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Malgré la baisse de l’inflation, l’insécurité et les déficits de production agricole entraînent une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l'IPC) généralisée en Haïti

Malgré la baisse de l’inflation, l’insécurité et les déficits de production agricole entraînent une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l'IPC) généralisée en Haïti

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  • Messages clé
  • Contexte national
  • Calendrier saisonnier pour une année typique
  • Zone de préoccupation Ouest HT07 Haricot, Banane et petit commerce, Arrondissement de Croix-des-Bouquets (Figure 5)
  • Zone de moyens d’existence haricot, banane et petit commerce (HT07) dans la Grand-Anse (Figure 7)
  • Messages clé
    • Les affrontements armés récurrents entre gangs rivaux au centre-ville de Port-au-Prince, particulièrement à Cité Soleil, perturbent les marchés et les activités génératrices de revenu pour les ménages les plus vulnérables. Les impacts de la violence sur leur accès à la nourriture et aux revenus entraînent d’importants déficits de consommation alimentaire et de protection des moyens d’existence. Cela les contraint à recourir aux stratégies d’adaptation d’urgence, telles que la mendicité, l’envoi des membres de ménages manger ailleurs, ainsi que la délinquance juvénile. Une insécurité alimentaire aiguë d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) se maintient dans cette commune.
    • Outre la violence des gangs qui perturbe les sources de revenus, l’inflation élevée en glissement annuel, bien que tendant à la baisse depuis février 2023 (Banque centrale d’Haïti, 2023) , ainsi que les faibles opportunités d’emploi dues à  l’atonie de l’économie haïtienne, continuent de grever le pouvoir d’achat des ménages pauvres et très pauvres. De surcroit, des précipitations irrégulières et des températures supérieures à la moyenne au cours des saisons de production agricole du printemps, de l’été et de l'automne 2023, selon l’USDA, devraient entraîner une baisse de 4 à 5 pour cent de la production de maïs et de riz par rapport à la moyenne quinquennale. Les petits agriculteurs réservent généralement les semences de leur propre récolte pour la prochaine saison de plantation, mais la baisse de la production devrait réduire ces réserves. L'achat de semences tend à être prohibitif pour cette population. 
    • Ainsi, l’accès réduit aux intrants, combiné à une insécurité croissante, devrait réduire les superficies ensemencées pour la campagne de printemps 2024 de mars à mai. Cela entrainera une demande de main-d’œuvre inferieure à la normale, ce qui se traduira par des revenus en-dessous de la moyenne, déjà impactés par l’inflation. Les déficits de consommation alimentaire qui en résultent amèneront les ménages pauvres et très pauvres à recourir à des stratégies de crise telles que l’intensification de la vente de charbon et d’animaux, la consommation des semences et d’aliments à faible valeur nutritive, les achats à crédit de nourriture, entre autres. A l’exception de quelques communes dans le grand Sud, l’Ouest, le Nord et le bas plateau, une insécurité alimentaire de crise (Phase 3 de l’IPC) reste répandue à travers le pays.
    • La dégradation de la situation de sécurité alimentaire, au cours de la période de perspective, devrait accroitre le nombre de personnes ayant besoin d’assistance alimentaire dans les zones classées en crise, outre Cité Soleil qui est classée en phase d’urgence. Cependant, l’assistance alimentaire d’urgence de janvier à septembre 2023, en nature et sous forme de transferts monétaires ou en espèce, n’a pu couvrir mensuellement que moins de 2 pour cent de la population totale du pays. Cette couverture de l’assistance alimentaire d’urgence n’est que moins de 10 pour cent par rapport au nombre de personnes en besoins.  
    Contexte national

    Situation actuelle

    L’insécurité : La situation sécuritaire se dégrade davantage, avec la résurgence des enlèvements et des affrontements armés en août et septembre. Selon le "Armed Conflict Location & Event Data Project" (ACLED), le nombre d'événements de violence socio-politique et de décès a progressivement augmenté au cours des cinq dernières années. En effet, en septembre 2023, ce nombre dépasse de plus de 45 pour cent et 20 pour cent, respectivement, la moyenne quinquennale de septembre et les chiffres de septembre 2022 (Figure 1). Alors que les gangs cherchent à élargir leur territoire, la violence se manifeste par des affrontements entre gangs, des attaques et des enlèvements de civils, en particulier dans les départements de l'Ouest (Port-au-Prince) et du Centre, où des quartiers, jusque-là non encore touchés, ont été la cible des individus armés, contraignant leur population à fuir. A la suite de ces attaques, l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM) a fait état d’un nombre élevé de personnes déplacées internes (PDI), soit près de 195 000, de janvier à août 2023. Le rapport souligne que 93 pour cent de ces déplacées sont dues aux violences de gangs et sont réfugiées, pour la plupart, dans des établissements scolaires ou des sites publiques. Ils viennent pour la plupart du centre-Ville de Port-au-Prince, notamment de Cité Soleil, Bas de Delmas, Croix-des-Bouquets, Canaan, Carrefour Feuille, Tabarre. En partant, ils ont tout laissé et sont totalement dépourvues de presque tout dans leur lieu d’accueil.

    En plus des déplacées internes, l’insécurité continue de perturber considérablement l'activité économique, le transport public et, par ricochet, le fonctionnement des marchés, notamment urbains. Cela est d'autant plus préoccupant que le transport public de marchandises et de personnes demeure toujours assujetti au paiement de droits de passage illégaux, imposés par les gangs armés qui contrôlent encore la plupart des axes routiers, en particulier les routes nationales reliant Port-au-Prince au nord (RN1), au Sud (RN2) et au Centre (RN3), impactant ainsi le flux des marchandises et l'approvisionnement des marchés dans l'ensemble du pays.

    Figure 1

    Évolution du nombre d’évènements, septembre 2019 – septembre 2023
    Evolution du nombre des évènements

    Source: ACLED

    Conditions pluviométriques et évolution de la campagne agricole : Hormis les fortes averses enregistrées au cours des dix premiers et des dix derniers jours de juin, ainsi qu’au cours des dix premiers jours d’août, avec des volumes de pluies compris entre 53 et 188 pour cent au-dessus de la moyenne décadaire, les précipitations totales cumulées d'avril à septembre étaient de 50 pour cent inférieures à la moyenne. Les déficits à court terme ont été encore plus importants, avec des déficits dépassant 50 pour cent au cours de certaines périodes de suivi de 10 jours en mai et août et atteignant 40 pour cent au cours des 20 derniers jours de septembre. La volatilité dans l’évolution temporelle du volume des pluies de juin à septembre a quand même favorisé le développement de certaines cultures (pois Congo, manioc, canne-à-sucre, banane, …) et du fourrage, plus résistants et moins consommateurs d’eau, mais n’ont pas été profitables à d’autres cultures, telles le haricot, le riz, dans un contexte où les récoltes antérieures n’ont pas généré assez de revenu pour le financement de la campagne d’été et d’automne.

