en aliments importés et en produits non alimentaires essentiels. Dans les zones non touchées par les conflits ou par l’insécurité, les ménages pauvres devraient profiter de niveaux de production en propre quasi normaux, et en retirer des revenus de niveau moyen grâce à la vente de leurs cultures. Ils bénéficieront en effet des prix alimentaires supérieurs à la moyenne qui sont attendus sur la période. Ce niveau moyen de revenus leur permettra d’acquérir des denrées de base importées comme le riz, et de compenser l’augmentation des coûts de production découlant du prix élevé des intrants. Une situation Minimale (Phase 1 de l’IPC) est attendue pour l’ensemble de la zone, et devrait s’y maintenir tout au long de la période couverte par le scénario. La situation est différente à Yaoundé et à Douala, où la plupart des ménages achètent leur nourriture et n’ont que peu ou pas de moyens de cultiver leurs propres produits alimentaires. Les ménages pauvres devraient continuer à y rencontrer des difficultés pour atteindre les seuils caloriques minimaux correspondant à leurs besoins, compte tenu des prix supérieurs à la moyenne des denrées alimentaires de base, importées ou locales. Des situations de Stress (Phase 2 de l’IPC) y sont attendues, les ménages pauvres étant probablement appelés à consommer des aliments moins recherchés et à réduire les portions et la fréquence de leurs repas. 

    Pour de nombreux réfugiés centrafricains dans les départements du Mbéré (Adamaoua), du Kadey (Est) et du Lom-et-Djerem (Est), l’amélioration de la disponibilité des cultures récoltées pour les ménages devrait également entraîner un accès accru à l’alimentation et aux revenus provenant de la vente de production propre, réduisant ainsi le nombre de personnes en situation de Crise (Phase 3 de l’IPC). Cependant, compte tenu des niveaux inférieurs à la moyenne attendus pour la production agricole et les revenus des réfugiés et des ménages pauvres issus des communautés d’accueil dans ces régions, une situation de Stress (Phase 2 de l’IPC) persistera probablement au niveau de la zone tout au long de la période projetée.

    La disponibilité des récoltes en juillet dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest devrait permettre à la population d’accéder à des revenus issus du travail agricole et de la vente de cultures, ainsi qu’à des stocks alimentaires pour plusieurs mois. Cela devrait faciliter le renforcement de la consommation alimentaire pour les ménages pauvres et assurer le passage à une situation de Stress (Phase 2 de l’IPC) entre les mois de juillet et de septembre. Des améliorations plus significatives seront en revanche limitées par les niveaux de production agricole inférieurs à la moyenne locale et par le niveau, lui aussi inférieur à la moyenne, des revenus provenant de la vente de récoltes et du travail agricole en raison du conflit régnant dans la région, lequel limite la capacité des ménages pauvres à subvenir à leurs besoins non alimentaires essentiels. Des situations de Crise (Phase 3 de l’IPC) persisteront toutefois probablement tout au long de la période de récolte dans les zones les plus touchées par les conflits des départements du Menchum, du Momo et du Lebialem, en raison d’importantes pertes de production agricole, de la réduction des revenus et de l’insuffisance de l’assistance alimentaire. D’ici aux mois d’octobre ou novembre, la plupart des ménages du Nord-Ouest et du Sud-Ouest devraient avoir épuisé leurs stocks alimentaires produits en propre lors de la récolte de juillet. Après cela, des situations de Crise (Phase 3 de l’IPC) devraient réapparaître dans les deux régions et persister jusqu’en janvier. Les revenus des ménages seront alors insuffisants pour couvrir leurs besoins alimentaires minimaux, compte tenu des prix élevés des denrées alimentaires de base, et nombre d’entre eux devront alors faire face à des déficits de consommation alimentaire et/ou se tourner à nouveau vers des stratégies d’adaptation négatives pour accéder à l’alimentation et aux revenus. 

    Dans les départements de l’Extrême-Nord touchés par les conflits, et notamment dans le Logone-et-Chari, le Mayo-Sava et le Mayo-Tsanaga, les difficultés que les ménages rencontrent actuellement dans la satisfaction de leurs besoins alimentaires minimums ne seront pas atténuées avant le début de la récolte principale, en septembre. D’ici là, les ménages pauvres vivant dans ces zones auront probablement à faire face à des déficits de consommation alimentaire modérés à graves, conformes à une situation de Crise (Phase 3 de l’IPC). En effet, la capacité à emprunter de la nourriture et de l’argent ou à vendre des actifs pour financer l’accès à l’alimentation se trouve de plus en plus limitée par le poids prolongé que les conflits font peser sur l’activité économique et sur le fonctionnement du marché. Les ménages devraient cependant récolter en septembre une quantité de sorgho, de maïs et de légumineuses permettant une consommation sur plusieurs mois, ce qui devrait contribuer à l’amélioration de leur situation, qui passerait alors à l’état de Stress (Phase 2 de l’IPC) entre octobre et janvier. Certains ménages, dont les revenus et les sources alimentaires habituelles ont été les plus touchés par l’impact combiné de l’insécurité, de la hausse des prix des denrées alimentaires, des inondations saisonnières localisées et des déplacements multiples, devraient continuer à faire face à une situation de Crise (Phase 3 de l’IPC), voire plus grave encore, jusqu’en janvier.

