Download the report
-
En raison des ruptures dans l’approvisionnement des marchés et des niveaux de prix inaccessibles, les ménages hôtes pauvres et les PDI dans les zones de conflit sous blocus dans l’extrême nord sont contraints au déstockage des dernières femelles reproductrices et à l’intensification du recours aux produits de cueillette. Dans les provinces du Soum et de l’Oudalan la majorité des pauvres n’ont plus de bétail et ont aussi perdu les autres sources habituelles de revenu et doivent augmenter la fréquence des journées sans nourriture. Malgré la liquidation de leurs avoirs, les ménages continuent d'avoir des déficits de consommation et sont exposés à l’insécurité alimentaire d’Urgence (Phase 4 de l’IPC), caractérisé par un taux de malnutrition aiguë atypiquement élevée et à une augmentation de la mortalité liée à la faim. Dans les communes inaccessibles de l’Oudalan, FEWS NET prévoit qu’un pourcentage minimal de ménages très pauvres et pauvres ont de larges déficits alimentaires et une destruction de leurs avoirs relatifs aux moyens d’existence en raison de dysfonctionnement des marchés, la mobilité limitée et la capacité limitée ou inexistante à s'engager dans des activités de subsistance typiques et sont en Catastrophe (Phase 5 de l'IPC).
-
Les groupes armés militants continuent d’exercer leur contrôle sur les axes routiers par la destruction de ponts et la pose d’engins explosifs improvisés, augmentant ainsi le nombre de zones sous blocus. Depuis juillet, la province du Yagha s’est ajoutée à la liste des zones qui ne sont accessibles que par voie aérienne ou par escorte. Il s’agit des provinces du Loroum, du Soum et des communes de Gorgadji dans le Séno et de Markoye dans l’Oudalan qui sont confrontées à des niveaux de prix plus que doublés comparativement à la moyenne.
-
Suite à l’installation précoce ou à temps de la saison des pluies, les récoltes en vert devraient se généraliser à partir de mi-septembre et contribuer à réduire la dépendance des ménages du marchés, en particulier dans les zones plus calmes au sud du pays. Dans l’extrême nord, ces récoltes resteront insuffisantes pour améliorer significativement la situation alimentaire des ménages, en particulier les PDI qui demeureront plus dépendants de l’assistance au regard de la détérioration extrême de leurs moyens d’existence.
Depuis la deuxième décade du mois de juillet, les pluies sont régulières et avec des cumuls proches de la moyenne. Cela favorise la croissance des cultures dont les stades végétatifs dominant sont la montaison et la floraison, notamment pour les céréales. Néanmoins, l’accès aux champs reste un défi dans les régions du Sahel, du Nord, du Centre-Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun, dans lesquelles les emblavures sont nettement en dessous de la moyenne en raison de l’insécurité et des déplacements de populations. Les subventions d’engrais par le gouvernement sont parvenues pour la plupart tardivement aux producteurs et dans la majorité des cas, ces derniers n’ont pas pu respecter le calendrier de leur utilisation. Par ailleurs, au regard du prix élevé des engrais qui sont 75 à 100 pour cent supérieur à la moyenne, les producteurs, surtout ceux dans les zones de production du maïs, ont limité les superficies des cultures céréalières exigeantes en engrais ou ont substitué ces cultures par les légumineuses.
Au plan sécuritaire, bien que la saison des pluies et les inondations qui l'accompagnent rends typiquement plus difficile la conduite d'opérations offensives par les groupes militants, le mois de juillet 2022 a vu au moins 124 attaques perpétrées par des groupes militants, soit le niveau le plus élevé jamais enregistré dans le pays. Dans les régions du Nord, du Sahel et de l'Est, les militants ont intensifié leurs efforts pour couper et isoler les communautés locales. La multiplication des attaques le long des routes Ouahigouya-Titao, Kongoussi-Djibo, Kaya-Dori, Dori-Arbinda, Dori-Sebba, Gorom-Markoye et Fada-Kompienga a rendu difficile l'approvisionnement des marchés locaux par les commerçants, entraînant une hausse record des prix. Les groupes militants ont également intensifié leurs efforts pour saboter les infrastructures de télécommunication et les ponts. Outre les menaces de représailles sur les populations, cette situation crée de nouvelles zones sous blocus depuis de le mois de juin passé dans la province du Yagha et certaines communes de la province de la Tapoa et renforce les conséquences du blocus pour les provinces du Loroum, du Soum, de la Kompienga et de certaines communes des provinces de l’Oudalan, du Séno et de la Komondjari. L’approvisionnement de ces zones en denrées de base nécessite des opérations d’escorte par l’armée, mais compte tenu du niveau élevé de la menace, ces opérations ne sont pas régulières et l’approvisionnement des marchés se fait à un rythme dépassant généralement un mois. La restriction de la circulation par les motos de grande cylindrée complique davantage l’approvisionnement par les petits commerçants qui prenaient le risque en empruntant les pistes rurales. En conséquence, on assiste à des pénuries de certaines denrées préférées par les ménages telles que le mil, huile, sucre et le sorgho. D’où un recours plus qu’anormal aux produits de cueillette.
