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- Des niveaux élevés de conflit dans le nord et l’est du Burkina Faso, y compris des blocus de communes entières par des groupes armés non étatiques, continuent de provoquer une situation d'urgence humanitaire. Plusieurs zones de la région du Sahel sont confrontées à des situations d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) et les informations fournies par les informateurs clés suggèrent fortement que la population confrontée à une faim extrême indiquant la Catastrophe (phase 5 de l'IPC) augmente dans les provinces du Soum, de l’Oudalan et du Yagha. Les zones les plus préoccupantes comprennent les communes de Djibo et d'Arbinda (Soum), de Markoye (Oudalan) et de Sebba (Yagha), qui sont soumises à un blocus depuis plus d’un an et font l'objet des restrictions strictes de mouvement de la population. Dans ces zones, des rapports anecdotiques suggèrent que de nombreux ménages ont recours à la mendicité et risquent leur vie pour trouver des aliments sauvages malgré la menace posée par les groupes armés, et des signes visibles de malnutrition aiguë sont évidents au sein de la population.
- Le nombre de communes sous blocus est doublé depuis l'année dernière pour atteindre environ 30, notamment dans les régions du Sahel, du Nord, du Centre-Nord, de l’Est, de la Boucle du Mouhoun et du Centre-Est. Les populations ont un accès très limité à la nourriture et aux sources de revenus, des escortes militaires sont nécessaires pour approvisionner le marché local, et l'aide alimentaire doit principalement etre livrée par voie aérienne à une fréquence irrégulière en raison de l'insécurité et un financement insuffisant. Dans certaines communes, les récoltes en cours dureront moins de trois mois pour les ménages et les marchés n'ont pas été approvisionnés depuis 3 à 6 mois. Les livraisons d'aide alimentaire n'ont atteint que mensuellement 178 000 personnes entre juillet et septembre, soit 29 pour cent de la population estimée dans le besoin par FEWS NET.
- D'octobre à mai, les situations de Crise (Phase 3 de l'IPC) et d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) s'étendra progressivement au nord et à l'est du Burkina Faso. La période de soudure pastorale, en particulier, commencera plus tôt que d'habitude dans le nord. Les estimations prévisionnelles indiquent que la récolte céréalière nationale de 2023 est inférieure à la moyenne quinquennale en raison de la réduction des superficies emblavées du fait de l’insécurité, de la baisse des rendements résultant des difficultés d’accès aux engrais, et des longues pauses pluviométriques enregistrées en juillet et septembre. Les conditions de sécheresse ont également eu un impact sur la production animale, entraînant un déficit de fourrage et un remplissage des réservoirs d'eau inférieur à la moyenne, en particulier dans le nord. En outre, l'insécurité et les restrictions à l’exportation de céréales et de niébé continueront à limiter les flux commerciaux transfrontaliers et internes vers le zones structurellement déficitaires du nord. Les prix des denrées alimentaires de base seront supérieurs à la moyenne tout au long de la période considérée, et les régions soumises à un blocus verront probablement les niveaux de prix record se maintenir.
- Dans le scénario le plus probable, la combinaison des stocks de récolte, des aliments sauvages, des livraisons occasionnelles sur les marchés et de l'assistance alimentaire irrégulière maintiendra l'Urgence (Phase 4 de l'IPC) à Djibo jusqu’au mois de mai. Toutefois, FEWS NET estime qu’une risque de Famine (Phase 5 de l'IPC) persistera à Djibo. Si le conflit, les facteurs financiers ou logistiques entraînent une réduction encore plus importante que prévu des sources de nourriture déjà minimales des ménages, la Famine (Phase 5 de l'IPC) se produira probablement. En fin de compte, les donateurs, le gouvernement et les partenaires humanitaires doivent prendre des mesures pour augmenter les livraisons d'aide alimentaire et garantir un accès humanitaire total afin de limiter les pertes en vies humaines. FEWS NET surveille de près le risque d'une détérioration similaire dans d'autres zones soumises à des blocus prolongés, notamment Arbinda (Soum), Markoye (Oudalan) et Sebba (Yagha).
L’intensification du conflit entre les forces militaires et les groupes armés terroristes (GAT) engendre une détérioration accrue des niveaux d'insécurité alimentaire aiguë dans le nord et l'est du Burkina Faso, en particulier dans la région du Sahel. Le Jama'at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM) étend l'utilisation de blocus contre des villes entières pour restreindre les mouvements des civils et contrôler les principaux axes d’approvisionnement, dans le but de consolider leur contrôle territorial dans les régions du Sahel, du Centre-Nord, du Nord et de l’Est. Ils essayent aussi d’étendre leur contrôle sur les routes de contrebande et de renforcer les sources de financement dans les zones de production agricole, notamment dans les régions de la Boucle du Mouhoun, des Hauts-Bassins et du Centre-Est. En conséquence, le nombre de communes sous-blocus, c’est-à-dire où le rayon de mouvements des civils est limité au-delà d’un à trois kilomètres (km), où les l’approvisionnement des marchés dépend des escortes militaires, et où l’accès humanitaire est très limité, a doublé pour atteindre une trentaine. Dans les communes des provinces du Soum, du Loroum, du Yagha et de la Kompienga, les blocus sont en place depuis plus un an.
Avec l’accroissement du nombre de communes sous-blocus, les approvisionnements en denrées de base des marchés locaux par escorte sont devenus irréguliers avec des délais plus longs atteignant parfois 4 à 5 mois (Figure 1). Avec l’attaque du convoi mixte (humanitaire et commerce) en juillet 2023 sur l’axe Dori-Arbinda et du convois retour sur l’axe Djibo-Kongoussi au cours du même mois, la voie aérienne devient le principal moyen pour la délivrance de l’assistance au profit de la plupart des zones sous-blocus. Avec les contraintes logistiques et sécuritaires, les planifications d’aide sont difficiles à respecter en termes de quantité de vivres et de délais de livraison.
En raison de l’accès limité des ménages à leurs champs, mais aussi du déficit pluviométrique et des attaques de cultures par les sautereaux et oiseaux granivores, les récoltes sont marginales et ne suffiront que pour un à trois mois de besoin dans la plupart des communes sous-blocus. En outre, lors des premières phases des blocages, les ménages ont dû vendre leurs biens de production - principalement le bétail - ou ont perdu leurs avoirs relatifs aux moyens d’existence après avoir été déplacés. Les GAT ont également pillé le bétail et d’autres biens. En conséquence, les ménages hôtes pauvres et les PDIs manquent de revenu pour accéder aux denrées convoyées et vendues à des prix atypiquement élevés avec des variations quinquennales atteignant en septembre 106 pour cent pour le maïs dans la Kompienga (région de l’Est) et 153 pour cent pour le mil à Sebba (région du Sahel). Une pénurie complète de denrée est observée en septembre-octobre dans la commune de Arbinda (région du Sahel) et des denrées telles l’huile, le sucre et les condiments sont rares en particulier dans les communes de Djibo, de Sebba, de Markoye. L’accès au bois de chauffe reste également un défi dans de nombreuses zones compte tenu de l’insécurité ambiante et au regard de la pression plus forte en lien avec la présence des personnes déplacées internes (PDIs).
Dans l’ensemble des zones sous blocus, les enquêtes SMART Rapid conduites en juillet /août 2023 montrent une dégradation de la situation nutritionnelle avec des prévalences de Malnutrition Aigüe Globale (MAG) élevées dans la catégorie Grave (MAG 10-14.9 pour cent) et Critique (15-29.9 pour cent). Ceci est la résultante de la situation alimentaire alarmante des ménages, de l’accès limité des populations aux services de santé et aux programmes de nutrition y compris les activités de supplémentation en vitamine A, le déparasitage et la vaccination et des conditions d’hygiène et d’assainissement inadéquates surtout dans les sites de forte présence de PDIs. Au regard du nombre élevé de personnes faisant face à l’Urgence (Phase 4 de l’IPC) prolongée, il est possible que certaines soient dans une situation de Catastrophe (Phase 5 de l’IPC), en particulier dans les communes de Djibo, Arbinda, Sebba, Kelbo, Markoye, Gorom-Gorom et Titao.
Dans ce contexte d'aggravation de la crise humanitaire, la commune de Djibo, qui accueille près de 300 000 personnes et où le blocus dure maintenant près de deux ans, reste la zone la plus préoccupante. D'après les informateurs clés, moins d'un tiers de la population a récolté du niébé et de mil, mais cela est insuffisante pour couvrir les besoins pour trois mois. La majorité des ménages dépendront d'une combinaison d'aliments sauvages, de revenus marginaux provenant de la vente d'eau, d'envois de fonds de parents vivant en dehors de la province et de l'aide alimentaire humanitaire. Le dernier convoi sous escorte militaire sur Djibo date du 21 mai 2023, soit environ 5 mois que le marché a été approvisionné. Toutefois, les informateurs clés rapportent que les ménages n’ont pas d’argent pour acheter. Au plus fort de la période de soudure, entre juillet et septembre, l'aide alimentaire fournie par le PAM par hélicoptère et par le gouvernement sous escorte militaire en mai a atteint en moyenne 30 pour cent de la population. Toutefois, les informations disponibles auprès du PAM indiquent que les niveaux d'assistance alimentaire diminueront pour atteindre seulement 16 pour cent de la population en moyenne entre octobre et décembre.