    Événements qui pourraient changer les scenarios

    Tableau 1
    Tableau 1. Événements possibles au cours des huit mois à venir qui pourraient changer le scénario le plus probable
    AreaÉvénementImpact sur les conditions de la sécurité alimentaire

     

     

     

    National

     

    Une nouvelle augmentation des prix à la pompe pour les carburants comme le diesel et l’essence premium et une augmentation des tarifs du gaz de cuisson et du kérosène, alors que le gouvernement envisage, à moyen terme, d’éliminer progressivement les subventions aux carburantsDe nouvelles pressions haussières sur le coût de transport et le prix des denrées alimentaires limiteraient probablement encore davantage l’accès à l’alimentation, en particulier pour les ménages qui dépendent déjà principalement des marchés et rencontrent parfois des difficultés à se procurer des produits de première nécessité. Des prix alimentaires plus élevés limiteraient alors leur capacité d’accès à l’alimentation. Ils seraient alors obligés d’opérer un choix entre l’achat de denrées alimentaires et l’acquisition d’autres produits essentiels non alimentaires.
    Régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud-OuestDes financements suffisants et des moyens logistiques adéquats sont garantis et permettront de renforcer l’accès de l’action humanitaire et d’augmenter l’assistance alimentaire mensuelle. Celle-ci devrait toucher au moins 25 pour cent de la population totale de ces régions et sera accompagnée d’une augmentation du montant versé sous la forme d’espèces ou de bons d’achat, qui devrait correspondre à un niveau de salaire mensuel minimum de 41 000 FCFA.Une assistance apportée à 1 ménage sur 4 dans ces régions, qui recevraient une assistance suffisante pour couvrir au moins 25 à 50 pour cent de leurs besoins caloriques mensuels, permettrait de réduire l’apparition de déficits de consommation alimentaire et d’atténuer le recours aux stratégies d’adaptation qui permettent parfois aux populations touchées par les conflits d’assurer leurs moyens d’existence. Le NO et le SO devraient connaître des situations Minimale (Phase 1! de l’IPC) en ML1 et de Stress (Phase 2! de l’IPC) en ML2. L’Extrême-Nord devrait connaître des situations de Stress (Phase 2! de l’IPC) en ML1 et Minimale (Phase 1! de l’IPC) en ML2.
    Régions du Nord-Ouest et du Sud-OuestLes pourparlers de paix entre les parties impliquées dans la crise anglophone Ceux-ci pourraient conduire à la levée des restrictions frontalières toujours en cours, au rétablissement du commerce transfrontalier et à des niveaux de migration de main-d’œuvre proches de la moyenne. Les prix des denrées essentielles chuteraient alors probablement, renforçant l’accès à l’alimentation pour les ménages pauvres. Cela pourrait également mettre fin aux couvre-feux et aux villes mortes, permettant ainsi aux ménages pauvres de retrouver un nombre normal de jours de travail. La réouverture des marchés améliorerait l’accès aux opportunités génératrices de revenus. La situation en matière de sécurité alimentaire serait alors probablement suffisante pour justifier un passage dans une phase inférieure jusqu’à la prochaine saison agricole qui se situe en dehors de la période couverte par le scénario.

     

     

    Région de l’Extrême-Nord

     

    Aggravation de la situation d’insécurité et augmentation des attaques contre les civils par des groupes islamistes Cette situation entraînerait probablement une augmentation du nombre de personnes déplacées et limiterait davantage l’accès des ménages à l’alimentation et aux sources de revenus.  Des situations de Crise (Phase 3 de l’IPC) persisteraient probablement en ML2 si ces événements se produisaient pendant la période de culture. Cela entraînerait probablement une augmentation des situations d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) pour les ménages, en particulier pour ceux qui ont subi des pertes totales. 
    Niveaux d’inondation saisonnière supérieurs à la normaleCela entraînerait probablement une nouvelle augmentation du nombre de personnes déplacées, une diminution des rendements agricoles et du nombre de têtes de bétail en raison des dégâts causés par les inondations, et une augmentation du nombre de ménages pauvres connaissant des situations de Stress (Phase 2 de l’IPC) et de Crise (Phase 3 de l’IPC) en matière de sécurité alimentaire.
    Zone de préoccupation: Zone de moyen d’existence de la plaine alluviale du Logone (CM01), dans la région de l’Extrême-Nord (Figure 4)

    Situation actuelle

    La zone de moyen d’existence CM01 est située dans la bande écologique du Sahel et comprend le département du Logone-et-Chari dans la région de l’Extrême-Nord. La production agricole dans cette zone dépend principalement des pluies ; sa saison des pluies unimodale s’étend généralement de juin à septembre. La saison de soudure dans cette zone commence entre juin et août. La récolte principale a lieu entre septembre et novembre et la récolte hors saison entre janvier et mars. La plaine alluviale du Logone a une superficie d’environ 8 000 kilomètres carrés et abrite des cultures de sorgho, de maïs, des cultures maraîchères et des troupeaux de bovins qui transhument à partir du bassin du lac Tchad. Lors d’une année moyenne, les ménages pauvres satisfont leurs besoins alimentaires en cultivant leurs propres cultures de sorgho, de maïs et de niébé et en pêchant ; ils se dégagent également des revenus par le travail agricole, la production de charbon de bois et la vente de cultures et de poissons.

