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- Malgré les multiples initiatives régionales et internationales pour le retour de la paix en République Démocratique du Congo (RDC), la situation sécuritaire reste précaire pour les populations dans les zones de conflit, une situation qui se poursuit avec la participation d’une multitude de groupes armés locaux et étrangers opérant dans les provinces de l’est du pays. En dépit d’une participation accrue des ménages à la saison A, cet environnement hostile ne favorisera pas une amélioration de la production agricole et continuera d’éroder les moyens d’existence des ménages touchés, notamment les personnes déplacées internes (PDIs). Le Nord Kivu, touché par la rébellion du M23, et l’Ituri, où le conflit entre les groupes armés persistent, resteront en Crise (Phase 3 de l’IPC), avec une proportion des ménages en Urgence (Phase 4 de l’IPC).
- Malgré les assurances du gouvernement, le système de subvention de carburant par l’état commence à montrer ses limites. Depuis septembre, les commerçants pétroliers ont déclenché des grèves dans plusieurs villes du pays accusant le gouvernement de non-respect de la rétrocession financière depuis plus d’une année. Ainsi, une hausse importante de plus de 100 pour cent du prix de carburant est observée en RDC. Cette situation a des répercussions négatives sur les prix des denrées alimentaires et leur accès par les ménages pauvres.
- Les mesures mises en place par le gouvernement pour ralentir la dépréciation de la monnaie locale depuis août, notamment l’imposition de payement des taxes et redevances en monnaie locale ainsi que le relèvement du taux directeur des banques commerciales de 9 à 25 pourcents, semblent donner des résultats probants. Le taux d’inflation mensuel est passé de 5,8 pourcent en juillet jusqu’à 0,9 pourcent en août 2023. Ainsi, les prix des principales denrées alimentaires sont restés stables dans les derniers mois. Ces derniers restent en forte hause comparée à la même période de l’année dernière (70 % pour le maïs à Djugu) et à la moyenne des 4 dernières années (158 %) pour le même produit. Ce qui limite l’accès alimentaires des ménages pauvres des zones touchées.
- Durant cette période de scenario qui va alterner le pic de la soudure et le début des récoltes saisonnières, et tenant compte de la faible performance de la campagne précédente, qui a réduit la durée des stocks d’environ 2 mois, la situation de la sécurité alimentaire sur l’ensemble de la partie est du pays sera marquée par des zones de Crise (Phase 3 de l’IPC) notamment dans les Kasaï, le Tanganyika, le Nord-Kivu et l’Ituri jusqu’en janvier 2024. En fin de récolte saisonnières, il est fort probable qu’une proportion des populations en Crise (Phase 3 de l’IPC) soit réduite et bascule en Stress (Phase 2 de l’IPC).
Situation actuelle
Conflits et mouvements des populations : Le conflit s'est poursuivi dans l'est de la RDC, avec une multitude de groupes armés locaux et étrangers opérant dans le pays. Dans la province du Nord-Kivu, la rébellion du M23 persiste et le gouvernement congolais continue à récuser toute négociation avec cette rébellion. Les affrontements entre le M23 et les forces de défense Wazalendo ont repris avec force dans les territoires de Rutshuru et Masisi. Selon OCHA, la province du Nord-Kivu compte actuellement 2.4 millions des personnes déplacées dont environ 1,05 millions sont des personnes nouvellement déplacées et 513,000 personnes retournées durant les 6 derniers mois.
Par ailleurs, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et l’ugandan Peoples’ Defense Forces (UPDF) continuent leurs opérations conjointes contre les Allied Democratic Forces (ADF) qui ont été dispersées dans les territoires du Nord-Kivu (Beni, Butembo, Lubero, Oicha) et celle de l’Ituri (Irumu et Mambasa). Ces rebelles ADF, continuent leurs représailles contre la population civile. Dans la province de l’Ituri, les FARDC appuyés par la MONUSCO, ont lancé au courant du mois de septembre, des opérations contre certains bastions de la milice Coopérative pour le Développement du Congo (CODECO) dans le territoire de Djugu. Selon OCHA, depuis début janvier 2023, près de 220 000 personnes ont été nouvellement déplacées en Ituri, portant le total à près de 1,7 million de personnes déplacées dans cette province.
Dans la province du Sud-Kivu, les FARDC continuent à traquer les groupes armés locaux et étrangers dans les hauts-plateaux d'Uvira et de Fizi avec le soutien de l'armée Burundaise. On signale aussi la persistance des tensions communautaires dans beaucoup des localités, notamment à Bwegera, Mwenga, et Fizi, encouragée par l'activisme des groupes armés locaux. Selon OCHA, les violences armées et les conflits intercommunautaires au Sud-Kivu ont déplacé 1.5 million de personnes dans la province du Sud-Kivu dans les 12 derniers mois.
La situation sécuritaire au Tanganyika reste relativement calme; cela a permis à des centaines des déplacés de regagner leurs villages respectifs. Selon OCHA, depuis le début de 2023, la province du Tanganyika a enregistré autour de 52,000 retournés. La participation de ces retournés aux activités agricoles reste faible faute d’intrants au démarrage de la saison A. Cependant, des incidents peu fréquents de conflits intercommunautaires ont persisté dans les territoires de Nyunzu, Kalemie, Kabalo et Kongolo. Au mois de mai 2023, des attaques des miliciens Twa contre les Bantu ont eu lieu dans plusieurs villages du territoire de Kalemie durant lesquelles, au moins 7 civils ont été tués et une vingtaine d’autres blessés. Ces incidents sont survenus alors que les deux communautés sont engagées dans des pourparlers de paix depuis l’année dernière.
Dans la province de la Tshopo, les affrontements opposent les communautés Mbole et Lenga depuis le mois de février 2023. Ce nouveau conflit qui se situe dans le territoire d’Isangui a déjà fait plus de 500 personnes tuées et environ 70 000 personnes déplacées.
Situation agricole : En août et septembre 2023, la pluviométrie était régulière dans le nord-est et centre-est du pays. Bien que les totaux de précipitations aient été légèrement supérieurs à la moyenne, les estimations CHIRPS montrent des quantités de précipitations favorables sur l’ensemble de ces zones (Figure 1). Ainsi, les précipitations totales pour les provinces du Haut-Uele, Maniema et le Nord-Kivu ont été bonnes et devraient améliorer l'humidité des sols et bénéficier aux cultures de la saison A qui ont démarré en septembre pour le nord-Est et le centre-Est. Cela montre des conditions favorables pour un début normal de cette saison agricole. En revanche, les difficultés d’accès aux intrants pour les retournés, du fait de la réponse humanitaire insuffisante dans beaucoup des zones en conflits, l’insécurité persistante dans les zones cultivées ne garantissent pas forcément une production meilleure en fin de cycle.