    Contexte macroéconomique : Après plusieurs années consécutives de contraction, l'économie haïtienne continue de faire face à de multiples difficultés. L’absence de la gouvernance politique et la crise sécuritaire persistante, les chocs climatiques et sanitaires ont de significatifs impacts sur l’activité économique du pays. Par exemple, l’indice conjoncturel de l’activité économique (ICAE), calculé par IHSI, a montré une contraction de l’activité économique de -2.1 pour cent, au cours du deuxième trimestre 2023, contribuant ainsi à la chute de la production nationale pour l’exercice 2022-2023. Ainsi, le cadre macro-économique en Haïti est marqué par le chômage, l'inflation, la volatilité du taux de change, des déficits fiscaux et de la balance commerciale, entre autres. Cette situation a accentué davantage les défis majeurs auxquels le pays est confronté. Par ailleurs, au cours du premier semestre de 2023, une baisse d'environ 9 pour cent des transferts privés sans contrepartie ou de migrants a été enregistrée une tendance inhabituelle en période de crise en Haïti, a indiqué le premier ministre dans la lettre de cadrage du projet de budget 2023-2024. Selon cette lettre, les exportations, qui représentent en moyenne 40 pour cent du PIB, ont diminué d’environ 21 pour cent, au cours des cinq premiers mois de l'exercice, laquelle diminution est directement attribuable à la fermeture d'entreprises, en particulier dans le secteur manufacturier axé sur le textile.

    La gourde haïtienne s'est appréciée de 13,8 pour cent, d'avril à septembre, ramenant la valeur du taux de change aux niveaux observés pour la dernière fois en novembre 2022 (Figure 2). Malgré cette amélioration, le taux de change reste toujours inférieur de 13 pour cent, en comparant le niveau de septembre 2023 (134,7 HTG pour 1 USD) à celui de septembre 2022 (116,5 HTG pour 1 USD). (BRH, 2023). Cette situation a contribué à maintenir les prix toujours élevés par rapport au faible pouvoir d'achat des ménages pauvres qui ne disposent pas d'un revenu adéquat pour répondre même à leurs besoins alimentaires obligatoires. 

    Figure 2

    Evolution du taux de change officiel (HTG/USD)
    Evolution du taux de change

    Source: BRH

    Ainsi, l'inflation globale annuelle reste élevée le taux étant encore à deux chiffres et au tour de 32 pour cent en septembre, bien que sa tendance soit à la baisse depuis plus de six mois (Figure 3). Le transport et l’alimentation restent les principaux moteurs de l’inflation, bien qu’ils aient affiché une tendance baissière. L’inflation alimentaire diminue d’avril à septembre, passant de 48 à près de 29 pour cent sur une base annuelle. Quant au coût du transport, une tendance similaire est observée, le taux ayant chuté progressivement, soit de 121 pour cent en janvier jusqu’à atteindre près de 95 pour cent en juillet. Cette baisse est due à l’amélioration dans la disponibilité et la distribution, à l’échelle nationale, des produits pétroliers et aussi de l’appréciation de la monnaie haïtienne par rapport au dollar américain. Ce qui, somme toute, influence les prix des produits importés, voire des produits locaux, à la baisse.

    Figure 3

    Évolution du taux d’inflation par poste, en pourcentage
    Evolution de l'inflation

    Source: IHSI

    Les marchés et les prix :  Les marchés fonctionnent normalement au niveau national, mais difficilement dans la capitale et dans la région de l’Artibonite, en raison des problèmes de sécurité. De plus, la décision unilatérale des autorités dominicaines de fermer les frontières terrestres, aériennes et maritimes avec Haïti, à la mi-septembre, a impacté l’approvisionnement des marchés frontaliers et de certaines régions du pays, notamment en des produits comme les œufs, l’huile, les condiments, la farine. Une situation qui se traduit par une augmentation des prix de ces produits sur le marché haïtien. Les produits non alimentaires montrent aussi le même comportement à la suite de cet inconvénient inattendu. Néanmoins, depuis le 11 octobre, les autorités dominicaines ont décidé de réouvrir la frontière de leur côté alors que les autorités haïtiennes locales, sous pression de la population de Ouanaminthe, maintiennent la leur fermée jusqu’à nouvel ordre. Entre temps, les Dominicains ont incendié les entrepôts haïtiens dans le marché binational de Dajabon. Ce qui fait augmenter la grogne des Haïtiens contre les Dominicains au point que les camions transportant des produits du territoire dominicain vers Haïti ont été attaqués. En dépit de ces incidents isolés, les marchés sont principalement approvisionnés par des produits alimentaires importés (riz, farine, pois sec, entre autres) en majorité, et des produits locaux issus des récoltes de septembre (mais, haricot, maraichers, etc.). Les prix des produits locaux suivis par FEWS NET (Figure 4), le maïs en grain et le haricot noir sec, entre autres, ont encore diminué, respectivement de 13 et 5 pour cent en moyenne approximative en septembre, en comparaison au mois d’aout. En glissement annuel, leurs fluctuations à la hausse ont été plus faibles que la période précédente, respectivement 16.4 et 14 pour cent. Hormis l’huile comestible (dont le prix moyen augmente de près de 10 pour cent durant la même période), les produits alimentaires importés comme le riz, la farine de blé, par exemple, ont montré encore une tendance relativement stable, augmentant de 2 et 4 pour cent respectivement. Il faut remarquer que les prix de ces produits ont affiché cette tendance malgré le niveau élevé des prix sur le marché international, notamment pour le riz. En effet, selon le rapport mensuel sur le marché mondial du riz (Osiriz # 235) de septembre, les cours mondiaux du riz ont été stables, ayant décliné de 1,5 pour cent en moyenne, en raison d’un ajustement entre l’offre d’exportation et la demande mondiale. Mais, ils restent encore supérieurs de 40 pour cent par rapport à 2022 et de 15 pour cent au-dessus de juin 2023. L'appréciation de la monnaie locale par rapport au dollar américain peut être une des explications plausibles à ce comportement. De plus, les prix de ces produits restent très proches de leur niveau de l’année dernière (fluctuant dans une fourchette de 1 à 9.5 pour cent), mais restent toujours atypiquement au-dessus de la moyenne de cinq ans, soit autour de 80 à 105 pour cent. 