    Des violences, des enlèvements et des pillages perpétrés par la PAOEI persistent dans la zone. Les dernières informations fournies par l’OCHA en mai 2023 montrent qu’environ 131 000 personnes ayant subi un déplacement à l’intérieur du pays résident actuellement dans la zone, en plus de 55 000 rapatriés et de 40 000 réfugiés (pour la plupart tchadiens et nigérians). Nombre de ces ménages ont déjà subi de multiples déplacements liés à l’insécurité et aux inondations saisonnières. Ils ont perdu la plupart ou la totalité de leur bétail, n’ont pas accès à la terre et disposent d’un accès insuffisant aux opportunités génératrices de revenus.  L’OIM a également signalé l’arrivée en mai dans l’arrondissement de Makary, situé dans le département du Logone-et-Chari, de 856 réfugiés provenant de Rann et de Gambarou, au Nigéria. Les informations recueillies sur le terrain suggèrent que, du fait de l’absence de report des récoltes 2022, les ménages pauvres de la zone se sont retrouvés en manque de céréales issues de leur production propre et destinées à la consommation et à la vente dès le mois de février, soit environ trois à quatre mois plus tôt qu’avant le conflit. 

    Une mauvaise répartition des précipitations et des inondations saisonnières a également contribué à la réduction des rendements agricoles dans la zone. En outre, les prix inhabituellement hauts des intrants limitent encore davantage l’accès aux intrants agricoles essentiels qui permettent de maintenir une récolte optimale. Le travail de la terre et la plantation du maïs, du sorgho et du niébé sont en cours dans la plupart des zones après de légères précipitations. Les prix des engrais (urée et NPK) sur le marché de Kousseri tendent à être 60 à 95 pour cent plus élevés qu’en 2021, et trois fois plus élevés que la moyenne sur cinq ans. Des prix plus élevés pour les intrants sont signalés dans les zones de l’arrière-pays où l’approvisionnement a été considérablement réduit par l’insécurité et l’impraticabilité des routes. L’utilisation d’engrais est généralement élevée chez les ménages pauvres, car les sols sont peu fertiles et ont des besoins élevés en nutriments. Cependant, très peu d’agriculteurs pauvres achètent eux-mêmes les engrais. Nombre de ménages pauvres dépendent des programmes gouvernementaux de subventions aux engrais. Or les quantités disponibles ont diminué en raison du niveau élevé des prix et de la difficulté des livraisons dans des zones très mal sécurisées. Beaucoup de ménages pauvres s’appuient de plus en plus sur le fumier animal, utilisé comme substitut aux engrais minéraux. Dans les zones d’élevage comme les arrondissements de Zina, Logone-Birni, Waza et Blangoua, les propriétaires de bétail les plus aisés vendent désormais du fumier de bétail, auparavant gratuit, à des prix atteignant 700 FCFA par sac de 60 kg. 

    Figure 4

    Carte de référence du secteur préoccupant : zone de moyen d’existence CM01 dans la région de l’Extrême-Nord

    Source: FEWS NET

    Au cours d’une année ordinaire, les ménages pauvres de cette zone vendent leurs propres stocks issus des récoltes hors saison jusqu’en juin. Les récoltes hors saison inférieures à la moyenne entraînent donc une baisse des revenus tirés de la vente des récoltes. À l’heure actuelle, de nombreuses personnes ne peuvent tirer de revenus que des activités saisonnières de préparation des terres et de semis, qui sont en cours. La réduction de la demande en main-d’œuvre agricole maintient les revenus en dessous de la moyenne. Certains ménages pauvres signalent des niveaux de salaire journalier très bas en raison des capacités financières réduites des employeurs. Le salaire journalier pour un travail de labour et de semis se situe entre 500 et 700 FCFA, contre 1000 à 1500 FCFA avant l’insurrection. La vente de poisson complète également les revenus saisonniers des ménages riverains. Les niveaux de pêche dans la zone demeurent cependant réduits par les déplacements et par la peur de conflits entre éleveurs et pêcheurs. Les revenus associés sont donc inférieurs à la moyenne pour les acteurs de la chaîne. La faible demande locale en bétail lors de la saison sèche, due à l’augmentation des contraintes pesant sur l’alimentation des bêtes, à la détérioration de leurs états d’embonpoint et à la réduction de leur valeur marchande, entraîne une baisse des revenus. Certains ménages pauvres vivant autour des zones urbaines et périurbaines de Kousseri ont intensifié la production et la vente de charbon de bois et de bois de chauffage, et tirent des revenus plus élevés de cette activité. Cependant, l’accès aux zones boisées reste limité par l’insécurité. 