Les cumuls de précipitations au cours de la première et de la deuxième décade de septembre ont diminué par rapport à août dans une grande partie du pays. Cependant, certaines parties du nord-ouest, notamment le Sud-Oubangui, le Nord-Ubangi et la Mongala, ont reçu de fortes précipitations au cours de la deuxième décade de septembre. La province de la Mongala a été la plus touchée, avec des inondations et des glissements de terrain signalés dans les zones situées le long du fleuve Congo, toutefois des données sur l’étendue des champs inondes ne sont pas encore disponibles.
En dépit d’une pluviométrie favorable pour l’agriculture, la production agricole est en baisse pour la troisième campagne consécutive, à la suite de l’insécurité dans l’est de la RDC qui limite l’accès aux champs. De plus, des difficultés d’acquisition d’intrants agricoles, notamment pour les ménages agricoles retournés, restent un défi pour la production.
Le sud-est du pays, une zone unimodale, est au début de la saison A de septembre à octobre et n'a pas encore reçu des précipitations significatives. Cela se reflète également dans les conditions de végétation, inférieures à la moyenne depuis juillet. Les premières estimations des précipitations réalisées par le Centre des risques climatiques (CHC) suggèrent une légère amélioration des précipitations entre la mi-septembre et le début octobre.
Fonctionnement des marchés et tendance de prix des principales denrées : En dépit de la situation économique sur le marché international, la monnaie locale semble retrouver une stabilité depuis le début du mois de septembre 2023. En effet, le Comité de Politique Monétaire (CPM) a indiqué que le taux d’inflation mensuel est passé de 5,8 pour cent en juillet à 0,9 pour cent en août 2023. La même source renseigne qu’en cumul annuel, le taux d’inflation s’est situé à 17,7 pour cent à mi-septembre 2023. Cependant, depuis le début de cette année, on assiste à des variations en dents de scie des prix des denrées alimentaires ainsi que d’autres biens de première nécessité. Malgré la stabilité observée dans les trois mois précédents, les prix des principaux produits alimentaires de base continuent d’afficher une tendance atypique à la hausse. Sur 16 marchés suivis, les prix des principaux produits montrent une hausse moyenne de 68 pour cent comparés à la moyenne quinquennale et de 53 pour cent comparés à la moyenne de l’année dernière. Cette situation s’explique par des variations saisonnières normales mais aussi par la hausse incontrôlée du prix de carburant, laquelle a impacté sur le coût de transport. Globalement, les marchés restent suffisamment approvisionnés, bien que le niveau soit en dessous de la normale.
Sources de revenus : Sur l’ensemble des zones de l’est du pays, la vente des produits agricoles demeure la principale source de revenus pour près de 70 pour cent des ménages. Ces revenus sont en baisse actuellement dans certaines zones affectées par les conflits. Certains ménages pauvres notamment ceux qui n’ont pas pu cultiver, s’adonnent aux travaux agricoles temporaires dans un contexte de faible demande face à une offre grandissante, disponible et bon marché. Certains paiements sont faits en nature, une opportunité pour les travailleurs de disposer de la nourriture. Dans les camps des déplacés, les animaux, pour ceux qui en détiennent, sont vendus précocement pour subvenir aux besoins immédiats des ménages. Les sources de revenus des ménages ont été fortement perturbées sur l’ensemble de la zone Est.
Les violences liées au processus électoral : Les préparatifs des élections en RDC prévues pour décembre 2023 se sont poursuivis malgré des irrégularités décriées par la société civile et l’opposition. Cette situation augmente la tension politique au pays et les principaux opposants ont sollicité l’aide de la MONUSCO pour leur sécurisation et celui du processus électoral. Cette situation présage des situations imprévisibles avant ou après les élections qui pourraient à nouveau perturber les moyens d’existence des populations.
Interventions humanitaires : L’opération d’activation de l’intensification des opérations humanitaires lancée au mois de juillet 2023, a été marquée par des multiples défis, notamment une situation sécuritaire instable (principalement en Ituri et au Nord-Kivu) et une situation financière contraignante. En effet, la communauté humanitaire avait lancé cette opération humanitaire dans 3 provinces afin d’apporter une aide d’urgence à près de 5,5 millions de personnes. Malgré ces défis, l'intensification a donné des résultats positifs, la réponse a atteint près de la moitié de la population ciblée dans les trois provinces touchées avec une certaine assistance en cash, en vivres et en outils aratoires. Ainsi, environ 2.7 millions des personnes ont été atteintes (49.6 pourcent). Toutefois, les détails des assistances par province ne sont pas disponibles. Malgré cela, l’absence de ressources suffisantes a contraint certains humanitaires à se concentrer sur un nombre encore plus restreint des communautés, laissant des millions de personnes avec des besoins non satisfaits ou un soutien limité. Pour des raisons d’accès quasi difficile et à la suite des attaques enregistrées sur des convois humanitaires dans le territoire de Rutshuru, il a été décidé par l’ensemble de la communauté humanitaire de suspendre toute action humanitaire dans cette zone. Cette mesure est en train d’être levée depuis début octobre et de plus en plus d’acteurs arrivent dans la zone pour apporter assistance.
Résultats actuels de la sécurité alimentaire
Le mois de septembre 2023, démarre la saison agricole A et la grande période de soudure avec son pic en novembre. Les faibles stocks de la saison précédente devront s’épuiser plus vite que lors des saisons agricoles normales. Les disponibilités également resteront insuffisantes sur les marchés surtout en zones de conflits qui sont confrontées à des problèmes d’accès aussi bien sécuritaire que routier (infrastructures) et qui conservent leur déficit de consommation alimentaire à la suite de l’épuisement précoce des stocks saisonniers. Toutes ces zones de conflits qui feront face aux défis relevés ci-dessous, vont rester en Crise (Phase 3 de l’IPC). Les ménages nantis et moyens de ces zones dépendront essentiellement des marchés pour s’approvisionner en nourriture tandis que les pauvres s’orienteront plus vers les travaux agricoles temporaires auprès des nantis et moyens comme source essentielle de revenu, notamment les ménages en déplacement qui n’ont pas trouver de terre dans leurs sites de déplacement. Il s’agira du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, de l’Ituri, de la partie sud du Tanganyika et l’extrême sud du Kasaï.
