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- Bien que le ravitaillement des marchés locaux sous escorte ait été possible dans plusieurs localités sous blocus dans le nord du pays depuis le début de l’année, l’assistance qui est le principal recours des ménages a été insuffisante et irrégulière au cours des trois premiers mois en particulier dans les provinces du Soum, de l’Oudalan et du Yagha. Par contre, à partir d’avril, le gouvernement et ses partenaires ont pu effectuer des distributions gratuites de vivres et lancer une opération de vente de céréales à prix subventionné, en particulier dans la commune de Djibo. Compte tenu des départs continus de populations de la ville, ces opérations bénéficient à une large partie des populations restantes et répondent à plus de 50 pour cent de leurs besoins, limitants ainsi les gaps importants de consommation et favorisant une insécurité alimentaire aigue Crise ! (Phase 3 ! de l’IPC) entre avril et mai.
- La production maraichère qui a constitué une importante source de nourriture et de revenus pour les ménages dans les communes de Titao, Djibo, Arbinda, et Bourzanga au cours des derniers mois a connu un ralentissement au cours du mois d’avril et sera significativement réduite entre mai et juin en raison du tarissement précoce des retenues. L’opération en cours de vente de céréales à prix subventionnée (120 F CFA le contre 450-600 F CFA sur le marché) qui a commencé à Djibo le 22 avril devrait contribuer à renforcer l’accès alimentaire des ménages dont les revenus marginaux issus de la vente du bois et de l’eau, de la pratique de l’orpaillage et les transferts d’argent des parents de l’étranger n’étaient pas suffisants pour constituer des stocks suffisants sur les marchés.
- Des efforts ont été consentis par le gouvernement pour l’approvisionnement des marchés avec des délais plus réduits comparativement à l’année passée. Cependant, le nombre de marchés dont le ravitaillement est tributaire de convois escortés demeurent important et les délais sont encore longs pour certaines communes difficiles d’accès tels que Djibo, Sebba, et Kompienga, entrainant par moment une rupture des denrées de première nécessité. Au niveau national, des variations modérées (entre 30 et 40 pour cent) de prix ont été observées en mars comparativement à la moyenne quinquennale. Mais pour ces zones, des hausses atypiques entre 80 et 172 pour cent ont été constatées pour les céréales de base et l’huile alimentaire.
Le contexte national reste marqué par une situation sécuritaire préoccupante. En cette période de saison sèche, généralement marqué par un regain d’exaction des groupes armés terroristes (GATs), on note entre novembre 2023 et mars 2024, une légère baisse du nombre d’incidents comparé à la même période il y a un an. Mais sur la même période, le nombre de fatalités est en hausse d’environ 23 pour cent (Figure 1). Bien que les succès enregistrés par les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) accompagnées des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) aient favorisé le retour de certaines personnes déplacées internes (PDIs) dans leurs villages d’origine (372 160 personnes au 31 décembre selon le CONASUR), les déplacements de population persistent, avec un nombre encore élevé de personnes déplacées dans tout le pays, bien qu'aucune estimation officielle ne soit disponible depuis mars 2023.
Figure 1
Source: FEWS NET, données de ACLED
Les mouvements de la population restent limités et le nombre de localités nécessitant des ravitaillements sous escortes militaires demeure important avec des délais d’approvisionnement pouvant excéder 3 mois. Toutefois, depuis le début de l’année, la fréquence et la durée des pénuries en denrées de base sont réduites par rapport à l’année passée, notamment à Djibo, Arbinda, Titao, Markoye, Gayéri. En avril, le gouvernement a pu ravitailler les communes de Djibo et de Sebba après respectivement 4 et 5 mois. Outre les marchandises destinées au commerce, les ravitaillements ont été accompagnés de vivres appartenant aux ONGs et de vivres du gouvernement pour la vente à prix subventionné et pour des distributions gratuites. Par ailleurs, dans les communes au Nord (Arbinda, Gorom-Gorom, Djibo, Markoye, Sebba), l’élargissement du rayon de sécurité autour des villes dépassant maintenant 1-3 km favorise plus l’accès à quelques sources marginales de revenu (bois de chauffe, orpaillage) et produits sauvages. Les cantines scolaires sont fonctionnelles à Djibo, permettant les enfants d’avoir au moins un repas par jour. Les mouvements des populations restent cependant limités et l’accès aux sources habituelles de revenus demeure faible.