En cette période où la dépendance des ménages des marchés pour leur alimentation atteint son pic, les disponibilités alimentaires sont faibles sur les marchés comparativement à la normale. Des niveaux de prix atypiques sont observés sur la plupart des marchés avec des variations annuelles de 41pour cent pour le maïs, 70 pour cent pour le mil et 75 pour cent pour le sorgho. Par rapport à la moyenne quinquennale, l’augmentation est de 72 pour cent pour le maïs, 80 pour cent pour le mil et 87 pour cent pour le sorgho. Des variations record entre 115 pour cent et 150 pour cent sont observées dans les zones sous blocus, en particulier sur les marchés de Titao, Djibo et Sebba.
Dans l’ensemble, face aux niveaux élevés de prix des denrées, les ménages doivent vendre deux caprins pour avoir les mêmes quantités de mil qu’ils pouvaient se procurer en moyenne en ne vendant qu’un seul. Dans l’extrême nord, les informateurs clés révèlent qu’après les pillages et les ventes plus que d’habitude d’animaux, les ménages sont maintenant contraints de vendre les femelles reproductrices à un prix de moitié inférieur à la moyenne du fait de l’absence de gros acheteurs.
Avec l’installation de la saison des pluies, les produits de cueillette sont disponibles et constituent en plus de l’assistance humanitaire, les principales sources de nourriture des PDI et des ménages hôtes pauvres surtout dans les zones sous blocus. Dans tout le pays, les ménages pauvres ont recours plus que d’habitude au légumes vertes (feuilles de baobab, cassia tora). Bien que l’assistance en cash et les distributions par transport aérien se sont renforcés en aout, la couverture des populations par l’assistance reste généralement en dessous de 20 pour cent. Dans la province de la Kompienga, une délivrance spontanée a eu lieu en aout, qui a couvert 30 pour cent de la population. En dépit du blocus en cours dans le Yagha, les stocks des partenaires sur place et les transferts de cash ont permis la délivrance des rations de 50 pour cent des besoins et pour 26 pour cent de la population. Dans la réalité, cette assistance continue de faire objet de redistribution volontaire au sein des ménages. Dans la commune de Déou par exemple, environ 30 pour cent de la majorité des ménages qui avaient fui les exactions et menaces terroristes en fin d’année 2021, n’ont uniquement que l’assistance comme source de nourriture.
Dans les provinces du Soum et de l’Oudalan, les ménages pauvres (PDI et hôtes) se contentent d’un repas par jour et limitent à la fois les portions de nourriture. Toutefois, la proportion de ménages pouvant passer une journée entière sans nourriture atteint au moins 20 pour cent chez les ménages hôtes et 35 pour cent chez les PDI, estiment les informateurs clés. Selon les résultats de l’enquête SMART rapide, conduite en juillet par le Ministère de la Santé dans la ville de Gorom-Gorom, la situation nutritionnelle est critique selon la classification de l’OMS avec une prévalence très élevée de Malnutrition Aigüe Globale (MAG) de 16,3 pour cent dont 6,4 pour cent de forme sévère. La dégradation de la situation nutritionnelle est plus grave au sein des PDI où les prévalences de MAG et MAS sont respectivement de 18,7 et 8,4 pour cent. Alors que des taux de malnutrition supérieurs au seuil d'urgence et l'épuisement des moyens de subsistance et des stratégies d'adaptation sont observés dans les zones accessibles des provinces de l'Oudalan et du Soum, FEWS NET prévoit que la situation est probablement pire dans les communes inaccessibles et bloquées de la province en raison de dysfonctionnement des marchés, la mobilité limitée et la capacité limitée ou inexistante à s'engager dans des activités de subsistance typiques. En tant que tel, FEWS NET prévoit qu’un pourcentage minimal de ménages très pauvres et pauvres dans les zones les plus inaccessibles d’Oudalan ont de larges déficits alimentaires et une destruction de leurs avoirs relatifs aux moyens d’existence et sont en Catastrophe (Phase 5 de l'IPC).
