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L’insécurité alimentaire généralisée de Crise demeure, aggravée par la violence, l'inflation des prix alimentaires et les déplacements internes

L’insécurité alimentaire généralisée de Crise demeure, aggravée par la violence, l'inflation des prix alimentaires et les déplacements internes

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  • Messages clé
  • Résumé
  • Contexte de la sécurité alimentaire
  • Conditions actuelles de sécurité alimentaire octobre 2024
  • Analyse des principales sources de nourriture et de revenus
  • Assistance alimentaire humanitaire
  • Résultats actuels de l’insécurité alimentaire, octobre 2024
  • Suppositions clés sur les conditions atypiques de sécurité alimentaire jusqu’à mai 2025
  • Résultats estimés les plus probables de l’insécurité alimentaire aiguë jusqu’en mai 2025
  • Évènements qui pourraient changer les résultats projetés de l’insécurité alimentaire aiguë
  • Aperçu d’une zone de préoccupation Cité Soleil (Figure 7)
  • Messages clé
    • Résultats de Crise (Phase 3 de l’IPC) et d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) sont prévus en Haïti entre octobre 2024 et mai 2025 dû à l’insécurité, les déplacement internes, l'inflation et les conditions climatiques. L'insécurité persistante, notamment la violence des groupes armés, continue de perturber les chaînes d'approvisionnement et les moyens d’existence, maintenant ainsi les prix des produits alimentaires de base élevés. Les déplacements internes de population exercent une pression supplémentaire sur les ménages d'accueil. L’inflation, en glissement annuel, atteint environ 30 pour cent, avec une augmentation de 40 pour cent pour les produits alimentaires et de plus de 50 pour cent pour le riz, aliment de base en Haïti. Par ailleurs, les conditions climatiques erratiques, dans un contexte d'agriculture pluviale, affectent la production agricole et les récoltes, réduisant la disponibilité des produits locaux.
    • Les personnes déplacées vivant dans les sites d'accueil de la Zone Métropolitaine de Port-au-Prince (ZMPP) touchée par le conflit sont en situation d'Urgence (Phase 4 de l'IPC), ne répondent que partiellement à leurs besoins alimentaires, en raison de la perte de leurs moyens d’existence et de leurs revenus. Plus de 60 pour cent des déplacées internes se trouvent dans les communes de Port-au-Prince et Delmas. L'inflation alimentaire aggrave leur capacité à maintenir une consommation adéquate, dégradant leur état nutritionnel. 
    • FEWS NET estime que le nombre des personnes ayant besoin de l’aide alimentaire d’urgence oscillera entre 2.0 et 2.49 millions de personnes, et atteindra le maximum pendant la période de soudure qui commencera en avril. Il serait probable qu’une partie de cette population seulement recevra les aides alimentaires, et les difficultés d’accès humanitaires liées à l’insécurité, ainsi que l’insuffisance de financements, devraient limiter considérablement l’acheminement des aides et l’efficacité du ciblage et de la distribution.  
    • Les populations des zones de préoccupation sont celles touchées par les affrontements entre groupes armés qui perturbent significativement leurs sources de revenus et de nourriture. Il s'agit notamment de ceux de Urgence (Phase 4 de l’IPC) : des personnes déplacées dans les camps de la ZMPP, des poches de ménages dispersés dans les quartiers pauvres et très pauvres de l’arrondissement de Port-au-Prince et de la commune de Cité Soleil. L’arrondissement de Croix-des-Bouquet et le bas Nord-Ouest, ainsi que la ZMPP se trouvent en Crise (Phase 3 de l’IPC). 
    Résumé
    Figure 1. Carte de fonctionnement et d’accessibilité des marchés au niveau national, octobre 2024

    Source: FEWS NET

    L'insécurité généralisée, provoquée par la violence des gangs dans la capitale, combinée avec l'instabilité macroéconomique (caractérisée par des prix élevés des produits de base), entraînent l’insécurité alimentaire aiguë d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) à Cité Soleil et de Crise (Phase 3 de l'IPC) dans plusieurs régions. Ces facteurs, ainsi que les irrégularités des précipitations, perturbent les activités économiques des ménages pauvres et très pauvres, réduisant leurs sources de revenus et leur accès à la nourriture. Les zones les plus touchées incluent celles en proie à l'insécurité due à la violence (Port-au-Prince, Croix-des-Bouquets), celles affectées par des anomalies pluviométriques (Bas Nord-Ouest) et celles ayant absorbé une forte proportion de déplacés internes (Grand Sud). Cité Soleil reste la seule commune actuellement classée en Urgence (Phase 4 de l'IPC), bien que d'autres communes comptent également des poches de ménages dispersés en situation d’Urgence (Phase 4 de l'IPC), telles que celles du Nord-Ouest (Baie-de-Henne, Bombardopolis, Jean-Rabel, Bassin-Bleu, La Tortue) et de l'Ouest (Croix-des-Bouquets, Port-au-Prince, Tabarre).

    Les impacts de l’insécurité sur l'approvisionnement des marchés, les moyens d’existence et les prix des produits alimentaires de base reste manifestes. Les prix des denrées alimentaires restent élevés par rapport à la moyenne en raison de la faible offre sur les marchés, des facteurs macroéconomiques affectant les marchés locaux, ainsi que de l'extorsion des gangs sur les routes principales. Les impacts de l’insécurité entravent continuellement non seulement le flux des approvisionnements mais aussi le fonctionnement des marchés (Figure 1) et des activités génératrices de revenus, ce qui réduit le pouvoir d'achat et perturbe les habitudes alimentaires des ménages. Ces ménages, dont les revenus restent inférieurs à la moyenne, continueront probablement à lutter pour accéder à la nourriture et satisfaire leurs besoins alimentaires de base. L'inflation alimentaire réduit encore leur capacité à acquérir des denrées essentielles, ce qui se traduit par une diminution de la quantité et de la qualité des aliments consommés. Par conséquent, ces ménages sont de plus en plus exposés à la malnutrition et à une insécurité alimentaire aiguë.

    Les personnes déplacées vivant dans les sites d'accueil de la Zone Métropolitaine de Port-au-Prince (ZMPP) sont en situation d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) en raison de la perte de leurs moyens d'existence, causée par l'insécurité persistante et la violence des groupes armés. Plus de 60 pour cent de ces déplacés se trouvent dans les communes de Port-au-Prince et Delmas. L'insécurité et les affrontements armés ont considérablement réduit leurs sources de revenus, les contraignant à recourir à des activités marginales telles que la mendicité ou le vol pour subvenir à leurs besoins alimentaires. De plus, l'assistance humanitaire, bien que présente, reste largement insuffisante et sporadique faute d'accès sécurisé, avec une couverture moyenne de seulement 20 pour cent de janvier à juillet. La majorité des personnes déplacés se retrouvent sans soutien adéquat.

    Les résultats de Crise (Phase 3 de l'IPC) et d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) de sécurité alimentaire en Haïti, notamment à Cité Soleil, devraient rester critiques et se poursuivront jusqu'en mai 2025. La violence des gangs alimente l’insécurité persistante, compromettant ainsi les chaînes d'approvisionnement et entraînant des déplacements internes. L’offre limitée des produits de base, combinée à une inflation annuelle projetée d'environ 30 pour cent, limitera le pouvoir d'achat des ménages les plus pauvres, entraînant ainsi une consommation alimentaire insuffisante et peu variée. De plus, la faiblesse des récoltes prévue à cause de conditions climatiques défavorables et de l'insécurité dans les zones rurales augmentera la dépendance vis-à-vis des importations, qui continueront d'être perturbées. Dans ce contexte, les niveaux de malnutrition aiguë, tant modérée que sévère, resteront élevés jusqu'en mai 2025, surtout chez les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes. L'incapacité de l'État à fournir des services de base, notamment dans le secteur de la santé, aggravera cette situation, limitant l'accès à des soins nutritionnels adéquats Tous les facteurs clés mentionnés prolongeront la situation de Crise et d’Urgence, avec des effets cumulatifs sur la consommation alimentaire et l’état nutritionnel de la population.

