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En cette période de l’année, la saison agricole est marquée par la fin de la période de récolte et le début de la préparation de terre pour le prochain semis de la saison B dans le nord-est et la poursuite des travaux d’entretien dans le sud-est pour les prochaines récoltes attendues vers fin mars 2018. Selon les prédictions agro climatiques de la NOAA, les précipitations attendues varieront de normale à au-dessus de la normale et pourraient ainsi favoriser une saison agricole normale au nord et les récoltes normales dans le sud.
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Le regain de violence interethnique dans la province de l’Ituri, territoire de Djugu, qui vient de faire des nouveaux déplacés (environ 25 000) et des réfugiés dans l’Ouganda voisin (29 000 selon OCHA), en ce mois de février 2018 a occasionné des pertes énormes de récolte dans cette zone déficitaire en maïs, et devra à très court terme limiter l’accès des populations à leurs moyens d’existence et ainsi compromettre la prochaine saison agricole B en cours de préparation.
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Les précipitations irrégulières, les températures élevées et l'infestation persistante par la chenille légionnaire d'automne réduisent les perspectives de production céréalière pour 2018 en Afrique australe. Ces conditions sont susceptibles d'avoir de lourdes conséquences sur l'accès à une nourriture et une nutrition adéquate et sur la capacité des agriculteurs à produire, malgré les bonnes circonstances agro climatiques de l'année de consommation 2018-2019.
Situation socio-politique : Sur fonds d’un environnement socio-politique fragile, la République Démocratique du Congo (RDC) se remet progressivement d'une série de conflits qui a créé une crise économique et sociale prolongée et sans précédent. Les conflits qui touchent principalement les provinces de l'Est depuis quasi deux décennies ont éclaté dans le pays, provoquant une insécurité généralisée et des déplacements de populations dans les provinces du Nord Kivu, du Sud Kivu, de l'Ituri, du Tanganyika, du Haut-Katanga et sur l’ensemble de la région des Kasaï.
Déplacement des populations : A ce jour, on estime qu'au moins 70 groupes armés opèrent actuellement dans la seule région de l'Est de la RDC, notamment dans le Tanganyika, le Haut Katanga et la région des Kasaï. Ces conflits armés et l'insécurité générale en RDC ont créé l'une des crises humanitaires les plus complexes avec d’importants mouvements des populations.
Selon OCHA, jusqu’en février 2018, la RDC a enregistrée 4,49 millions des personnes déplacées. Ce chiffre était à 3,9 million en septembre 2017, soit une augmentation de près de 15 pour cent en 6 mois. Les deux provinces du Nord Kivu et Sud Kivu regorgent environ 1,6 million des IDPs suivies de la région des Kasaï avec un effectif estimé à 762 000 et la province de Tanganyika avec 654 000 IDPs. A ces effectifs de déplacés s’ajoutent les 537 087 réfugiés issus de l’instabilité politiques dans les pays voisins. Par ailleurs, le pays compte 623 059 congolais dans les 9 pays voisins et dont près de la moitié serait refugiés en Ouganda voisin. C’est dans ce contexte d’instabilité que les populations de l’Est de la RDC évoluent avec un accès de plus en plus limité à leurs moyens d’existence.
La reprise des hostilités entre deux tribus rivales, les Hema et Lendu dans la province de l’Ituri, territoire de Djugu, vient de faire des nouveaux déplacés (environ 25 000) et des réfugiés dans l’Ouganda voisin (29 000 selon OCHA), en ce mois de février 2018. Par ailleurs, dans le territoire de Fizi, l’aire de santé de Kazimia, au Sud Kivu, près de 65 pourcent des habitants déplacés sont de retour et se retrouvent dans une situation humanitaire alarmante. On notera également les violences issues des opérations militaires contre les Mayi Mayi depuis le 21 janvier dans le territoire de Kabambare au sud Maniema ménacent 140 000 personnes d’insécurité alimentaire sévère.