    Figure 4

    Evolution du prix moyen en gourdes des céréales de base et du pois noir sec (HTG/kg), avril 2019 à septembre 2023
    Èvolution du prix moyen en gourdes des céréales de base

    Source: FEWS NET

    Sources de revenu : En milieu rural, les ménages pauvres dépendent principalement de la vente de main-d’œuvre agricole, du charbon de bois, de la vente de produits de pêche et agricoles. Selon l’Enquête Nationale de Suivi de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (ENSSAN), conduite par la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) en Aout 2023, la vente de produits et de la main-d’œuvre agricoles perdent du terrain comme première source de revenu en milieu rural au profit du petit commerce de détail. En effet, 61 pour cent des ménages ruraux s’adonnent au petit commerce de détail comme premières sources de revenu alors qu’environ 56 et 20 pour cent pratiquent respectivement l’agriculture et la vente de main-d’œuvre agricole comme sources principales de revenu. Un aspect qui est aussi confirmé par l’étude sur les revenus hors-ferme des ménages très pauvres, conduite en Haïtipar FEWS NET en septembre1. Selon cette étude, 74 pour cent des personnes interrogées, le petit commerce et la petite entreprise constituent l’activité prédominante des ménages très pauvres en milieu rural, la vente de main-d’œuvre vient en second lieu (60 pour cent des enquêtés).

    En effet, malgré la crise socio-économique actuelle, le petit commerce fonctionne de façon plus ou moins normale, attirant de plus en plus de gens, car les activités du secteur agricole n’ont pas pu se relever et aussi de moins en moins performantes. Comme lors de la campagne de printemps, les agriculteurs ont préparé moins de terres aux cours des récentes campagnes. Cela induit une diminution de la demande de main-d’œuvre agricole par rapport à la moyenne. Cela génère, du même coup, moins de revenus, même si, en termes nominaux, ces derniers augmentent par rapport à la moyenne selon près de 70 pour cent des informateurs clefs, le prix de la main-d’œuvre étant plus élevé que précédemment. 

    Par ailleurs, plus de 74 pour cent de personnes interrogées dans l’étude précédente ont une fois encore confirmé la rareté de la main-d’œuvre agricole, la disponibilité étant en-dessous de la normale. Et c’est l’une des causes de l’augmentation du coût journalier du travail agricole dans tout le pays, prix qui varie entre 400 et 750 gourdes par jour par rapport à l'année dernière. Ainsi, de moins en moins de personnes actives s’intéressent à l’agriculture. C’est l’une des préoccupations soulevées par des interlocuteurs lors d’une évaluation de terrain, conduite par FEWS NET dans la Grand’Anse notamment au début du mois de septembre. Ils ont mis l’accent sur le vieillissement des travailleurs agricoles, en plus de la migration de la plupart d’entre eux vers le milieu urbain. A leur avis, il n’y a pas de remplacement, les individus préférant s’adonner à d’autres activités, en particulier le taxi moto ou à la vente d’actifs productifs (terres en particulier) pour migrer vers le Chili, le Mexique, le Nicaragua, entre autres destinations.

    La configuration n’est pas différente pour la main-d’œuvre dans la production et la vente de charbon. Cette activité représente une source importante de revenus, notamment pour les pauvres et très pauvres qui y travaillent comme journalier. Cette activité est autour de la normale, du fait que la rareté des ressources fait grimper les prix, tandis que la participation à la collecte du charbon diminue, de sorte que les travailleurs produisant du charbon gagnent plus par paquet et sont donc en mesure de maintenir leurs revenus. Le revenu nominal moyen provenant de cette activité, se situant dans la fourchette 300 et 800 gourdes par jour, ne varie pas au cours de la deuxième phase de l’enquête sur les revenus Hors-ferme. 

    La pêche habituellement absorbe de la main-d’œuvre, même si ce n’est pas en grand nombre, dans des zones de pêche telles que la côte Sud, le Nord-Est, les Nippes, la Grand’Anse, le Sud-Est et le bas Nord-Ouest. Cette filière connait depuis quelques temps un ralentissement important de ses activités, lequel entraîne une faible disponibilité des produits de pêche. Près de 62 pour cent des informateurs clés ont indiqué que les ménages pauvres de leurs communautés gagnent des revenus inférieurs à la moyenne grâce à la pêche, , alors que la demande de produits de pêche s’accroit. Selon la même étude, cette fois ce n’est pas l’insécurité qui limite la vente des produits mais le manque de moyens adéquats pour la pratique du métier, les vents forts soufflant dans les régions, le cout de production élevé avec le prix fort du carburant pour opérer les moteurs des canaux de pêche. 

    Pour sa part, l’élevage, en majeure partie constituée de porcins, de caprins et de volailles, pour les plus pauvres, occupe une place non négligeable, contribuant autour de 5 à 15 pour cent du revenu global des ménages. Néanmoins, les revenus issus de cette source restent typiquement en-dessous de la moyenne, en raison de la diminution de la production dans cette filière, ceci a deux égards. D’une part, en raison des effets résiduels de la sécheresse au cours du premier semestre 2023 et, d’autre part, de la prévalence des maladies comme le Teschen, le New Castle, touchant respectivement les porcins et les volailles, et d’un manque d’investissement productif dans cette filière. 

    La migration vers la République Dominicaine devient une source de revenus de moins en moins importante pour les ménages pauvres et très pauvres des zones frontalières, ceci depuis les trois dernières années, marquées par des déportations massives et des persécutions d’Haïtiens sur le sol dominicain. Les derniers événements découlant de la construction d’un canal sur la rivière Massacre du côté haïtien compliquent davantage les relations entre les deux peuples des deux côtés de la frontière. Beaucoup de travailleurs ont vu leur accès refusé à la République voisine alors que d’autres ont laissé ce territoire volontairement. Des mesures de contrôle très rigoureuses des flux migratoires par les autorités dominicaines ont entraîné des déportations de plus en plus massives de citoyens haïtien. Selon l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), le nombre de rapatriement de migrants haïtiens demeure élevé, ceci depuis janvier 2023. En effet, les rapatriements vers Haïti se chiffrent à près de 104 000 personnes (plus de 9 000 au mois d’aout 2023), dont la grande majorité (94 pour cent) provient de la République Dominicaine. Outre de réduire les revenus issus de la migration, des activités génératrices de revenus associées au fonctionnement normal de la frontière, taxi moto, transport de marchandises, etc., s’en trouvent paralysées, diminuant ainsi les revenus de cette catégorie de travailleurs.

    Propagation du choléra : Jusqu’au 27 septembre 2023, les données du ministère de la Santé Publique et de la Population font état de 906 décès dus au choléra, alors que 59 442 patients présentaient des symptômes et ont été hospitalisés. Dans la même période, 3 920 ont confirmé cas et 66 205 autres cas suspects ont été enregistrés. Les décès et les cas de choléra sont susceptibles d'être beaucoup plus élevés que les chiffres du ministère de la Santé, car la plupart sont signalé dans les communautés pauvres et les bidonvilles où se trouvent les patients il est peu probable qu'il ait été testé.