    Contexte de la sécurité alimentaire

    L’insécurité est l’un des principaux facteurs déterminants de l’insécurité alimentaire en Haïti. Les activités des groupes ou des gangs armés et l’insécurité provoquée par les gangs a surtout augmenté depuis les années 2000 à Port-au-Prince, malgré une période d’accalmie entre 2006-2011. En effet, les violences des gangs armés ont perturbé les moyens d’existence, en particulier les activités génératrices de revenus des ménages urbains et ruraux, l’importation des produits alimentaires, ainsi que le fonctionnement et l’approvisionnement des marchés. La ZMPP est l’épicentre des conflits, mais les gangs ont intensifié leurs activités afin d’étendre leurs zones de contrôle, notamment en imposant illégalement des taxes de passage sur les routes nationales, vers le nord, le centre et le sud. L’intensification des violences des gangs armés a entraîné une augmentation des populations déplacées vers des lieux plus sécures, que ce soit dans les différents sites d’accueil de la capitale que vers les autres départements, en particulier dans le Grand Sud. 

    L’insécurité et l’instabilité politique et institutionnelle ont fortement impacté les conditions macroéconomiques. L’économie du pays a connu six années consécutives de contraction, de 2019 à 2024, avec presque toutes les activités des secteurs économiques enregistrant une baisse. Le taux d’inflation annuel reste significativement au-dessus de la moyenne quinquennale et la monnaie locale s’est fortement dépréciée pendant la période. La forte dépendance à l'égard des importations pour satisfaire les besoins alimentaires de base complique encore la situation macroéconomique. Selon la Banque Mondiale, les importations de biens et de services représentaient plus de 25 pour cent du PIB en 2023. En outre, les moyens d’existence des ménages pauvres urbains et ruraux ont été détériorés par la persistance de l’insécurité, entraînant la baisse des revenus des ménages. Ainsi, le faible pouvoir d’achat des ménages diminue leur capacité d’accès aux marchés, qui constituent leurs principales sources de nourriture. 

    La production agricole a été fortement impactée par l’insécurité et la faible capacité d’investissement du gouvernement dans les infrastructures rurales. Malgré la dépendance du pays aux importations des produits alimentaires, l’agriculture demeure une source non négligeable de revenu et de nourriture pour les ménages ruraux. Cependant, l’insécurité due à la violence des gangs armés a entraîné l’abandon des terres cultivables par les paysans, aggravant ainsi les déficits de la production, en particulier dans l’Artibonite, principale zone de production rizicole du pays, et dans le département de l’Ouest. En outre, à cause de la mauvaise condition économique, le gouvernement n’a pas la capacité d’investir dans les infrastructures de développement agricole pour stimuler la production. Les gangs armés contrôlent le système d’irrigation dans la vallée de Liancourt, Verrettes et Petite Rivière et exigent un paiement illégal pour utiliser l’eau. L’ensemble de ces facteurs explique la diminution progressive de la production agricole nationale.

    Figure 2 : Calendrier saisonnier pour une année typique

    Source: FEWS NET

    Conditions actuelles de sécurité alimentaire octobre 2024

    L’alerte précoce en cas d’insécurité alimentaire aiguë nécessite de prévoir les résultats futurs des mois à l’avance afin de donner aux décideurs suffisamment de temps pour budgétiser, planifier et répondre aux crises humanitaires attendues. Toutefois, en raison des facteurs complexes et variables qui influencent l’insécurité alimentaire aiguë, des prévisions définitives sont impossibles. Le développement de scénarios est la méthodologie qui permet à FEWS NET de répondre aux besoins des décideurs en développant un scénario « le plus probable » du futur. Le point de départ de l’élaboration de scénarios est une analyse solide des conditions actuelles de sécurité alimentaire, qui constitue l’objet de cette section. Les principes clés du processus d’élaboration de scénarios de FEWS NET incluent l’application du cadre de réduction des risques de catastrophe et une optique basée sur les moyens d’existence pour évaluer les résultats de l’insécurité alimentaire aiguë. Le risque d'insécurité alimentaire aiguë d'un ménage dépend non seulement des dangers (comme une sécheresse), mais aussi de la vulnérabilité du ménage à ces dangers (par exemple, le niveau de dépendance du ménage à l'égard de la production de cultures pluviales pour sa nourriture et ses revenus) et de sa capacité d'adaptation (qui prend en compte à la fois la capacité des ménages à faire face à un danger donné et le recours à des stratégies d’adaptation négatives qui nuisent à la résilience future). Pour évaluer ces facteurs, FEWS NET fonde cette analyse sur une solide compréhension fondamentale des moyens d’existence locaux, qui sont les moyens par lesquels un ménage répond à ses besoins fondamentaux. Le processus d’élaboration de scénarios de FEWS NET prend également en compte le Cadre des moyens d’existence durables ; les Quatre dimensions de la sécurité alimentaire ; et le Cadre conceptuel de la nutrition de l’UNICEF, et est étroitement aligné sur le cadre analytique de la Classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire (IPC).

    Principaux dangers 

    Insécurité : Principalement concentrée dans la capitale (Port-au-Prince), l'insécurité demeure le facteur majeur de l’insécurité alimentaire affectant tout le pays.  Au cours du troisième trimestre, le nombre d’événements violents (affrontements, incendies, violences contre les civils) a augmenté de plus de 10 pour cent par rapport au deuxième trimestre, avec une extension géographique de plus en plus marquée (ACLED). Selon PLSO, dans le département de l'Artibonite, le gang de Savien (Petite Rivière de l’Artibonite) dans la localité de Pont Sondé intensifie la violence, entraînant de graves violations des droits de l'homme. Des agriculteurs sont contraints de payer des droits de passage sur la route nationale ou sont tués. Le bilan provisoire du massacre de Pont Sondé du 3 octobre s’élève à près de 100 victimes dont plus de 70 morts et au moins 23 blessés. Ces violences continuent d’entraîner des déplacements massifs de population et des perturbations des moyens d’existence, des activités économiques et agricoles, ainsi que du fonctionnement des marchés et du commerce international. Tout cela malgré la présence de la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité, dont le mandat vient d’être renouvelé jusqu’au 2 octobre 2025 et les résultats sur la sécurité ne sont pas encore palpables.

    Augmentation des PDI : L'insécurité et la poursuite de la violence des groupes armés, principalement dans la ZMPP et l’Artibonite continuent de forcer la population à fuir leur zone de résidence, perturbant ainsi leurs moyens d’existence. Dans l’Artibonite, particulièrement dans la commune de Saint Marc, un bilan partiel a fait état de 6 270 personnes (1 281 ménages) déplacées, à la suite des attaques armées par des individus armés les 4 et 5 octobre derniers. Ces nouveaux déplacés se sont réfugiés dans les communes avoisinantes, dont 12 pour cent sont hébergés dans trois sites situés dans la zone, selon le même rapport de l’OIM. En outre, par rapport au mois de juin, le nombre cumulé de PDI au mois de septembre a augmenté de plus de 22 pour cent depuis juin, atteignant plus de 702 000 personnes, selon l’OIM.

    Les trois quarts de ces PDI sont localisés en province, contre un quart dans la ZMPP. Plus de 80 pour cent sont accueillis par leur famille, exerçant des pressions sur des familles. Les moins de 20 pour cent restants se trouvent dans des sites, principalement situés dans la ZMPP. En nombre absolu, l’Ouest reste le département ayant accueilli le plus grand nombre de PDI (35% du total). Viennent ensuite le Sud (17%), le Sud-Est (12%), la Grand’Anse (11%) et le Centre (7%) (Figure 3). Plus de 60 pour cent des PDI de l’Ouest se trouvent dans les communes de Port-au-Prince (40,5%) et de Delmas (20%), qui sont, au niveau national, les deux communes accueillant le plus grand nombre de déplacés (plus de 20 pour cent du total national). Dans la commune de Port-au-Prince, 89 pour cent des PDI se trouvent dans des sites d’accueil et seulement 11 pour cent accueillis par des familles, dans un contexte où non seulement l’assistance est limitée par rapport aux besoins, mais où l’insécurité limite l’accès à ces sites d’accueil. La situation est un peu différente à Delmas, où plus de 70 pour cent des PDI sont accueillis hors site, exerçant ainsi plus de pression sur les familles d’accueil.