    Selon les rapports établis sur le terrain, les pluies actuelles atténuent la pénurie d’eau et, dans une certaine mesure, régénèrent les pâturages, bien que l’état d’embonpoint des grands ruminants ne se soient pas encore entièrement rétablies. Les données recueillies par FEWS NET montrent que le prix de l’alimentation concentrée pour le bétail, comme les tourteaux de coton, le son de riz ou le son de blé, étaient de 14 à 28 pour cent plus élevés en mai qu’à la même période l’année dernière, et plus de 30 pour cent au-dessus de la moyenne sur cinq ans, en raison de l’augmentation des coûts de production liée à la hausse des prix du carburant. L’accès réduit à l’alimentation du bétail et les options limitées en matière de migrations, qui découlent de l’insécurité généralisée, contribuent à une détérioration rapide des états d’embonpoint et à une réduction de la valeur marchande. Le coût des moutons dans la zone augmente en raison d’une hausse de la demande liée à l’arrivée du Ramadan en juillet. L’approvisionnement du marché en bétail est plus faible que d’habitude. En effet, la plupart des ménages pauvres de la zone, qui possédaient généralement un à trois moutons ou chèvres, n’ont plus de bétail à vendre. Les prix demeurent cependant environ 20 % inférieurs aux niveaux saisonniers habituels, en raison de la diminution globale du nombre d’acheteurs. 

    Des prix élevés persistent dans la zone pour les denrées alimentaires de base, les ménages pauvres connaissant une dépendant inhabituelle vis-à-vis des achats céréaliers de base sur les marchés. Le prix du sorgho rouge à Kousseri était 18 pour cent plus élevé en mai qu’à la même période l’année dernière, et 54 pour cent au-dessus de la moyenne sur cinq ans. Le maïs se vendait quant à lui 22 pour cent et 40 pour cent plus cher que par rapport à mai 2022 et à la moyenne sur cinq ans, respectivement. Les prix du riz et de la farine de blé importée ont augmenté de 20 à 23 pour cent depuis avril 2022, et se trouvent actuellement à des niveaux plus de deux fois plus élevés que la moyenne quinquennale. Les niveaux de production inférieurs à la moyenne, l’augmentation de la demande d’exportation provenant du Nigéria et l’augmentation des coûts du carburant et des transports depuis février 2023 contribuent à ces prix globalement élevés. Si les informateurs clés font état d’une amélioration des flux commerciaux vers le Nigéria et le Tchad depuis la réouverture officielle du corridor Gambarou-Fotokol-Kousseri-N’Djamena en décembre 2022, ces flux demeurent perturbés dans une certaine mesure par l’insécurité généralisée (Figure 5).

    Figure 5

    Fonctionnement des marchés et activité des flux commerciaux dans le bassin du lac Tchad en avril 2023

    Source: FEWS NET

    La note d’information du PAM sur le Cameroun pour le mois de mars 2023 laisse penser qu’une aide alimentaire d’urgence est en cours pour les réfugiés, les personnes déplacées, les rapatriés et les populations hôtes de la zone. Les enfants âgés de 6 à 23 mois, les femmes et jeunes filles enceintes et allaitantes (FJFEA) et les personnes vivant avec le VIH/SIDA (PVVIH) dans des centres de soins ont été ciblés et reçoivent un soutien alimentaire d’urgence. FEWS NET n’a pas été en mesure d’accéder aux données concernant la distribution de nourriture pour cette zone de moyen d’existence. Le panier alimentaire et les vivres journaliers comprennent 350 g de céréales, 100 g de légumineuses, 35 g de légumes, 5 g de sel et 70 pour cent des besoins caloriques quotidiens (PAM 2023). Les personnes vivant dans des zones où les marchés sont fonctionnels reçoivent des transferts mensuels en espèces d’une valeur de 7 500 francs CFA par personne et par mois. Cependant, au vu du faible niveau de financement du PAH 2023, l’AAH sur la période projetée devrait demeurer au niveau actuel et être inférieure à celle de 2022. L’impraticabilité des routes, l’insécurité et les défis logistiques continueront de limiter l’accès aux zones les plus défavorisées, particulièrement pendant la saison des pluies. FEWS NET évalue que, du fait des problèmes de financements rencontrés et de l’accès réduit du personnel humanitaire, les niveaux d’assistance alimentaire humanitaire ne seront pas suffisants pour prévenir des situations d’insécurité alimentaire aiguës. 

    Calendrier saisonnier pour une année typique dans la région de l’Extrême-Nord

    Source: FEWS NET

    Suppositions

    En plus des hypothèses établies au niveau national, les hypothèses suivantes s’appliquent à ce secteur préoccupant :

