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- La situation sécuritaire à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) a continué de se détériorer au cours des trois derniers mois particulièrement dans la province du Nord-Kivu, malgré une accalmie de courte durée des affrontements armés entre rebelles du M23 et les Forces Armées de la RDC (FARDC). Les territoires de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo connaissent une reprise des hostilités des rebelles M23 depuis 2 mois, perturbant ainsi les récoltes saisonnières à cause du non-accès aux surfaces cultivées. Il est probable que cette situation aggravera l’insécurité alimentaire dans ces zones en Crise (Phase 3 de l’IPC) qui connaissent une augmentation des populations en situation d’Urgence (Phase 4 de l’IPC).
- La saison agricole A 2023-2024 avait commencé en octobre avec des irrégularités pluviométriques. Les précipitations excédentaires observées au démarrage de la saison ont causé des inondations des cultures et conduit à la perte des surfaces emblavées notamment dans les provinces de Tshopo, le Sud et Nord Ubangi, le Kwilu, la Lomami, les Kasaï et le Sud-Kivu , où le niveau des cours d’eaux et la nappe phréatique ont augmenté inondant la quasi-totalité des cultures riveraines et celles de bas-fonds. Avec ce dérèglement pluviométrique, il est fort probable que les récoltes attendues en fin de saison soient inférieures à celles des précédentes saisons, impactant ainsi l’accès alimentaire des ménages vivant dans ces zones.
- Selon la banque nationale, le taux d’inflation du franc congolais s’est établi respectivement à 23 pour cent, soit à des niveaux supérieurs à la cible annuelle projetée à 20,8 pourcents en cumul. Cependant, sur les marchés, les prix des principales denrées alimentaires sont restés stables durant ce mois comparativement aux deux derniers mois. Toutefois, au cours du mois de novembre 2023, les prix des denrées alimentaires de base (haricot, farine de maïs, huile végétale et le riz) étaient environ 51 pourcent au-dessus de ceux de l’année dernière et 101 pourcent au-dessus de la moyenne quinquennale.
Conflits et mouvements des populations : Depuis la reprise des hostilités entre les rebelles du M23 et les FARDC appuyées par les groupes armés locaux appelés Wazalendo au mois d’octobre dernier, des vagues de déplacement de population estimées à 570 000 personnes en novembre 2023 ont été observées à travers les territoires de Masisi, Rutshuru, Lubero, Walikale, Nyiragongo et la ville de Goma, selon les chiffres de la Commission Mouvement des Populations (CMP). En date du 12 décembre, un cessez- le- feu a été signé entre le gouvernement congolais et rwandais et le début imminent des négociations a été annoncé. Cependant, les affrontements entre les forces en conflit accompagnés des bombardements ont repris autour du triangle Rutshuru-Masisi-Nyiragongo. Par ailleurs, les attaques des ADF contre les civils continuent dans le territoire de Beni et Mambasa, avec près une centaine de personnes tuée au cours du mois de novembre dans plusieurs villages des zones de santé d'Oïcha et de Kamango, au nord du territoire de Beni. Ces attaques continuent à provoquer des déplacements des personnes non seulement à l’intérieur du pays mais aussi en Ouganda. Selon une évaluation effectuée par l’OIM, au mois de novembre 2023, la RDC compte 6.9 millions personnes déplacées dont environ 1,1 million de personnes déplacées par la crise M23 et régulièrement suivies.
Départ de la force de l’East African Community (EAC) : Depuis le mois de décembre en cours, les troupes de l’EAC ont commencé à se désengager dans les territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo où elles étaient déployées. Ce départ a créé un vide sécuritaire et a profité ainsi aux rebelles du M23 qui ont relancé les hostilités sur un terrain devenu facile et ainsi reconquérir les zones qu’ils ont perdues. Le gouvernement congolais a donc fait appel aux troupes de la SADEC dont la mission et le délai d’arriver ne sont pas connus. Cette situation conduit à une instabilité sécuritaire dans cette zone et facilite l’augmentation des violences des groupes armés à l’égard des populations locales.