    Figure 3. Répartition des PDI, en nombre, par département, septembre 2024

    Source: OIM

    Situation macroéconomique : Selon les estimations du gouvernement haïtien exprimées dans la lettre de cadrage du projet de budget 2024-2025, le taux de croissance du PIB pour l’année fiscale 2023-2024, qui se termine le 30 septembre 2024, est de l’ordre de -4 pour cent, marquant ainsi une sixième année consécutive de croissance négative. Parallèlement, le chômage est en forte hausse en raison de l’insécurité, qui a contraint de nombreuses entreprises à fermer leurs portes, réduisant ainsi les opportunités d’emploi déjà faibles. Ces indicateurs indiquent que les conditions macroéconomiques ne sont pas améliorées. Selon la Banque centrale, le secteur financier a été particulièrement affecté par l’insécurité à trois niveaux. Les groupes armés ont fait des attaques directes des succursales, tandis que la détérioration de l'activité économique a entrainé une augmentation des défauts de paiement des dettes. Aussi, le pays a perdu ses ressources humaines pour diverses raisons (insécurité, accès à la migration dans le cadre du programme humanitaire des États-Unis, entre autres) . Cette baisse continue de la macroéconomie est accompagnée d’une inflation globale annuelle de l’ordre de 30 pour cent, et les prix des produits alimentaires, des boissons non alcoolisées, ainsi que des services de communication sont ceux qui ont le plus augmenté (plus de 40 pour cent) (Figure 4). Parmi les produits alimentaires de base, le riz, qui représente l’aliment le plus consommé par les ménages, notamment les plus pauvres, a connu la plus forte augmentation (plus de 50 pour cent) par rapport aux trois dernières années.

    Figure 4. Indicateurs macroeconomiques clés

    Source: BRH/IHSI, août 2024

    Analyse des principales sources de nourriture et de revenus

    Production agricole : 

    L’agriculture représente à la fois une source de nourriture et de revenu pour les ménages, notamment ceux du milieu rural. L’agriculture, source de nourriture très importante, contribue en moyenne de 20 à 25 pour cent à la consommation alimentaire des ménages. Au cours des six dernières années (2018-2024), la production globale de céréales (riz, maïs et sorgho) a progressivement diminué, enregistrant une baisse cumulée d'environ 40 pour cent sur cette période à cause des impacts de l’insécurité sur la production et de le manque d’investissement dans le secteur agricole. 

    Selon les résultats de l’enquête sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle (ENSSAN 2024) conduite par la CNSA, la campagne agricole de printemps a été plutôt bonne, contrairement aux prévisions. En effet, dans environ 70 pour cent des zones de moyens d’existence, la performance a été au moins autour de la moyenne. Trente pour cent des zones ont connu une baisse, dont cinq pour cent (dans 3 des 56 zones) ont subi une baisse importante (plus de 25 pour cent) et 25 pour cent ont enregistré une baisse modérée (entre 10 et 25 pour cent). Les zones ayant enregistré une baisse de plus de 25 pour cent sont La Victoire dans le Nord-Est, Croix-des-Bouquets et Grand-Goâve dans l’Ouest.

    La pluviométrie s’est globalement améliorée par rapport à l’année dernière, avec un indice de végétation légèrement au-dessus de la moyenne de janvier à septembre 2024. Toutefois, la distribution spatio-temporelle irrégulière des pluies, entre mai et juillet, a retardé le démarrage de la campagne agricole d’automne et impacté la croissance et le développement des cultures, notamment celles à cycle court, y compris les céréales.

    Sources de revenus hors ferme : 

    Le revenu des ménages pauvres, tant en milieu rural qu'en milieu urbain est en dessous de la moyenne quinquennale, en raison de la baisse continue de leurs principales activités économiques. En milieu rural, la diminution des revenus découle principalement de la baisse de la demand de travail agricole, causée par le manque de liquidite, la cherté des intrants, et aux distorsions persistantes dans la chaîne de distribution dues à l'insécurité. En milieu urbain, le petit commerce, une autre source clé de revenu, subit également une baisse notable. Les distorsions persistantes dans la chaîne de distribution, entraînant une augmentation des coûts de transport et une diminution de l'accessibilité des produits, a conduit à une réduction significative des ventes. Dans le même temps, l'insécurité limite l'accès aux marchés des menages, diminuant ainsi  leur demande de produits alimentaires .

    Approvisionnement des marchés : 

    En proie quotidiennement à l’insécurité liée à la violence des gangs, les principaux marchés dans ZMPP tels Croix-des-Bossales, Croix-des-Bouquets de la capitale, Gressier, Mariani (sortie sud de la capitale) fonctionnent mal avec un approvisionnement réduit et irrégulier. Les opérateurs, les grossistes se dirigent toujours vers les marchés de Pétion-Ville, du Canapé-Vert et de Delmas pour poursuivre leurs opérations d’échange de biens et de services. L’approvisionnement des marchés de la capitale reste difficile, vue l’impact de l’insécurité sur les « Madan Sara », qui sont des marchands qui collectent des produits aux exploitants agricoles et les revendent aux marchés. Elles jouent ainsi un rôle de premier plan dans l’approvisionnement des marchés dans le pays, en particulier à Port-au-Prince. Une étude réalisée par la Banque de la République d’Haïti (BRH) sur un échantillon de 25 Madan Sara a révélé une augmentation notable de l'impact négatif de l'insécurité sur les activités commerciales entre janvier et juin 2024, par rapport à l'année 2023. Ces impacts sont : l’augmentation des vols de marchandises et d’argent, les difficultés d’approvisionnement, la baisse des ventes, et l’augmentation des cas de rançonnage. En revanche, d'autres marchés ont une fonctionnalité limitée ou complète en fonction de leur emplacement et de la présence de barrages routiers et de violences de gangs. 

    En raison de la montée de l’insécurité dans la baie de Port-au-Prince, les autorités portuaires haïtiennes (APN) ont pris des dispositions en vue de renforcer la sécurité des navires empruntant l’infrastructure publique portuaire internationale de Port-au-Prince. Malgré la fermeture du port de Port-au-Prince le 30 septembre, les autorités portuaires ont rouvert le port au cabotage des marchandises le 18 octobre.

    Prix des produits alimentaires de base : Entre août et septembre, les prix des produits alimentaires de base importés tels que le riz, la farine de blé, et les produits locaux (le haricot noir, le maïs jaune) sont encore stables sur la plupart des marchés. Seulement le prix de l’huile comestible a cru d’approximativement de 13 pour cent. Le prix au détail du maïs jaune local, qui a baissé d'environ huit pour cent en août, a fait montre d’une relative stabilité en septembre ainsi que le prix des autres produits de base (Figure 5). La variation ou la stabilité des prix des produits locaux résulte des récoltes (maïs, haricot noir) observées au cours du mois de juillet et partiellement en août dernier. Une réduction de l’offre et de la demande de produits importés est le résultat direct d’une augmentation de l’offre de produits locaux sur les marchés, en particulier le riz. L'insécurité, limitant l'accès aux marchés, et la stabilité du taux de change influencent également les niveaux d'importation.

    Par rapport à l'année précédente (septembre 2023), le prix du maïs jaune local demeure aussi stable ayant faiblement fluctue à la hausse, en raison des récoltes au tour de la normale enregistrées dans diverses régions. Particulièrement dans le grand Sud, l’offre de ce produit dépasse la moyenne car ne pouvant pas être transporté vers le département de l’Ouest, notamment vers Port-au-Prince en raison de l’insécurité. Pour sa part, le prix du haricot noir a augmenté de près de huit pour cent au cours de la même période, au vu des récoltes tardives, voire en-dessous de la normale dans certaines zones agroécologiques. Il faut noter que le prix du riz importé, une fois de plus, a augmenté de plus de 15 pour cent par rapport à l'année précédente tandis que les prix de la farine de blé et de l'huile végétale restent stables durant la même période. Par ailleurs, tous les prix des denrées de base restent atypiquement au-dessus de leur moyenne triennale, entre 52 et 79,4 pour cent. 

    Figure 5. Evolution du prix moyen des céréales de base et du haricot noir, janvier 2021 à septembret 2024 par six livres.