    • Les éleveurs de cette zone continueront de bénéficier de la proximité de la plaine du Logone, destination habituelle pour la transhumance du bétail en saison sèche. Néanmoins, la mobilité accrue du bétail devrait augmenter le risque de conflits agropastoraux et de représailles, particulièrement dans les arrondissements de Logone-Birni, où les pêcheurs et agriculteurs Mousgoums et les éleveurs arabes continuent de s’affronter pour l’accès à des espaces limités.
    • Les inondations saisonnières, prévues entre août et septembre, devraient entraîner des pertes faibles à modérées dans les cultures de sorgho et de mil, des milliers de décès de bétail, et une baisse du niveau de santé et de productivité du bétail, particulièrement dans les arrondissements sujets aux inondations comme Logone-Birni. 
    • L’impact des activités insurgées et des conflits entre agriculteurs et éleveurs, exacerbé par les inondations saisonnières, devrait entraîner le déplacement de ménages agricoles, perturber l’accès des agriculteurs aux champs, conduire à l’abandon d’exploitations, limiter les investissements et l’accès aux intrants agricoles, et réduire les superficies semées, entraînant une production agricole inférieure à la moyenne pour la neuvième année consécutive. Les perspectives de faible récolte céréalières dans cette zone et la forte demande à l’exportation provenant du nord-est du Nigéria devraient permettre aux prix du sorgho, du mil et du riz de rester proches des niveaux de 2022 sur les marchés clés.
    • Dans l’ensemble, les prix du bétail devraient suivre les tendances saisonnières. Ils demeureront cependant au-dessus des niveaux de 2022 en raison de l’augmentation des coûts de transport. Cependant, si l’on se base sur les tendances récentes et sur les prévisions, les prix du bétail devraient être dépassés par le prix des céréales, en augmentation, entraînant une baisse des termes d’échange entre bétail et céréales. Dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord, les prix des petits ruminants devraient diminuer pendant la saison de soudure de juillet à août/septembre, en raison de l’augmentation saisonnière de l’offre, les ménages pauvres vendant alors leurs animaux pour dégager un revenu afin de répondre à des prix alimentaires inhabituels.

    Le niveau inférieur à la moyenne de la production céréalière locale, le coût élevé des transports et la forte demande à l’exportation provenant du nord-est du Nigéria devraient maintenir les prix du sorgho, du mil et du riz à des niveaux élevés, en particulier aux moments où la demande sera la plus élevée, à l’occasion des fêtes de fin d’année et des célébrations religieuses. Les importantes baisses de prix que l’on enregistre généralement lors des récoltes, entre octobre et novembre, sont donc peu probables.  FEWS NET prévoit que le prix du sorgho rouge à Kousseri se situera en moyenne 10 pour cent et 58 pour cent au-dessus des moyennes de 2022 et sur cinq ans, respectivement (Figure 6). FEWS NET prévoit que le prix du maïs jaune à Mora se situera en moyenne 13 pour cent et 39 pour cent au-dessus des moyennes de 2022 et sur cinq ans, respectivement.

    Figure 6

    Prix observés et projetés du sorgho rouge à Kousseri, Cameroun, en 2023, comparés aux valeurs de l’année passée et à la moyenne sur cinq ans

    Source: estimations FEWS NET établies sur la base des données de la DRADER, Extrême-Nord

    Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire

    À l’apogée de la saison de soudure, les ménages devraient continuer à consommer des portions réduites, à réduire leur nombre de repas par jour et à consommer des quantités inhabituellement élevées d’aliments sauvages, les ménages les plus touchés recourant à la mendicité. Bien que de nombreux ménages aient encore des dettes impayées, les achats de nourriture à crédit se poursuivront probablement. Cependant, et compte tenu du prix élevé des denrées de base et de la réduction significative du pouvoir d’achat, les déficits de consommation alimentaire devraient demeurer importants, maintenant une situation de Crise (Phase 3 de l’IPC) à l’échelle de la zone jusqu’à la fin de la saison de soudure en août. Certains ménages vivant dans des zones telles que les arrondissements de Logone-Birni, Blangoua et Makary et soumis à de multiples déplacements liés à l’insécurité et aux inondations saisonnières voient leurs capacités d’adaptation largement érodées. Compte tenu de la réduction des financements et des contraintes physiques et logistiques existantes, le niveau de l’assistance humanitaire devrait demeurer faible, et certains ménages resteront probablement inaccessibles du fait de l’insécurité. On estime que les ménages les plus touchés de ces zones, qui n’auront pas accès à l’assistance alimentaire, sont susceptibles de faire face à d’importants déficits de consommation alimentaire révélateurs d’une situation d’Urgence (Phase 4 de l’IPC). 

    La récolte sèche de sorgho, de maïs et de légumineuses à partir de septembre devrait favoriser une transition vers une situation de Stress (Phase 2 de l’IPC) dans certaines zones où des niveaux de conflit moins importants ont permis de maintenir un certain niveau de culture. Les ménages les plus touchés, qui n’ont pas accès aux terres cultivables et ne pourront ni participer aux récoltes, ni accéder à des revenus ou à une assistance alimentaire, continueront également à faire face à des difficultés dans la satisfaction de leurs besoins alimentaires minimums. Au vu de leurs déficits de consommation alimentaire, ces ménages les plus défavorisés continueront probablement à faire face à une situation de Crise (Phase 3 de l’IPC) ou plus grave jusqu’en janvier.