    Situation de la malnutrition : L’enquête SMART en janvier 2023 a montré que des niveaux de malnutrition aiguë globalement dans les fourchettes d'acceptabilité (MAG PTZ <5,0 pour cent) et d'alerte (MAG PTZ 5-9,9 pour cent). Bien que leur approche diffère, l’enquête ENSSAN, conduite en Aout dernier par la CNSA, a montré une situation nutritionnelle presque similaire, en ce qui se rapporte à la malnutrition aigüe globale (MAG). Comme l’a montré la SMART, la situation nutritionnelle reste critique dans certaines communes de l’Aire métropolitaine de Port-au-Prince comme Tabarre (13.4 pour cent), Croix-des-Bouquets (11.6 pour cent). 

    Assistance alimentaire d’urgence : Selon les données du Cluster de sécurité alimentaire, de janvier à septembre, le nombre cumulatif de bénéficiaires de l’assistance alimentaire d’urgence, tous types d’assistance confondus, se chiffre à près de 1.5 millions de personnes sur une population estimée à 11 724 763, soit près de 13 pour cent. Il faut noter que la moyenne mensuelle des bénéficiaires est de 164 000 personnes environ, soit moins que 2 pour cent de la population totale atteint. Il est à noter que l’Ouest reste toujours en tête avec près de 475 000 bénéficiaires (4 pour cent par rapport à la population totale). Par rapport au nombre total des personnes en besoin, la couverture de l’assistance alimentaire est moins de 10 pour cent.

    Par ailleurs, l’assistance d’urgence consiste presqu’essentiellement en transferts monétaires, notamment sous forme de coupons alimentaires. Le montant moyen mensuel varie entre 5000 et 7 000 gourdes par famille. Pour un minimum de 2100 Kcal par personne par jour et selon le coût du panier alimentaire de la CNSA, ces transferts permettent de couvrir moins que 25 pour cent des besoins calorifiques minimum par jour. 

    Calendrier saisonnier pour une année typique
    Calendrier saisonnier

    Source: FEWS NET

    Résultats actuels de la sécurité alimentaire

    Mis à part l’augmentation des prix résultant de la fermeture soudaine et unilatérale de la frontière depuis le 15 septembre par le gouvernement dominicain, les prix des denrées alimentaires de base ont affiché jusque-là une tendance baissière et stable saisonnière, alimentée par une disponibilité des produits locaux saisonniers et de l’appréciation du taux de change gourde/dollar. Ils restent cependant très élevés par rapport à l’année dernière et aussi à la moyenne de cinq ans, donc hors de portée des ménages très pauvres qui voient leurs revenus et leurs propres cultures diminuer. Ils continuent de faire face à des difficultés à satisfaire leurs besoins minimaux en kilocalories, au regard du coût moyen du panier alimentaire de base. 

    Le pouvoir d'achat des ménages pauvres et très pauvres reste toujours limité, en raison des faibles opportunités d’emploi et du niveau de l’inflation des produits alimentaires et non alimentaires. Les moyens d'existence demeurent alors fragiles et très perturbés dans la plupart des zones. Dans l’Aire Métropolitaine, notamment Cité Soleil,où des affrontements armés récurrents entre gangs rivaux perturbent les activtés gén;eratrices de revenu, contraignant les ménages à se déplacer fréquemment, outre la prévalence du choléra. Cette commune fait toujours face à des déficits alimentaires et de moyens d’existence. Une insécurité alimentaire aiguë d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) des ménages persiste. 

    Dans des zones irriguées et semi-humides, la Plaine des Cayes dans le Sud, une partie de l’Ouest, le Nord-Ouest, les Nippes, certaines communes du Nord, où les conditions d’humidité sont meilleures, des récoltes de maïs et de haricot, quoiqu’en dessous de la moyenne, ainsi que des racines et tubercules ont donné lieu à des revenus. Le niveau d’inflation limite le pouvoir d’achat de ces revenus ; ce qui obligent Les ménages très pauvres à recourir à des stratégies de Stress (Phase 2 de l’IPC) pour maintenir leur consommation courante. De telles stratégies comprennent la réduction des dépenses non-essentielles, l’intensification des achats de nourriture à crédit, la consommation de nourriture non préférée, la réduction de la consommation des adultes au profit des enfants. 

    Dans le reste du pays, la disponibilité de nourriture et de revenus est rudement impactée par les chocs climatiques, la crise économique et sécuritaire, touchant de plein fouet tous les secteurs clef de la vie économique. Les activités génératrices de revenus, que ce soit l’agriculture, la pêche, le petit commerce, le travail journalier et occasionnel., ainsi que les moyens d’existence des ménages sont aussi perturbés. Les cultures d’été/automne en cours sont quasi en-dessous de la normale et certaines communes des départements de l’Ouest et d’autres régions du pays n’ont pas même initié cette campagne. Les ménages pauvres et très pauvres qui, habituellement, dépendent de la vente de leurs récoltes et de main-d’œuvre, augmentent l’autoconsommation de leur production afin de combler une partie des déficits liés à la baisse du pouvoir d’achat. Ceux qui vivent de la vente de main-d’œuvre agricole et de la pêche se tournent vers d’autres activités pour subvenir à leurs besoins, telles que des travaux non-agricoles ou vers des stratégies d'adaptation négatives comme l’intensification de la vente de charbon et d’animaux, la consommation des semences et d’aliments à faible valeur nutritive, pour maintenir un niveau acceptable de consommation alimentaire. En conséquence, une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l'IPC) est observée dans le reste du pays. 

    Suppositions

    Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire d’octobre 2023 à mai 2024 se base sur les suppositions fondamentales suivantes, par rapport à l’évolution du contexte national :

    Situation socio-politique

    • Les troubles sociaux d'origine économique continueront probablement jusqu'en 2024, en raison des prix élevés des nourritures de base et de la fermeture de certaines entreprises privées du pays, à cause de l'insécurité, exacerbant les niveaux extrêmes de pauvreté. Une augmentation des manifestations motivées par l’insécurité au cours de la période considérée est probable, à la suite du contrôle croissant des gangs sur les quartiers résidentiels de la capitale et aux déplacements de population qui en découlent.
    • La violence continuera à augmenter, dépassant les niveaux des années précédentes, à mesure que les gangs renforcent leur emprise sur des zones spécifiques de la capitale haïtienne. Bien que le Conseil de sécurité des Nations Unies ait approuvé le déploiement d'une force multinationale en Haïti, il est peu probable qu'un tel déploiement ait lieu au dernier trimestre 2023, en raison des défis logistiques importants. Ainsi, le nombre d'incidents violents et de décès devrait dépasser la moyenne de 2022 et de 2023, dans les zones telles que Bas Artibonite, certaines communes du Nord’Ouest et de l’Air métropolitaine. 