Dans le scénario le plus probable, l'Urgence (Phase 4 de l'IPC) avec des ménages en Catastrophe (Phase 5 de l’IPC) – associés à des déficits de consommation alimentaire importants à extrêmes et à des niveaux élevés de malnutrition aiguë et de mortalité – sont attendus à Djibo jusqu'en mai. Cependant, FEWS NET évalue qu'il y a également un risque de Famine (Phase 5 de l'IPC). Actuellement, la combinaison des stocks de récolte, des aliments sauvages, des livraisons occasionnelles sur les marchés et de l'assistance alimentaire préviendra une insécurité alimentaire plus extrême. Contrairement à la saison passée, le niveau inférieur de remplissage du barrage pourrait entrainer son tarissement précoce entre mars et mai et priver la population de la pratique du maraichage sur de petites surfaces. Même marginale, cela constituera une source de nourriture en moins. Si le conflit, les facteurs financiers ou logistiques entraînent une réduction encore plus importante que prévue des sources de nourriture déjà minimes des ménages, la Famine (Phase 5 de l'IPC) est susceptible de se produire. En fin de compte, les donateurs, le gouvernement et les partenaires humanitaires doivent prendre des mesures pour augmenter les livraisons d'aide alimentaire et garantir un accès humanitaire total afin de limiter les pertes en vies humaines et mettre fin au risque de Famine (Phase 5 de l'IPC).
Actuellement, c'est à Djibo que la situation reste la plus grave. Toutefois, les communes d'Arbinda, Markoye et de Sebba soumises à un blocus, suscitent de plus en plus d'inquiétudes et nécessitent une augmentation urgente de l'aide alimentaire ainsi que des actions visant à améliorer l'accès humanitaire. Les blocus de ces zones sont maintenant en place depuis plus d'un an, et elles sont soumises à des livraisons d'approvisionnement du marché peu fréquentes et à un accès humanitaire difficile. Les informations disponibles suggèrent que la sévérité des restrictions sur le mouvement de la population est relativement moins importante dans ces zones, ce qui permet un niveau de culture relativement plus élevé, mais seulement de façon marginale. FEWS NET continuera à surveiller de près le risque d'une nouvelle détérioration de la gravité de l'insécurité alimentaire aiguë dans ces zones.
Figure 1

Source: FEWS NET
Situation actuelle
Situation sécuritaire : À l'échelle nationale, le nombre d'incidents de sécurité impliquant les Groupes Armés Terroristes (GAT) signalés de janvier à août 2023 est resté inférieur de 20 pourcents aux niveaux observés au cours de la même période en 2022, mais les pertes en vie associées à ces événements ont augmenté de 118 pourcent au cours de la même période, du fait des attaques des GAT de plus en plus complexes et de plus grande envergure, et de l’intensification des frappes des Forces de Défenses et de Sécurité (FDS) sur les bases des GAT (Figure 2).
Figure 2

Dans les régions du Nord, du Sahel, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun, les GAT continuent de faire pression sur les populations civiles, en maintenant des barrages sur les axes Kaya-Dori, Dori-Sebba, Dori-Arbinda, Gorom-Gorom-Markoye, Kongoussi-Djibo, Ouahigouya-Titao-Djibo, Dédougou-Nouna-Djibasso, Dédougou-Tougan, Yako-Tougan, Fada-Gayéri, Fada-Kantchari, Fada-Pama. Dans les zones sous le contrôle des GAT, ces derniers ont établi des points de contrôle de plus en plus prolifiques où le transit est accordé après paiement, par la collecte de plus en plus formelle de la zakat auprès des éleveurs de bétail, et par l’exploitation de mines d’or artisanales. Le nombre de communes sous blocus est passé d’une quinzaine l’année dernière à une trentaine en août 2023. Outre les attaques contre les convois et les positions des FDS et des Volontaires de Défense de la Patrie (VDP), les GAT posent de plus en plus d’engins explosifs improvisés, ce qui rend difficile la circulation interne des marchandises et des personnes (Figure 3). Les zones de production (Boucle du Mouhoun, Centre-Est, Hauts Bassins, Cascades) et les couloirs de circulation, notamment le long des frontières avec les pays côtiers, font également l’objet d’exactions de la part des GAT qui cherchent à priver les populations de l’accès aux activités agricoles et à contrôler les voies de contrebande. Ils continuent d’exercer des représailles contre des civils qu’ils accusaient de complicité avec les FDS, entrainant de nouveaux déplacements internes.
Bien que la publication du nombre de personnes déplacées ait été interrompue depuis mars 2023, date à laquelle plus de 2 millions de personnes déplacées ont été enregistrées, les nouveaux cas de déplacement entre mars et août sont plus importants : 499,108 (Cluster GSAT) contre 191,937 cas de retour (Ministère en charge de l’action humanitaire) facilités par les FDS sur la même période.
Figure 3

Source: FEWS NET, avec données du Cluster Sécurité Alimentaire, PAM, Système d’Alerte Précoce, ACLED
Saison agropastorale : La présente saison agricole a connu une installation tardive avec des ressemis dans plusieurs régions du pays. Les cumuls pluviométriques enregistrés du premier avril au 10 octobre 2023 sont dans l’ensemble inférieurs à ceux de la saison écoulée et similaires à inférieurs à la moyenne (ANAM, bulletin n°28). Néanmoins, la poursuite tardive des pluies en octobre a permis aux différentes cultures de boucler leurs cycles. La maturation est en cours pour le sorgho, le mil, le riz et le coton. Les récoltes ont débuté pour les autres cultures. En plus de l’installation difficile de la saison, l’accès aux engrais dont les prix restent élevés et l’insécurité ont été les principales contraintes au cours de cette campagne. De plus, les superficies emblavées ont été significativement réduites dans les régions du Sahel, du Centre-Nord et de l’Est. La baisse de superficies du fait des déplacements et des menaces des GAT, ont touchés de novelles provinces notamment celles de la Kossi, du Sourou, du Mouhoun, des Banwa (région de la Boucle du Mouhoun), du Koulpélogo (région du Centre-Est), du Houet (région des Hauts Bassins). Dans les provinces de l’Oudalan et du Séno, les menaces d’attaques des oiseaux granivores et les menaces de représaille par les GAT, ont poussé les ménages à entamer précocement les récoltes du mil avant la maturation complète. Des séquences sèche beaucoup plus longues (atteignant 20 jours par endroit) ont été enregistrées au cours du mois de septembre dans la région du Centre-Nord au moment critique de la floraison/épiaison, ce qui impacte négativement sur les rendements. Des attaques de cantharides et de criquets ont également sévi dans plusieurs communes dans les régions du Centre-Nord (Bourzanga, Bouroum, Pensa) et du Sahel (Gorom-Gorom, Falangountou, Dori, Gorgadji). Dans de nombreuses localités sous pression des GAT, l’accès aux champs pour les récoltes demeure un défi.
Les séquences sèches enregistrées au cours du mois de septembre ont entrainé un faible développement des pâturages naturels dans les régions du Centre-Nord et du Sahel. La pression du bétail dans les zones accessibles réduit précocement les disponibilités fourragères dans ces zones.
Malgré le cumul pluviométrique déficitaire, le niveau de remplissage des principaux barrages est similaire, voire excédentaire comparativement à la moyenne interannuelle (1991-2020), à l’exception des barrages et mares dans la région du Sahel et dans la province du Loroum qui sont inférieurs. A titre d’exemple, le barrage de Titao dans la province du Loroum enregistre un taux de remplissage de 58,48 pour cent contre une moyenne de 92,07 pour cent à la date du 10 octobre.
Fonctionnement des marchés et prix des denrées alimentaires : Le fonctionnement des marchés des produits agricoles et de bétail demeurent négativement impacté par la situation sécuritaire. L’offre en céréales de base est moyenne, voire inférieure à la moyenne sur les marchés des zones relativement calmes du Sud et de l’Ouest du pays en raison des faibles stocks de report et de la restriction à l’exportation qui décourage certains commercants à mobiliser des stocks. En revanche, elle est très faible dans les zones sous blocus dont l’approvisionnement n’est possible que par convois sous escorte militaire (Figure 4). Ces convois sont de moins en moins fréquents du fait de l’accroissement du nombre de zones sous-blocus. Une pénurie totale de denrées a été observée en septembre et en octobre à Arbinda et dans la plupart des autres zones, des denrées telles l’huile alimentaire, le sucre et les condiments sont rares. La demande est similaire à la moyenne mais inférieure à son niveau de 2022 malgré une hausse des besoins des populations. Cette situation serait liée entre autres à la faiblesse de leur revenu, aux opérations de distribution alimentaire en cours, à la vente de céréales à prix subventionné avec des volumes plus importants cette année (environ 30 000 tonnes en fin septembre par rapport à une moyenne de 20 000 tonnes).