Selon les résultats définitifs du Ministère de l’Agriculture, la production céréalière de la campagne 2023-2024 (estimée à 5 147 924 tonnes) est dans l’ensemble similaire à la campagne passée et à la moyenne quinquennale. Dans les zones à fort défis sécuritaire au Sahel, d’importantes baisses par rapport à la moyenne ont été enregistrées (59 pour cent dans le Yagha, 81 pour cent à l’Oudalan). Si la production de contre saison a permis de renforcer un tant soit peu la disponibilité céréalière (notamment le riz et le maïs) et l’offre de légumes, grâce à l’accompagnement du Gouvernent par la mise à disposition à temps d’intrants agricoles et l’aménagement de superficies sécurisées, le tarissement précoce des retenus d’eau n’a pas permis d’atteindre les résultats espérés en début de saison, notamment dans les régions du Nord, du Sahel et du Centre-Nord.
Sur les marchés des produits agricoles, l’offre est moyenne à faible selon les localités. Par rapport à l’année passée, la baisse de l’offre est plus prononcée sur les marchés tels que Diapaga, Kompienga, Gayéri dans la Région de l’Est et Djibasso, Nouna, Tougan dans la Boucle du Mouhoun. Le principal facteur explicatif de cette baisse est la détérioration de la situation sécuritaire dans ces localités qui étaient relativement plus calmes à la précédente saison. La demande enregistre une hausse saisonnière mais demeure inférieure à son niveau de 2023. La relative faiblesse de la demande face à l’importance des besoins céréaliers est liée à la présence de l’aide alimentaire dans les zones de forte concentration des PDIs et aussi à la faiblesse des revenus des ménages. Les ménages pauvres dépendent majoritairement de l’aide alimentaire dont ils réduisent la consommation afin de prolonger sa durée. De plus, la vente de céréales à prix subventionné, mise en œuvre par le Gouvernement contribue à diminuer le recours des ménages pauvres au marché céréalier.
Les moyennes des prix des principales céréales demeurent au-dessus de la moyenne et légèrement en baisse par rapport à l’année passée à la même période. Les moyennes nationales enregistrent au mois de mars des hausses quinquennales respectives de 30, 32 et 36 pour cent pour le maïs blanc, le mil et le Sorgho blanc. En raison du dysfonctionnement des marchés, la hausse des prix est fonction de l’accessibilité de la localité. Les hausses les plus importantes sont enregistrées sur le marché de Kompienga : 115 pour cent pour le maïs, 133 pour cent pour le mil et 172 pour cent pour le sorgho blanc. Il est suivi du marché de Djibo où le prix du maïs, denrée de substitution, enregistre une hausse quinquennale de 106 pour cent. Des hausses comprises entre 50 et 100 pour cent sont enregistrées sur les marchés de Markoye, Sebba, Arbinda et Bogandé en raison de la faiblesse de l’offre. Les prix du niébé et du riz (local et importé) ont enregistré des hausses par rapport aux moyennes annuelles et quinquennales en mars. La hausse du prix du niébé se justifie par la faiblesse de son offre et celui du riz par la hausse de sa demande en substitution à certaines céréales sèches comme le sorgho et le mil.
L’élargissement du rayon de sécurité dans certaines zones, l’aménagement de sites de production sécurisés et le soutien en intrants du gouvernement et des partenaires ont permis d’augmenter les volumes des productions maraichères, bien que faible dans les zones du nord, cette année comparé à l’année passée. Toutefois, le tarissement précoce des retenus d’eau et l’inaccessibilité de certains sites de production n’ont pas permis d’atteindre les volumes de productions habituelles avant la crise. Par ailleurs, les difficultés d’écoulement n’ont pas permis aux producteurs de bénéficier des prix rémunérateurs pratiquer dans les zones de consommation comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso.
Dans les zones au sud et à l’ouest du pays, les revenus individuels tirés de l’orpaillage et de la main d’œuvre agricole connaissent des baisses compte tenue de la concurrence plus forte suite à l’affluence de jeunes venus des zones à forts défis sécuritaire à la recherche d’opportunité. Dans les zones à forts défis sécuritaire, le maraichage, l’orpaillage, le petit commerce, la vente du bois de chauffe, de l’herbe et de l’eau constitue les principales sources de revenus en plus des transferts reçus de proches ou de parents exodants. Avec la survenue de la période de chaleur, les revenus tirés de la vente de l’eau connaissent une légère hausse. Cependant, ces revenus sont insuffisants pour faire face aux besoins alimentaires et aux autres besoins de base, d’où la forte dépendance des ménages pauvres à l’assistance alimentaire.