    Source: FEWS NET

    Assistance alimentaire humanitaire

    L’assistance alimentaire humanitaire – définie comme une assistance alimentaire d’urgence (en nature, en espèces ou en vouchers) – peut jouer un rôle clé dans l’atténuation de la sévérité des conséquences de l’insécurité alimentaire aiguë. Les analystes de FEWS NET intègrent toujours les informations disponibles sur l’assistance alimentaire, sous réserve que les informations sur l’assistance alimentaire sont très variables selon les zones géographiques et dans le temps. Conformément aux protocoles IPC, FEWS NET utilise les meilleures informations disponibles pour évaluer où l'assistance alimentaire est « significative » (définie par au moins 25 pour cent des ménages dans une zone donnée recevant au moins 25 pour cent de leurs besoins caloriques grâce à l'assistance alimentaire) ; voir l’annexe du rapport. En outre, FEWS NET mène une analyse plus approfondie des impacts probables de l’assistance alimentaire sur la sévérité des résultats, comme détaillé dans les orientations de FEWS NET sur L’intégration de l’assistance alimentaire humanitaire dans l’élaboration de scénarios. D’autres types d’assistance (par exemple, l’assistance aux moyens d’existence ou à la nutrition ; les programmes de filet de sécurité sociale) sont incorporés ailleurs dans l’analyse plus large de FEWS NET, le cas échéant.

    En raison des contraintes financières et des défis significatifs liés au ciblage et à la répartition, l’assistance alimentaire d’urgence demeure insuffisante pour répondre de manière adéquate aux besoins croissants. L'analyse des données du Cluster de sécurité alimentaire, entre janvier à juillet 2024, montre une grande variabilité dans la couverture de cette assistance selon les zones géographiques. À Cité Soleil, la couverture mensuelle moyenne n'est que de 10 pour cent, et les bénéficiaires reçoivent environ 1 325 kcal par personne, soit seulement 63 pour cent des besoins caloriques recommandés quotidiennement. À Ouanaminthe, la couverture est encore plus faible, à sept pour cent, et concerne principalement les personnes retournées de la République Dominicaine. Dans la Grand’Anse et la Gonave, bien que la couverture globale atteigne 21 et 23 pour cent de la population, respectivement, les bénéficiaires ne reçoivent pas les 25 pour cent des besoins énergétiques journaliers, le seuil généralement requis par l’IPC. En outre, l’insécurité aussi accentue les difficultés de la distribution des assistances alimentaires, avec des distributions irrégulières où parfois les ménages ne bénéficient pas mensuellement des assistances. En octobre, l’assistance alimentaire devrait se poursuivre à des niveaux similaires à ceux de la période de janvier à juillet. 

    Résultats actuels de l’insécurité alimentaire, octobre 2024

     Sur la base de l'analyse des conditions de sécurité alimentaire, FEWS NET évalue ensuite dans quelle mesure les ménages sont susceptibles de satisfaire leurs besoins caloriques minimaux. Cette analyse fait converger les preuves des conditions de sécurité alimentaire avec les preuves directes disponibles de la consommation alimentaire au niveau des ménages et de l'évolution des moyens d’existence ; FEWS NET prend également en compte les preuves disponibles au niveau régional sur l'état nutritionnel et la mortalité, en se concentrant sur si celles-ci reflètent les impacts physiologiques de l'insécurité alimentaire aiguë plutôt que d'autres facteurs non alimentaires. En fin de compte, FEWS NET utilise l’échelle de Classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC) en cinq phases mondialement reconnue pour classer les résultats actuels de l’insécurité alimentaire aiguë. De plus, FEWS NET applique le symbole de « ! » pour désigner les zones où la Phase de l’IPC cartographiée serait probablement pire d'au moins une Phase de l’IPC sans les effets de l'assistance alimentaire humanitaire en cours.

    Port-au-Prince :

    Les personnes déplacées vivant dans les sites d'accueil, principalement dans la commune de Port-au-Prince, se trouvent en situation d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) en raison de la perte de leurs moyens d'existence, provoquée par leur fuite des zones d'origine en raison de l'insécurité. L'insécurité persistante autour des sites et les affrontements entre groupes armés continuent de les priver de leurs sources de revenus, notamment le petit commerce, les obligeant à recourir à la mendicité, au vol ou à la délinquance juvénile pour subvenir à une partie de leurs besoins caloriques minimums. Dans ce contexte, l'inflation alimentaire, qui atteint environ 40 pour cent, limite davantage leur capacité à maintenir une consommation alimentaire adéquate, dégradant progressivement leur état nutritionnel. En effet, le taux de la malnutrition aigüe globale (MAG), selon les données de l’ENSSAN 2024 est autour de 25 pour cent dans les sites des déplacés internes. Par ailleurs, l'assistance alimentaire reste largement insuffisante. Les données disponibles de janvier à juillet indiquaient une couverture moyenne de 20 pour cent de personnes déplacées dans les sites dans le ZMPP. Cependant, en raison de la distribution aléatoire des vivres ou des repas chauds, les mêmes ménages ne bénéficient pas régulièrement des assistances alimentaires. Néanmoins, les données récentes ou des mises à jour de la part du Cluster de sécurité alimentaire ne sont pas encore disponibles. 

    En outre, les entretiens auprès des personnes déplacées dans les sites d'accueil de Port-au-Prince n'ont pas révélé de décès dus à la faim. Selon des témoignages recueillis dans les sites, notamment au Champs de Mars, les rares organisations comme le PAM, l'OIM ou Solidarité Internationale fournissent une aide insuffisante par rapport au nombre de personnes dans le besoin. Dans certains sites visités, ces témoignages aussi informent de l’existence de l'appropriation de l'aide, qui est déjà insuffisante pour les résidents, par des personnes extérieures aux sites. L'insécurité ambiante continue d'entraver la distribution de l'aide humanitaire, aggravant la situation.

    ZMPP/Cité Soleil : 

    Les attaques armées des gangs, outre les affrontements entre bandes rivales, continuent de sévir dans différents quartiers de la région métropolitaine de Port-au-Prince (notamment Cité Soleil, mais aussi Croix-des-Bouquets, Tabarre, Bel-Air/Solino, Carrefour, Gressier, Pétion-Ville et Centre-ville de Port-au-Prince). Les ménages de ces zones de conflit subissent des perturbations continues de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, des déplacements de population et de la capacité réduite à répondre à leurs besoins fondamentaux. Leurs principales sources de revenus, y compris les activités informelles (petit commerce, le transport public, la vente ambulante, entre autres), et d’approvisionnement en nourriture, se sont détériorées et avec cela leur sécurité alimentaire et nutritionnelle. 

    Cette situation entraîne un niveau élevé des prix des produits alimentaires de base par rapport à la moyenne des trois dernières années, outre l’inflation globale des produits locaux et importés proches, respectivement, 30 et 29 pour cent en glissement annuel, selon IHSI. Dans un contexte de prix élevé et de faibles revenus, l’accès pour les acteurs humanitaires s’est davantage détérioré par rapport à la Perspective précédent. Conséquemment, la prévalence de la malnutrition des enfants de moins de cinq ans s’est aggravée. La malnutrition aiguë globale basée sur l'indice de poids-pour-taille en z-score (MAG basée sur le PTZ) pour la ZMPP était de 4.8 pour cent en 2023, selon l’analyse SMART. La moyenne de la MAG basée sur le PTZ d’avril à juillet 2024 a été de 9.9 pour cent, selon le ministère de la Santé Publique.  

    La crise économique et sécuritaire persistante conduit les ménages pauvres et très pauvres à adopter des stratégies d’adaptation de crise et d’urgence, notamment à Cité Soleil. Ainsi, ces ménages adoptent des stratégies de survie telles que la mendicité, la migration, le retrait des enfants de l’école, le placement des enfants en domesticité et la délinquance juvénile. Par conséquent, la ZMPP continue de faire face à une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) dans son ensemble. Cependant, Cité Soleil et des poches des ménages très pauvres situés dans d’autres quartiers des communes de la zone (Croix-des-Bouquets, Port-au-Prince, Carrefour, Delmas), en proie à la violence des gangs, ainsi que les camps de déplacés de la capitale, font face à une insécurité alimentaire aigüe d’Urgence (Phase 4 de l’IPC). Afin de subvenir à leurs besoins alimentaires et non alimentaires, ces populations ont eu recours à des stratégies de protection des moyens d’existence comme la liquidation d’actifs productifs (vélo/bicyclette, mototaxi), la vente de vêtements ou de biens ménagers (radio, télévision, entre autres), l’abandon des lieux habituels d’activités génératrices de revenu (le petit commerce) et l’entraide sociale (partage de repas). 