Figure 4

Source: FEWS NET
Les échanges demeurent timides, tant à l’intérieur du pays qu’avec les autres pays. L’interdiction des exportations des céréales, de leurs dérivés et du niébé est toujours en vigueur. La récente autorisation de sortie des céréales et du niébé vers le Niger n’a, pour l’instant, pas d’effet significatif sur la demande nationale. Les prix demeuraient au mois de septembre au-dessus de la moyenne pour les principales céréales de base : 28 pour cent pour le maïs, 29 pour cent pour le mil et le riz importé et 36 pour cent pour le Sorgho blanc. Cette hausse est justifiée principalement par le coût élevé des facteurs de production, la baisse des stocks et l’augmentation du coût du transport. Dans les zones sous blocus et en proie à l’insécurité, les variations peuvent excéder 100 pour cent. A titre d’exemple, le prix du maïs enregistre une hausse quinquennale de 106 pour cent à Kompienga dans la Région de l’Est tandis que celui du mil a augmenté de 153 pour cent à Sebba dans le Sahel. Ces fortes hausses sont dues aux difficultés d’approvisionnement des marchés de ces localités qui sont souvent en ruptures de denrées de base.
Dans la zone pastorale qui est la plus touchée par l’insécurité, plusieurs marchés à bétail locaux demeurent fermés y compris le marché principal de Djibo. Aussi, du fait des pertes, des pillages par les GAT, et les déstockages antérieurs, les offres d’animaux en septembre sont en légère baisse sur le marché de Dori, mais les baisses varient entre 40 et 55 pourcents pour les différentes espèces sur le marché de Gorom-Gorom comparativement à la moyenne. La demande d’animaux est également en baisse dans l’ensemble et est principalement dominée par celle des commercants nationaux. Le principal axe commercial qui est Kaya-Dori n’est plus fréquentable que par escorte depuis le second trimestre de l’année 2023, ce qui décourage les transporteurs et acheteurs étrangers. Au mois de septembre et comparativement à la moyenne quinquennale, les prix des taureaux en bon état physique sont en hausse de 11 pour cent sur le marché de Dori, mais en baisse de 16 pour cent à Gorom-Gorom. Les prix du bouc et du belier enregistrent des baisses légères sur les deux marchés par rapport à la moyenne quinquennale du fait de la baisse de la demande, résultant de la diminution de la fréquentation de ces marchés par les acheteurs étrangers. Par contre, sur les principaux marchés dans les zones relativements calmes, les prix des animaux sont en hausse légère ou modérée par rapport à la moyenne quinquennale.
Sources de revenu: Dans l’ensemble, la persistance des menaces sécuritaires continue de limiter l’accès des populations aux sources habituelles de revenus. Dans les zones relativement calmes du pays, la vente des nouvelles récoltes (niébé, arachide), la vente du bétail, ainsi que des produits maraichers et des produits forestiers non ligneux (PFNL) et la main-d’oeuvre agricole constituent les principales sources de revenus pour les ménages pauvres. Du fait de la mesure en vigueur sur l’interdiction des exportations de céréales et de niébé, le prix aux producteurs du niébé est inférieurs de 37 pour cent et 20 pour cent à son niveau de l’année passée et à la moyenne quinquennale respectivement. Le prix de l’arachide coque enregistre une baisse légère par rapport à l’année passée, mais est en hausse de 25 pour cent par rapport à la moyenne quinquennale. Les animaux sont vendus à des prix légèrement à modèrement au-dessus de la moyenne pour supporter les frais scolarisation de plus en plus élevés car en raison de la fermeture des écoles du fait de l’insécurité, les parents doivent payer plus cher pour envoyer leurs enfants dans les centres urbains. Les ménages hôtes mais aussi les PDIs ont intensifié la production de legumes pendant cette saison de pluies afin de se procurer des revenus qui restent toutefois inférieurs à la moyenne en raison principalement des coûts plus élevés des engrais et produits de traitement. Cependant, le ralentissement du transport vers les zones du Sahel, dont l’approvisionnement se fait desormais par escorte, limite les flux internes et la demande auprès des fournisseurs habituels dans les zones de production. A cela s’ajout la baisse de la fréquentation des marchés par les acheteurs étrangers. Par conséquent, les prix de ventes des produits maraichers sont stables en septembre, voire en baisse par rapport à l’année écoulée à même la période. Par exemple, pour la tomate (culture la plus pratiquée en pluviale), les prix sont stables sur le marché de Réo (Centre-Ouest) et en baisse de 9 pour cent sur le marché de Banfora. Dans l’ensemble, le niveau plus élevé des prix des engrais (55 pour cent au-dessus de la moyenne) contribue également à réduire les marges bénéficiaires issues de la vente des produits agricoles.
Dans les zones sous-blocus ou plus touchées par l’insécurité, les revenus issus de la vente des nouvelles récoltes sont marginales en raison des mauvaises productions résultant de la baisse des superficies emblavées. Dans ces zones, l’essentielle de la production est destinée à l’autoconsommation. Les ménages comptent plutôt sur les transferts d’argent des parents de l’extérieur et/ou sur les revenus issus de la vente de l’eau, du fourrage et du bois.
L’assistance alimentaire : Le nombre de communes sous blocus s’est accru passant d’une quinzaine en 2022 à une trentaine en 2023. Par conséquent, les besoins en délivrance de l’assistance par escorte militaire ou par voie aérienne se sont multipliés et la régularité de l’assistance n’est plus assurée pour de nombreuses localités. Dans plusieurs zones, notamment dans les communes de Markoye, de Arbinda, de Kelbo, de Mansila (dans la région du Sahel), de Sollé dans la région du Nord, de la Kompienga (région de l’Est), de Bourzanga et de Pensa (région du Centre-Nord), de la Kossi (région de la Boucle du Mouhoun), l’assistance demeure peu fréquente et n’atteint qu’un faible niveau de la population. Au cours des trois derniers mois, les planifications d’intervention du PAM ont été réduites de près de moitié pour la commune de Djibo en raison des difficultés logistiques, sécuritaires et des intempéries. Le gouvernement a pu apporter par escorte des vivres pour trois mois de besoins aux PDIs et hôtes pauvres dans les communes de Djibo, de Sebba et de Titao en mai et dans la commune de Gorom-Gorom en août. Certains partenaires ont également pu réaliser des distributions par vouchers dans les communes de Sebba et de Gorom-Gorom. Au cours des trois derniers mois, l’assistance a atteint en moyenne 30 pour cent de la population à Djibo, 22 pour cent à Sebba, 34 pour cent à Gorom-Gorom et 23 pour cent à Titao. Dans les zones relativement plus accessibles pour l’assistance, les distributions directes en vivres et en cash se sont renforcées pendant la soudure. Il s’agit en particulier des communes de Kaya, Tougan, Ouahigouya et Fada N’Gourma. La proportion de populations bénéficiaires a atteint au moins 22 pour cent dans ces communes.
Résultats actuels de la sécurité alimentaire
Dans les zones sous blocus en particulier dans la moitié nord du pays, l’assistance demeure une source de nourriture importante aussi bien des ménages hôtes que des PDIs. Bien qu’elle ait été insuffisante à Djibo en septembre, les récoltes marginales de niébé et de mil, de potagers et les produits de collecte contribuent à préserver la survie des populations exposées à l’Urgence (Phase 4 de l’IPC). Toutefois, le manque de bois de chauffe non disponible dans le rayon de sécurité et la rareté des condiments et de l’huile affectent négativement la qualité des repas. Dans la commune d'Arbinda (province du Soum), les pénuries de denrées sur le marché et l’absence de l’assistance poussent les ménages à accroitre les stratégies extrêmes de survie en limitant à un le nombre de repas journaliers et en réduisant aussi les quantités car les récoltes marginales de légumineuses et de mil ne sont pas suffisantes. Selon les informateurs clés, les récoltes sont déjà épuisées pour certains ménages qui ne survivent que de mendicité. Dans les communes de Titao, Gorom-Gorom et Sebba, l’assistance est suffisante pour empêcher l’Urgence (Phase 4 de l’IPC), mais les PDIs et les ménages pauvres continuent de limiter à la fois la quantité et le nombre de repas par jour et vivent une insécurité alimentaire aigue Crise (Phase 3 ! de l’IPC). Au regard du nombre élevé de personnes faisant face à l’urgence prolongée, il est possible que certaines soient dans une situation de Catastrophe (Phase 5 de l’IPC), en particulier dans les communes de Djibo, Arbinda, Sebba, Kelbo, Markoye, Gorom-Gorom et Titao.