L’aide alimentaire demeure la principale source de nourriture des ménages pauvres en particulier ceux des zones à fort défi sécuritaire. Toutefois, sa délivrance reste un défi en raison des contraintes d’accès à ces communes. Les convois terrestres sous escorte ont été le principal mode d’acheminement de l’aide depuis la fin du dernier trimestre de 2023. Dans l’ensemble, l’assistance a été insuffisante et irrégulière au cours des trois premiers mois de l’année, en particulier dans les communes de Djibo, Markoye, Titao et Sebba. Elle s’est renforcée à partir d’avril, en particulier à Djibo où le PAM a effectué en début du mois une distribution qui a été suivie d’une opération de vente de céréales à prix subventionné et d’un relais de distribution gratuite de vivres par le gouvernement. Ces opérations ont bénéficié à la majorité de la population et la couverture a atteint au moins 50 pour cent des besoins. La vente à prix subventionné et la distribution gratuite se poursuivront en mai et en juin.
La situation nutritionnelle demeure préoccupante en raison de la faible fonctionnalité des services de santé et de la situation alimentaire difficile. Au cours des quinze premières semaines de l’année, 31 418 enfants souffrants de malnutrition aigüe sévère ont été admis au niveau national dans les centres de santé et 300 cas de décès ont été enregistrés (Direction de la nutrition, bulletin n°15), soit des augmentations respectives par rapport à l’année dernière de 18 et 55 pour cent. Dans les zones difficiles d’accès, en particulier dans les districts sanitaires dans les régions du Sahel, de l’Est, l’accès réduit aux services de soin (avec respectivement 69 pour cent et 28 pour cent des centres de santé fermés) et les ruptures dans la délivrance de compléments nutritionnels empêchent la prise en charge adéquate des malnutris (Figure 2). Ces régions représentent respectivement 30 pour cent et 14 pour cent des cas de décès au cours trimestre.
Figure 2
Source: Direction de la Nutrition, Bulletin hebdomadaire PCIMA N°15
Le faible approvisionnement des marchés dans les zones d’accès difficiles et l’accès limité des ménages aux sources habituelles de revenus, continuent d’impacter négativement sur leur situation alimentaire. En outre, les revenus marginaux tirées de la vente des produits maraîchers, du bois de chauffe et de l’eau, cumulé aux transferts reçus de proches vivant hors de la zone, sont à peine suffisants pour faire face aux niveaux des prix des denrées alimentaires, bien que ces revenus connaissent une amélioration par rapport à 2023. Dans les communes de Sebba, Gorom-Gorom, Arbinda et Markoye, où l’assistance alimentaire a été irrégulière et insuffisante au cours des trois derniers mois, les PDIs et hôtes pauvres sont exposées à l’insécurité alimentaire aigue Urgence (Phase 4 de l’IPC). En effet, on a assisté à l’accroissement des stratégies de survie néfastes telles que des cas de mendicité. Des pleurs d’enfant liés à la faim ont aussi été rapportés par les informateurs clé à Sebba et Gorom-Gorom. Certaines femmes sont obligées de passer plus de temps en brousse au-delà du rayon de sécurité à la recherche de bois de chauffe pour vendre et de produits sauvages. Des retours contraints de ménages espérant avoir plus de facilités d’accéder aux produits de cueillette dans leurs localités d’origines ont aussi été signalés en particulier dans la commune de Gorom-Gorom. Le renforcement de l’assistance à Djibo à compter d’avril a contribué à réduire les gaps importants de consommation, mais les pauvres continuent de limiter à la fois le nombre et la quantité des repas et restent exposés à l’insécurité alimentaire aigue Crise ! (Phase 3 ! de l’IPC). Toutefois, dans l’absence de cette assistance soutenu, l’Urgence (Phase 4 de l’IPC) persisterait a Djibo.
Dans les autres zones de forte présence de PDIs dans les régions de la Boucle du Mouhoun (communes de Nouna, Tougan), du Centre-Nord (Kongoussi, Bourzanga, Barsalogho, Kaya, Pissila, Tougouri) et de l’Est (Gayéri, Fada N’Gourma, Kompienga, Kantchari, Diapaga), les PDIs et hôtes pauvres ont épuisé les stocks faibles de l’autoproduction et manquent de revenu pour accéder aux marchés. Ces derniers sont contraints de réduire à la fois le nombre, la quantité la qualité des repas et sont confronté à l’insécurité alimentaire aigue Crise (Phase 3 de l’IPC).