Situation électorale : Les préparatifs des élections prévues ce mois de décembre 2023 se sont poursuivis malgré des irrégularités décriées par la société civile et l’opposition. A la suite des difficultés logistiques observées dans les préparatifs, certains observateurs estiment que le déroulement de ces élections seront chaotiques. Cette situation augmente la tension politique au pays et présage des situations imprévisibles avant ou après les élections qui pourraient à nouveau perturber les moyens d’existence des populations
Production agricole : La saison agricole A dans le nord-est avait démarré en septembre 2023 avec des précipitations irrégulières en période de semis. Depuis, les violences des groupes armés continuent à déplacer des milliers des ménages agricoles qui abandonnent leurs champs, migrant vers les zones plus sures où ils n’ont plus rattrapé la saison en cours. Pour les ménages qui ont pu conduire une campagne complète, la question d’intrants agricoles notamment les semences est resté un défi majeur à relever du fait des difficultés d’accès et d’approvisionnement observées en zones de conflits. Tous ces facteurs ont conduit à la baisse de performance de la saison, qui connaîtra de façon consécutive, des récoltes en baisse continue au fil des campagnes agricoles.
Volatilité des prix des produits de base et comportement de la monnaie locale : Depuis le mois de novembre 2023, le franc congolais a perdu 35 pour cent de sa valeur au marché noir de Kinshasa de janvier à décembre 2023. En outre, le prix du carburant a connu une hausse moyenne de 12 pour cent depuis octobre dans la zone est. Cette situation a eu une incidence sur les prix des produits, notamment les aliments importés avec une augmentation de 25 pourcents en moyenne. Selon les projections du gouvernement congolais, l'inflation atteindrait 22,6 pourcents en 2023, contre 9,2 pourcents en 2022. S’agissant des prix des principales denrées alimentaires de base, ils continuent à augmenter ; la moyenne des prix de denrées alimentaires de base (haricot, farine de maïs, huile végétale et le riz) était environ 51 pour cent au-dessus de celui de l’année dernière et 101 pour cent au-dessus du moyen quinquennal au mois de novembre dernier.
Situation épidémiologique : La RDC continue à faire face à des épisodes d’épidémie du choléra et de rougeole. Concernant le choléra, de janvier à novembre 2023, environ 47 816 cas ont été notifiés dans 15 provinces touchées regroupant 105 zones de santé. Cette situation représente une augmentation de 58 pourcents si on considère la même période de l’année passée. Quant à l’épidémie de rougeole, depuis le mois d’août 2010, la RDC connait une résurgence des épidémique dans presque toutes les provinces du pays, au courant de cette année 2023, plus de 57.167 cas ont été notifiés dans 91 zones de santé, soit une augmentation de 5 pourcents par rapport à l’année 2021. Les effets de cette épidémie pourraient inclure une augmentation des mauvais résultats nutritionnels chez les enfants.
Assistance humanitaire : Les besoins en matière d'aide humanitaire restent sous-financés en RDC. Selon OCHA/RDC, seuls 38 pourcents des fonds humanitaires requis pour la RDC ont été collectionnés par les donateurs au courant de cette année 2023. Ainsi, le niveau d’assistance reste très faible en général. En outre, le niveau d’insécurité et d’accessibilité physique dans certains territoires empêchent les humanitaires d’accéder dans certaines zones sous occupations rebelles. Les agences des nations unies ont déclenché une intensification immédiate des opérations humanitaires dans l'est de la RDC a partir de juin 2023 pour aider les personnes touchées par le conflit dans l’est de la RDC. Cette opération a touché environ 2,2 millions de personnes dans les provinces de Nord-Kivu, Ituri et Sud-Kivu en fournissant une aide alimentaire d’urgence, des espèces et des interventions nutritionnelles. Selon le dernier rapport de situation de OCHA, le PAM a urgemment besoin de 546 millions de dollars pour poursuivre ses opérations .
Les hypothèses du rapport sur les perspectives de la sécurité alimentaire d’octobre 2023 à mai 2024 restent globalement inchangées, à l'exception de celles mises à jour et que nous reprenons ci-dessous :
Élections générales de décembre 2023 : Il est probable que des élections auront lieu malgré la lenteur dans son organisation et l'achèvement de toutes les procédures préélectorales nécessaires. Une recrudescence des troubles sociaux est probable après la publication des résultats provisoires, qui seront sans doute, certainement contestés par les finalistes.
Conflits et mouvements des populations : Les combats entre le M23 et le Wazalendo, les FARDC et les forces internationales vont très probablement se poursuivre au moins jusqu'en mai 2024, malgré l'annonce et la prolongation probables de nouveaux cessez-le-feu. Les engagements entre les forces le long de lignes relativement statiques accompagnées de bombardements devraient se poursuivre autour du triangle Rutshuru-Masisi-Nyiragongo. Les combats entre les unités mobiles du M23 et les forces Wazalendo devraient s'intensifier dans les territoires de l'ouest de Rutshuru et de l'est de Masisi, le M23 cherchant à continuer à isoler Saké des routes commerciales et d'approvisionnement de l'ouest. Les déplacements internes dans les territoires de Masisi, dans la partie nord de Nyiragongo et du sud de Rutshuru vont probablement se poursuivre, mais devraient être atténués par le fait qu'une partie importante de la population avait fui lors des combats précédents.