Les autres zones en situation post-conflit pour la plupart et qui ont connu des saisons agricoles presque normales dans le centre-est (Sankuru, Lomami, une partie du Maniema et de la région du Kasaï) pourront dépendre actuellement de leurs propres stocks jusqu’à mi-campagne (octobre-novembre) considérée comme la période pic de la soudure. Ces zones post-conflit ont reçu des projets d’assistance pour renforcer leur résilience et évoluent au fil des années vers le rétablissement d’un cycle cultural normal. Les revenus des ménages sont essentiellement axés sur la vente des produits agricoles et l’offre de la main d’œuvre agricole. Les ménages riverains poursuivent la vente des produits de pêche en cette période de soudure, notamment sur la grande rivière Kasaï qui traverse la région. Ces zones sont actuellement en Stress (Phase 2 de l’IPC) pour les deux premiers mois de la première période de scenario.
Les provinces du Haut-Uélé, Bas-Uélé et Tshopo, en pleine zone forestière, et qui connaissent des récoltes diverses tout au long de l’année et qui dépendent aussi et surtout des produits de cueillette en toutes saisons, resteront en minimale (Phase 1 de l’IPC). Ces zones prises globalement ne connaissent pas de déficits de consommation. Dans ces zones, il y a la récolte de plantain qui se fait sur les douze mois de l’année ainsi que le bois de chauffe qui est exploité par les ménages pauvres, dans une diversité alimentaire non trouvée dans les autres zones. . Aucun déficit de consommation n’est donc signalé dans ces provinces forestières.
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire d’octobre 2023 à mai 2024 se base sur des suppositions fondamentales suivantes, par rapport à l’évolution du contexte national :
Conflits et mouvements des populations :
Dans la partie nord de la province du Nord Kivu : Etant donné qu’on observe une reprise des combats entre le M23 et les divers groupes d’auto-défense (Wazalendo) qui ont repris le contrôle des plusieurs localités dans le territoire de Masisi; on peut s’attendre à un retour aux hostilités générales car la rébellion du M23 pourra chercher à renforcer et consolider ses positions dans les territoires de Rutshuru et Nyaragongo. Tout au long de la période de prévision, les belligérants pourront continuer à se lancer des attaques mutuellement. Cette situation pourra augmenter les violences et ainsi pousser les populations locales à se déplacer.
Dans la province de l’Ituri : Vu que les armées congolaise et ougandaise (UPDF) continuent leurs opérations conjointes contre les ADF (Armée nationale de libération de l'Ouganda), ces rebelles ADF, vont continuer leurs représailles contre la population civile. Le niveau de violences des milices dans le nord de l'Ituri devrait atteindre des niveaux élevés au cours de cette période de prévision en raison des développements politiques, des conflits territoriaux et ethniques et de l'intervention d'États étrangers, mais ils ne dépasseront pas les niveaux de violence observés dans la seconde moitié de l'année 2022. Cette situation pourra continuer à déplacer les populations qui pourront être coupées de leurs moyens d’existence.
Au Sud-Kivu : le contexte sécuritaire devrait rester instable au cours de la période projetée, avec la poursuite des affrontements, des violences et des attaques contre les populations locales par les groupes armés actifs dans la région, provoquant de nouveaux déplacements. À l’approche de la période électorale prévue en décembre 2023, le niveau de violence risque d’être plus élevé qu’au trimestre précédent.
Violences intercommunautaires au Tanganyika : Il est probable que la situation sécuritaire restera stable mais précaire permettant la poursuite du retour des personnes déplacées et par conséquent le retour aux activités agricoles de nombreux ménages au cours des prochaines saisons agricole.
Manifestations anti-MONUSCO et autres forces étrangères : La poursuite des opérations des rebelles du M23 au Nord-Kivu et dans d’autres régions augmentera le sentiment d’antipathie de la population contre les troupes étrangères notamment les troupes de l’EAC et la MONUSCO. Ceci pourra occasionner des troubles sociaux anti-MONUSCO et anti-EAC. Le départ de la MONUSCO créerait un vide et conduirait à une instabilité accrue permettant aux groupes armés d’accroître leur contrôle territorial.
Conjoncture économique : Etant donné que le gouvernement pourra maintenir les mesures prises pour réduire la tendance de la dévaluation ainsi, l’inflation de la monnaie locale sera minimale. Cependant, compte tenu de situation économique sur le marché international, le prix de certains produits stratégiques comme le carburant pourra augmenter entraînant ainsi l’augmentation des prix des principaux produits.
Catastrophes naturelles : Prenant en compte le manque de planification territoriale et l’incapacité du gouvernement à reloger les ménages se trouvant sur les sites à risque d’inondations et d’éboulements, il est probable que les catastrophes naturelles continuent pendant la période des grandes pluies (septembre à janvier) et impactent sur les moyens d’existence des milliers des ménages.
Tendance de prix des principales denrées locales : Au-delà de ces variations saisonnières, pendant la période de scenario, les prix de ces produits pourraient continuer à augmenter au cours de la période de projection spécialement pour les denrées importées. Cette situation pourrait avoir des effets sur les revenus des ménages pauvres qui connaitront de plus en plus des difficultés d’accès aux aliments.
La production agricole : Tenant compte des anomalies dans les années antérieures marquées par une mauvaise répartition des pluies avec des séquences des précipitations excessives causant inondations dans plusieurs territoires, des diminutions des surfaces emblavées à la suite des mouvements des populations, on pourrait s’attendre à une situation similaire qui conduirait au fil de temps, à une production agricole inférieure à la moyenne des précédentes campagnes d’environ 10 pourcent. Cette situation qui se produit dans des régions déficitaires du pays qui subissent une forte pression de la part des personnes réfugiées, déplacées et retournées, entrainerait des difficultés d’accès à la nourriture dans le court terme, notamment pour les ménages pauvres.
Main d’œuvre minier : Avec l’amélioration des cours mondiaux des matières premières, notamment le cuivre, et le cobalt, la main d’œuvre, notamment dans les mines, pourra connaitre une amélioration de revenus dans les zones minières principalement dans le sud-est du pays (Provinces de Lualaba et Haut Katanga).
Main d’œuvre agricole : Dans un contexte d’expansion positive du secteur minier, en ce moment, la main d’œuvre agricole dans les zones minières notamment dans les provinces de Lualaba et Haut Katanga, restera la moins disponible et le moins offrant. Cette situation pourrait réduire l’offre de cette main d’œuvre agricole auprès des grands producteurs agricoles de la zone du fait que cette main d’œuvre pourrait s’orienter en grande partie vers le secteur le plus offrant, le secteur minier.