    • Les enlèvements sont susceptibles d'augmenter au cours de la période de perspective, en raison de l'impact économique des sanctions sur les revenus des gangs, à Port-au-Prince, et des difficultés auxquelles les communautés sont confrontées pour maintenir leurs efforts d'autodéfense. Parallèlement, les axes nord et sud menant à la capitale, ainsi que celui menant vers le Plateau Central, feront toujours face à d'importantes contraintes d'accès tout au long de la période du scénario, ralentissant les flux commerciaux entre la capitale et les zones rurales du pays.

    Agro-climatologie

    • Selon NOAA, USGS et Climate Hazards Center, les modèles de prévision suggèrent que des précipitations proches de la moyenne et des températures supérieures à la moyenne sont les plus probables pendant la deuxième saison des pluies (août à octobre) puis en-dessous de la moyenne pour novembre et décembre. De février à avril 2024, des précipitations moyennes et légèrement à la moyenne sont prévues (NOAA).

    Production agricole

    • Les récoltes d’automne et d’hiver seraient en-dessous de la moyenne, en raison des impacts de la faible performance des récoltes de printemps sur le lancement de ces campagnes. En principe, une partie des récoltes de printemps est réservée pour les semences pour les autres campagnes agricoles. L'acquisition d'intrants tels que les semences, les engrais, les pesticides à des prix supérieurs à la moyenne, ainsi que la capacité limitée des agriculteurs à financer leurs activités agricoles par eux-mêmes, et l’insécurité, continueront de contraindre ces derniers à réduire leurs surfaces cultivées. Ainsi, selon des prévisions de l’USDA, la production totale du mai, du sorgho et du riz diminuerait respectivement de 5, de 22 et de 4 pour cent par rapport à la moyenne de cinq ans.
    • L'initiative actuelle de construire un canal en vue d'une prise sur la rivière Massacre et d'autres dans les diverses régions du pays, en particulier, le Nord, le Nord-Ouest, pourrait entraîner une augmentation de la surface agricole utile dans ces zones. Cela pourrait également stimuler la demande de main-d’œuvre de la part des agriculteurs moyens et aisés, qui utiliseront principalement l’eau d’irrigation pour les activités de préparation de sol et de semis au printemps 2024 (mars-mai).
    • Globalement, la faible performance des récoltes de printemps, d'été et d'automne, ainsi que les impacts résiduels des chocs climatiques, sociopolitiques et économiques auront un impact négatif sur la capacité financière des agriculteurs à financer leurs activités agricoles de manière normale, ceci pour les campagnes d’hiver et de printemps 2024. Cela entrainera une réduction de la demande de main-d’œuvre de la part des ménages aisés. Par conséquent, les revenus des travailleurs agricoles seront inférieurs à la moyenne. Ainsi, le revenu provenant de la vente de produits agricoles d’automne et d’hiver serait en-dessous de la moyenne à cause de la baisse de la production et des perturbations au niveau de la chaine de distribution liée à l’insécurité.

    Perspectives macroéconomiques

    • L'appréciation de la monaie se poursuivra progressivement tout au long de la période prévisonnelle. Selon les perspectives  globales et régionales de marché et de commerce, d'octobre 2023 à janvier 2024, et d'octobre à mai, la gourde s’appréciera d’environ 2,4 pour cent et 4,2 pour cent, respectivement. Par rapport à mai 2023, le taux d'appréciation en mai 2024 serait d'environ 12 pour cent.  Bien que le taux de change continue d'afficher une tendance à la baisse depuis avril, il restera supérieur à la moyenne quinquennale et au niveau de l’année dernière, ce qui aura un impact sur les prix des denrées alimentaires importés.
    • L’inflation des produits alimentaires devrait rester au-dessus de la moyenne quinquennale, en raison de la tendance à long terme de dépréciation de la monnaie nationale, d’une forte demande des produits alimentaires importés due à la faible disponibilité des produits locaux, et du cout élevé de carburant sur le marché haïtien.

    • Même si l'économie devrait encore se contracter en 2024, le degré de contraction attendu de l'économie s'atténue, selon l'analyse du gouvernement haïtien. Alors que 2023 a vu un taux de croissance économique négatif de - 0,7 pour cent, le gouvernement prévoit un taux de croissance économique négatif légèrement inférieur de -0,4 pour cent en 2024. 

    Marchés et prix des denrées alimentaires

    • Malgré la réouverture de la frontière du côté dominicain, les échanges ne pourront pas reprendre tant que les autorités haïtiennes maintiennent fermés les points frontaliers de leur côté. Cela continuera d’impacter négativement l’approvisionnement des marchés locaux, donc la disponibilité, en certains produits alimentaires importés de la République Dominicaine, principalement l’huile végétale, la farine de blé, les œufs. Par ricochet, une augmentation des prix de tels produits demeure possible, du moins au cours de la première période du scenario.
    • L’approvisionnement des marchés de la capitale devrait rester perturbé en perspective d’éventuels troubles socio-politiques pour la période et au contrôle exercé par les gangs armés dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. 

    Autres sources de revenus du ménage

    • La vente de charbon pourrait générer des revenus inférieurs à la moyenne quinquennale pendant la période envisagée en raison des perturbations récurrentes causées par l'insécurité, qui perturbent l'approvisionnement et le fonctionnement régulier des marchés.

    • La tendance à la baisse des transferts de migrants haïtiens observée en 2022 et au cours 2023, pourra se maintenir au cours de la période de perspective. Le revenu de la migration restera en dessous de la moyenne en raison des opportunités d’emploi de plus en plus réduites pour des Haïtiens, notamment en République Dominicaine. Opportunités qui s’amoindriront davantage depuis la fermeture générale de la frontière et le retour volontaire des migrants Haïtiens au pays dû aux mauvais traitements subis en République Dominicaine, 

    • Entre octobre et janvier, un regain d’activités économiques génératrices de revenus demeure possible, en raison des festivités de fin d’année. Dans cette perspective, le revenu du petit commerce serait proche de la moyenne, durant les quatre premiers mois du scénario le plus probable.

    Assistance humanitaire

    • L’assistance alimentaire d’urgence est prévue pour le reste de l’année 2023, et jusqu’à juin 2024. Selon les données partagées par le Cluster de Sécurité alimentaire en Haïti, l’assistance alimentaire d’urgence couvrira moins que 2 pour cent de la population totale. De plus, le montant de l’assistance en termes de transferts monétaires mensuels couvrira moins que 25 pour cent des besoins caloriques minimum des bénéficiaires, considérant un panier alimentaire de 2100 kilocalories de la CNSA. Finalement, FEWS NET n'a pas accès aux données au niveau des départements ou des communes et donc n'est pas en mesure d'analyser si les livraisons d'aide alimentaire atteindront au moins 25 pour cent des ménages, selon le seuil fixé par les protocoles IPC 3.1.

    Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire

    La période octobre 2023 à janvier 2024 coïncide avec les récoltes d’été-automne, consistant ordinairement en maïs, pois, racines et tubercules dans les montagnes semi-humides et, aussi avec le lancement de la campagne d’hiver dans les plaines irriguées et les montagnes humides. De plus, c’est la période de fin d’année qui charrie ordinairement des activités génératrices de revenus non agricoles telles que le travail occasionnel, le petit commerce, la vente de charbon en milieu urbain, à côte des transferts monétaires de l’étranger généralement croissants en cette période. Les revenus de la main-d’œuvre et de la vente de produits agricoles saisonniers resteront néanmoins en-dessous de la moyenne, en raison des chocs économiques, socio-politiques et climatiques en cours. Le coût élevé des intrants et surtout l'insécurité qui empêche les agriculteurs de vendre leurs denrées, les laisseront avec une capacité insuffisante pour emblaver normalement des terres, embaucher des travailleurs agricoles ou acheter des intrants. Dans le même temps, le pouvoir d’achat du revenu provenant des activités non agricoles, même dans le contexte des festivités de fin d’année, seront inférieurs à la normale compte tenu du contexte d’inflation généralisé des produits alimentaires et non alimentaires qui généralement caractérise l’économie haïtienne.

    Dans ce sillage, les déficits alimentaires des plus pauvres ne seront pas comblés ni par les récoltes, car insuffisantes, ni par l’assistance alimentaire d’urgence couvrant en moyenne moins de 20 pour cent des populations en besoin d’assistance d’urgence. Ainsi, les résultats de l’insécurité alimentaire aiguë de Crise (Phase 3 de l'IPC) devrait rester généralisés pour les ménages ruraux qui s’adonneront encore aux stratégies de crise comme l’intensification de la vente de charbon et d’animaux, la consommation des semences et d’aliments à faible valeur nutritive, les achats à crédit de nourriture. Ce sera aussi vrai pour la majeure partie de la zone métropolitaine de Port-au-Princeen proie à la violence des gangs, entre autres. La zone la plus préoccupante reste Cité de Soleil, où les graves impacts de la violence sur l'accès des ménages à la nourriture et aux revenus entraînent d'importants déficits de consommation alimentaire et de protection des moyens de subsistence. Les ménages devront recourir donc aux stratégies d'urgence, en particulier la mendicité, l'envoie des membres de ménages manger ailleurs, outre la délinquance junénile. Une insécurité alimentaire aiguë d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) se maintiendra. 

    Entre février et mai 2024, l’activité dominante sera, dans un premier temps, les récoltes d’hiver qui atteindront leur pic en février, dans les plaines irriguées et les montagnes humides. Du haricot, des racines et tubercules et de la banane devront être récoltées pour la vente aux marchés. Ce sera également la période de récoltes des cultures saisonnières comme le pois Congo, le pois de souche, le pois inconnu et des maraichers. Toutefois, contribuant peu à la production agricole, l’approvisionnement des ménages pauvres aux marchés en produits alimentaires restera prédominant. Ainsi, ces récoltes seront vite épuisées, ne permettant pas de constituer des réserves alimentaires suffisantes en vue de la période de soudure. Non seulement très peu de ménages en constituent des réserves (mois que 20 pour cent selon) mais aussi ces dernières durent moins qu’un mois, selon les données de l’ENSSAN 2021. Dans un second temps, les agriculteurs initieront, comme d’habitude, les préparatifs en vue de la campagne de printemps 2024 à partir de mars. A noter que, d’ordinaire, le Sud, la Grand’Anse débutent cette campagne dès février, avec les activités de préparation de sols et de semis, moyennant des conditions pluviométriques favorables. Les autres commencent en mars, hormis le Plateau central qui lance sa campagne en avril. Les revenus provenant de la vente de la main-d’œuvre agricole et des autres sources seront probablement proches de la moyenne. 

    Néanmoins, la hausse saisonnière des prix et la baisse des revenus et donc du pouvoir d’achat qui en résulte, dans le contexte de la période de soudure, de mars à juin, entraîneront une détérioration des moyens d’existence et une pression accrue sur l’accès alimentaire des ménages pauvres et très pauvres. Comme précédemment, ils continueront de recourir à des stratégies de crise pour satisfaire leurs besoins alimentaires et feront encore face à une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC). Dans les zones irriguées et semi-humides, où des récoltes d’été/automne, bien qu’en-dessous de la moyenne, seront possibles durant la première période de perspective, les ménages pourront en constituer des réserves alimentaires, même pour de courte durée. Le niveau élevé des prix des produits de base continuera de grever le pouvoir d’achat de leurs revenus. Ils devront donc recourir, une fois de plus, à des stratégies de Stress (Phase 2 de l’IPC) pour maintenir leur consommation courante, au cours de la période de soudure. 

    Au niveau de l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince, notamment dans les zones contrôlées par les gangs, comme Cité Soleil, les perturbations de l'activité économique et le niveau généralement élevé des prix des denrées alimentaires de base se traduiront par des écarts de consommation alimentaire prolongés chez les ménages pauvres et très pauvres. Un nombre croissant de ménages pourra liquider leurs biens productifs (ventes d’équipements de travail ou de production, ventes de biens durables) et s’engager dans des stratégies d’adaptation négatives d’urgence, comme précédemment, dans le contexte de la prolifération du choléra et des niveaux de la malnutrition aigüe quelque peu atypiques. Cité Soleil connaitra encore une situation d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) au cours de la période considérée. 

     

    Évènements qui pourraient changer le scénario le plus probable

    ZoneEvénementsImpact sur les résultats de la sécurité alimentaire
    NationaleLa frontière haïtiano-dominicaine redevient fonctionnelle pendant la première période du scénario

    La réouverture de la frontière entre Haïti et la République Dominicaine pourrait entraîner une amélioration de la disponibilité de certains produits alimentaires, en particulier, des œufs, de la farine de blé et de l’huile comestible, ce qui pourrait conduire à une baisse des prix de ces produits. De plus, les ménages dépendant des activités frontalières, notamment les petits commerçants et motocyclistes verront leurs revenus augmenter. Ainsi, une diminution du nombre de ménages en situation de Crise (Phase 3 de l’IPC), bien que relativement faible, serait possible, notamment dans les zones frontalières.

