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L'insécurité alimentaire aiguë Crise (Phase 3 de l'IPC) et Urgence (Phase 4 de l'IPC) reste répandue dans le nord et l'est du pays, plus touchés par le conflit. Les incidents de sécurité et les fatalités associées demeurent à des niveaux records, et le nombre de communes sous blocus est passé à plus de 30. La nourriture et les revenus des ménages, y compris l’assistance alimentaire et l’approvisionnement des marchés, restent très voire extrêmement faibles dans plusieurs communes dans les régions du Sahel, du Nord, du Centre-Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun.
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La zone la plus préoccupante est la commune de Djibo, où l’assistance alimentaire est la principale source de survie de la population pendant cette période de soudure. Bien que les livraisons aient diminué en juillet en raison des problèmes logistiques, sa couverture sur les trois derniers mois atteint en moyenne environ 25 pour cent de la population et satisfait au moins à 50 pour cent de leurs besoins. Par ailleurs, la population dépend fortement des produits de cueillette et mendicité. FEWS NET estime qu'Urgence ! (Phase 4 ! de l’IPC) persistera jusqu’en septembre à Djibo, une classification qui indique que l'assistance alimentaire est le principal facteur empêchant la Famine (Phase 5 de l’IPC). La gravité de la faim ne diminuera que marginalement au cours de la période post-récolte, et des résultats d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) sont attendus après octobre.
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À l'exception de Djibo et d'autres zones de la région du Sahel, la récolte de 2023 permettra notamment d’atténuer des niveaux d'insécurité alimentaire aiguë après septembre. Depuis mi-juillet, les pluies sont plus régulières dans le pays. Cependant, la croissance des cultures accuse un retard en lien avec le retard des pluies et la mise en place des semis plus tôt dans la saison et aussi l’accès insuffisant aux fertilisants. Les récoltes attendues devraient être en-dessous de la moyenne en raison de l’abandon de champs par les déplacées, de la réduction des superficies emblavées du fait de l’insécurité et de la baisse des rendements.
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Bien qu'il ne s'agisse pas du scénario le plus probable, FEWS NET estime qu'un risque de Famine (Phase 5 de l'IPC) persistera à Djibo au moins jusqu'en janvier. Les livraisons d'assistance alimentaire se poursuivront probablement en août, mais si les récentes perturbations des livraisons persistent et que la population de Djibo ne reçoit qu’une aide minimale avant la récolte, la Famine (Phase 5 de l’IPC) sera possible, bien que ce risque dépende de la durée et de l'ampleur de la diminution de l'aide alimentaire. Même après la récolte, et compte tenu de l'importance de la population en situation d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) d'octobre à janvier, il subsistera un risque que toute intensification du conflit restreignant davantage les cultures, l'approvisionnement des marchés et l'aide entraîne une Famine (Phase 5 de l'IPC). Les livraisons d'aide alimentaire doivent non seulement être maintenues, mais aussi augmentées pour limiter les pertes en vies humaines et mettre fin au risque de Famine (Phase 5 de l'IPC) à Djibo.
Depuis l’installation de la saison des pluies en juillet, on note une diminution relative des incidents (11 pour cent) et des fatalités (30 pour cent) par rapport à leurs moyennes mensuelles observées depuis le début de l’année. Nonobstance ces réductions, ces incidents et fatalités se situent à des niveaux records comparativement à la moyenne saisonnière depuis le début du conflit. Malgré les succès engendrés par les forces de défense et de sécurité (FDS) et les volontaires pour la défense de la patrie (VDP), les violences contre les populations civiles se multiplient dans les régions de la Boucle du Mouhoun, des Cascades, du Centre Est, du Centre Nord, du Centre Ouest, de l’Est, des Hauts-Bassins, du Sahel et du Sud-Ouest. La pression est particulièrement importante sur les régions du Sahel, du Nord, du Centre-Nord et de l’Est dans lesquelles les groupes armes terroristes (GAT) contrôlent les principaux axes d’approvisionnement. Les incidents se multiplient au quotidien dans ces régions. Les attaques sur les convois de marchandises, les engins explosifs ou la destruction des infrastructures routières continuent d’empêcher l’approvisionnement de nombreuses zones sous blocus. Les pillages de bétails et de vivres, les enlèvements de civils, la destruction de maisons et les menaces de représailles continuent d’entrainer de nouveaux cas de déplacements de population, notamment dans les communes de Seytenga, Sampelga, Ouahigouya, Bogandé, Piéla, Pissila. En plus des régions ci-dessus évoquées, les menaces et exactions des GAT perturbent aussi les activités agricoles dans les régions de la Boucle du Mouhoun (Kossi, Sourou, Banwa), des Hauts-Bassins (communes de Padema, Faramana, Koundougou, Fô), des Cascades (communes de Mangodara, Ouo), du Centre-Est (communes de Sangha, Komin-Yanga).