Dans les zones du sud et de l’ouest relativement plus calmes, les ménages ont un accès typique à l’alimentation à partir de leur propre production et la majorité vit une insécurité alimentaire aiguë Minimale (Phase 1 de l'IPC).
Les hypothèses du rapport sur les perspectives de la sécurité alimentaire de Février a Septembre 2024 se maintiennent, à l'exception de celles mises à jour ci-dessous :
Baisse des revenus : Il est attendu une baisse de la production maraichère dès le mois de mai en raison du tarissement précoce des retenus d’eau, lié d’une part à leur faible niveau de remplissage lors de saison précédente et d’autre part à la survenue des fortes chaleurs ayant accéléré l’évaporation des eaux. Aussi, l’inaccessibilité de la zone par les acheteurs potentiels externes n’a pas permis aux producteurs d’avoir de revenus suffisants pouvant les permettre de subvenir à leurs besoins jusqu’aux récoltes de la prochaine campagne humide. Dans la région du Nord et du Sahel, la réduction de revenus issues de cette source à partir du mois de mai impactera négativement sur le pouvoir d’achat déjà faible des ménages pauvres. Avec l’installation de la saison pluvieuse, les revenus issus de la vente de l’eau, du bois et de l’herbe enregistreront des baisses, de même que ceux issus de l’orpaillage. Dans l’ensemble, les ménages entameront la période de soudure avec des revenu faibles et devraient plus recourir aux parents de l’extérieur pour les envois d’argent.
L’accès des ménages aux sources de revenus et à la nourriture restera limité en raison de l’instabilité de la situation sécuritaire. Les populations aux Nord, plus touchées resteront confrontées à l’insécurité alimentaire aigue Urgence (Phase 4 de l’IPC) jusqu’en septembre en raison de la faiblesse des approvisionnements des marchés, de la faiblesse des revenus et de l’insuffisance de l’assistance alimentaire. Dans les communes de Sebba, Gorom-Gorom, et Djibo, l’assistance planifier devrait permettre de couvrir au moins 75 pour cent des besoins de 25 pour cent de la population. Toutefois, les contraintes logistiques et sécuritaires demeurent et pourraient entrainer des retards de sa mise en œuvre ou une faible exécution des planifications comme cela a été le cas pendant la précédente soudure. Bien que des efforts soient consentis pour réduire les délais de ravitaillement, les revenus des ménages restent toutefois marginaux pour réaliser des achats suffisants sur les marchés au vu du niveau élevé des prix.
Dans l’ensemble, les accroissements atypiques d’admission d’enfants souffrants de malnutris et des cas de décès associés observés au cours des trois derniers mois pourraient se maintenir voire se détériorer davantage en présence des maladies d’origine hydriques pendant la saison des pluies.
L’insécurité alimentaire aigue Crise (Phase 3 de l’IPC) persistera dans les zones de forte présence de PDIs dans les régions du Nord, Du Centre-Nord, de la Boucle du Mouhoun et de l’Est, en raison de l’épuisement des stocks issus de la propre production, des mouvements limités pour l’accès aux produits forestiers non ligneux (PFNL) et des faibles opportunités de revenu pour faire face à l’augmentation saisonnière du niveau des prix des denrées de base.
Dans les zones relativement calmes dans la moitié sud du pays où les ménages ont pu produire, malgré la réduction du niveau de leurs stocks, les ménages pauvres pourront, grâce aux revenus tirés de la main-d’œuvre agricole et des transferts de l’étranger seront à mesure d’acquérir des vivres sur le marché. Par ailleurs, la consommation de légumes et de PFNL permettront de les maintenir en insécurité alimentaire aigue Minimale (Phase 1 de l’IPC).
Citation recommandée: FEWS NET. Burkina Faso Mise à jour sur la sécurité alimentaire Avril 2024: Une réponse humanitaire reste essentielle dans le nord du pays, face à l’Urgence (Phase 4 de l’IPC), 2024.
Cette mise à jour des perspectives sur la sécurité alimentaire présente une analyse des conditions actuelles d'insécurité alimentaire aiguë et de toute évolution de la dernière projection de FEWS NET concernant les résultats de l'insécurité alimentaire aiguë dans la géographie spécifiée au cours des six prochains mois. Pour en savoir plus sur le travail, cliquez ici.