    Zone de préoccupation: Zone de moyen d’existence des Hauts-Plateaux de l’ouest (CM09) dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (Figure 7)

    Situation actuelle

    La zone de moyen d’existence des Hauts-Plateaux de l’ouest (CM09) couvre une grande partie de la région du Nord-Ouest (principalement les départements du Menchum, du Boyo, du Mezam, du Momo et du Bui) et certaines parties des départements du Donga Mantung et du Ngoketunjia, ainsi qu’une petite partie de la région du Sud-Ouest (en particulier le département du Lebialem et l’arrondissement de Bangem). La production dans cette zone dépend principalement des précipitations, avec une saison des pluies unimodale qui s’étend généralement de mars à octobre. La récolte principale a lieu entre juillet et août, après la saison de soudure entre mars et mi-juin. Au cours d’une année ordinaire, la zone de moyen d’existence produit des surplus de maïs. Les stocks de maïs et de haricots en production propre fournissent ainsi généralement jusqu’à 8-9 mois d’alimentation. Les ménages pauvres satisfont leurs besoins alimentaires par leurs propres cultures de maïs, de pommes de terre, de riz, de haricots et de niébé ; ils se dégagent des revenus par le travail agricole et non agricole, le petit commerce et la vente des récoltes et de volailles.

    Figure 7

    Carte de référence du secteur préoccupant : zone de moyen d’existence CM09 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest

    Source: FEWS NET

    Depuis 2016, ce sont les départements du Mezam, du Momo, du Menchum et du Bui, dans le Nord-Ouest, et du Lebialem et du Meme, dans le Sud-Ouest, qui connaissent les plus hauts niveaux de conflit. Dans le même temps, les départements du Menchum et du Momo, dans le Nord-Ouest, et du Lebialem, du Meme et du Ndian, dans le Sud-Ouest, subissent un sous-développement chronique et se trouvent isolés des principaux marchés et de la ville. Le moyen d’existence y dépend largement des activités agropastorales, et la faible présence des forces gouvernementales permet un contrôle accru par les groupes séparatistes. Bien que les conditions dans le département du Mezam demeurent volatiles, il s’agit de la principale destination pour personnes déplacées dans la zone, en raison de la concentration plus élevée des forces gouvernementales et de la présence de personnel humanitaire susceptible d’apporter une assistance.

    Le département du Mezam, qui abrite le chef-lieu et plus grande ville (Bamenda) de la zone de moyen d’existence, a enregistré le plus grand nombre d’incidents et de victimes civiles depuis février 2023 en raison de représailles des forces gouvernementales et de luttes intestines entre groupes séparatistes. Cependant, le nombre d’événements violents dans la zone reste inférieur à ceux connus en 2022 et en 2021 (ACLED). Les déplacements internes et externes persistent, en particulier lorsqu'ont lieu des affrontements importants ou lorsqu’un couvre-feu est anticipé. La zone accueille actuellement plus de 231 000 personnes déplacées internes (OCHA), soit près de 10 pour cent de la population. Les séparatistes anglophones continuent d’imposer et de faire respecter des opérations « villes mortes » hebdomadaires, tous les lundis, dans les zones urbaines et rurales. Des couvre-feux tendent également à être aléatoirement imposés avant les fêtes nationales, les commémorations ou les événements politiques. Les civils qui violent ces opérations « ville morte » et ces couvre-feux subissent des mesures punitives qui dépendent du lieu et/ou de la personne en cause. Outre le risque d’être pris entre deux feux, les civils doivent faire face à des enlèvements et des assassinats d’opposants politiques et d’enseignants, ainsi qu’à des incendies d’écoles. Les véhicules circulant les jours de blocage sont régulièrement saisis ou brûlés. Entre le 27 avril et le 20 mai, 12 journées ont connu des confinements spontanés ou des opérations « ville morte ». 

    La réduction des surfaces cultivées persiste du fait de l’abandon des cultures, de la réduction de la main-d’œuvre agricole et du coût élevé des engrais et des semences améliorées. La plupart des producteurs de la zone déclarent n’avoir pas reçu ces dernières saisons de soutien du gouvernement pour l’achat d’intrants (semences certifiées, engrais), en raison du prix élevé des intrants et de la diminution des niveaux d’assistance offerts par le gouvernement. Nombre d’entre eux n’ont donc pas été en mesure de fertiliser leurs champs. Les barrages routiers fréquents ont également limité l’approvisionnement en engrais depuis l’arrière-pays. Des activités de sarclage et de fertilisation sont en cours, mais demeurent à des niveaux inférieurs aux niveaux saisonniers habituels.

    Les salaires journaliers dans la plupart des localités urbaines et suburbaines ont augmenté d’environ 20 à 50 pour cent au-dessus de la moyenne sur cinq ans. Cela s’explique probablement par des tendances inflationnistes généralisées et par une diminution de la main-d’œuvre jeune. De nombreux jeunes ont quitté la région pour échapper au conflit ou ont été recrutés de force par des groupes armés. Malgré ces salaires plus élevés, les ménages pauvres dégagent des revenus inférieurs à la normale du fait de l’importante réduction des superficies semées et de la demande en main-d’œuvre agricole. De nombreuses plantations de bananes, de café et de cacao, représentant des milliers d’hectares, ont fermé et cessé d’embaucher. Les opérations « ville morte » et les couvre-feux ont réduit le nombre de journées passées dans les champs, limitant l’activité agricole, l’accès aux intrants et les revenus. 