    Le Nord-Ouest HT01 et HT02 (notamment Baie-de-Henne, Môle Saint‑Nicolas et La Tortue) : 

    Les résultats de l’insécurité alimentaire Crise (Phase 3 de l’IPC) sont observés dans les zones Nord-Ouest HT01 et HT02 avec des groupes de ménages en Urgence (Phase 4 de l’IPC) dans les communes de Baie-de-Henne, du Mole Saint Nicolas et de la Tortue. Ces régions ont du faire face au retard des pluies, resultant en une campagne de printemps tardive, donc peu performante (récoltes en-dessous de la moyenne), qui hypotèque aussi les campagnes agricoles d’été/automne. Il en resulte une baisse de la demande de travailleurs agricoles dans la zone, conduisant ainsi à des revenus en-dessous de la moyenne pour les pauvres et tres pauvres. En outre, la cherté des produits alimentaires de base et du transport public, en raison de l’insécurité sur les routes nationales numéro 1 et 5 (Gonaïves-Port-de-Paix), limite l’approvisionnement normal du bas Nord-Ouest en produits alimentaires de base en provenance de Port-au-Prince et de l’Artibonite (Gonaives).

    Le Grand Sud (Sud, Sud-Est, Grand’Anse) : 

    Hormis les Nippes et quelques communes du Sud et du Sud-Est et de la Grand’Anse, la région a enregistré des récoltes proches de la moyenne, notamment pour le maïs, augmentant la disponibilité des produits alimentaires locaux sur les marchés, conduisant à une baisse de leurs prix. Malgré tout, la région est encore en proie à une insécurité alimentaire aiguë de Crise (Phase 3 de l’IPC). En effet, l’afflux des déplacés internes fuyant la violence à Port-au-Prince continue de peser lourdement sur les moyens d’existence des familles d’accueil dans ces zones, obligées d’adopter des stratégies d’adaptation négatives de crise (l’achat à crédit de nourriture, la cueillette de produits végétaux sauvages, la réduction des dépenses non-alimentaires, le retrait des enfants de l’école, augmentation de la vente de bois et la réduction de la quantité et de la qualité des repas journaliers). Quant aux stratégies de protection de moyens d’existence, la vente ou la mise en pension d’équipements de production, la vente d’objets ménagers et de petits animaux (volailles, caprins), sont, entre autres, les plus utilisées. Les revenus des agriculteurs, qui ne peuvent pas transporter leurs excédents de production à Port-au-Prince, ont également chuté. Normalement, ces agriculteurs emploient de la main d’œuvre, mais en raison de cette baisse de revenus, leur capacité d’embauche de travailleurs pour les campagnes d’été/automne, voire d’hiver va baisser. La demande des travailleurs agricoles diminue donc induisant des revenus en-dessous de la moyenne pour cette catégorie, n’ayant pas d’autres opportunités de revenu. 

    De plus, selon l'IHSI, la région du Grand Sud connaît encore le taux d'inflation général le plus élevé, soit de 29.1 pour cent, après la région de l’Ouest, dont le taux d’inflation dépasse 30 pour cent. Signe indicateur d’un accès très limité aux produits alimentaires et non alimentaires de base. Cela s’explique en particulier par des coûts du transport de marchandises élevés (par voie maritime ou terrestre) à cause des gangs armés contrôlant divers segments de la route nationale numéro 2 connectant cette région au département de l’ouest et en imposant des frais de passage illégaux aux transporteurs. A noter qu’il existe environ 12 postes de péage sur cet axe routier reliant quatre départements de la presqu’ile du Sud au département de l’Ouest et à la Capitale. Ces coûts de transport additionnels se reflètent donc dans les prix au détail des produits alimentaires et non alimentaires de base, ceci à tous les niveaux de la chaine d’approvisionnement dans la région, multipliant considérablement le prix final à la consommation. 

    Le reste du pays :

    D’autres régions du pays demeurent en Crise (Phase 3 de l’IPC), en raison des revenus en-dessous de la moyenne dans un contexte de prix élevés des produits de base alimentaires et non alimentaires. Certaines communes ont quelques poches de ménages en Urgence (Phase 4 de l’IPC), résultant de la perte de récoltes et des revenus en-dessous de la moyenne, en proie donc aux déficits de consommation alimentaire et de protection de moyens d’existence. Les ménages en Crise adoptent les stratégies de crise et de protection de moyens d’existence énumérées précédemment tandis que ceux en situation d’Urgence recourent aux stratégies de survie telles que la mendicité, l’envoie des enfants manger ailleurs et les placer aussi en domesticité. Les stratégies de protection de moyen d’existence plus utilisées pour les ménages en Crise sont celles consistant en la vente d’actifs productifs (terres, équipements de production, entre autres), tandis que les ménages en Urgence ont recours à la vente d’animaux femelles, de bois et de charbon de bois beaucoup plus que d’habitude, ainsi qu’à des sources de revenus inhabituelles (vente d’objets usagés à faible valeur marchande ou revente de ramas des matériels en plastique). C’est le cas de Belle-Anse (Sud-est HT01), Corail, Pestel ( Grand’Anse HT08), les communes situées sur la côte Sud (Sud HT08), le Nord HT03, le Haut Plateau Central (Centre HT03) et toutes les zones de moyens d’existence dans l’Ouest (La Gonave, Grand Goave. Croix-des-Bouquets, Cornillon/Grand Bois, Thomazeau). Les producteurs les plus pauvres de ces régions connaissent une réduction de leurs bénéfices en raison du coût élevé des intrants, de la rareté et du coût élevé de la main d'œuvre agricole et des perturbations de la chaîne de distribution liées à l'insécurité dans l'Ouest et dans l’Artibonite. De plus, les activités de la campagne agricole d’automne (préparation de sols, opérations de semis) sont inférieures à la normale, en raison du manque de soutien aux agriculteurs. Cependant, dans le département du Sud, environ 50 hectares de terre par commune sont labourés par voie motorisée, selon un informateur clé du Ministère de l’Agriculture est entrain de labourer. Somme toute, les revenus des activités agricoles d’automne sont en-dessous de la normale pour l’ensemble du pays.

    Cette situation est à la base de la détérioration de l'accès des pauvres et très pauvres aux aliments. La crise sociopolitique persistante et l'insécurité, compromettant la stabilité économique globale du pays, sont parmi les facteurs aggravants de la détérioration des conditions de sécurité alimentaire à travers le pays. Les ménages pauvres et très pauvres, qui dépendent généralement de la vente de leurs récoltes ou de leur main-d’œuvre, se tournent vers d'autres activités pour subvenir à leurs besoins, telles que des travaux non agricoles (la lessive, des travaux domestiques en ville) et l’intensification de la vente de charbon. Pour acheter de la nourriture, ces ménages adoptent également des stratégies d’adaptation de crise comme le recours à l’emprunt, la vente d’animaux beaucoup plus que d’habitude et d’actifs productifs (terres, équipement de production, animaux femelle). 

    La situation nutritionnelle des enfants de moins de cinq ans demeure préoccupante. Au niveau national, les résultats de l’ENSSAN 2024 indiquent un taux de malnutrition aiguë globale basée sur le périmètre brachial (MAG basée sur le PB) de 11,7 pour cent chez les enfants âgés de 6 à 59 mois. Les zones les plus touchées par la MAG incluent les camps de déplacés internes (24,6 pour cent), le Nord-Ouest (14,7 pour cent), la ZMPP (14,2 pour cent) et la Grand’Anse (13,8 pour cent). Ces résultats mettent en évidence à nouveau la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire des populations vivant dans les camps, où l'accès limité aux services de base et aux soins de santé expose davantage ces enfants à des risques nutritionnels élevés.