Les attaques des ADF contre les civils dans les territoires de Beni, Irumu et Mambasa devraient persister au moins jusqu'en mai 2024, bien qu'à des niveaux inférieurs à ceux observés début 2023.
Manifestations anti-MONUSCO : Le départ des troupes de l’EAC observé au courant du mois de décembre a réduit le sentiment d’antipathie de la population contre les troupes étrangères. Cependant, la population reste sceptique quant au rôle de la MONUSCO. Il est probable que cette situation occasionner des troubles sociaux anti-MONUSCO alors que le départ précipité de la MONUSCO créerait un vide sécuritaire et conduirait à une instabilité accrue permettant aux groupes armés d’accroître leur contrôle territorial.
Prix des denrées de base et fonctionnement des marchés : En dépit des variations localisées basées sur la dynamique de l'offre et de la demande observées dans certaines zones du pays, les prix des principales denrées alimentaires importées, et locales resteront dans la fourchette de la stabilité (plus ou moins 5% de variation) mais au-dessus de la moyenne quinquennale, en ce mois d’août avec des variations typiques saisonnières sur certains marchés à partir de septembre.
La période de décembre à mai inclut la production agricole de la saison A exceptée l’ex-province du Katanga. La continuité des conflits dans différentes zones devra avoir des effets négatifs sur les activités agricoles. Dans ces zones de conflits, les ménages pauvres qui n’auront pas cultiver dépendront essentiellement de la main d’œuvre agricole auprès des moyens et nantis, et devront s’approvisionner à partir des marchés locaux pour leur nourriture qui dans la grande majorité ,ne pourra couvrir les besoins minimaux et la consommation alimentaire pourra se détériorer notamment dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo qui sont en Crise (Phase 3 de l’IPC) et où le nombre des personnes en phase d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) pourra éventuellement augmenter.
Ainsi, les zones de l’est qui connaissent les effets de la crise prolongée resteront en Crise (Phase 3 de l’IPC), notamment l’Ituri (Irumu et Djugu), le Sud-Kivu (Uvira et Fizi) et le Nord-Kivu (Beni, Rutshuru et Masisi). Les provinces de Lomami, Sankuru, Kasaï Oriental, Kasaï, une partie du Maniema et l’ex-Katanga où les ménages essayent de se stabiliser, avec la reprise continue et complète des campagnes agricoles qui leur offre un meilleur accès à la nourriture et au revenu, seront en situation de Stress (Phase 2 de l’IPC). Ces populations ont une durée de stocks plus longue (2-3 mois) et ont la possibilité de consommer leurs réserves au-delà de deux mois. La phase Minimale (Phase 1 de l’IPC) restera dans les provinces de Haut-Uele, Bas-Uélé et Tshopo qui n’ont pas connu des chocs importants et qui n’accusent pas de déficit de consommation alimentaire. Il s’agit des zones de forêts qui dépendent essentiellement des produits de cueillette, en toute saison. Dans les zones du nord-ouest qui connaissent des fortes précipitations et des inondations, notamment les provinces de Tshopo, Tshuapa, les ménages agricoles ainsi que les activités économiques sont fortement impactés et ces zones pourront être en phase de Stress (Phase 2 IPC).
A partir d’avril 2024, la période va coïncider avec la petite soudure, la situation serait plus difficile en termes d’accès alimentaire des ménages qui auront épuisé leurs faibles stocks de la précédente saison plus tôt que d’habitude et qui pourront développer des stratégies encore plus dommageables liées aux moyens d’existence comme la mendicité et la vente des actifs productifs particulièrement dans les zones affectées par les conflits notamment l’Ituri, le Nord- Kivu et le Sud-Kivu. Cela juste pour satisfaire leurs besoins alimentaires immédiats.
Citation recommandée: FEWS NET. République démocratique du Congo Mise à jour sur la sécurité alimentaire Décembre 2023: La poursuite des violences compromet le déroulement des récoltes dans le nord et centre-est, 2023.
Cette mise à jour des perspectives sur la sécurité alimentaire présente une analyse des conditions actuelles d'insécurité alimentaire aiguë et de toute évolution de la dernière projection de FEWS NET concernant les résultats de l'insécurité alimentaire aiguë dans la géographie spécifiée au cours des six prochains mois. Pour en savoir plus sur le travail, cliquez ici.