    Les éleveurs ayant migré vers la plaine Tikar lors de la saison sèche à la recherche de ressources pastorales sont maintenant revenus sur leurs exploitations, qui se concentrent dans les départements du Boyo, du Donga Mantung et du Menchum. L’état d’embonpoint des bovins, des ovins et des caprins ont connu une amélioration globale liée à la disponibilité suffisante des pâturages et de l’eau dans le contexte de la saison des pluies. La réduction de la taille des troupeaux après des années de vols et de saisies par les groupes armés maintient les flux commerciaux en dessous de la moyenne. En outre, plus de la moitié des marchés de bétail, notamment dans les départements du Donga Mantung, du Bui et du Ngoketunjia, ont été fermés, et de nombreux animaux ont été relocalisés dans des zones plus sûres des régions de l’Adamaoua et de l’Ouest.

    En novembre 2022, la plupart des ménages pauvres de la zone avaient épuisé leurs propres récoltes 2022, trois à cinq mois plus tôt que d’habitude, en raison de récoltes inférieures à la moyenne et d’un faible report de la saison précédente. Certains ménages des localités les plus défavorisées des départements du Menchum, du Momo et du Lebialem déclarent avoir récolté moins d’un mois de nourriture lors de la saison dernière. Ces ménages pauvres doivent donc se tourner vers des achats sur les marchés dans des proportions plus élevées que d’habitude pour répondre à leurs besoins alimentaires de base. La récolte verte de juin stimule légèrement l’approvisionnement en maïs, en haricots et en pommes de terre, mais de nombreux ménages pauvres continueront d’acheter l’essentiel de leurs approvisionnements alimentaires jusqu’aux récoltes sèches de juillet.

    Si la ville de Bamenda demeure globalement connectée au reste du pays, la livraison de denrées alimentaires à partir des régions voisines et de la ville portuaire de Douala y est nettement inférieure à la normale en raison de l’insécurité généralisée. La plupart des routes commerciales dans la zone de moyen d’existence sont également considérablement perturbées par les fréquents blocages routiers, par l’insécurité et par les opérations « ville morte » régulières. Certaines sont actuellement impraticables du fait de la saison des pluies. Dans l’ensemble, les flux commerciaux entre ville et ruralité restent plus faibles qu’à l’accoutumée, l’arrière-pays étant mal approvisionné en produits importés (Figure 8). La forte dépendance aux marchés et la réduction des approvisionnements ont entraîné le maintien de prix nettement supérieurs aux niveaux saisonniers habituels. Entre le mois d’avril et la dernière semaine de mai, les prix du maïs ont augmenté de 19 pour cent à Wum, de 10 pour cent à Ndop et de 8 pour cent à Nkambé. Ils étaient environ 15 à 20 pour cent plus élevés qu’à la même période en 2022, et 50 à 70 pour cent au-dessus de la moyenne sur cinq ans. Les haricots ont suivi une tendance similaire à Kumbo, Ndop et Wum, avec, respectivement, des prix 12, 15 et 32 pour cent plus élevés qu’en avril, et dans une plage de 20 à 55 pour cent au-dessus de la moyenne sur cinq ans. L’augmentation du coût des carburants et du transport qui a touché tout le pays en février 2023 a exercé une pression supplémentaire sur les prix des denrées de base importées. En avril, le prix du riz importé (5 % de brisure) à Bamenda était 15 pour cent plus élevé qu’à la même période en 2022, et 28 et 47 pour cent plus élevé que les prix de 2018 et que la moyenne sur cinq ans, respectivement.

    Les données du Cluster pour la sécurité alimentaire Nord-Ouest-Sud-Ouest (NWSW-FSC) montrent que 303 000 personnes dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont été ciblées par des distributions mensuelles de vivres alimentaires et/ou d’espèces, couvrant 30 à 50 pour cent des besoins caloriques quotidiens depuis janvier 2023. Cependant, le PAM n’a pas été en mesure d’atteindre ses objectifs mensuels prévus en raison des contraintes de financement et d’accès du personnel humanitaire, qui ont considérablement entravé les distributions dans la plupart des départements. En mars, par exemple, le PAM a signalé un « risque accru de détournement de nourriture, de pillage et de problèmes de sécurité pour les bénéficiaires sur le trajet entre les points de distribution et leur domicile. Par précaution, le PAM a donné la priorité aux distributions sur des points de distribution de nourriture faciles d’accès afin d’éviter les incidents. » Selon le NWSW-FSC, seuls 60 pour cent des bénéficiaires ciblés, environ, ont pu être atteints au milieu de la saison de soudure en avril. Le tableau de bord du NWSW-FSC pour avril 2023 indique qu’environ 134 698 personnes ont reçu une assistance alimentaire en nature et 25 833 une aide à subsistance (jardinage à domicile, subventions pour les petites entreprises, production d’œufs) en avril. Aucune distribution n’a pu avoir lieu durant cette période dans les départements du Lebialem, du Momo et du Donga Mantung, et aucune personne déplacée n’a reçu d’aide en nature dans les zones touchées. FEWS NET n’a pas pu accéder à des données ventilées pour la zone de moyen d’existence. Cependant, les livraisons ont atteint moins de 7 pour cent de la population régionale totale combinée à ce jour. 