    Suppositions clés sur les conditions atypiques de sécurité alimentaire jusqu’à mai 2025

    La prochaine étape du processus d'élaboration de scénarios de FEWS NET consiste à développer des suppositions fondées sur des preuves sur les facteurs qui affectent les conditions de sécurité alimentaire. Cela inclut les dangers et les anomalies dans les conditions de sécurité alimentaire qui affecteront l'évolution de l'alimentation et des revenus des ménages au cours de la période de projection, ainsi que les facteurs qui pourraient affecter l’état nutritionnel. FEWS NET développe également des suppositions sur les facteurs censés se comporter normalement. Ensemble, ces suppositions sous-tendent le scénario « le plus probable ». La séquence de formulation des suppositions est importante ; les suppositions primaires (par exemple, les attentes relatives aux conditions météorologiques) doivent être élaborées avant les suppositions secondaires (par exemple, les attentes relatives à la production agricole ou animale), les suppositionsqui sous-tendent cette analyse et les principales sources de preuves utilisées pour élaborer les suppositions sont énumérées ci-dessous : ces listes ne sont pas exhaustives.

    Suppositions nationales

    • Malgré les changements importants au sein de la direction de la Police nationale d’Haïti (PNH) et l’arrivée des premiers contingents de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) composée de policiers kenyans, la violence des gangs a continué à des niveaux extrêmes dans Port-au-Prince et s’est propagée en dehors de Port-au-Prince, notamment dans le département de l’Artibonite. Cette violence devrait augmenter jusqu’en mai 2025.
    • L’accroissement continue de la violence dans la ZMPP augmenterait le nombre des déplacés internes dans la capitale et vers d’autres destinations, en particulier vers le Grand Sud du pays. 
    • Des niveaux élevés d'incertitude politique et de fragmentation devraient compromettre la capacité de l'État à lutter contre l'influence croissante des gangs et donc sa capacité à fournir des biens et services de base, exacerbant ainsi l’insécurité alimentaire, en particulier à Port-au-Prince.
    • L'approvisionnement des marchés urbains, notamment les marchés de la Croix-des-Bossales et de la Croix-des-Bouquets, demeurerait perturbé en raison de l’insécurité sur les routes nationales, ainsi qu'au contrôle exercé par les gangs armés sur ces axes routiers. La circulation limitée des marchandises dans la ZMPP nécessitera d’approvisionner d’autres marchés en produits locaux ou régionaux. 
    • Les récoltes des campagnes agricoles d'automne 2024 et d'hiver 2025 et les activités agricoles de printemps 2025 pourraient être inférieures à la moyenne quinquennale en raison de l'accès limité à certaines zones agricoles dû à l'insécurité, ainsi que de la faible capacité de financement des agriculteurs pour l’acquisition des intrants nécessaires. En plus, l’irrégularité dans la distribution spatio-temporelle des pluies, l’évapotranspiration accrue du sol causée par des températures élevées au-dessus de la moyenne compromettront ces campagnes agricoles.
    • Le gouvernement prévoit encore une stagnation de l’économie pour l’année fiscale 2024-2025, avec un taux de croissance du PIB de 1 pour cent. 
    • Selon les prévisions du Gouvernement pour 2025, une inflation annuelle de 19 pour cent serait enregistrée. Toutefois, compte tenu de la persistance de l'instabilité des conditions politiques et sécuritaires, qui continuerait à perturber les chaînes d'approvisionnement et à exercer une pression accrue sur les coûts de production et de transport, l’inflation annuelle devrait rester supérieure à 25 pour cent.  
    • Le revenu des ménages pauvres, tant en milieu rural qu'en milieu urbain, serait vraisemblablement en dessous de la moyenne quinquennale, en raison de la baisse continue de leurs principales activités économiques. En milieu rural, la diminution des revenus découlerait de la baisse de la demande de main d’œuvre agricole causée par la diminution de la capacité d’embauche des agriculteurs mieux lotis. En milieu urbain, le petit commerce, une autre source clé de revenu, subirait également une baisse notable en raison des restrictions de mouvement. L’augmentation des coûts de transport et une diminution de l'accessibilité des produits, avec une demande réduite, conduiraient à une réduction significative des ventes.

    Assistance alimentaire d’urgence

    Les niveaux d'aide alimentaire devraient rester similaires à ceux du premier semestre de l'année. Cependant, en raison des difficultés persistantes de ciblage lors de la distribution, ainsi que de la quantité relativement faible et variée de cette assistance, il est prévu que les niveaux d’assistance alimentaire humanitaire resteront inférieurs aux seuils IPC requis pour cartographier l'assistance, sans changement dans les phases de classification dans aucun département. 

    Tableau 1. 

    Principales sources de données utilisées pour élaborer les suppositions ci-dessus

    Principales sources de données
    Prévisions météorologiques produites par le Centre de prévision climatique de la NOAAAnalyses des conflits produites par ACLEDPLSO, Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) et d'autres sourcesEntretiens avec des informateurs clés, notamment les collecteurs de prix de FEWS NET, les leaders communautaires, entre autres
    Rapports d'analyse des flux commerciaux et du taux de change de S&P Global Commodity InsightsEnquête sur les revenus hors ferme menée en mai 2024 par GeoPoll pour le compte de FEWS NETPerspectives économiques de la Banque Mondiale
    Perspectives régionales sur l'approvisionnement et les marchés de FEWS NETRapport annuel sur les céréales produit par le Département de l'Agriculture des États-Unis (USDA)Plans de distribution d'aide alimentaire du Cluster de sécurité alimentaire, y compris une analyse des tendances historiques
    OIM : Haïti — Rapport sur la situation de déplacement interne en Haïti — Round 7 (juin 2024)BRH : Note sur la politique monétaire, octobre 2023-mars 2024BRH : Transferts sans contreparties, tendance, distribution et dynamique du marché
    Résultats estimés les plus probables de l’insécurité alimentaire aiguë jusqu’en mai 2025

    En utilisant les suppositions clés qui sous-tendent le scénario « le plus probable », FEWS NET est alors en mesure de projeter les résultats de l’insécurité alimentaire aiguë avec un niveau de confiance raisonnable en évaluant l’évolution de la capacité des ménages à satisfaire leurs besoins caloriques minimaux tout au long de la période de projection. Semblable à l’analyse des résultats actuels de l’insécurité alimentaire aiguë, FEWS NET fait converger les attentes concernant la trajectoire probable de la consommation alimentaire au niveau des ménages et de l’évolution des moyens d’existence avec l’état nutritionnel et de la mortalité au niveau de la zone. FEWS NET classe alors les résultats de l’insécurité alimentaire aiguë.  Enfin, FEWS NET utilise le symbole de « ! » pour désigner les zones dans lesquelles la Phase de l’IPC cartographiée serait probablement pire d’au moins une Phase IPC sans les effets de l’assistance alimentaire planifiée – et susceptible d’être financée et fournie.

    La situation actuelle de sécurité alimentaire en Haïti, marquée par des niveaux de Crise (Phase 3 de l'IPC) et d'Urgence (Phase 4 de l'IPC), devrait perdurer jusqu'en mai 2025 en raison d'une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels qui affectent directement la consommation alimentaire des ménages les plus pauvres. Sans aucun changement prévu dans la violence incontrôlée des gangs principalement dans la ZMPP, qui entrave les moyens d’existence, les tendances des facteurs déterminants de l’insécurité alimentaire énumérées ci-dessus se poursuivront sans amélioration. Par conséquent, les déplacements internes devraient augmenter, tout comme la pression sur les zones d’accueil déjà tendues. 

    Du point de vue économique, les chaînes d’approvisionnement dysfonctionnelles et la très faible disponibilité des produits alimentaires de base sur le marché persisteront alors que leurs prix restent supérieurs à la moyenne, ainsi qu’une inflation élevée (autour de 30 pour cent en glissement annuel). Dans le même temps, la baisse de revenus, tant pour les ménages pauvres urbains (du petit commerce) que ruraux, leur laissera un pouvoir d'achat minimal.

    Les opportunités de travail agricole pour les ménages ruraux resteront rares, principalement en raison du manque d'accès aux terres arables. Ceci, combiné à l’augmentation des coûts de production (intrants et main-d’œuvre agricole), ainsi qu’au manque de sources d’emploi alternatives, devrait maintenir leurs revenus à un niveau bas. En conséquence, des récoltes inférieures à la moyenne entraîneront probablement une production tout aussi faible pour les saisons agricoles jusqu’en mai 2025.