Dans l’ensemble des zones sous blocus, les enquêtes SMART Rapid conduites en juillet /août 2023 montrent une dégradation de la situation nutritionnelle avec des prévalences de Malnutrition Aigüe Globale (MAG) élevées voire très élevées se situant entre le niveau Grave (MAG 10-14.9 pour cent) et Critique (15-29.9 pour cent). Ceci est la résultante de la situation alimentaire alarmante des ménages, de l’accès limité des populations aux services de santé et aux programmes de nutrition y compris les activités de supplémentation en vitamine A, le déparasitage et la vaccination et des conditions d’hygiène et d’assainissement inadéquates surtout dans les sites de forte présence de PDIs.
Dans les centres urbains et de forte présence de PDIs, notamment les communes de Kaya, de Tougan, de Ouahigouya et de Fada N’Gourma, l’assistance alimentaire est plus présente et les PDIs et ménages hôtes pauvres disposent de revenus faibles issus des activités de petit commerce, de travaux journaliers ou du maraichage pour acheter céréales vendues à prix subventionné par le gouvernement. Ces ménages vivent une insécurité alimentaire aigue Stress (Phase 2 ! de l’IPC).
Dans les zones de production du sud et de l’ouest relativement plus calmes, les ménages pauvres, y compris certains PDIs, ont accès aux nouvelles récoltes (légumineuses, tubercules et maïs) et consomment au moins deux repas par jour pour être en insécurité alimentaire aigue Minimal (Phase 1 de l’IPC). La main-d’œuvre agricole (pour les récoltes et la préparation des parcelles de cultures irriguées) offre des opportunités de revenu surtout pour les PDIs et facilite leur accès au marché.

Source: FEWS NET
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire d’octobre 2023 à mai 2024 se base sur des suppositions fondamentales suivantes, par rapport à l’évolution du contexte national :
- Conflit et insécurité : Dans l'ensemble, la fréquence et l'intensité des attaques perpétrées par les groupes militants devraient augmenter jusqu'au pic de la saison des pluies en juillet 2024, atteignant des niveaux records. Bien que la formation de l'Alliance des États du Sahel (AES) devrait fournir aux États membres un cadre de défense collective et d'assistance mutuelle dans la lutte contre le terrorisme, les menaces fréquentes d'instabilité politique dans les Etats, le départ des forces de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA) du Mali, l'Accord d'Alger actuellement mis en mal par les affrontements entre l’armée malienne et les groupes armés Touaregs, la rupture des accords de défense entre le Niger et la France et le subséquent départ des forces armées françaises du Niger sont susceptibles d'exacerber le regain de tensions dans la zone des trois frontières. Alors que les FDS, soutenues par les VDP, devraient continuer à mener des opérations offensives et des frappes aériennes contre les bastions des GAT, le rythme élevé des opérations militaires ne devrait pas dans le court terme, anéantir les capacités opérationnelles des GAT.
- Perspectives agropastorales : La réduction significative des superficies emblavées liée à l’inaccessibilité ou à l’abandon des champs pour cause d’insécurité (résultats de la mission conjointe SAP/Partenaires, septembre, 2023) laisse entrevoir des perspectives de production agricole à la baisse par rapport à la campagne précédente et à la moyenne. Par ailleurs, le déficit fourrager et le niveau de remplissage des retenues d’eau en-dessous de moyenne pourraient conduire à une soudure pastorale plus longue et difficile, notamment dans la moitié nord du pays.
- Perspective des productions de saison sèche : Avec des taux de remplissage des retenues d’eau en-dessous de la moyenne dans les régions du Centre-Nord et du Sahel, il est attendu un tarissement précoce de ces points d’eau, ce qui réduirait la production contre saison à un cycle au lieu de deux en année normale. Dans les régions où la disponibilité de l’eau est suffisante, le coût élevé des intrants (engrais, produits de traitement, carburant pour les motopompes) limitera les superficies emblavées et l’insécurité continuera de limiter l’accès à certains sites de production. Dans l’ensemble, les productions attendues principalement entre janvier et avril seront en-dessous de la moyenne.
- Baisse des revenus agricoles : Dans l’ensemble et particulièrement dans les zones plus touchées par l’insécurité, les revenus agricoles seront en-dessous de la moyenne entre octobre et mai. La mesure d’interdiction des exportations de céréales et du niébé continue d’éroder les prix du niébé généralement tirés par la demande des pays côtiers. Les nouvelles récoltes devraient contribuer à maintenir les prix du niébé en-dessous de la moyenne. L’insécurité continuera de fortement limiter l’accès des ménages aux zones de collecte des produits forestiers non ligneux. Par ailleurs, malgré l’augmentation du prix d’achat du coton de 5 pour cent par rapport à la campagne passée, l’absence de subvention des engrais a fait grimper les charges de production à l’hectare d’environ 69 pour cent par rapport aux années passées, si bien que certains producteurs ont réduit les superficies emblavées.
- Baisse des revenus non agricoles : L’inaccessibilité des sites d’orpaillage et le maintien des mesures d’interdiction à l’accès à ces sites liés à la situation sécuritaire continueront à affecter négativement les revenus tirés de cette activité. Même s’il n’est pas attendu une diminution dans la rétribution journalière, l’offre de main-d’œuvre dans les zones relativement plus calmes sera probablement supérieure à la demande. Ce qui réduira fortement les montants des transferts liés à la migration par rapport à la normale. En outre, les activités liées à l’auto-emploi notamment la vente de bois de chauffe, de charbon de bois et celle de paille resteront affectées par la situation d’insécurité qui limiterait l’accès à la matière première.
Fonctionnement des marchés produits de base : La baisse attendue de la production céréalière nationale affectera négativement l’offre sur les marchés dans l’ensemble. L’insécurité continuera de limiter les flux des céréales de base des zones de production vers les régions déficitaires que sont le Nord, le Sahel, le Centre-Nord de même que certaines communes de l’Est, de la Boucle du Mouhoun et des Hauts bassins, où les ménages n’ont pas eu accès à leurs champs. L’offre sur ces marchés restera en dessous de la moyenne du fait de longs délais d’approvisionnement tributaires des escortes militaires.
Par ailleurs, les importations de céréales, en particulier le maïs à partir des pays côtiers resteront en-dessous de la moyenne en raison d’une part de l’insécurité et d’autre part de la mesure en vigueur sur l’interdiction des exportations de céréales et de niébé, mesure qui découragerait les transporteurs de ces pays qui généralement font venir le maïs et repartent avec le niébé.
Dans l’ensemble, la demande sera moyenne et dominée par celle des institutions pour la reconstitution des stocks de sécurité ou pour les besoins d’interventions humanitaires.
La demande des ménages restera typique sur toute la période dans les zones du Sud et de l’Ouest relativement calmes. Dans les zones à accès limité, la demande sera moindre compte tenu de la faiblesse des revenus des ménages qui dépendront majoritairement de l’assistance alimentaire. Ainsi entre octobre et février, la tendance saisonnière à la baisse des prix pourrait s’observer du fait des récoltes et de l’assistance, mais les prix resteront au-dessus de la moyenne (Figure 5). Dans les zones sous blocus, les prix resteront supérieurs à leurs moyennes saisonnières et atteindront de nouveaux records du fait de la faiblesse de l’offre sur les marchés et des coûts de transport élevés.
Figure 5

Source: FEWS NET
- Conjoncture économique nationale : Nonobstant une baisse de l’inflation annuelle comparativement à l’année passée, la persistance des cours mondiaux élevés des denrées alimentaires (riz, blé, huile) et non alimentaires (engrais, produits pétroliers, matériaux de construction) ainsi que l’appréciation du dollar maintiendront les prix des produits manufacturés et importés au-dessus de la moyenne entre octobre et mai avec des effets induits sur les prix domestiques. Cette hausse de prix associées à la multiplication des taxes dans le cadre de la lutte contre l’insécurité continuera d’affecter négativement le pouvoir d’achat des ménages, notamment les pauvres dans les centres urbains.
- Assistance alimentaire : Les planifications de l’assistance pour 2024 ne sont pas encore disponibles. Cependant, compte tenu de la persistance de l’insécurité, du disfonctionnement des marchés et des mesures d’interdiction des transferts monétaires dans les régions du Sahel et du Centre-Nord, du long délai de ravitaillement par escorte militaire, la distribution directe de vivres par voie aérienne devrait être la principale modalité d’assistance au profit des ménages au cours des prochains mois. Le constat au cours des cinq dernières années montre que le volume d’assistance diminue entre octobre et février période entre la fin des programmes de soudure et l’attente des requêtes de financement. A cette réduction périodique devrait s’ajouter les contraintes sécuritaires, financières et logistiques pour la mise en œuvre de cette assistance. Dans un contexte où le nombre de localités sous-blocus et donc dépendantes des approvisionnements par escorte ou par voie aérienne est croissant, la fourniture de l’assistance devrait être insuffisante et irrégulière entre octobre et mai, notamment dans les zones sous blocus.