Depuis mi-juillet, les pluies sont plus régulières dans le pays. Les cumuls saisonniers du 1er avril au 20 août 2023, ont été similaires à déficitaires sur la majeure partie du pays comparés à la normale (moyenne 1991-2020) pour la même période. Les stades végétatifs dominants sont la montaison /tallage pour les cultures céréalières. Par rapport à la normale, la croissance des cultures accuse un retard dans l’ensemble en lien avec le retard des pluies et dans la mise en place des semis en juin/juillet et aussi du fait de la sous-utilisation des fertilisants lié à leur coût élevé.
Les marchés fonctionnent au ralenti dans l’ensemble. Le blocus imposé par les groupes armés terroristes (GAT) dans des communes de plusieurs régions (Sahel, Est, boucle du Mouhoun, Nord), la faiblesse du pouvoir d’achat des ménages et les restrictions à l’exportation entravent le bon fonctionnement des marchés des produits agricoles et de bétail. L’offre de denrées est inférieure à la normale bien que légèrement supérieure à son niveau de 2022 à la même période. Les flux internes sont fortement perturbés en raison des exactions et des contrôles par les GAT des principaux axes servant à l’approvisionnement des zones structurellement déficitaires dans la moitié nord du pays. Les escortes militaires sont devenues nécessaires pour une vingtaine de marchés. De plus, les délais d’approvisionnement se sont allongés de 2 à 4 mois en raison d’une part de la multiplication des menaces par les GAT et d’autre part de l’augmentation du nombre de zones sous blocus.
En juillet, les prix des principales céréales sont restés au-dessus de leurs moyennes saisonnières : 35 pour cent pour le mil, 30 pour cent pour le maïs, 29 pour cent pour le riz importé et 40 pour cent pour le sorgho, bien qu’étant en baisse par rapport à 2022 de 12 pour cent à 14 pour cent. Cette baisse des prix est liée d’une part, à l’amélioration des disponibilités de denrées par rapport à 2022, aux contrôles plus renforcés sur les mesures d’interdictions d’exportation des céréales mis en place depuis maintenant trois ans et ayant permis l’augmentation de l’offre sur les marchés. D’autre part, l’assistance alimentaire et l’ouverture par le gouvernement de 242 points de vente de céréales à prix subventionné (19 000 tonnes subventionnées depuis avril), contribuent à réduire la demande des ménages sur les marchés. Toutefois, des niveaux records de prix persistent dans les zones sous-blocus avec par exemple des variations quinquennales de 110 pour cent pour le mil à Djibo, 125 pour cent pour le maïs blanc à Kompienga et 150 pour cent pour le Sorgho blanc à Sebba et 148 pour cent pour le riz importé à Arbinda (SIM/SONAGESS, juillet 2023). Les ruptures de denrées signalées dans les zones sous-blocus concernent principalement l’huile, le sucre et les condiments.
En raison des mouvements limités et de la baisse de la fréquentation des marchés par les acheteurs potentiels, les ménages parviennent difficilement à générer des revenus comparativement à la normale. Dans les zones du sud et de l’ouest relativement plus accessibles, les ménages tirent leurs revenus inférieurs à la moyenne de la vente du bétail, des produits forestiers non ligneux (PFNL) et de la main-d’œuvre agricole. Les zones de collecte des PFNL sont restreintes et la demande de la main-d’œuvre agricole est en baisse en raison de la réduction des superficies résultante de l’insécurité et du coût élevé des intrants. Des opérations de transfert monétaire ont été réalisées en juin par les acteurs humanitaires dans les régions de la Boucle du Mouhoun (Kossi et Sourou) et du Nord (Yatenga, Loroum), mais en général, elles ont touché moins de 15% de la population. Dans les zones sous-blocus, en particulier dans la région du Sahel, les ménages tirent des revenus marginaux de la vente d’eau, de bois et de transfert des exodes. Le bétail qui constitue habituellement la principale source de revenu a été déstocké ou pillé par les GAT. Le principal marché de bétail encore fonctionnel est celui de Dori, mais depuis ces trois derniers mois, les GAT tentent de l’isoler. Malgré une légère baisse de l’offre des petits ruminants, les prix sont en baisse de 25% et 27% respectivement pour le bouc et le bélier. Les termes de l’échange bétail/céréales se sont détériorés de plus de moitié par rapport à la normale. Ainsi, les avoirs des ménages pauvres ne sont pas suffisants pour accéder aux denrées sur les marchés.