Autre main-d’œuvre non agricole : Elle va plus s’observer dans la zone de conflit et en milieu urbain, où certains déplacés dépendront des travaux domestiques et de porteurs de marchandises dans les marchés urbains. Toutefois, compte tenu d’une augmentation de ménages engageant dans ces activités, les revenues seront a la baisse. C’est le cas des déplacés de Kanyaruchynia dans le Nyiragongo qui se déplacent vers Goma pour ce genre d’activités. Ces ménages évolueront dans ces activités tant qu’ils resteront dans leurs sites de déplacement respectifs.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
Entre octobre 2023 et janvier 2024, la première période de scenario connaitra le pic de la soudure en novembre 2023 dans le nord-est et le centre-est du pays. En octobre et novembre, prenant en compte les faibles récoltes antérieures du fait de la faible participation des ménages aux activités agricoles lors des déplacements, la situation alimentaire sera difficile pour les ménages pauvres notamment ceux qui n’ont pas eu la possibilité de cultiver au cours de la saison passée. Ces ménages feront usage des stratégies d’adaptation pour subvenir à leurs besoins immédiats, telles que la réduction du qualité et quantité des repas, la vente des actifs productifs, et dans certains cas, la mendicité. Entre décembre et janvier, l’arrivée des récoltes vertes de décembre pourra améliorer la consommation des ménages et ainsi soulager l’accès alimentaire car les ménages agricoles sont supposés dépendre de leur propre production. La situation des ménages sur l’ensemble de la zone sera de plus en plus difficile avec un accès limité à la nourriture du fait de l’épuisement des stocks, on estime que les récoltes vertes de décembre pourront soulager les populations qui auront commencé à développer des stratégies d’adaptation souvent dommageables et irréversibles. Pendant cette période de scénario, certaines zones pourraient rester en Crise (Phase 3 de l’IPC) notamment les provinces du Kasaï, ex-Katanga, Ituri, Sud-Kivu et Tanganyika pour des raisons évoquées plus haut. Cependant les provinces de Lomami, Sankuru, Kasaï Oriental, Maniema, Sud Kivu, et Ex-Katanga seront en Stress (Phase 2 de l’IPC) pour être devenu des zones post conflits et pour avoir connu des campagnes agricoles assez complètes. En revanche, les provinces de Haut-Uele, Bas-Uélé, Tshopo et une partie du Maniema qui se trouvent en pleine zone forestière, sans préoccupation sécuritaire, resteront en Minimale (Phase 1 e l’IPC).
Au cours de la seconde période de scenario, de février à mai 2024, il sera observé deux séquences ; la fin des récoltes de la saison A amorcées en décembre et janvier et le démarrage des activités agricoles pour la saison B à partir de mars. Entre janvier et février, les ménages agricoles dépendront de leur propre production malgré le faible niveau de production pour la saison précédente. la situation alimentaire des ménages pourrait donc être atténuée par la disponibilité des stocks issues des dernières récoltes. A partir de mars /avril, la petite soudure devra s’installer dans ces zones citées et la situation alimentaire redeviendrait difficile jusqu’aux prochaines récoltes de juin 2024. Ainsi, certaines zones pourraient rester en Crise (Phase 3 de l’IPC), notamment le Kasaï, l’Ituri, le Sud-Kivu et le Tanganyika, pendant que les provinces de Lomami, Sankuru, Kasaï Oriental seront en Stress (Phase 2 de l’IPC). En revanche, les provinces de Haut-Uele, Bas-Uélé, Tshopo et une partie du Maniema globalement stables, resteront en Minimale (Phase 1 de l’IPC).
Évènements qui pourraient changer les scenarios
Zone | Événement | Impact sur les conditions de la sécurité alimentaire |
---|---|---|
National | Détérioration de la situation politique et sécuritaire globale à la suite des échéances électorales | En cas de la détérioration globale de la situation pré ou post-électorale, un embrasement général sera attendu qui sera marqué par des manifestations publiques. Cela pourrait immobiliser les l'activités économiques dans les centres urbains, notamment les sources de revenus liés au transport et petits commerces, entre autres, et conduire à l’augmentation probable de population en Stress (Phase 2 de l’IPC) et Crise (Phase 3 de l’IPC) dans les centres urbains. |
Augmentation des catastrophes naturelles dues aux perturbations des pluies dans les zones de l’Est et de l’Ouest | Ceci limiterait la production agricole normale et réduira les flux des produits locaux dans le pays. Une augmentation de zones en Crise (Phase 3 de l’IPC) sera probable dans les zones de déficits pluviométriques. | |
Ituri, Nord Kivu, Sud Kivu, Tanganyika, Espace Bandundu, Kasaï | La baisse d’intensité des conflits armées et reddition importante des groupes armés en réponse aux initiatives de paix en cours | La réussite des processus de paix en cours dans la région conduirait à une réduction des nouveaux déplacements et favoriserait des mouvements de retour progressifs des populations dans leurs villages d’origine. Cette situation pourrait augmenter la participation des ménages aux activités agricoles et à d’autres moyens d’existence et par conséquent, améliorerait l’accès alimentaire et les sources de revenus des ménages pauvres. Il sera fort probable que cette amélioration dans la participation aux activités agricoles fasse basculer certains ménages autrefois en Crise (Phase 3 de l’IPC) jusqu’en Stress (Phase 2 de l’IPC). |
Ituri, Nord Kivu, Sud Kivu | Reprise généralisée des affrontements. | Avec le disfonctionnement du mécanisme DDRSC, la démobilisation des groupes armés peine à démarrer et les différents groupes armés se regardent avec défaillance. Il est possible que les affrontements généralisés puisent reprendre et cela pourra occasionner des déplacements massifs des populations qui pourront ainsi abandonner leurs moyens d’existence et ainsi être sous menace de l’insécurité alimentaire. Avec le refus catégorique du gouvernement de négocier avec les rebelles, et la radicalisation de ces derniers, les groupes d’auto-défense (Wazalendo) pourront lancer des affrontements généralisés et cela pourra occasionner des déplacements massifs des populations qui pourront ainsi abandonner leur moyens d’existence et ainsi être sous menace de l’insécurité alimentaire. Ces vagues de déplacement pourraient augmenter les proportions des ménages en Urgence (Phase 4 de l’IPC).. |
Situation actuelle
Situation sécuritaire et mouvement des populations : La situation sécuritaire reste volatile dans le territoire de Rutshuru à cause de la résurgence des affrontements armés depuis début juin, entrainant des mouvements de populations. Ce territoire est affecté par des crises sécuritaires et humanitaires multiformes liées aux conflits armés entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et le Mouvement du 23 mars (M23) qui a eu un impact considérable sur la population. Malgré une accalmie relative des hostilités depuis l’arrivée des forces régionales de East African Community (EAC), les combats sporadiques et réguliers entre les groupes d’autodéfense WAZALENDO et la rébellion du M23 ont continué à affecter les communautés en commettant des exactions contre les populations locales et en provoquant de nouveaux déplacements dans ce territoire. Selon les alertes de OCHA, environs 61 279 personnes se sont déplacées ces 6 derniers mois principalement dans la chefferie de BWITO notamment dans les zones de santé de Birambizo, Kibirizi et Bambo. Au total, plus de 285 000 personnes vivent actuellement en situation de déplacement dans le territoire de Rutshuru.