- Détérioration de la situation nutritionnelle : La récente enquête nutritionnelle basée sur la méthodologie SMART rapide réalisée courant juillet/août par la Direction de la nutrition et les partenaires fait état de la dégradation de la situation nutritionnelle des enfants de moins de 5 ans dans les zones de forte présence de PDIs dans les régions du Nord, du Sahel, du Centre-Nord, de la Boucle du Mouhoun et de l’Est. Le maintien de la fermeture ou le disfonctionnement des formations sanitaires devrait continuer de limiter l’accès des populations aux soins de santé et aux programmes de prise en charge et de prévention de la malnutrition aigüe. La situation nutritionnelle restera préoccupante et pourrait se dégrader de façon progressive entre février et mai pour atteindre des niveaux critiques typiques de la période de soudure en avril/mai 2024 après que les ménages aient épuisé leurs stocks de production, en particulier dans les zones où l’accès aux champs a été réduit.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
Les ménages pauvres et les PDIs dans les communes sous blocus dans la région du Sahel et environnant devraient continuer à faire face à des déficits importants de survie pendant cette période de récoltes et poste récolte jusqu’en mai 2024. Dans la commune de Djibo, les récoltes marginales de la production pluviale ne suffiront pas pour couvrir trois mois de besoin malgré les stratégies de réduction à la fois des quantités et du nombre de repas, mises en place par les quelques 20 à 30 pour cent de ménages qui ont pu produire afin de prolonger la durée de leurs stocks. En raison de l’érosion plus prononcée des avoirs avec la durée du blocus et des contraintes logistiques et sécuritaires pour l’approvisionnement du marché et la délivrance de l’assistance, l’Urgence (Phase 4 de l’IPC) persistera et il est probable que le nombre de personnes en Catastrophe (Phase 5 de l’IPC) augmente pendant la période. Entre février et mai, il est probable que l’activité de production maraichère autour du barrage soit compromise en raison du tarissement précoce de l’eau. Cette activité se limitera à un cycle de production sur de petites surfaces, faute de motopompes et de carburant.
Dans les autres communes sous blocus de la région du Sahel, en particulier les communes de Gorom-Gorom et Markoye (province de l’Oudalan), de Arbinda (Soum) et la commune de Sebba (province du Yagha), les récoltes ne dureraient pas plus de trois mois, c’est-à-dire qu’elles s’épuiseront d’ici décembre pour environ 30 à 50 pour cent des ménages qui ont pu produire. Avec l’érosion des avoirs en bétail, les revenus issus des envois d’argent des parents, de la vente de l’eau et du fourrage ne sont pas suffisants pour satisfaire les besoins sur les marchés. Les PDIs et les ménages hôtes pauvres resteront exposés à l’Urgence (Phase 4 de l’IPC) entre octobre 2023 et mai 2024. Les déficits extrêmes et prolongés de consommation exposeront une proportion de personnes à la Catastrophe (Phase 5 de l’IPC).
L’accès alimentaire devrait se détériorer dans les autres zones également plus touchées par l’insécurité et de forte présence de PDIs, à savoir les provinces du Yatenga et du Loroum (région du Nord), les provinces de la région du Centre-Nord, les provinces du Gourma, Tapoa, Kompienga et Komondjari (région de l’Est), les provinces de la Kossi et du Sourou (région de la Boucle du Mouhoun), la province du Koulpélogo (région du Centre-Est). En effet, les stocks issus de la propre production s’épuiseront avant janvier et les revenus faible de la main-d’œuvre journalière et du petit commerce ne seront pas suffisants pour éviter le recours à la consommation d’aliments moins préférés et de réduire la quantité consommée, conduisant à une situation de Crise (Phase 3 de l’IPC) entre octobre 2023 et janvier 2024. Les revenus additionnels attendu de la pratique du maraichage ne suffiront pas pour compenser l’absence de la propre production céréalière et un nombre croissant de ménages devrait demeurer en insécurité alimentaire aigue Crise (Phase 3 de l’IPC) entre février et mai.
Dans les zones du Sud et de l’Ouest relativement calmes, les récoltes moyennes devraient assurer une alimentation typique aux ménages pauvres pour rester en insécurité alimentaire Minimale (Phase 1 de l’IPC) entre octobre 2023 et mai 2024. Toutefois, la baisse des revenus ne permettra pas d’assurer la protection complète de leurs moyens d’existence. Les PDIs dans ces zones disposeront relativement de plus de revenus issus de la main-d’œuvre, de la vente de bois et de charbon de bois, de la pratique de l’orpaillage pour se procurer les denrées de base sur les marchés. Certains ont pu produire dans leurs zones d’accueil et pourront vivre de leurs récoltes jusqu’en janvier. Dans l’ensemble, les PDIs seront exposés à l’insécurité alimentaire aigue Stress (Phase 2 de l’IPC) pendant toute la période.
Évènements qui pourraient changer les scenarios
Area | Evénements | Impact sur les conditions de la sécurité alimentaire |
---|---|---|
Province de Soum de la Région du Sahel, Zone de Moyens d’Existence BF07 | Réduction encore plus importante que prévu des sources de nourriture déja marginales | Dans le scénario où les combats s’intensifient entre les forces armées nationales et les GAT réduisant l’accès au maraichage ou produits de cueillette ou des problèmes logistiques humanitaires réduiraient ou empêcheraient de manière significative les livraisons d'aide alimentaire par voie aérienne, une détérioration rapide des niveaux d'insécurité alimentaire aiguë se produirait vraisemblablement. Si le conflit, les facteurs financiers ou logistiques entraînent une réduction encore plus importante que prévu des sources de nourriture déjà minimes des ménages, la Famine (Phase 5 de l'IPC) est susceptible de se produire. Bien que c'est à Djibo que la situation reste la plus grave, les blocus de Arbinda, de Markoye et Sebba sont maintenant en place depuis plus d'un an, et elles sont soumises à des livraisons d'approvisionnement du marché peu fréquentes et à un accès humanitaire difficile. Les informations disponibles suggèrent que la sévérité des restrictions sur le mouvement de la population est relativement moins importante dans ces zones, ce qui permet un niveau de culture relativement plus élevé, mais seulement de façon marginale. FEWS NET continuera à surveiller de près le risque d'une nouvelle détérioration de la gravité de l'insécurité alimentaire aiguë dans ces zones. |
Zones sous blocus | Le financement est assuré pour une augmentation de l'aide alimentaire au-delà des planifications actuelles | Un renforcement des distributions aériennes ou la reprise des transferts de cash contribuera à rehausser la couverture de l’assistance et à réduire les écarts de consommation par les ménages. Au minimum, les humanitaires devraient augmenter leur aide pour atteindre au moins 25 pour cent pour cent de la population au minimum et couvrir au moins 25 pour cent de leurs besoins mensuels en kilocalories afin de soutenir l'amélioration potentielle de la situation d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) à la Crise ! (Phase 3 ! de l’IPC) sur une base régulière pendant toute la période. Cependant, étant donné que le blocus affecte la majeure partie de la population et compte tenu de l'ampleur des écarts de consommation alimentaire, les niveaux d'assistance devraient probablement atteindre plus de 25 pour cent de la population avec au moins une ration de 50 pour cent de leurs besoins en kilocalorie pour prévenir des situations de Catastrophe (Phase 5 de l’IPC). |
National | Amélioration de la situation sécuritaire | Une amélioration de la situation sécuritaire favorisera plus de mouvements pour la recherche d’opportunité de revenu ou de nourriture, un retour progressif des PDIs et un meilleur approvisionnement des marchés locaux en denrée de base, toute chose qui pourrait atténuer l’augmentation des prix. Cela favoriserait aussi le déploiement de l’assistance et contribuera à améliorer l’accès alimentaire et à réduire les écarts importants de consommation. Même si cela ne changerait pas fondamentalement le niveau d’érosion des avoirs, les PDIs et ménages hôtes pauvres dans les zones précédemment touchées par le conflit pourraient rester dans une situation d’insécurité alimentaire aigue Crise ! (Phase 3 ! de l’IPC) ou moindre en raison d’une assistance plus présente, mais aussi de l’accès à quelques sources de nourriture et de revenu, notamment les produits forestiers non ligneux et les sites de production maraichère. |
Province de Soum de la Région du Sahel, Zone de Moyens d’Existence BF07 : Nord et Est Bétail et Céréales (Figure 6)
Situation actuelle
Environ vingt mois que la province du Soum est sous blocus, en dépit du processus de reconquête du territoire lancé à travers le renforcement des capacités des forces de défenses en ressources humaines, matériel et logistique. Les mouvements des populations demeurent limités à un rayon de deux km maximums. Au-delà de ce rayon, les populations, notamment les hommes, s’exposent à des risques élevés d’enrôlement ou de tuerie par les groupes armés terroristes (GAT). Cela limite l’accès des ménages aux sources habituelles de revenus et de nourriture. Les femmes qui prennent le risque d’aller plus loin à la recherche de quoi survivre sont souvent victimes d’enlèvements ou de viol. Les derniers chiffres officiels communiqués en mars 2023 (SP/CONASUR) font état de 298 442 de personnes déplacées internes (PDIs) dont plus de 90 pour cent se retrouvent à Djibo, 5 pour cent à Arbinda et 4 pour cent à Kelbo. Si le nombre de PDI à Djibo a baissé entre avril et octobre 2023 selon les informateurs clé pour cause de départs forcés vers des zones plus calmes, les besoins sociaux de base demeurent élevés avec une forte pression sur le peu de ressources disponibles dans le rayon de sécurité.