Avec peu ou pas d’avoirs, les PDI pauvres et les ménages hôtes pauvres comptent surtout sur l’assistance alimentaire pour survivre dans la plupart des zones sous blocus. Au cours des trois derniers mois, cette assistance a eu une couverture suffisante dans les communes de Titao (région du Nord) et de Sebba (région du Sahel) car elle a atteint respectivement 70 et 32 pour cent de la population et répondu au moins à 50 pour cent de leurs besoins, d’où une insécurité alimentaire aigue Crise (Phase 3 ! de l’IPC) dans ces communes. Dans la commune de Djibo où l’érosion des avoirs est plus poussée, l’assistance a diminué le mois précédent en raison des problèmes logistiques, mais sa couverture sur les trois derniers mois a atteint en moyenne environ 25 pour cent de la population et satisfait au moins à 50 pour cent de leurs besoins, les maintenant ainsi en insécurité alimentaire aigue Urgence ! (Phase 4 ! de l’IPC). Par contre, dans la province de l’Oudalan (commune de Gorom-Gorom et Markoye), l’assistance a touché en moyenne moins de 20 pour cent de la population qui reste exposée à l’Urgence (Phase 4 de l’IPC). Dans la plupart des communes sous-blocus dans la région du Sahel, les informateurs clés signalent des redistributions volontaires des vivres entre les ménages et un recours plus qu’anormal des ménages aux produits de cueillette (feuille de casia tora) dont la disponibilité s’est améliorée avec l’installation de la saison des pluies. Quelques ménages ont aussi recours à des légumes plantés près des concessions. Malgré tout, on constate des réductions à la fois des quantités et du nombre de repas par jour et les adultes sont contraints le plus souvent de se priver de nourriture au profit des enfants. La persistance des stratégies extrêmes de survie, notamment la mendicité, la consommation uniquement de produits de cueillette par manque de céréales, les signes visibles d’émaciation entrainant des cas fréquents d’avortements, exposent certaines personnes dans les régions du Sahel (Soum, Oudalan, Yagha), Centre Nord (Bourzanga, Barsalogho, Pensa), et Nord (Yatenga, Loroum) à la Catastrophe (Phase 5 de l’IPC).
Les hypothèses du rapport sur les perspectives de la sécurité alimentaire de juin à janvier 2024 se maintiennent, à l'exception de celles mises à jour ci-dessous:
Compte tenu des retards accusés dans la saison pluviale en juin et juillet qui a retardé la mise en place des semis, ainsi que l’insécurité qui réduit l’accès aux champs, et la sous-utilisation d’intrants liée à leur coût élevé, les récoltes de la saison 2023/2024 en octobre seront probablement en dessous la moyenne et de l’année dernière.
Compte tenu de la persistance du blocus (dépassant 12 mois dans les provinces du Soum et du Yagha), de l’érosion des avoirs des ménages, le non accès des ménages à leurs champs pour la production et des difficultés dans l’approvisionnement des marchés et dans la délivrance adéquate de l’assistance, il est probable que les populations soient obligées de fuir le blocus au risque de leur vie et de rejoindre les centres urbains ou les zones relativement plus calmes offrant des opportunités de revenu.
Avec la limitation des flux internes entre les zones de production et les zones de consommation, on s’attend à ce que la pression de la demande soit plus forte, contribuant ainsi à l’augmentation des prix des denrées de base au cours de la période d’analyse.
Bien que la production nationale attendue devrait être en dessous de la moyenne en raison du nombre important de PDIs, de la réduction des superficies du fait de l’insécurité et de la baisse des rendements due à la sous-utilisation des fertilisants, les nouvelles récoltes devraient néanmoins contribuer à améliorer l’offre sur les marchés à partir d’octobre. Les flux internes resteront limités et l’approvisionnement des zones sous-blocus restera tributaire des escortes militaires.
Dans les zones relativement plus calmes du sud et de l’ouest, les ménages pauvres vivront une insécurité alimentaire aigue Minimale (Phase 1 de l’IPC) car l’autoproduction devrait leur assurer une alimentation typique jusqu’au moins janvier.