Agro climatologie : En marge de l’alerte pour la région sud d’Afrique, le pays dans son ensemble a connu des précipitations assez régulières depuis octobre 2017, et la plupart des régions ont maintenant des précipitations proches à la normale ou supérieures à la normale, sauf pour quelques parties du nord-est du pays.
Chenille légionnaire d’automne : En RDC, quelques actions de sensibilisation des acteurs ont été prises pour mieux gérer la Chenille légionnaire d’automne (CLA) à l'échelle nationale. Ces actions ne sont qu'une émanation de l'atelier régional organisé par la FAO, en juillet 2017 à Kinshasa sur la gestion du CLA à travers les luttes biologiques, chimique et intégrée. Il conviendra de souligner que beaucoup reste à faire car les moyens de lutte proposés ne sont pas encore à la portée des ménages agricoles, qui n’ont pas assez de ressources pour faire face aux techniques de lutte vulgarisées. A ce jour, la quasi-totalité du territoire national a signalé la présence de CLA, à des niveaux de sévérité différents selon les localités et les saisons. A ce jour, les pertes sur les cultures sont estimées à 20 pourcent ou moins dans certaines localités.
Situations des récoltes : Malgré le niveau de retour assez important signalé dans certaines zones en conflits en début de la saison agricole, (Kasaï central, Tanganyika et sud Kivu), le faible niveau d’assistance en intrants agricoles n’a pas permis d’escompter des récoltes meilleures. Sur l’ensemble de la région déclarée au niveau de réponse d’urgence L3, les récoltes ont été bien en dessous de la moyenne.
Flux transfrontaliers : Les mesures de protections des voisins tanzaniens qui interdisaient l’importation des produits alimentaires notamment le maïs et le riz de la Tanzanie reste en vigueur. Les commerçants s’organisent pour faire passer des petites quantités en informelles en direction d’Uvira au sud Kivu et Kalemie dans le Tanganyika. Le dernier rapport sur le commerce transfrontalier (FEWSNET/PAM) nous montre que les volumes de farine de maïs échangés de la Zambie vers la RDC ont été les plus grands et sont restés stables entre décembre et janvier 2018. Depuis juin 2017, la RDC totalise environ 10 676 MT de farine de maïs en provenance de la Zambie avec une moyenne de 1 300 MT importés mensuellement.
Prix d’aliments : Il convient de souligner que le coût des aliments a augmenté plus que l'inflation (83,40 pourcent en novembre 2017 par rapport au même mois de l'année précédente). L'inflation alimentaire en RD Congo a été en moyenne de 10,71 pourcent entre 2011 et 2017, et les prévisions prévoient un ralentissement de sa croissance à court terme.
Macroéconomie : Cette insécurité politique se retrouve dans un contexte de fragilité économique. En effet, l'économie congolaise a été affectée en 2016 par la baisse des prix mondiaux de ses principales exportations et par un climat politique et sécuritaire instable. Le ralentissement économique et la baisse des exportations ont réduit la marge de manœuvre budgétaire du pays dans un contexte de rigidité des dépenses. Les réserves de change ont chuté, entraînant la dépréciation du franc congolais (CDF) et une hausse de l'inflation.
L'USD / CDF a augmenté de 0,68 pourcent, à 1 596,8100 (le 19 janvier 2018) contre 1 586,0000 lors de la séance de bourse précédente. Il devrait se négocier à 1633,62 d'ici la fin de ce trimestre, selon les modèles macroéconomiques de Trading Economics et les attentes des analystes. Pour l'avenir, on estime qu'il s'échangera à 1833,42 dans les 12 mois à venir.
Le taux d'inflation en RD Congo a été enregistré à 62,03 pourcent en novembre 2017, nettement au-dessus de la moyenne de deux dernières décennies. Pour rappel, le taux moyen est de 25,78 pourcent de 1999 à 2017.