Figure 6

Source: FEWS NET
L’accès limité aux champs pour des causes d’insécurité ne permet pas aux ménages hôtes et PDI de profiter de la situation pluviométrique favorable de la présente campagne. Aussi, les récoltes prévues en baisse par rapport à l’année passée et à la moyenne ne permettront pas de couvrir plus de trois mois de consommation. En effet, selon les informateurs clés, environ 30 pour cent des ménages de la commune de Djibo et 40 pour cent à Arbinda ont eu accès à une partie de leurs champs, principalement les champs de case pour la production agricole. Cela justifie la dépendance des ménages au marché et à l’assistance alimentaire.
Les sources habituelles de revenus demeurent inaccessibles compte tenu de la quasi-inexistence d’activités agropastorales et génératrices de revenus dans la région. Les précédents déstockages de bétail, et l’inaccessibilité des zones de pâturages, l’interdiction de l’exploitation minière artisanale, la réduction des activités socioéconomiques habituelles et de productions agricoles ont pour conséquence une baisse considérable de la demande de la main-d’œuvre agricole et non agricole. Les principales sources de revenus demeurent la vente de l’eau et les transferts issus des exodants permanents et de proches hors de la province. Ces faibles revenus couvrent difficilement les besoins de base non couvert par l’assistance tels que la transformation des denrées reçues en repas. A Arbinda, en plus de la vente d ‘eau et des transferts , la mendicité est devenue un recours obligatoire pour trouver des revenus et de la nourriture selon les informateurs clés compte tenu de la faiblesse de l’assistance alimentaire dans la commune.
L’approvisionnement des principaux marchés de la province demeurent conditionné par des convois sous escorte militaire en raison des risques élevés d’incidents sécuritaires sur les principaux axes routiers reliant ces localités aux autres communes de provinces et régions. L’augmentation du nombre de communes sous blocus cette année a pour conséquence une prolongation du délai d’approvisionnement de ces marchés. Sur le marché de Djibo, principal marché de la province, l’offre est largement en dessous de la moyenne saisonnière. Le dernier convoi sous escorte militaire sur Djibo date du 21 mai 2023, soit environ 4 mois que le marché a été approvisionné. Toutefois, le niveau de l’offre en céréales n’a pas considérablement baissé du fait de la faiblesse de la demande. Les ménages ont peu recours au marché pour leur alimentation car ne disposant pas suffisamment de ressources pour faire face aux niveaux élevés des prix. En outre, la réduction des repas en qualité et en quantité leur permet de se contenter pour la majorité des distributions alimentaires des humanitaires, en particulier du PAM. Malgré la faiblesse de la demande, les prix des principales céréales enregistraient en septembre 2023 des hausses respectives de 64, 74 et 87 pour cent pour le Sorgho, le maïs et le mil par rapport à la moyenne quinquennale. En début octobre 2023, la grande boite de tomate, principale unité de mesure de la localité et dont le poids est d’environ 1.8 kg s’acquérait à 700 FCFA pour le Sorgho blanc, 800 FCFA pour le maïs, 1000 FCFA pour le mil, et 1250 pour le riz importé contre 2500 FCFA l’année passée à la même période pour chacune de ces 4 spéculations. Le marché de Arbinda quant à lui a connu une rupture totale d’approvisionnement courant septembre et octobre. Selon les informateurs clés, la dernière distribution remonte au 24 août 2023.
En sus de la fermeture du principal marché à bétail de Djibo, les échanges qui se faisaient entre quelques détenteurs de bétail et des bouchers locaux ont été suspendus ce mois d’octobre du fait de la rareté du bétail. Il en est de même à Arbinda. Le pillage par les groupes armés terroristes (GAT), les précédents déstockages pour l’acquisition de vivres, le non-retour de transhumants, l’impossibilité de pratiquer les activités pastorales, sont les principales raisons de l’absence de bétail dans cette zone à vocation pastorale.
Outre les difficultés logistiques habituelles auxquelles font face les humanitaires dans cadre de leurs interventions, la saison pluvieuse est une contrainte de plus dans la délivrance de l’assistance alimentaire. Aussi, entre juin et aout, l’assistance cumulée du PAM (par vol) et du gouvernement (par escorte en mai) avait touché environ 43 pour cent de la population de Djibo. Cependant, en septembre l’aide apportée (principalement par le PAM) n’a touché qu’environ 19 pour cent de la population avec des rations de 100 pour cent. L’assistance n’a pas été possible en septembre dans la commune de Arbinda.
A Djibo, malgré l’assistance alimentaire et le recours accru aux produits de cueillette, les ménages pauvres continuent d’adopter des stratégies de réduction à la fois du nombre de repas et des quantités à consommer au profit des enfants, cela dans le souci de prolonger la durée dans le temps des vivres reçus. Ces comportements sont une prévention à la rupture de l’approvisionnement du marché ou à la suspension de l’assistance pour une raison quelconque. Ainsi, des gaps de consommation continuent d’être observés, les maintenant ainsi dans une insécurité alimentaire d’Urgence (Phase 4 de l’IPC). Dans la commune d’Arbinda, les informateurs clés signalent des pénuries de produits agricoles sur le marché entre fin aout et mi-octobre ainsi qu’une absence d’assistance humanitaire depuis aout.
Cette situation contribue à la dégradation de l’état nutritionnel des enfants de moins de 5 ans, dont la prise en charge n’est pas adéquate du fait des fréquentes ruptures en intrants nécessaires pour le traitement de la malnutrition, compte tenu des difficultés d’approvisionnement. Les informateurs clés signalent des signes visibles de malnutrition parmi la population hôte et plus encore parmi les PDIs et ce, malgré la distribution de farine enrichie couplée avec l’assistance en vue de prévenir les cas de malnutrition aigüe sévère. A Arbinda, la situation semble plus préoccupante selon les informateurs clés, quand bien même les résultats de l’enquête n’aient pas été validés par le comité de suivi mis en place dans le cadre de cette enquête.
Suppositions
Figure 7

Source: FEWS NET
Outre les hypothèses nationales, le scénario dans ce domaine de préoccupation repose sur les hypothèses suivantes :
- Insécurité : Avec la fin de la saison pluvieuse, le nombre d’incidents sécuritaires connaitra probablement une hausse. Le blocus de la province devrait persister et limiter l’approvisionnement des marchés, ainsi que les mouvements des populations pour l’accès aux sources de nourriture et de revenu.
- Productions agropastorales : Les perspectives de récoltes de la présente saison seront en baisse par rapport à l’année passée. Cette baisse sera très prononcée par rapport à la moyenne. Ces récoltes ne couvriraient qu'un à trois mois des besoins, c’est-à-dire qu’elles s’épuiseront au plus tard en décembre. Les productions maraichères pourront se faire autour du barrage mais sur des superficies réduites et en hors sol avec un accès limité aux semences, engrais, carburant et matériel pour produire. De plus le niveau de remplissage du barrage est inférieur à celui de l’année passée et il est probable que l’eau soit insuffisante pour la production jusqu’en avril. Entre janvier et avril de l’année passée, environ 30 pour cent des ménages avaient pratiqué cette activité. Il est probable que cette proportion ne change pas d’où une faible disponibilité en produits agricoles et maraîchers à partir de janvier 2024.
- Revenus : Le maintien de l’interdiction de l’exportation minière artisanale et la restriction des mouvements continueront de limiter l’accès des PDIs et ménages hôtes pauvres aux sources habituelles de revenus pendant toute la période du scénario. Entre octobre et janvier, les ménages pourront tirer des revenus marginaux à travers la vente de l’eau, du charbon et du bois de chauffe et continueront de recevoir des transferts plus élevés des exodants permanents ou des parents en dehors de la province. Entre février et mai, qui marque la période chaude, la vente de l’eau pourrait s’intensifier. De même, les ménages pourront générer quelques revenus à partir de la vente de légumes. Dans l’ensemble, les revenus ne seront pas suffisants pour faire face au niveau élevé de prix des denrées de première nécessité, d’où le maintien de la dépendance de certains ménages aux transferts de la part des migrants.