Conditions agro climatologiques : La CD11 a bénéficié des conditions agro climatiques favorables pour un cycle cultural complet, sur un sol volcanique très riches en minéraux. Les vivriers comme le haricot, le maïs, le manioc, la pomme de terre et le sorgho sont les principales cultures pratiquées au cours de cette saison B. Sur certains endroits du territoire, dans la chefferie de Bwito plus précisément à Mirangi -Lusogha-Kikuku, on a observé des pluies torrentielles qui ont détruits les cultures en pleine croissance. Dans la partie est du territoire, il y a eu une saison sèche prolongée jusque mi-mars 2023, période coïncidant avec le semis. Ce phénomène s’inscrit dans le cadre du changement climatique observé ce dernier temps à travers le pays.
Progrès saisonnier : Le territoire de Rutshuru dans la zone nord-est se trouve en période de reprise des activités agricoles pour la saison A qui couvre la période de septembre 2023 à janvier 2024. C’est donc une période de soudure dont le pic se manifestera en novembre 2023. Les ménages agricoles ont procédé au semis des principaux vivriers de la zone. La participation reste inférieure à la normale. Selon les inspecteurs provinciaux de l’agriculture, le taux de semis serait autour de 30 pour cent, représentant la proportion des ménages agricoles de Rutshuru qui a repris les activités agricoles dans la zone, incluant les retournés qui représentent près de 10 000 ménages. Le grand défi reste les intrants agricoles (semences et outils aratoires) qui manque cruellement en ce moment où les humanitaires sont interdits d’accès dans la zone mais aussi l’insécurité qui limite l’accès aux champs aux ménages engagés dans les activités agricoles. Le semis a été pratiqué par les ménages qui ont disposé des semences pour la campagne A.
Les dernières récoltes sont celles de la saison agricole B qui a couvert la période de mars à juin 2023. En temps normal, les ménages pauvres exploitent environ 30 ares de terre pendant que les nantis vont au-delà de 2 hectares. Malgré le retour timide des déplacés dans les zones de santé de Rwanguba et Rutshuru, les récoltes de la saison agricole B ont été nettement inférieures à la saison précédente avec une baisse estimée à 50 pourcent, selon l’inspection de l’agriculture de la zone. Ceci a réduit les disponibilités alimentaires dans la zone qui compte actuellement sur l’assistance humanitaire quasi aléatoire. Le secteur traditionnel est caractérisé par l’insuffisance des superficies, d’intrants agricoles et de la main d’œuvre. Malgré cela, les ménages ont pu évacuer une partie de leurs récoltes vers le principal centre de consommation (Goma), après négociation avec les occupants du territoire et paiement des taxes.
Contraintes dans l’exploitation des ressources : Pour accéder aux champs, les rebelles rançonnent un payement en numéraire de vingt dollars américains comme taxe et perçue illégalement auprès des ménages pauvres qui recourent à leur principale source des revenus. Pour rappel, le revenu mensuel moyen du ménage pauvre de la zone gravite autour de 67 000 CDF (environ 30 USD). Cette taxe est donc hors de portée pour la plupart des ménages pauvres de la zone. Cette pratique est également observée le jour de marché, où l’accès est conditionné par un payement soit en nature ou en numéraire d’une taxe équivalent à plus ou moins 1200 FC. On signale également le payement de cinq dollars américains comme droit d’abattage par tête de betail et toutes ces taxes sont perçues illégalement.
Accessibilité : La fermeture de l’axe routier Goma-Butembo sur la RN2 ne facilite pas les mouvements des produits des premières nécessités. Cependant, les axes routiers comme Rugari-Katale-Kalengera-Rutshuru centre-Kiwanja et Kinyandoni, sont ouverts et les rebelles ainsi que différents groupes armés perçoivent des taxes pour les trafics. La route Goma-Kiwanja et Kiwanja Ishasha est accessible malgré les multiples barrières érigées pour percevoir différentes taxes illégales.
Fonctionnement des marchés et prix alimentaires : Le marché local se voit perturbé avec la forte demande issue de la présence des déplacés dans le territoire de Rutshuru et également à Nyiragongo dans un contexte des faibles disponibilités alimentaires face à une demande croissante. Actuellement, le prix de l’huile de palme a connu une hausse similaire à celle de l’huile végétale comparé à l’année dernière et à la moyenne des cinq dernières années. Ceci est dû au manque de liaison entre les bassins de production notamment Beni, Walikale et la ville de Goma et les difficultés à l’importation.
Cette perturbation des marchés locaux est occasionnée par l’instabilité issue de l’insécurité que connaît ce territoire depuis la résurgence du M23 en mars 2022, au mauvais état des routes de desserte agricole, aux pillages des cultures dans les zones occupées, et à l’abandon des champs après les déplacements.
Disponibilité de la main d’œuvre agricole : Avec une population actuelle estimée à 1,492,256 habitants et une superficie d’environ 5,289 km2 soit une densité moyenne d’environ 282 hab/km², le territoire de Rutshuru présente plusieurs contraintes qui limitent la superficie des terres cultivées et créent un surplus de main-d'œuvre, en particulier dans sa partie est et ouest. La demande de la main-d'œuvre est plus élevée pendant la période de la préparation du sol, plantation, désherbage et récolte. Avec les conflits actuels et les multiples déplacements de la population, la main d’œuvre est plus élevée dans les zones d’accueil tandis que dans les zones de provenance, la main d’œuvre est inferieure par rapport à la normale.