    Figure 8

    Fonctionnement des marchés et carte de l’accessibilité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en avril 2023

    Source: FEWS NET

    Suppositions

    En plus des hypothèses établies au niveau national, les hypothèses suivantes s’appliquent à ce secteur préoccupant :

    • Les journées « ville morte » hebdomadaires et les couvre-feux sporadiques (qui vont de 3 jours à deux semaines) qu’imposent les séparatistes continueront de limiter l’accès des ménages aux cultures, de réduire le nombre de jours ouvrables, de réduire le nombre de jours de marché et de perturber les flux commerciaux. Ces facteurs continueront d’entraîner des niveaux inhabituellement bas pour les revenus des ménages issus de la vente des récoltes, du travail salarié, du petit commerce et d’autres activités, et perturberont l’accès aux marchés, contribuant à la hausse des prix des denrées alimentaires.
    • Compte tenu des réductions des superficies semées cette année en raison du conflit, une septième année consécutive de production agricole inférieure à la moyenne est attendue. Les revenus généralement dégagés par les ménages pauvres à l’occasion des activités de récolte entre juillet et septembre devraient donc rester inférieurs à la normale.
    • Compte tenu du niveau inférieur à la moyenne de la production locale de céréales et des perturbations dans le fonctionnement des marchés et des flux commerciaux, directement liées aux conflits qui limitent les approvisionnements, il est peu probable que les prix des denrées alimentaires de base diminuent de manière significative après la récolte de juillet à août. L’année passée, le prix du maïs à Bamenda, Kumbo et Nkambé avait augmenté entre 12 et 35 pour cent pendant la période de récolte et était depuis lors resté élevé. Les prix des denrées alimentaires de base devraient rester largement supérieurs à la moyenne sur cinq ans, mais proches des niveaux de 2022.
    • Compte tenu des prix supérieurs à la moyenne et des niveaux d’approvisionnement réduits qui touchent le gaz domestique, la demande en bois de chauffage et en charbon de bois comme combustibles de cuisson de substitution pour les consommateurs devrait rester élevée. Les ménages pauvres recourront donc probablement à la collecte et à la vente de bois de chauffage et de charbon de bois dans des mesures plus importantes afin d’en dégager des revenus supérieurs à leur niveau habituel. 

    Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire

    L’accès des ménages aux revenus et aux aliments produits en propre devrait augmenter de façon saisonnière dans toute la zone, à partir du début de la récolte en juillet. L’augmentation de l’offre de nouvelles récoltes au niveau des marchés et des ménages, la réduction de la demande sur les marchés et les baisses saisonnières anticipées des prix devraient permettre l’amélioration de la situation jusqu’à atteindre un niveau de Stress (Phase 2 de l’IPC) à partir de juillet dans la majorité de la zone de moyen d’existence. Cependant, la consommation alimentaire demeurera probablement marginale et des situations de Crise (Phase 3 de l’IPC) persisteront probablement dans les départements les plus défavorisés tels que le Momo et le Menchum, dans le Nord-Ouest, et le Lebialem dans le Sud-Ouest, où les impacts relativement plus graves des conflits n’autoriseront probablement que des récoltes susceptibles de durer jusqu’à un mois, et où les revenus devraient rester considérablement réduits. L’accès à l’assistance alimentaire devrait rester très faible. Les niveaux de revenu inférieurs à la moyenne prévus – dus à la baisse des ventes de récoltes et de l’offre de travail – continueront de limiter les capacités des ménages pauvres à subvenir à leurs besoins non alimentaires essentiels.

    En raison d’une production nettement inférieure à la moyenne dans la zone, les stocks récoltés par de nombreux ménages pauvres devraient s’épuiser en octobre, alors qu’ils peuvent durer jusqu’aux mois de février ou mars lors d’une année ordinaire. La hausse des prix réduira encore le pouvoir d’achat entre octobre et janvier, obligeant les ménages à recourir à des stratégies d’adaptation négatives pour accéder à l’alimentation. Ce phénomène est particulièrement exacerbé par l’augmentation des prix du maïs, des haricots, du niébé et des pommes de terre dans un contexte où les revenus sont inférieurs à la moyenne. Nombre de ménages cesseront probablement d’acheter des produits et services permettant de répondre à leurs besoins non alimentaires de base (médicaments, éducation, vêtements) afin de donner la priorité aux achats de maïs et de riz. Ils se tourneront également vers des activités de moyen d’existence telles que la maçonnerie et la taille de pierres. Sur cette période, l’accès à la nourriture et aux revenus devrait décliner et produire de fréquentes situations de Crise (Phase 3 de l’IPC) dans l’ensemble de la zone de moyen d’existence.

    Citation recommandée : FEWS NET. Perspectives sur la sécurité alimentaire au Cameroun, juin 2023 à janvier 2024 : malgré les récoltes, l’insécurité alimentaire aiguë persistera dans les zones touchées par les conflits, juin 2023

    Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.

    Related Analysis Listing View more
    Get the latest food security updates in your inbox Sign up for emails

    The information provided on this Website is not official U.S. Government information and does not represent the views or positions of the U.S. Agency for International Development or the U.S. Government.

    Jump back to top