- Fonctionnement des marchés : Durant la période du scénario, les approvisionnements des marchés de Djibo et d’Arbinda, resteront tributaires des convois sous escortes militaires. Les délais de ravitaillement demeureront long en raison des risques d’incident et l’augmentation du nombre de zones sous blocus ayant aussi besoin de ravitaillement par escorte. La persistance du blocus continuera de limiter l’approvisionnement du marché. Toutefois la baisse de la dépendance des ménages aux marchés permettra de réduire la durée des éventuelles ruptures du marché en denrées de bases. En conséquence, les prix seront en dessous de leur niveau de l’année précédant mais au-dessus de leurs moyennes saisonnières pendant toute la période de scenario (Figure 7). L’accès économiques des ménages aux marchés demeurera faible compte tenu de la faiblesse des revenus face aux prix élevés. La dépendance des ménages au marché pourrait croitre à partir de janvier avec l’amenuisement précoce des stocks issus de l’autoproduction. L’offre en bétail sera faible, voire nulle en raison de l’érosion des avoirs et ne pourra pas répondre à la demande des boucheries de la ville.
- Assistance alimentaire : Les distributions par voie aérienne continueront à être le moyen privilégié de délivrance de l’assistance alimentaire. Les planifications d’assistance du PAM jusqu’en janvier 2024 devraient atteindre au moins 25 pour cent de la population et couvrir au moins 50 pour cent de leurs besoins. Toutefois, des contraintes logistiques ou sécuritaires pourraient réduire cette couverture à l’image des réalisations au cours du mois de septembre qui ont touché 19 pour cent de la population. L’assistance pour 2024 n’est pas encore planifiée.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
L’assistance alimentaire et le marché continueront à être les principales sources de nourriture pour la majorité des ménages de la province, notamment à partir de février suite à l’épuisement précoce des stocks issus de l’autoproduction. Entre octobre et janvier, les ménages auront recours aux récoltes marginales ainsi qu’aux produits maraîchers. Toutefois, ces produits ne suffiront pas pour combler les déficits de consommation alimentaires. L’érosion des avoirs relatifs aux moyens d’existence limitera l’accès des ménages pauvres aux quelques produits vendus à des prix insupportables. Les pauvres seront alors contraints de multiplier les stratégies d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) entre octobre et janvier 2024 en pratiquant plus la mendicité ou en augmentant la fréquence des journées sans nourriture. Il est probable que le tarissement précoce du barrage entre mars et mai limite les activités du maraichage et donc priver les ménages de cette source de nourriture. L’intensification de la vente de l’eau et le recours aux envois d’argent par les parents ne suffiront pas pour empêcher l’exposition des populations à la Catastrophe (Phase 5 de l’IPC).
Évènements qui pourraient changer les scenarios : Si le conflit, les facteurs financiers ou logistiques entraînent une réduction encore plus importante que prévu des sources de nourriture déjà minimes des ménages, la Famine (Phase 5 de l'IPC) est susceptible de se produire. En fin de compte, les donateurs, le gouvernement et les partenaires humanitaires doivent prendre des mesures pour augmenter les livraisons d'aide alimentaire et garantir un accès humanitaire total afin de limiter les pertes en vies humaines et mettre fin au risque de Famine (Phase 5 de l'IPC).
Les livraisons d’aide devraient aussi être accélérées pour les ménages de la commune de Arbinda où les pénuries sur le marché et l’épuisement des récoltes marginales exposent la population à des écarts extrêmes de consommation alimentaire et une augmentation alarmante des niveaux de malnutrition aiguë et de mortalité au regard des signes visibles de malnutrition qui touchent déjà une proportion importante de personnes, en particulier les femmes et les enfants. Les recours aux feuilles sauvages au risque des exactions par les groupes armés terroristes ou les départs forcés de population pour rejoindre les zones plus favorables pourraient s’accroitre dans cette commune entre octobre et mai.
Oudalan, BF08, -Nord Elevage, transhumance et mil (Figure 8)
Situation actuelle
Figure 8

Source: FEWS NET
La situation sécuritaire dans la province de l’Oudalan s’est dégradée depuis le début de l’année 2023 avec pour conséquences l’abandon par la population de trois communes sur les 5 que compte la province. Les populations sont concentrées dans les communes de Gorom-Gorom et de Markoye. Les groupes armés terroristes (GAT) continuent de maintenir la pression autour de ces deux villes limitant ainsi les mouvements de personnes au-delà 2 à 3 km et volent le bétail des ménages. Markoye n’est accessible que par escorte militaire depuis 2022. Ces escortes font souvent l’objet d’attaque par les terroristes. La pression sur les ressources disponibles dans la ville de Gorom-Gorom est de plus en plus forte du fait de l’augmentation du nombre de personnes déplacées. Les chiffres officiels de 52 402 de PDI dans la commune à la date du 31 mars 2023 sont dépassés. En effet, la province a enregistré le déplacement des populations de Oursi et de Déou entre avril et septembre vers Gorom-Gorom et Markoye. L’accès aux besoins sociaux de base est limité de même que les sources habituelles de revenus et de nourriture des ménages.
En sus de l’accès limité aux champs, le démarrage de la campagne agricole a été tardif et la mauvaise répartition spatiotemporelle des pluies ont créé une hétérogénéité dans le déroulement de la campagne au sein de la province. Selon les informateurs clés, environ 50 pour cent des ménages ont eu accès à une partie de leurs champs dans la commune de Gorom-Gorom et aussi de Markoye. Par ailleurs, compte tenu des attaques des cultures, notamment du mil par les oiseaux granivores et les criquets d’une part, et les enlèvements ou tueries de personnes dans leurs champs par les GAT d’autre part, les ménages anticipent par endroit les récoltes avant la maturation complète. Les récoltes en cours ne pourront couvrir que 3-4 mois (contre 5-6 mois en année normale) de consommation pour les 50 pour cent de ménages qui ont pu produire. La durée de consommation de ces stocks pourrait être plus réduite avec le partage de récoltes en solidarité avec des proches.
Les gros éleveurs, ayant fui la zone du fait de l’insécurité depuis quatre ans, ne sont plus revenus. Les autres éleveurs qui sont restés subissent d’une part les pillages des GAT et d’autre part, des contraintes de déstockage anormal afin de satisfaire les besoins alimentaires. En conséquence, les effectifs d’animaux présents principalement dans les communes de Gorom-Gorom et de Markoye sont faibles et les ménages moyens en sont principalement des détenteurs. La régénération des pâturages est abondante, mais ces pâturages sont inaccessibles et le peu d’animaux disponibles y exerce une forte pression dans les rayons accessibles autour de ces villes.
Avec la limitation des sources habituelles de revenus, la réalisation de mains d’œuvre agricole pour les ménages nantis ou moyens, la vente de bétail, la maçonnerie, ou autre travail de manœuvre au compte des projets sont devenus les principales sources de revenus. Ils reçoivent également des transferts monétaires provenant des migrants ou proches vivant hors de la province. Par ailleurs, la collecte et la vente du fonio sauvage constitue également une source de revenu pour les ménages pauvres. Toutefois, ces revenus sont en dessous de la moyenne en raison de la réduction des superficies, liée aux difficultés d’accès aux champs, à la fermeture de certains projets dans la localité du fait de l’insécurité. L’interdiction des activités d’orpaillage et les distributions de cash par les acteurs humanitaires dans la région impacte négativement les revenus des ménages.
L’approvisionnent du marché de Gorom-Gorom est désormais conditionné par les convois sous escorte militaire et ceci depuis le mois de juin 2023. Le délai d’approvisionnement varie d’une semaine à un mois en fonction des alertes sécuritaires sur les risques d’incidents sur l’axe Dori-Gorom-Gorom. Le dernier approvisionnement par convoi date du 29 septembre 2023. L’offre est en baisse par rapport à 2022 et à la moyenne saisonnière. Avec la disponibilité des prémices de récolte, notamment mil hâtif et la présence de l’aide alimentaire, les ménages en particulier les hôtes ont peu recours au marché pour leur alimentation. Cette disponibilité est renforcée par le recours plus que normal des ménages, les PDIs surtout au fonio sauvage, dont la disponibilité est beaucoup plus importante cette année par rapport aux années précédentes. La réduction de la pression du bétail sur les pâturages dans la province justifierait la hausse de la disponibilité de cette céréale sauvage. Aussi, des prix des céréales affichent des niveaux relativement bas par rapport à d’autres zones sous blocus. Au mois de septembre 2023, le prix du mil, aliment de base de la localité, était de 405 FCFA/Kg à Gorom-Gorom et 426 FCFA/Kg à Markoye. Ces prix sont légèrement en dessous de leurs niveaux de septembre 2022 mais en hausse respectives de 30 et de 43 pour cent à Gorom-Gorom et à Markoye par rapport à la moyenne quinquennale.