L’élevage : Le territoire de Rutshuru est une zone agricole, on y associe également de l’élevage. Jadis, certains ménages vivaient de l'élevage de gros bétail (bovins), du petit bétail (chèvres, moutons, porcs) et de la volaille (poules et canards). Selon les informations de la division de l’élevage, en 2020, le territoire comptait environs 20.160 têtes de Bovins, 12.381 têtes de caprins et 9.009 têtes de porcs avec 54 pâturages opérationnels. Actuellement, on note une baisse importante du cheptel avec la présence prolongé des assaillants et la quasi-totalité du cheptel est décimée avec une infime partie évacuée lors des déplacements. Pendant cette période de conflits dans cette zone, les pâturages sont verts mais les exactions des milices armées occasionnent le vol et l’abattage non organisé de bétail par des belligérants en conflits. Les maladies zoonotiques tel que la fièvre aphteuse et la peste des petits ruminants, le manque des produits vétérinaires ; la spoliation des pâturages et piste d’abreuvement ne facilitent pas une bonne production animale dans la zone et pour ce faire, menace la sécurité alimentaire des ménages. Signalons également la destruction du cheptel bovin par les forces combattantes et le dernier cas remonte d’avril 2023 sur l’axe Tongo-Kalengera.
Assistance Humanitaire : L’assistance humanitaire reste globalement inferieure aux besoins sur terrain et la dégradation persistante du contexte sécuritaire affecte l’accès humanitaire dans cette zone. Durant la période allant de janvier à juin 2023, le cluster sécurité alimentaire avait estimé à seulement 39,4 pourcent la couverture des besoins en assistance alimentaire dans le territoire de Rutshuru. La durée moyenne d’assistance alimentaire était estimée à 1,4 mois au lieu de 3 mois prescrits par les lignes directrices de ce cluster alors que les différentes rations alimentaires distribuées ne pouvaient fournir qu’en moyenne 1616 Kcal/pers/jour. Depuis le mois de juin dernier, OCHA a activé une intensification de la réponse humanitaire. Cependant, la situation sécuritaire ne permet pas l’accès des acteurs aux populations en besoin. Ainsi, des incidents sécuritaires ont occasionné la suspension d’une assistance alimentaire en cash au profit de 52 000 personnes dans la zone de santé de Kibirizi. En revanche, au courant de ce mois de septembre, plus de 10 000 ménages déplacés et retournés ont reçus des semences et outils agricoles distribués par l’ONG HEKS-EPER dans la zone de santé de Birambizo, territoire de Rutshuru. En outre, les acteurs humanitaires ont poursuivi des interventions en soins de santé primaire dans la zone de santé de Rwanguba au profit de près de 15 000 personnes.
Résultats actuels de la sécurité alimentaire : Le mois d’octobre est marqué par les travaux d’entretien des semis qui ont eu lieu un mois plus tôt (septembre 2023). La quasi-totalité des ménages pauvres connaissent l’épuisement quasi total de leurs stocks de la dernière saison et dépendent maintenant des marchés pour s’approvisionner en nourriture. La principale source de revenu pour cette catégorie des ménages reste essentiellement la main d’œuvre agricole dans les travaux d’entretien de semis auprès des grands exploitants. Etant donné l’interdiction de l’assistance dans cette zone, le déficit de consommation que connait la zone va se maintenir et gardera cette territoire en Crise (Phase 3 de l’IPC).
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire d’octobre 2023 à mai 2024 se base sur des suppositions fondamentales suivantes, par rapport à l’évolution du contexte national:
- Insécurité et mouvements des populations dans les territoires de Rutshuru : Les combats sporadiques et réguliers entre les groupes d'autodéfense WAZALENDO et la rébellion du M23 vont continuer malgré la présence de la force régionale de l'EAC qui se sont interposées entre les lignes de front. En outre, à la suite de la volonté affichée du gouvernement de ne pas négocier avec les rebelles, ces derniers chercheront toujours à consolider leurs positions dans les territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo. Cette situation pourra générer un climat permanent des violences et les décès associés aux attaques des rebelles et des milices devraient être au même niveau de la période actuelle.
- Production agricole : Bien que la pluviométrie soit favorable dans ce territoire pour la saison agricole A 2023/2024 en cours, le cycle cultural a encore démarré dans un contexte d’accrochages intermittents entre des éléments de la rébellion du M23 et les différents groupes Wazalendo malgré l’accalmie observée sur les lignes de fronts avec les FARDC consécutives aux déploiement des troupes de l’EAC. Cette situation empêche les populations déplacées de retourner dans leurs villages respectifs. Et pour les ménages retournés, l’accès aux semences restera un défi. On pourra donc assister à la réduction significative de capacité de production des ménages dans ce territoire considéré jadis comme le grenier de la région du Kivu. Cette situation présage des difficultés d’accès à la nourriture durant la période de projection dans le moyen et long terme, notamment pour les ménages pauvres.
- Fonctionnement des marchés et prix des denrées : Compte tenu de la production agricole inférieure à la moyenne qui pourra subvenir dans la zone CD11 en lien avec l’insécurité persistante,et le déplacement massif de la population, les prix des aliments de base augmenteront dans l’ensemble tout au long de la période de projection et resteront supérieurs à la moyenne quinquennale avec des fluctuations atypiques comparées à l’année précédente malgré des périodes de baisse temporaire lorsque les premières récoltes de décembre stimuleront l’offre du marché.
- Petit commerce : Etant donné qu’il existe plusieurs barrières des différents acteurs armés sur les principaux les axes routiers dans le territoire de Rutshuru et ses environs, les activités liées aux petits commerces se sont réduites dans ces entités ; des milliers des ménages qui vivaient de ces activités et du commerce informels transfrontaliers (Bunagana et Ishasha) sont profondément affectés ainsi que les moyens d’existence des ménages les plus vulnérables qui vivaient de ces activités
- Situation nutritionnelle : Depuis les dernières escalades de violences dans le territoire de Rutshuru en septembre 2022 ; plusieurs ERM (Évaluation Rapide Multisectorielle) rapides menées parmi les populations déplacées ont montré une situation nutritionnelle préoccupantes parmi ces dernières. Le screening nutritionnel effectué dans les sites IDPS de la zone de santé de Nyiragongo en février 2023 a révélé une tendance de la MAG est de 10,2 pourcent ce qui est indicatif a une situation Sérieuse.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
D’octobre 2023 à janvier 2024, la consommation alimentaire des ménages devra se détériorer pendant les deux premiers mois marqués par la période de soudure de la saison A (octobre-novembre) qui s’est avérée très précoce cette année à Rutshuru, du fait qu’une partie de la production des ménages était réquisitionnée par l’administration rebelle du M23 dans les zones occupées. Si cet ordre a été suivi par les agriculteurs, il est probable que les disponibilités sur les marchés locaux soient les plus faibles. Dans ce contexte, les ménages pauvres de Rutshuru qui sont privés de l’assistance humanitaire, faute d’accès dans la zone vont creuser leur déficit de consommation et pourront faire usage des stratégies d’adaptation pour couvrir leurs besoins alimentaires. Ils dépendront essentiellement de l’achat au marché comme source d’approvisionnement en nourriture. Cette situation va perdurer jusqu’aux premières récoltes de décembre qui viendront probablement améliorer la consommation alimentaire des ménages tout en gardant le déficit observé. Rutshuru restera en Crise (Phase 3 de l’IPC).