    NationaleCoordination insuffisante entre la force de maintien de la paix de l'ONU et les autorités haïtiennes

    Une coordination insuffisante entre la force militaire étrangère et les autorités locales risque de susciter des conflits et des tensions, entravant les efforts de reconstruction et de développement du pays. En fin de compte, si les objectifs de l'intervention ne sont ni clairement définis, ni réalisables, ni en adéquation avec les besoins réels de la population, cela peut entraîner l'échec de la mission, aggravant la situation sécuritaire. Par conséquent, il existe un risque d'augmentation du nombre de ménages en situation d'insécurité alimentaire (Phase 3 et plus) et d'extension des zones en phase 3 et 4 de l'IPC.

    Zones de productionInondations

    Des averses prolongées et intenses entraîneraient des inondations, dévastant ainsi les cultures en place, emportant le bétail, et causant des dommages aux infrastructures critiques telles que les routes, les ponts, les systèmes de distribution d'eau et d'assainissement, ainsi que les infrastructures agricoles. Ces conséquences entraîneraient des pertes économiques considérables pour les agriculteurs et créeraient des pénuries alimentaires au sein des communautés touchées. De plus, ces averses peuvent accroître les risques pour la santé en favorisant la propagation de maladies liées à l'eau, en contaminant les sources d'eau potable et en créant des conditions propices à la reproduction de vecteurs de maladies. Par conséquent, les moyens d’existence des ménages les plus pauvres seraient sévèrement affectés, potentiellement conduisant à une augmentation significative du nombre des ménages en situation d'insécurité alimentaire aiguë de Crise (Phase 3 de l’IPC).

    Contrairement aux Perspectives de la Sécurité Alimentaire précédentes, où Cité Soleil était la zone la plus préoccupante en Haïti, l’Arrondissement des Croix-des-Bouquets et Grand’Anse sont maintenant les plus préoccupantes. Cité Soleil est couvert en détail dans le contexte national.

    Zone de préoccupation Ouest HT07 Haricot, Banane et petit commerce, Arrondissement de Croix-des-Bouquets (Figure 5)

    Figure 5

    Carte de délimitation de la zone de préoccupation Ouest HT07
    zone de préoccupation Croix-des-Bouquets

    Source: FEWS NET

    Situation actuelle 

    Progrès saisonnier. La zone a perdu les plantations de printemps, en particulier celles de maïs, qui est sa principale culture céréalière pour la campagne de printemps. D’après les estimations de FEWS NET, plus de 70 pour cent de la production annuelle de maïs dans le département de l’Ouest se fait au printemps. Cependant, selon plus de 64 pour cent des personnes interrogées dans la zone Ouest HT07, lors de l’ENSSAN 2023, des pertes ont été très importantes ; ce qui défavorise la campagne d’été/automne. Mise à part la banane qui se produit normalement toute l’année, les cultures automne sont hypothéquées en raison des déficits hydriques au niveau de la zone et du fait que plus de 84 pour cent des agriculteurs affirment n’avoir pas les ressources adéquates pour lancer cette campagne.

    L’insécurité a porté un coup sévère à l’agriculture dans cette zone. Il existait avant une grande ferme, au niveau de la plaine de Barbouin, cultivant le sorgho pour la fabrication de la bière et du malta H (boisson non alcoolisée à base de malte ou de sorgho), sous l’instigation de l’homme d’affaire Gerry Mourra. La compagnie « Double Harvest » s’y installait en créant une ferme aussi pour l’exploitation de la canne à sucre. Ces deux fermes sont fermées, laissant beaucoup de bénéficiaires sans emploi, à cause de l’insécurité due à la présence du gang « 400 Marre Roseau » dans cette zone. L’on comprend alors pourquoi que plus de 62 pour cent des individus interrogés dans la zone ont affirmé être affectés par des événements ou chocs négatifs, comme la sécheresse et particulièrement l’insécurité.

    Marchés et prix : Le marché principal de la zone est celui de la Croix-des- Bouquets, alimente pour la plupart par celui de la Croix-des-Bossales. Ce dernier fonctionne rarement en raison de l’insécurité qui est très volatile au bas de la ville de Port-au-Prince. D’un moment à l’autre, des affrontements armés s’éclatent. Malgré tout, ce marché est, en temps normal, approvisionné en produits locaux comme les maraichers, le haricot et en produits importés de toutes catégories, en particulier le riz, la farine, l’huile, le pois, les plus prisés dans la consommation alimentaire des plus pauvres. 

    Le niveau global des prix des denrées alimentaires, locaux et importes, est à la hausse par rapport à l’année dernière et à la moyenne de cinq ans et même des trois dernières années. Considérant l’un de ces produits, le riz importé, par exemple, on constate que, depuis le mois de mai, son prix diminue dans des proportions de plus de 10 pour cent en moyenne, le prix de la marmite de six livres se vendant au tour de 500 gourdes en septembre. En glissement annuel (septembre 2022 et septembre 2023), le prix de ce produit fluctue à la hausse, ayant encore progressé de plus de 22 pour cent. Par rapport à la moyenne des trois dernières années, le prix affiche encore un comportement atypique, soit une variation positive de 36 pour cent.

    Sources de revenu : La main-d’œuvre agricole est la première source de revenu pour les très pauvres dans la zone Ouest HT07 haricot banane et petit commerce, contribuant pour près de 54 pour cent de leur revenu annuel (environ 65 000 gourdes à l’année de référence). En raison de la sécheresse et de l’insécurité, les agriculteurs mieux lotis ont dû fuir la zone, induisant une diminution significative des terres cultivées et donc de la demande de travailleurs agricoles. Le revenu issu de la vente de main-d’œuvre est en-dessous de la moyenne. Cela contraint la plupart des plus pauvres à recourir beaucoup plus au petit commerce informel qui, selon l’ENSSAN 2023 contribue pour plus de 54 pour cent aux revenus des plus pauvres. 

    Ainsi, le petit commerce est devenu l’activité la plus dynamique de la zone, même si le revenu reste modeste en raison de la crise socio-politique et surtout de l’insécurité. En effet, le marché de la Croix-des-bouquets est le principal lieu d’écoulement des produits de la zone. Contrôlé par le gang des « 400 Marre Roseau », ce marché est constamment perturbé par des tirs fréquents, lesquels obligent les opérateurs à plier bagage ou à fuir laissant derrière eux leurs marchandises. Quand ce ne sont pas les tirs d’armes automatiques, les marchands sont rançonnés par les membres de ce gang qui exigent, la plupart du temps, de fortes sommes aux commerçants, quel qu’ils soient, pour pouvoir fonctionner dans le marché. Cela hypothèque en quelque sorte les revenus issus du Petit commerce.