Assistance humanitaire : Il conviendra de souligner que la faiblesse de la réponse en rapport aux besoins des populations dans cette crise prolongée a conduit le niveau global de Nations Unies à déclarer certaines zones du pays en crise au niveau L3 notamment les provinces de Sud Kivu ; le Tanganyika et la région des Kasaï qui regroupe les provinces du Kasaï, Kasaï central, Kasaï oriental, Lomami et Sankuru. Cette mesure devrait faciliter la mobilisation des ressources et apporter l’assistance humanitaire dans ces zones pour sauver des vies et préserver les moyens d’existence des populations.
D’après UNOCHA, à ce jour, la mobilisation des ressources en rapport à ces zones n’a couvert que 25 pourcent de la requête formulée dans le plan de réponse humanitaire. Des efforts sont donc à fournir en direction des bailleurs qui n’ont malheureusement pas les mêmes priorités de financement à travers le monde.
Le scénario le plus probable de Février à Septembre 2018 est basé sur les hypothèses suivantes au niveau national :
- Précipitations : Le pays dans son ensemble a reçu des pluies normales qui favoriseront les campagnes agricoles. L'anomalie d'accumulation saisonnière par pentade, montre que les zones où les anomalies sont négatives ne sont que celles du nord-est du pays. Cependant, étant donné que la zone est généralement humide, un écart de 50 à 100 mm en dessous de la normale ne devrait pas affecter la saison agricole et on peut prédire que la majeure partie du pays recevra des pluies à un niveau normal ou supérieur à la normale pour la prochaine campagne agricole.
- Saisons agricoles : Le départ massif de près de 10 000 ménages agricoles en déplacement pour les uns et refugiés pour d’autres dans la province de l’Ituri devra impacter significativement sur les capacités de production agricole dans cette zone nord-est, déficitaire et qui en plus a reçu un afflux important des 44 000 réfugiés en provenance du Sud Soudan.
Dans les autres régions de pays notamment la région des Kasaï et le Tanganyika, le faible niveau d’assistance aux retournés et la limitation d’accès par endroits, aux moyens d’existence par les populations dans les zones en crise pourraient compromettre les saisons agricoles à venir et maintenir les récoltes bien en dessous de la moyenne.
- Situation de la chenille légionnaire d’automne : La RDC se retrouve au cœur des zones affectées par la chenille légionnaire d’automne (Spodoptera frigiperda) et l’invasion a été signalée dans la quasi-totalité des régions du pays. Les attaques de cette peste commencée en saison A 2016-2017 se poursuivent principalement sur la culture de maïs, sans un réel dispositif de lutte efficace à ce jour. Il est donc fort possible que la saison agricole B au nord-est, centre-est et sud-est connaissent à nouveau cette invasion de la chenille légionnaire d’automne, en l’absence de tout moyen de lutte efficace chez les producteurs.
- Durée des stocks alimentaires saison A : La reprise timide de la dernière saison agricole au centre-est (Kasaï et Tanganyika) était annoncée faible et a donné lieu à des faibles récoltes qui ont occasionné des courtes périodes de stocks alimentaires (1,5 mois) comparativement aux précédentes en année normale (2-3 mois). Ainsi, les ménages auront consommé la production de la saison A et vont vite épuiser leurs stocks de nourriture au cours de la première période de scenario (février-mai), avant même les récoltes de la saison B en cours de préparation pour le semis. De ce fait, il est fort possible qu’à partir de fin mars 2018, les stocks soient épuisés, ce qui pourrait amener les ménages pauvres à développer des nouvelles stratégies de survie avant les prochaines récoltes prévus trois mois plus tard (mai-juin 2018).
- Mouvements des populations : Dans un proche avenir, la situation actuelle demeurera avec le même nombre de personnes déplacées. Des mouvements de va-et-vient vers les villages ont lieu mais les gens hésitent encore à se réinstaller dans leurs zones d'origine, en particulier là où les conflits intercommunautaires ont eu lieu. L'accès humanitaire reste difficile et l'assistance insuffisante pour répondre à la situation.