    Les ménages en Crise et d’Urgence continueront d’adopter des stratégies négatives de survie et de protection des moyens d’existence. La consommation alimentaire des ménages les plus pauvres nécessitera qu’ils continuent à recourir à des stratégies d’adaptation (repas peu fréquents et moindres en quantité, qualité, variété, valeur énergétique et nutritionnelle) qui ne suffiront pas à satisfaire leurs besoins alimentaires. En outre, les niveaux de malnutrition aiguë modérée et sévère devraient rester élevés dans plusieurs régions du pays jusqu'en mai 2025, compte tenu de l'incapacité de l'État à fournir les services de base, notamment dans le secteur de la santé.

    Dans ce contexte, rien ne devrait changer dans la situation des ménages en proie à l’insécurité alimentaire de Crise et d’Urgence. Une situation d'Urgence (Phase 4 de l’IPC) à Cité Soleil et aux poches de ménages dans certaines communes du Nord-ouest, du Sud-Est et de la Grand’Anse, et une situation généralisée de Crise (Phase 3 de l’IPC) persisteront jusqu’en mai 2025.

    La situation d’insécurité alimentaire aiguë de Crise généralisée et d’Urgence à Cité Soleil demeure jusqu’en mai 2025. La situation actuelle de sécurité alimentaire en Haïti, marquée par des niveaux de Crise (Phase 3 de l'IPC) et d'Urgence (Phase 4 de l'IPC), devrait perdurer jusqu'en mai 2025 en raison d'une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels qui affectent directement la consommation alimentaire des ménages les plus pauvres et la situation nutritionnelle de la population. Bien que de nouveaux agents de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) soient attendus, la violence des gangs demeurera incontrôlée et continuera de s'étendre au-delà de Port-au-Prince. Cette insécurité persistante entraînera une augmentation des déplacements internes, qui, à leur tour, accentueront la pression sur les zones d’accueil déjà vulnérables, aggravant ainsi l'accès des ménages déplacés à une alimentation adéquate.

    Le dysfonctionnement des chaînes d'approvisionnement en raison des contrôles exercés par les gangs sur les principaux axes routiers et l’insécurité au niveau du port de Port-au-Prince compromettent l'approvisionnement des marchés en denrées de base. Cette rareté, combinée à une forte inflation, qui devrait rester autour de 30 pour cent en glissement annuel, continuera d'affecter gravement le pouvoir d'achat des ménages pauvres, limitant leur accès à une alimentation diversifiée et nutritive. Des récoltes inférieures à la moyenne exerceront une pression sur les budgets des ménages, qui devront s'appuyer davantage sur les marchés dans un contexte de prix bien supérieurs à la moyenne. 

    La consommation alimentaire des ménages les plus vulnérables restera insuffisante, marquée par des repas peu fréquents pris en faible quantité et peu variés, souvent composés uniquement de produits de faible valeur énergétique et nutritive. En milieu urbain, les revenus provenant du petit commerce subiront une baisse notable à cause des perturbations logistiques, réduisant la capacité des ménages à accéder aux marchés. En milieu rural, les opportunités de travail agricole diminueront en raison de la hausse des coûts de production et de l'insécurité qui limite l'accès aux terres cultivables. Ce manque de ressources maintiendra la difficulté d’accès à la nourriture pour les ménages pauvres.

    Dans ce contexte, rien ne devrait changer dans la situation des ménages en proie à l’insécurité alimentaire de crise et d’urgence. En effet, les ménages en crise continueront d’adopter les stratégies de survie négatives et de protection des moyens d’existence évoquées plus haut. Ils resteront donc en insécurité alimentaire de crise (Phase 3 de l’ICP). En outre, les poches de ménages en situation d’urgence dans certaines communes du Nord-ouest, du Sud-est, de la Grand’Anse, maintiennent l’emploi des stratégies de survie et de protection de moyen d’existence d’urgence, également énumérées plus haut. Ainsi, il est très probable que les niveaux de malnutrition aiguë modérée et sévère y resteront élevés jusqu'en mai 2025, exacerbant la situation humanitaire dans plusieurs régions du pays. L'incapacité de l'État à fournir des services de base, notamment dans le secteur de la santé, aggravera encore cette situation, limitant l'accès à des soins nutritionnels adéquats. En résumé, la conjonction de la violence, des perturbations économiques, de l'inflation et de la baisse des revenus continuera de maintenir une situation d'Urgence (Phase 4 de l’IPC) à Cité Soleil et une situation généralisée de Crise (Phase 3 de l’IPC) jusqu’en mai 2025.

    Évènements qui pourraient changer les résultats projetés de l’insécurité alimentaire aiguë

    Même si les projections de FEWS NET se concentrent sur le scénario « le plus probable », ce scénario repose sur une série de suppositions. Le niveau de confiance dans ces suppositions varie et il existe toujours un certain degré d’incertitude dans les prévisions à long terme, ce qui signifie que les conditions de la sécurité alimentaire et leurs impacts sur les résultats aigus de la sécurité alimentaire peuvent évoluer différemment de ce qui était initialement prévu. FEWS NET publie des mises à jour mensuelles de ses projections, mais les décideurs ont besoin d'informations préalables sur cette incertitude et d'une explication des raisons pour lesquelles les choses peuvent se dérouler différemment de ce qui était prévu. En tant que tel, la dernière étape du processus d’élaboration de scénarios de FEWS NET consiste à identifier brièvement les événements clés qui aboutiraient à un scénario alternatif crédible et modifieraient considérablement les résultats projetés. FEWS NET considère uniquement les scénarios qui ont une chance raisonnable de se produire.

    National 

    Avancement rapide et efficace du déploiement complet de la force étrangère de maintien de la paix

    Impact probable sur les résultats de l’insécurité alimentaire aiguë : Au niveau national, l’avancement rapide et efficace du déploiement complet de la force étrangère de maintien de la paix pourrait grandement contribuer à limiter les niveaux de violences contre la population et créer un environnement favorable et sécuritaire en général. Cela permettra des activités commerciales normales et mêmes à l'organisation des élections libres. Cela conduirait à réduire les ménages en Urgence (Phase 4 de l’IPC) et en Crise (Phase 3 de l’IPC) jusqu’à changer la phase de certaines zones, notamment dans les zones urbaines et périurbaines.

    Des ouragans majeurs dans les zones vulnérables de production agricole : Sud, Sud-Est, Nippes, Grand’Anse, Ouest, Nord-Ouest, notamment durant la première période du scenario (octobre 2024-janvier 2025)

    Impact probable sur les résultats de l’insécurité alimentaire aiguë : Des ouragans majeurs entraîneraient des inondations, dévastant ainsi les cultures en place, emportant le bétail, et causant des dommages aux infrastructures critiques (les routes, les ponts, les systèmes de distribution d'eau et d'assainissement et les infrastructures agricoles). Ces conséquences entraîneraient des pertes économiques considérables pour les agriculteurs et créeraient des pénuries alimentaires au sein des communautés touchées. De plus, cela peut accroître les risques pour la santé en favorisant la propagation de maladies liées à l'eau, en contaminant les sources d'eau potable et en créant des conditions propices à la reproduction de vecteurs de maladies. Potentiellement les moyens d’existence des ménages les plus pauvres seraient sévèrement affectés, potentiellement conduisant à une augmentation significative du nombre des ménages en situation d'insécurité alimentaire aiguë de Crise (Phase 3 de l’IPC) dans les zones touchées comme la presqu’ile du Sud (Nippes, Grand’Anse et Sud), le Sud-Est, l’Ouest et le Nord-Ouest.

    Aperçu d’une zone de préoccupation Cité Soleil (Figure 7)
    Figure 7 : Carte de délimitation de la zone de préoccupation Cité Soleil de la ZMPP

    Source: FEWS NET

    La raison du choix de cette zone : Bien que les moyens d’existence en Haïti puissent être perturbés par les catastrophes naturelles (cyclones, inondations, sécheresse, pestes), ils ont été les plus durement touchés par la crise sécuritaire qui sévit dans la capitale haïtienne. Ainsi, toutes les zones de moyens d’existence connaissent une situation de crise aigüe, y compris la ZMPP. Cette dernière reste le principal foyer de l’insécurité qui frappe le pays, avec de nombreuses conséquences, dont en particulier les flux de déplacés internes. Les déplacements de population, les violences et le pillage, entre autres, paralysent les activités informelles de subsistance qui sont cruciales pour les pauvres et les très pauvres de cette zone. Il s’avère donc important de considérer la situation de sécurité alimentaire des ménages très pauvres dans cette zone, dont en particulier dans la commune de Cité Soleil, affectée par une insécurité quasi récurrente.