Les mises à jour des hypothèses utilisées pour développer le scénario le plus probable de FEWS NET pour les Perspectives de la Sécurité Alimentaire du Burkina Faso pour juin 2022 à janvier 2023 sont ci-dessous :
- L’accentuation de l’insécurité va continuer à conduire à des nouvelles zones sous blocus sécuritaire, illustré par la province du Yagha qui depuis le mois de juin est difficile d’accès pour l’approvisionnement du marché principal. Les ruptures dans l’approvisionnement vont continuer d’entrainer des niveaux de prix hors de portée pour les ménages pauvres car près de trois fois plus élevés que la moyenne quinquennale.
- La délivrance de l’assistance alimentaire planifiée pour septembre dans les zones sous blocus en général et dans la province de Yagha en particulier, va probablement être perturbée à cause du blocus en cours. L’épuisement des stocks des partenaires dans la province nécessitera la délivrance de l’aide par voie aérienne ou par escorte des forces de sécurité nationales.
Dans l’extrême nord, il est probable que le blocus persiste et accélère l’érosion des avoirs des ménages. Les récoltes d’octobre ne seront pas suffisantes pour améliorer significativement la situation alimentaire des ménages pauvres, les PDI en particulier qui resteront dépendants de l’assistance alimentaire. Les produits de cueillette seront moins disponibles après la fin des pluies en septembre et la faiblesse des revenus ne permettra pas aux ménages de réaliser des achats alimentaires à des prix élevés sur les marchés. Dans les provinces du Soum et de l’Oudalan où les ménages pauvres sont déjà confrontés à une détérioration extrême de leurs moyens d’existence, les pratiques de stratégies d’Urgence (Phase 4 de IPC) pourraient accroitre les cas de malnutrition aigüe sévère. FEWS NET prévoit également que l’Oudalan et le Soum, classées en Urgence (Phase 4 de l'IPC), auront un sous-ensemble de ménages qui connaisseront des écarts de consommation alimentaires extrêmes indiquant la Catastrophe (Phase 5 de l'IPC), en particulier dans les communes où l'accès à la nourriture et aux revenus et la capacité d'adaptation sont extrêmement faibles telles que Markoye et Tin Akoff.
Dans les zones voisines et de forte présence de PDI, notamment les provinces du Séno et du Loroum ainsi que les communes au nord de la région du Centre-Nord (Bourzanga, Rollo, Namissiguima, Pensa, Barsalogho, Boroum), les récoltes ne seront pas également suffisantes pour empêcher les pratiques de réduction de nombre de repas et les portions de nourriture consommée. De même, la persistance de la menace sécuritaire continuera de limiter les revenus et les ménages ne seront pas capables de satisfaire à leurs besoins sur les marchés. Dans ces zones les pauvres, en particulier les PDI resteront exposés à l’insécurité alimentaire aigue Crise (Phase 3 de l’IPC).
En plus de la disponibilité des produits de cueillette, les premiers récoltes en vert (maïs, mil hâtif, niébé, fonio) devraient faire leur apparition à partir de mi-septembre et contribuer à réduire la dépendance des ménages du marchés, en particulier dans les zones plus calmes au sud du pays. Dans la région de l’Est, dans le sud des régions du Centre-Nord et du Nord et dans les provinces de la Kossi et du Sourou (région de la Boucle du Mouhoun), il est probable que les PDI et les ménages hôtes qui ont abandonné leurs champs du fait de l’insécurité, n’aient pas de récoltes suffisantes pour avoir une consommation normale. De même, les ventes issues des cultures de rente, les revenus de la main-d’œuvre pour les récoltes ne seront pas suffisants pour reconstituer les moyens d’existence profondément affectés par les pillages et les ventes excessives de bétail en réponse à la soudure. Les ménages pauvres et les PDI de ces zones resteront exposés à l’insécurité alimentaire aigue Stress (Phase 2 de l’IPC).
Tel relevé dans les hypothèses les plus probables, une baisse saisonnière des prix des denrées pourrait être observée pendant la période, mais les niveaux demeureront au-dessus de la moyenne en raison de la baisse attendue de la production, des tensions pour la reconstitution des stocks institutionnels et privés et des effets additionnels des prix mondiaux. Les ménages urbains pauvres, en particulier dans la capitale, devraient observer une dégradation continue de leur pouvoir d’achat et être contraints de réduire leur diversité alimentaire.
Source : FEWS NET
Source : FEWS NET/SIM-SONAGESS
Source : USGS/FEWS NET
Cette mise à jour des perspectives sur la sécurité alimentaire présente une analyse des conditions actuelles d'insécurité alimentaire aiguë et de toute évolution de la dernière projection de FEWS NET concernant les résultats de l'insécurité alimentaire aiguë dans la géographie spécifiée au cours des six prochains mois. Pour en savoir plus sur le travail, cliquez ici.