Dans les centres urbains qui concentrent de plus en plus les PDIs et les flux de migrants issus des zones rurales, la pression de la demande va maintenir les prix des denrées de base au-dessus la moyenne. La pression fiscale en cours va également se maintenir et l’inflation pourraient demeurer au-dessus de la moyenne quinquennale. Tout ceci devrait affecter négativement l’accès alimentaire des ménages pauvres et les exposer à l’insécurité alimentaire aigue Stress (Phase 2 de l’IPC).
Dans les zones de forte présence de PDIs dans les régions du Nord, du Centre-Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun, les nouvelles récoltes contribueront à améliorer l’accès alimentaire, en particulier pour les ménages hôtes. Mais la baisse de la production comparée à la moyenne et le fonctionnement au ralenti des marchés empêcheront ces ménages de tirer profit de la vente des produits de rente et leurs moyens d’existence pourraient rester sous-pression. Les PDIs dans ces zones seront contraints de développer des stratégies de crise (Phase 3 de l’IPC) pour accéder à l’alimentation au regard de la dégradation de leurs moyens d’existence et de l’insuffisance de l’autoproduction.
Dans les zones sous-blocus de la région du Sahel telle que Oudalan et Yagha les récoltes marginales et les produits de cueillette ne suffiront pas pour améliorer significativement la consommation des ménages et l’assistance alimentaire devrait être nécessaire pour limiter le recours aux stratégies extrêmes de survie et l’accroissement de populations en Catastrophe (Phase 5 de l’IPC). A Djibo, l’assistance alimentaire en cours sera complétée par le maraichage et la cueillette pour éviter des résultats plus extrêmes. Toutefois, en raison de l’érosion plus prononcée des avoirs avec la durée du blocus et de la forte présence de PDIs, pendant la période post-récolte d'octobre à janvier, il subsistera un risque que toute intensification du conflit restreignant davantage les cultures, l'approvisionnement des marchés et l'aide entraîne une Famine (Phase 5 de l'IPC). Les livraisons d'aide alimentaire doivent non seulement être maintenues, mais aussi augmentées pour limiter les pertes en vies humaines et mettre fin au risque de Famine (Phase 5 de l'IPC) à Djibo.
Zone | Evénements | Impact sur les conditions de la sécurité alimentaire |
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National | Amélioration de la situation sécuritaire | Au cas où les armées nationales des trois pays du Liptako Gourma venaient à mutualiser leurs efforts dans la lutte contre les GAT, les succès pourraient avoir plus d’impact significatif sur la sécurité. Une amélioration de la situation sécuritaire favorisera un retour progressif des PDIs et un meilleur approvisionnement des marchés locaux en denrée de base, toute chose qui pourrait atténuer l’augmentation des prix. Cela favoriserait aussi le déploiement de l’assistance et contribuera à améliorer l’accès alimentaire et à réduire les écarts importants de consommation. Même si cela ne changerait pas fondamentalement le niveau d’érosion des avoirs entre octobre et janvier, néanmoins les PDIs et ménages hôtes pauvres dans les zones précédemment touchées par le conflit pourraient rester dans une situation d’insécurité alimentaire aigue Crise ! (Phase 3 ! de l’IPC) ou moindre en raison de la fourniture d'une aide alimentaire visant à atténuer les écarts de consommation. |
Sanctions de la CEDEAO | Les restrictions financières et les perturbations des flux transfrontalières avec les pays voisins, notamment le Benin, impacteront négativement l’environnement socio-économique du pays. Ainsi, le nombre de personnes en Stress (Phase 2 de l’IPC) et Crise (Phase 3 de l’IPC) augmentera. | |
Zones sous blocus, dans les Zones de Moyens d’Existence BF07 & BF08 | Perturbation dans la délivrance de l’assistance | Dans le scénario où les combats s’intensifient entre les forces armées nationales et les GAT ou des problèmes logistiques humanitaires qui réduiraient ou empêcheraient de manière significative les livraisons d'aide alimentaire par voie aérienne, une détérioration rapide des niveaux d'insécurité alimentaire aiguë se produirait vraisemblablement. Compte tenu de la forte proportion de population déjà confrontée à une insécurité alimentaire aiguë Urgence (Phase 4 de l’IPC) et de l’érosion des avoirs, une diminution ou une interruption de l’assistance pourra exposer les ménages à la Famine (Phase 5 de l’IPC). |
Cette mise à jour des perspectives sur la sécurité alimentaire présente une analyse des conditions actuelles d'insécurité alimentaire aiguë et de toute évolution de la dernière projection de FEWS NET concernant les résultats de l'insécurité alimentaire aiguë dans la géographie spécifiée au cours des six prochains mois. Pour en savoir plus sur le travail, cliquez ici.