Dans la période de février à mai 2024, les ménages agricoles seront en période de récolte de leurs cultures. La consommation alimentaire sera améliorée du fait de la disponibilité dans la zone et de l’accès alimentaire au niveau des ménages qui vont dépendre de leur propre production en février et une partie du mois de mars. Leurs revenus en ce moment proviendraient de la vente des produits agricoles. Après mars, les deux derniers mois de la seconde période de scenario (avril-mai) seront à nouveau les plus difficiles. Ce serait la période de la petite soudure de la saison B. La main d’œuvre agricole sera la principale source des revenus des ménages pauvres qui auront épuisé leurs faibles stocks. En cette seconde période de scenario (ML2), ce territoire restera toujours en Crise (phase 3 de l’IPC).
Situation actuelle
Situation sécuritaire et mouvements des populations : Djugu est l’un des territoires les plus affectés par les conflits armés en RDC. Selon l’EFSA réalisée en juillet 2023, environ 18 pourcent de la population du territoire qui est en déplacement, comptant au total 653 000 personnes déplacées et 326,000 personnes retournées. Cependant, une accalmie partielle est observée dans la zone depuis juillet 2023 permettant ainsi une amélioration de la situation sécuritaire et par conséquent un retour d’environ 20 pourcents des déplacés.
Environ 80 pourcents de personnes déplacées vivent en familles d’accueil, dont les membres sont essentiellement des retournés, ne disposant pas de moyens suffisants pour la prise en charge de ces nouvelles personnes dans leurs ménages.
Saison agricole : L’inspection provinciale de l’agriculture estime que la dernière saison agricole B a été perdue de près de 60 pourcent à cause de l’intensification des affrontements des milices, suivie des déplacements brusque des populations qui avaient pourtant semé mais non pas eu la possibilité d’entretenir leurs champs tout au long du cycle cultural. Seuls les agriculteurs de la partie nord-est du territoire (zones de santé de Linga, Rethy, et Lita) avaient participé aux activités agricoles de la saison passée. Pour la saison agricole en cours le retour des déplacés et l’assistance des acteurs humanitaires pour lesquels l’accès dans la zone a été amélioré, en cette période d’apaisement pourra augmenter la surface emblavée par les agriculteurs. Les principaux vivriers (mais, haricot et arachide) ont été semés avec un léger retard (fin septembre) du fait du léger décalage observé dans le retour des pluies
Moyens d’existence : L’agriculture est pratiquée par environ 80 pourcent de la population suivi de l’élevage et de la pêche. Cependant, depuis les dernières campagnes agricoles, les champs sont régulièrement abandonnés à la suite des déplacements incessants de la population, lesquels se font souvent en période La pêche sur le lac Albert reste un complément non négligeable des populations dans une proportion nettement en dessous de la moyenne. A cela s’ajoute l’insécurité dans les champs pour ceux qui arrivent à cultiver et qui les empêchent de s’y rendre souvent par crainte et autres exactions. Le vol des récoltes par les groupes armés à chaque campagne agricole réduit les revenus des ménages qui ont eu à cultiver, et les exposent souvent à la fin précoce de leurs stocks plus précocement que d’habitude. Actuellement, avec la baisse de la tension sécuritaire, on observe une reprise effective bien que timide des ménages agricoles sur l’ensemble du territoire, notamment dans la partie nord-est de Djugu (Linga, Rethy et Lita).
Activités minières : Les atrocités actuelles se concentrent autour des mines et les mineurs font l’objet des attaques régulières. Les deux groupes miliciens, notamment le CODECO et ZAIRE, s’attaquent régulièrement aux miniers des camps adverses et cela déstabilise les activités d’exploitation minière dans cette zone. Selon les informations reçues de l’administration minière locale, près de 18 pourcent, les ménages vivaient de cette activité dans le territoire de Djugu avant l’actuelle crise. Cependant, l’EFSA réalisée en juillet 2023 dernier avait estimée qu’environ 8 pourcent de ménages seulement vivait de cette activité. La compagnie minière Kilo Moto en faillite depuis plusieurs années n’offre plus une garantie de main d’œuvre aux autochtones et se limite aux taxes d’exploitation perçues sur les surfaces exploitées de façon artisanale et à l’exploitation de l’énergie hydro électrique produite par elle pour desservir les populations de la ville de Bunia et environs.
L’élevage et pêche : L’élevage a été sérieusement affecté par ce conflit et les exactions multiples des groupes armés dans ce territoire. En effet, à la suite du conflit, plusieurs têtes de bétail ont été pillées, et la plupart des éleveurs de grands bétails ont migré vers Aru et la province voisine du Haut-Uele. Le conflit s’est intensifié dans la zone et plusieurs têtes de bétail ont été pillées, et la plupart des éleveurs de grands bétails ont migré vers d’autres régions plus stables. Quant aux caprins, plus de 80 pourcent des bêtes ont été décimés et l’aviculture a été systématiquement pillée depuis le début du conflit en janvier 2019 jusqu’ à ce jour selon l’inspection provinciale de l’élevage.
Les activités des pêches se pratiquent sur le lac Albert, cependant, ces activités connaissent aussi des difficultés. Selon les statistiques de l’inspection provinciale, ces activités sont en recrudescence (57 pourcent) depuis 2010. L’insécurité grandissante sur le lac et l’activisme des groupes armés qui favorise la pêche illicite. Notons aussi la traque et les arrestations répétées des pécheurs congolais sur le lac par la marine Ougandaise à la suite au non-respect de la frontière maritime. Cette situation est à la base de la rareté des produits de pèche sur les marchés locaux.
Fonctionnement des marchés et flux commerciaux : L’insécurité a réduit les mouvements des personnes et des biens ; les gens ne peuvent plus se déplacer à une distance de plus de 2 Km de leurs villages respectifs. Les marchés continuent à fonctionner mais à faible fréquentation et pour y accéder, chaque personne est tenue de payer une taxe de 2.000Fc aux combattants sur place. Les routes d’approvisionnement sont aussi insécurisées par les miliciens. En outre, le délabrement avancé des routes causées par des pluies qui s’abattent régulièrement sur la région entrave sensiblement les échanges. Les prix des principaux produits alimentaires et du carburant ont augmenté, tandis que les revenus des ménages ont fortement baissé à la suite du choc. Pour la farine de maïs par exemple qui est la denrée de base de la zone, on note des variations respectives de 42 pourcent et 249 pourcent comparé à la même période de l’année précédente et à la moyenne de cinq dernières années.