Le marché à bétail de Markoye ne fonctionne pas et celui de Gorom-Gorom fonctionne à minima suite à sa faible fréquentation par les acheteurs potentiels en provenance habituellement des marchés de Pouytenga, Ouagadougou, Dori et du Ghana. L’offre est en baisse par rapport à la moyenne avant la crise en raison de la perte des avoirs des ménages. La demande, essentiellement locale est également en baisse par rapport à la normale. Les prix des petits ruminants enregistrent des baisses annuelles aussi bien sur le marché de Gorom-Gorom que celui de Markoye. Le prix du bélier a varié de 75,000 FCFA en octobre 2022 à 65,000 FCFA en 2023 au même mois à Gorom-Gorom. Le prix du bouc quant à lui est passé de 45,000 FCFA en 2022 à 25,000 FCFA en 2023 au même mois. Cette baisse est principalement liée à la faiblesse de la demande, résultant de la faiblesse des revenus des acheteurs locaux et de la quasi-absence des acheteurs étrangers.
Les populations de Gorom-Gorom bénéficient de l’aide alimentaire délivrée par le PAM et d’autres ONG humanitaires intervenant dans la localité. Ces actions humanitaires sont renforcées par les services de l’action sociale du gouvernement acheminent via les escortes des vivres pour trois mois de besoin pour la population. Entre juillet et septembre, l’assistance a couvert environ 34 pour cent de la population avec des rations répondant au moins à 80 pour cent de leur besoin. Toutefois, cette assistance est plus présente à Gorom-Gorom qu’à Markoye où elle est faible. Elle contribue à réduire la dépendance des ménages bénéficiaires du marché.
Les nouvelles récoltes de niébé sont disponibles mais ne concerne que la moitié de la population. Malgré l’amélioration de la disponibilité alimentaire, l’ensemble des ménages pauvres adoptent des stratégies de réductions du nombre de repas ainsi que les quantités consommées. Il existe dans la province des ménages, en particulier les PDIs qui ont plus recours qu’habituellement aux produits de cueillettes et à la récolte de fonio sauvage et risquent leur vie en s’éloignant du rayon de sécurité. Ces PDIs pratiquent aussi la mendicité auprès des ménages qui ont les nouvelles récoltes, car les revenus faibles tirés de la vente de l’eau et du bois et les transferts reçus ne sont pas suffisants pour satisfaire les besoins sur les marchés. A Markoye, la majorité des ménages pauvres, notamment les PDI, environ 50 pour cent ne disposent pas de revenus pour faire face au niveau atypiquement élevé des prix. Aussi, avec la suspension de l’assistance alimentaire depuis le mois de juin 2023, ces derniers ne vivent que de cueillette. Les gaps importants de consommation les exposent à l’insécurité alimentaire d’Urgence (Phase 4 de l’IPC). Cette situation contribue à la dégradation sérieuse de la situation nutritionnelle avec une prévalence élevée de Malnutrition Aigüe Globale (MAG) de 14 pour cent à Gorom-Gorom dont une prévalence de Malnutrition Aigüe Sévère (MAS) de 3,3 pour cent nettement supérieure au seuil d’urgence de l’OMS de 2 pour cent selon les derniers résultats de l’enquête SMART rapide réalisé en juillet 2023. En sus de la situation alimentaire difficile, la pression sur les services sociaux de base y compris les programmes de Nutrition déjà limité par des difficultés d’approvisionnement des centres de santé en intrants nécessaires limitent la prise en charge des enfants malnutris.
Suppositions
Outre les hypothèses nationales, le scénario dans ce domaine de préoccupation repose sur les hypothèses suivantes :
Insécurité : Avec la fin de la saison pluvieuse, le nombre d’incidents sécuritaires connaitront une hausse. Le ravitaillement de la province restera tributaire des escortes militaires durant la durée du scénario.
Productions agropastorales : Il est attendu une baisse des récoltes de la campagne agricoles en cours par rapport à la campagne précédente et à la moyenne en raison de la baisse des superficies emblavées. Cette baisse est liée à l’accès limité des ménages à leurs champs, à l’abandon de culture par les populations, contraints de migrer vers les communes relativement plus sécurisées que son Gorom-Gorom et Markoye. En sus de ces contraintes, des baisses des rendements agricoles sont attendus du fait de la mauvaise répartition des pluies et des attaques des cultures par les sautériaux et oiseaux granivores, cumulés à l’accès limité aux intrants agricoles. Il existe des risques de pillage de récoltes par les GAT en mouvements dans des villages de la commune de Gorom-Gorom et qui procèdent à des destructions de biens. Les activités de production maraichère sont habituellement peu développées dans la province et resteront encore limitées du fait des déplacements et de l’inaccessibilité aux sites de production.
Revenus : Il n’est pas attendu un changement majeur dans le revenu des ménages. Le maintien de l’interdiction des activités d’orpaillage et la restriction des mouvements continuera de limiter l’accès des ménages aux sources habituelles de revenus. Des revenus marginaux issus de la vente du niébé, du mil et du fonio sauvage ainsi que de main d’œuvre agricole seront disponibles entre octobre et janvier. A partir de février et mars, la vente d’eau de boisson sera l’une des principales sources de revenus, renforcée par la vente de PFNL (le jubjub en particulier). Les revenus tirés de la vente des PFNL et du bois de chauffe seront insuffisants du fait du risque élevé d’incidents sécuritaires dans les zones de collecte. Certains ménages dépendront exclusivement des transferts reçus de parents en exode ou des migrants.
Fonctionnement des marchés : L’insécurité continuera de perturber le fonctionnement des marchés de Gorom-Gorom et de Markoye, les marchés des autres communes étant fermés. Les approvisionnements seront conditionnés par les escortes militaires et les délais seront fonctions des menaces sur l’axe Dori-Gorom pour l’approvisionnement de Gorom-Gorom et sur l’axe Gorom-Markoye pour l’approvisionnement de Markoye. L’offre demeurera en dessous de la moyenne et l’accès des ménages pauvres aux marchés restera faible. La dépendance des ménages au marché s’accentuera à partir du mois de février avec l’amenuisement des stocks issus de l’autoproduction et de la non-disponibilité de légumes vertes après la saison de pluie. Les prix demeureront au-dessus de leurs niveaux de l’année précédente et des moyennes saisonnières (Figure 9).
Les prix du bétail resteront inférieurs à la moyenne malgré la faiblesse de l’offre du fait d’absence d’acheteurs étrangers dans la province.
Figure 9

Source: FEWS NET
Assistance alimentaire : Il n’est pas planifié des distributions aériennes de vivres dans la province entre octobre et décembre. Les distributions de vivres effectuées par le Gouvernement et ses partenaires depuis le mois d’août pour trois mois de besoin et uniquement dans la commune de Gorom-Gorom ne suffiront que pour atteindre le mois de novembre pour environ 56 pour cent de la population. Les planifications pour janvier à mai 2024 ne sont pas encore disponibles. Toutefois, avec la fin des programmes de soudure, il est probable que l’assistance soit insuffisante et irrégulière comme ce fut le cas l’année passée à la même période.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
Les menaces et exactions des GAT continueront de limiter l’accès des populations aux sources habituelles de revenus et de nourriture. Les escortes militaires de marchandises vers les principaux marchés pourraient ne pas être régulières au regard du nombre élevé de zones sous-blocus nécessitants des escortes. Cela réduirait les disponibilités alimentaires dans la zone et entrainera des augmentations atypiques de prix. Cela limiterait aussi le commerce du bétail pour les ménages qui en possèdent encore et qui verront une détérioration des termes de l’échange bétail et céréales.
Entre octobre et janvier, les ménages, en particulier les hôtes auront recours aux faibles récoltes. Dans le souci de prévenir les ruptures d’approvisionnement du marché et de la suspension de l’assistance alimentaire, les ménages continuerons à réduire à la fois le nombre de repas et les quantités consommées et à accroitre les cas de mendicité compte tenu de l’érosion des avoirs relatifs aux moyens d’existence. Aussi des gaps importants de consommation les maintiendront en Urgence (Phase 4 de l’IPC). Entre février et mai, avec l’épuisement des stocks issus de l’autoproduction et la faiblesse des revenus essentiellement issus de la vente d’eau et de fourrage et des envois d’argent des parents hors de la province, les ménages pauvres seront contraints à observer des restrictions alimentaires extrêmes, exposant une proportion plus élevée de la population à l’insécurité alimentaire aigue Urgence (Phase 4 de l’IPC). Les formes de malnutrition aigüe sévère déjà en urgence pourraient davantage se détériorer et accroitre nombre de personnes en Catastrophe (Phase 5 de l’IPC).
Citation recommandée: FEWS NET. Burkina Faso Perspectives sur la sécurité alimentaire Octobre 2023 - Mai 2024: L'aide alimentaire doit être augmentée pour sauver des vies et mettre fin au risque de Famine (Phase 5 de l’IPC) dans le nord du Burkina Faso, 2023.
Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.