     

    Période d’analyse :Mois à Mois AnnéeMois à Mois Année
    Classification la plus élevée au niveau de la zone Urgence (Phase 4 de l’IPC)Urgence (Phase 4 de l’IPC)
    Classification la plus élevé au niveau du ménageUrgence (Phase 4 de l’IPC)Urgence (Phase 4 de l’IPC)

     

    Dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince (ZMPP), la situation sécuritaire s'est détériorée par rapport aux mois précédents (mai à juillet), où les activités des gangs et les opérations de police ont un impact sur les transports publics et les flux de marchandises ne peuvent pas atteindre les marchés de la région de l'ouest, notamment Port-au-Prince. De plus, après une accalmie en juin et juillet, les attaques de gangs rivaux resurgissent à Cité Soleil, au cours de septembre entraînant de nouveaux flux de personnes déplacées cherchant refuge dans les communautés d’accueil ou dans les sites de déplacés internes existants. Selon l’OIM, 75 pour cent des déplacés résultant des affrontements qui ont éclaté au début de septembre, proviennent de Cité Soleil. Cette situation perturbe encore sévèrement les activités génératrices de revenus des plus pauvres.

    Les sources principales de revenus pour les très pauvres, sont toujours le petit commerce (plus de 40 pour cent de leur revenus), le travail occasionnel (environ 38 pour cent), la vente ambulante de produits (15 pour cent). Présentement, ces sources de revenus demeurent en-dessous de la moyenne, exaspérées par les escalades de violence qui ont saccagé la capitale haïtienne, et de manière particulière, Cité Soleil. Selon une enquête du PAM en août 2024, 63 pour cent des ménages interrogés dans la zone estiment que leur première source de revenu, à savoir l’auto-emploi (dont le petit-commerce), est inférieure à la moyenne. Ces revenus sont impactés à plus d’un titre. Premièrement, l’insécurité touche de plein frais les activités informelles des rues, beaucoup de petits détaillants ont dû laisser leurs zones de résidence pour se réfugier dans des abris provisoires ou les camps de déplacés dans la capitale. En second lieu, le niveau élevé des prix des produits de base, combiné au ralentissement de la demande, entraîne une érosion du pouvoir d’achat des ménages pauvres et très pauvres dans la zone. Selon un informateur clé dans la zone, de telles activités sont réduites, les individus ne pouvant pas prendre les rues comme d’habitude à cause de l’insécurité. Certains chefs de familles travaillaient dans les entrepôts au centre-ville comme journaliers. La fermeture ou la délocalisation de ces maisons de commerce entraine un niveau de chômage important dans la zone.

    Le marché est la principale source d’approvisionnement en nourriture pour tous les groupes de ménages urbains. En outre, l’achat et la consommation de nourriture préparée dans les rues est aussi très répandue. La seule différence est que les sources de calories ou la qualité de la diète varient d’un groupe à l’autre. Pour les plus pauvres, l’achat de nourriture dans les rues est une source importante de calories. Les nourritures les plus prisées ou plus accessibles sont : les pâtés, le spaghetti, le sandwich aux œufs, et les plats chauds, constitués de riz aux sauces de toute sorte. 

    Les conditions actuelles, comme les difficultés d’approvisionnement des marchés urbains et l’enchérissement des produits alimentaires rendent la disponibilité et l’accessibilité des aliments de base très difficiles en ce moment. Les produits locaux sont de plus en plus rares sur les marchés, notamment le riz et le maïs, en raison du blocage des routes nationales limitant la circulation des personnes et des marchandises. Il en résulte une baisse de l'approvisionnement des marchés et surtout une rigidité des prix des produits alimentaires de base qui restent élevés par rapport à la moyenne des trois dernières années. 

    En effet, le coût mensuel de la quantité minimale de kilocalories consommées par famille, qui était de 6 300 et 6 500 gourdes respectivement en 2020 et 2021, s’élève à près de 16 000 gourdes au cours des huit premiers mois de l’année 2024. Le riz à lui seul compte pour 42 pour cent en moyenne du coût de la diète alimentaire des plus pauvres, suivi par la farine de blé (plus de 18 pour cent). Dans ce contexte, le niveau élevé des prix de tels produits ne fait que creuser davantage le déficit alimentaire à l’échelle des familles pauvres et très pauvres.

    Il en résulte que les ménages ont un accès de plus en plus faible, avec le niveau des prix actuels et le manque d’opportunités de revenus. Face à cette situation, les ménages, non seulement sont en but à l’insécurité mais aussi à une forte prévalence de la malnutrition aigüe. Ils sont donc contraints d’adopter des stratégies de survie comme la mendicité, l’envoie des enfants manger ailleurs, le placement des enfants en domesticité et le retrait des enfants de l’école. Quant aux stratégies des moyens d’existence, elles sont au bord de l’épuisement et consistent en la vente des objets domestiques (bijoux, téléphones), des biens électroménagers (réfrigérateurs, radio, téléviseur) et des actifs productifs (le vélo, la motocyclette), respectivement utilisés habituellement pour les activités de petit commerce ou ambulantes et de transport public.  

    Figure 8 : Prix du riz importé (4% de brisure) sur le marché de Croix-des-Bossales, Port-au-Prince (HTG/6 livres)

    Source: FEWS NET

    Entre octobre 2024 et janvier 2025, les ménages très pauvres et pauvres font toujours face au déficit de consommation alimentaire en raison de la détérioration de leurs moyens d’existence. Le petit commerce, la vente ambulante pourront rebondir, surtout avec les festivités de fin d’année. Cependant, l’insécurité demeure le facteur prédominant qui affecte les activités génératrices de revenus des ménages et sans un changement de la situation sécuritaire, les revenus saisonniers ne peuvent pas compenser la baisse des salaires et la diminution du pouvoir d’achat des ménages très pauvres. Ainsi, vue la profondeur de la crise actuelle et ses impacts sur les moyens d’existence et les sources de revenus des plus pauvres, une situation d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) est anticipée à Cité Soleil jusqu’en janvier 2025. 

    Entre février et mai 2025, la consommation alimentaire dépendra toujours des achats aux marchés, tant pour les nourritures fabriquées dans les rues que pour celles préparées à la maison, où le riz, la farine, les pâtes alimentaires seront toujours très prisées. La baisse du pouvoir d’achat et le manque d’opportunités de revenus auront un impact négatif sur la quantité et la qualité de la diète alimentaire des ménages pauvres et très pauvres.

    Tenant compte du niveau d’inflation globale et de la baisse significative des revenus, les plus pauvres recourront encore à la mendicité, envoient leurs enfants manger ailleurs, ou les placent en domesticité et pratiqueront la vente de biens du ménage ou d’articles productifs, entre autres. Leur consommation alimentaire sera entravée par les prix des produits alimentaires de base très élevés par rapport à la moyenne triennale, notamment le riz importé très prisé dans la consommation des plus pauvres.

    . La situation des moyens d’existence ne s’améliorera pas, vue la profondeur de la crise actuelle paralysant l’économie dans les principales artères de la capitale, en particulier au centre-ville. En effet, la deuxième période de perspective, en dehors de tout choc majeur, est habituellement une période durant laquelle la situation de sécurité alimentaire se détériore davantage, étant coïncidée avec la période de soudure (mars-mai) et les prix saisonniers élevés. Dans cette perspective, l’insécurité alimentaire d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) sera toujours observée à Cité Soleil. 

     

    Citation recommandée: FEWS NET. Haïti Perspectives sur la sécurité alimentaire Octobre 2024 - Mai 2025: L’insécurité alimentaire généralisée de Crise demeure, aggravée par la violence, l'inflation des prix alimentaires et les déplacements internes, 2024.

    Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.

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