Assistance humanitaire : L’accès et la mise en œuvre du plan de réponse humanitaire pour Djugu a amelioré depuis les trois derniers mois. Ainsi, certains acteurs humanitaires comme Mercy Corps, Samaritains Purse, le PAM, COOPI, Aldi ont délivré l’assistance auprès des ménages en besoin. Depuis le 12 octobre, environ 34 000 personnes ont reçu du cash à usages multiples. En septembre dernier, environ 10 000 personnes assistées en kits agricoles. Toutefois, cela représente moins de 20 pourcent de la population du territoire.
Résultats actuels de la sécurité alimentaire : Les mouvements des populations et les faibles performances agricoles enregistrées au cours des dernières saisons agricoles n’ont fait qu’exacerber la situation de la sécurité alimentaire qui se détériore au fil des années à la suite de la poursuite des conflits et aux déplacements des populations. Face aux chocs et problèmes ci-hauts, les disponibilités locales sont amoindries ; L’accès alimentaire au niveau des ménages se voit limiter et les différentes sources de nourriture ont connu des changements à la suite des effets de la crise prolongée. Ainsi donc, les ménages accusent un déficit alimentaire.
Les résultats des derniers enquêtes nutritionnelles ont relevées un état de relativement bon sur le plan nutritionnel. En effet, les résultats de ces enquêtes effectuées au mois d’avril dernier présentent des seuils précaires d’Alerte. Le PRONANUT (Programme national de Nutrition) estime que cet état est aux multiples interventions de beaucoup d’organisations humanitaires dans ces zones notamment dans les camps des déplacées. Ainsi donc, la situation nutritionnelle serait pire n’y été les différentes interventions de prise en charge et de prévention contre la malnutrition mis en place par les différentes organisations humanitaires sur place. En effet, le nombre de nouveaux cas de malnutris admis dans les structures de réhabilitation est important et un système de dépistage précoce de cas a été mis en place.
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire d’octobre 2023 à mai 2024 se base sur des suppositions fondamentales suivantes, par rapport à l’évolution du contexte national :
- Mouvements des populations : En dépit des perspectives d’amélioration de la situation sécuritaire du fait de l’accalmie observée au cours des trois derniers mois. Il est fort probable que les chiffres actuels des déplacés baissent en faveur de retours assistés dans cette zone. Cependant, le mécanisme de démobilisation et réinsertion des groupes armés prévu par le gouvernement, piétine par manque de financement et de stratégie adéquats. Ainsi donc, le retour de la paix pour favoriser le retour des populations dans leurs milieux de vies ne sera possible.
- Fonctionnement des marchés et prix des denrées de base : Avec l’amélioration de la situation sécuritaire dans la zone, le trafic sur les axes d’approvisionnement Bunia-Mahagi-Ouganda et Bunia-Aru vont améliorer les disponibilités et ainsi stabiliser les prix sur les marchés locaux. En outre, le territoire de Djugu effectue des échanges économiques importants avec l’Ouganda via le lac Edouard et le territoire de Mahagi. De façon globale, comparés à l‘année dernière et à la moyenne des 5 dernières années, les prix de denrées pendant la période de scenario resteront en hausse.
- Production agricole : Tenant compte de la présence des groupes armés et des exactions commises par ceux-ci, plusieurs ménages se sont déplacés durant la saisons agricole passée ; le nombre des ménages s’occupant de l’agriculture à donc sensiblement diminuer dans le territoire de Djugu. Compte tenu de l’augmentation des violences et des exactions de la part des groupes armés, les retours des populations ne sont pas envisageables dans un bref délai et les mouvements pendulaires des populations se trouvant dans les camps pour s’occuper des activités agricoles ont sensiblement diminué, ceci pourrait diminuer d’avantage la participation agricole pour la saison prochaine notamment dans la première période de scenario.
- Conditions climatologiques : Tenant compte d'une inclinaison des probabilités de précipitations inférieures à la moyenne prévue dans la zone durant cette saison agricole A 2023/204 ; on s’attendrait à des perturbations des pluies dans certains coins du pays. En outre, compte tenu de l’augmentation des violences et des exactions de la part des groupes armés, les retours des populations à leurs terres ne sont pas envisageables dans un bref délai et les mouvements pendulaires des populations se trouvant dans les camps pour s’occuper des activités agricoles ont sensiblement diminué, ceci pourrait diminuer d’avantage la participation agricole pour la saison prochaine notamment dans la première période de scenario.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
D’octobre 2023 à janvier 2024 : Avec la faible participation des ménages aux activités agricoles de la saison B entre mars et juin 2023 du fait des déplacements massifs liés aux conflits, et lesquels ont occasionné une production agricole nettement inférieure à la moyenne, les stocks alimentaires sont inexistants au pic de la soudure en novembre. Les deux premiers mois de la période connaitront donc une détérioration de la consommation alimentaires des ménages pauvres faute d’accès à la nourriture à cause de la perte du pouvoir d’achat. La disponibilité alimentaire restera insuffisante dans la zone, jusqu’aux prochaines récoltes vertes de mi-décembre. Les ménages pauvres en déplacement dépendront plus de l’assistance humanitaire mais aussi de la solidarité des ménages d’accueil. Cependant, durant la période mi-décembre à janvier, la situation pourra s’améliorer avec les récoltes de la saison A sans pour autant changer la phase. Ce territoire, qui a connu des déficits de consommation alimentaire, restera en situation de Crise (Phase 3 de l’IPC).
Dans la période de février à mai 2024 : Bien qu’inférieures à la moyenne, les récoltes saisonnières devront améliorer la consommation alimentaire des ménages qui ont pu cultiver et qui dépendront essentiellement de leur propre production en février-mars 2024. Les ménages qui n’ont pas cultivé à la suite des déplacements et ceux qui ont perdu leurs récoltes lors des déplacements, dépendront de l’assistance humanitaire de faible couverture et pourront développer des stratégies de crise voire d’urgence dommageables et souvent irréversibles pour accéder à la nourriture, en période de la petite soudure d’avril à mai 202. Cette zone restera en situation de Crise (Phase 3 de l’IPC) avec des poches isolées des ménages qui feront usage aux stratégies négatives et qui pourront se retrouver en situation d’Urgence (Phase 4 de l’IPC).
Citation recommandée: FEWS NET. République démocratique du Congo Perspectives sur la sécurité alimentaire Octobre 2023 - Mai 2024: L’insécurité alimentaire aigue reste élevée dans les zones de conflit en cette période de soudure, 2023.
Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.