A moyen terme, les efforts pour stabiliser les provinces du Kasaï et réconcilier les différentes parties prenantes dans la province du Tanganyika pourraient porter leurs fruits et rendre plus de zones accessibles. Un certain niveau de confiance s'établit lentement, avec un retour progressif des populations déplacées vers leurs zones d'origine. Un soutien agricole durable sera nécessaire pour permettre aux rapatriés de retrouver une vie paisible, mais certaines personnes déplacées pourraient décider de rester dans les centres urbains et y développer de nouveaux moyens de subsistance. Dans l'ensemble, les activités agricoles et le commerce reprennent.
- Accompagnement de retournés : Dans la mesure où des mesures d’accompagnement ne seront pas prise à l’égard des personnes de retour dans leurs localités d’origine, on pourrait s’attendre à un cycle de déplacement continu et de remobilisation des jeunes qui trouveront asile dans les milices armés.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
En lien avec l’alerte spéciale pour les pays du sud dont dépend une bonne partie de la RDC (Ex Katanga) en termes des céréales, les conditions de cultures prédites pour cette campagne 2018-2019 seront atypiques. En effet, d’après les prévisions pour la prochaine campagne agricole, les précipitations seront irrégulières, et les températures élevées et s’ajoutera l'infestation persistante par la chenille légionnaire d'automne. Cette situation pourrait réduire les perspectives de production céréalière pour 2018 en Afrique australe. Cette réduction aurait des effets néfastes sur l'accès alimentaire des ménages pauvres dans le sud-est de la RDC, notamment dans la grande province de l’ex Katanga, du fait de la réduction de la capacité des agriculteurs du sud à produire au cours de l'année de consommation 2018-2019. Pour rappel, l’ex Katanga dépend presque à 70 pourcent des importations de la Zambie. Les pays producteurs pourront émettre des interdictions sur les exportations afin de préserver leurs stocks au niveau national. Cette zone sera en phase de Stress (Phase 2 de l’IPC) durant toute la période de scenario allant de Février à Septembre.
Par ailleurs, la reprise des hostilités dans l’Ituri a fait déplacer environ 10 000 ménages agricoles qui ne pourront pas cultiver faute d’accès à leur terre durant la saison B en cours de préparation. Cette situation réduirait les disponibilités alimentaires dans cette zone déjà fragilisée par l’afflux des réfugiés sud-soudanais qui ont fait augmenter la demande des produits de base par rapport une la faible offre caractérisant la zone. Cette zone sera en phase de Crise (Phase 3 de l’IPC) durant toute la période de scenario allant de Février à Septembre.
Dans les zones de conflits avec un niveau de réponse L3 (Région de Kasaï, Tanganyika, Sud Kivu), les faibles récoltes de la dernière saison agricole qui s’ajoute aux deux campagnes précédentes de quasi non récoltes, la situation de la sécurité alimentaire ne connaitra pas des grandes améliorations sur toute la période de scenario allant de février à Septembre 2018. Les récoltes de la saison B qui interviendront à partir de juillet, ne suffiront pas pour constituer des stocks alimentaires importants et la période de soudure pourrait intervenir un mois plus tôt cad en début septembre 2018. Ces zones seront en phase de Stress (Phase 2 de l’IPC) ou Crise (Phase 3 de l’IPC) durant toute la période de scenario allant de Février à Septembre.
Le reste des provinces du pays se comporteront normalement avec des saisons agricoles typiques et des récoltes normales et seront en Minimale (Phase 1 de l’IPC) durant toute la période de scenario allant de Février à Septembre.
Pour plus d'informations sur les perspectives des zones de préoccupation, veuillez, s'il vous plaît, cliquer en haut de la page pour télécharger le rapport complet.

Figure 1
Figure 2. Population displacement
Source: FEWS NET/OCHA/UNHCR

Figure 2
Figure 1. CHIRPS cumulative seasonal rainfall anomalies for the period from October 2017 through February 2018
Source: USGS/FEWS NET
Figure 3
Figure 3. Projected rainfall anomalies for the period from March through May 2018
Source: NOAA
Figure 4
Figure 4. Projected rainfall anomalies for the period from June through August 2018
Source: NOAA

Figure 5
SEASONAL CALENDAR FOR A TYPICAL YEAR
Source: FEWS NET
Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.