    Les transferts monétaires et la vente de bois et de charbon, sont des activités de revenus complémentaires. Selon l’ENSSAN, leur contribution respective au revenu des plus pauvres se situe à 22 pour cent et 8 pour cent. Dans le cas des transferts monétaires, il s’agit beaucoup plus d’argent envoyé via téléphone mobile (Mon cash ou Natcash) par des parents ou amis résidant dans d’autres régions du pays. La vente de bois et de charbon se comporte normalement, malgré le contexte actuel de la zone. En somme, outre des pertes de la production agricole, de pertes de la valeur réelle des revenus tirés de la vente de main-d’œuvre, du petit commerce et de la vente de bois et du charbon sont enregistrées dans l’ensemble de la zone, selon l’analyse des résultats récemment conduite par l’équipe Livelihood de FEWS NET.

    Assistance humanitaire : En raison des attaques récurrentes des gangs dans la zone, l’assistance alimentaire n’atteint que les localités les plus accessibles au niveau de la Croix-des-Bouquets mais n’arrive pas dans celles les plus reculées où résident les plus pauvres. Ainsi, sur une population de près de 310 000 personnes, à peine 6 pour cent, soit 17 820 (moins que 1 pour cent de la population totale0, bénéficient de l’assistance d’urgence en termes de cash transferts, équivalant à 100 dollars américains par mois. Pour un minimum de 2100 Kcal par personne par jour et selon le coût du panier alimentaire de la CNSA, ce montant permet de couvrir 43 pour cent des besoins caloriques minimum.

    Situation nutritionnelle : Les données nutritionnelles disponibles, les plus récentes, datent du mois d’aout 2023, à savoir l’enquête de suivi de la sécurité alimentaire et nutritionnel (ENSSAN 2023), conduite par la CNSA et ses partenaires. Selon l’ENSSAN 2023, la situation nutritionnelle est minimale pour la zone Ouest HT07 qui enregistre un taux de MAG de 4.5 pour cent. Il importe de noter que, malgré la meilleure situation observée lors de cette enquête, Croix des-Bouquets, après la commune de Tabarre, affiche un taux de MAG de 11.6 pour cent, équivalant à une situation de Phase 3 de l’IPC pour cette commune. 

    Suppositions

    En plus des hypothèses nationales, les suppositions suivantes s'appliquent à cette zone de préoccupation :

    • La banane, récoltée presque sur toute l’année, continuera d’alimenter la disponibilité locale pour les ménages très pauvres, ceci durant les deux périodes du scenario le plus probable.
    • Le petit commerce, la vente de bois et du charbon se comporteront de façon plus ou moins normale au cours des deux périodes de perspective, bien que leur contribution au revenu total ne soit vraiment guère importante comparativement à la main-d’œuvre agricole.
    • La demande de travailleurs agricoles, présentement en-dessous de la moyenne, pourrait connaitre un certain rebond avec le lancement de la campagne de printemps 2024, les perspectives des pluies étant normales. Mais elle restera en-dessous de la moyenne, compte tenu des impacts résiduels des chocs de 2022 et 2023.
    • Les prix des produits alimentaires de base importés (riz notamment), pourront maintenir leurs fluctuations à la baisse, du moins jusqu’à la période de soudure (Figure 6). Les prix des produits locaux et importés (le riz en particulier) resteront atypiquement au-dessus de la moyenne durant toute la période des perspectives.
    • La persistance de la crise sécuritaire dans la zone continuera de limiter l’accès des ménages aux distributions de l’assistance alimentaire d’urgence.
    • La production d’automne et d’hiver sera en-dessous de la normale, en raison des déficits hydriques, outre l’absence d’appuis aux agriculteurs limitant ainsi leur capacité à lancer la campagne de printemps. 

    Figure 6

    Croix des Bossales/Port-au-Prince : prix du riz importé 4 pour cent brisure observé et projeté (HTG/6lbs)
    Croix des Bossales/Port-au-Prince : prix du riz importé 4 pour cent brisure observé et projeté

    Source: FEWS NET

    Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire

    Au cours la période de perspective, les récoltes d'été et d'automne, en-dessous de la moyenne, contribueront à moins de 15 pourcent à la nourriture des ménages très pauvres. D'autres produits saisonniers locaux comme les maraîchers, la banane pourront contribuer à la consommation des ménages mais ne compenseront pas l'apport des céréales et des proteines. Aucunes réservent alimentaires suffisantes n'en seront constituées. La consommation alimentaire dépendra presqu'essentiellement des achats aux marchés. Tenant compte du niveau élevé des prix et de la baisse des revenus, les plus pauvres rencontreront encore des dfficutés à y accéder. Et ne béné ficiant pas d'aide aliementaire, ils seront en proie aux déficits alimentaires prolongés qui ne pourront pas être soulagés par les récoltes insuffisantes de décembre et de février.

    Dans ce contexte, les ménages très pauvres devront encore recourir beaucoup plus que d’habitude aux stratégies de crise (comme vente d’animaux, de bois, de charbon beaucoup plus que d’habitude, achats à crédit, ou réduction de la qualité nutritive des repas journalier) pour maintenir un niveau normal de leur consommation alimentaire. Une insécurité alimentaire d’aiguë de Crise (Phase 3 de l’IPC) sera observée dans l’ensemble de la zone, avec un peu moins de 5 pour cent des ménages en situation d’Urgence ( Phase 4 de l'IPC) localisés principalement dans la commune de Croix-des-Bouquets et de Cornillon. Soumis à l’emprise des gangs armés, notamment le gang 400 Mawozo, ces ménages ont dû laisser leur zone et ainsi ils ont perdu presque tous ce qu’ils possédaient. D’autres avaient été déjà affectés par la fermeture d’entreprises et d’autres activités commerciales dans la zone depuis 2022, comme le cas de la plus grande entreprise de production d’œufs dans le pays ayant été localisée dans l’arrondissement de la Croix-des-Bouquets, Haiti Broilers SA. Le petit commerce, qui constitue l’une des principales activités des ménages, a été sévèrement affecté par l’insécurité dans la zone.

    La situation ne devrait pas changer durant la deuxième période du scenario qui coïncide avec les semis de printemps et le commencement de la période de soudure. Il n’y aura pas vraiment de produits agricoles locaux, mis à part la banane et certains produits maraichers. La consommation alimentaire serait basée essentiellement sur les achats aux marchés. Cela restera toujours limitée, tenant compte du niveau d’inflation des produits alimentaires et de la faiblesse des revenus. Dans ce sillage, les déficits alimentaires, observés à la première période de perspective, se maintiendront de février à mai 2024, voire se creuser, en raison de la période de soudure, avec les effets néfastes qui l’accompagnent, en particulier la hausse des prix des produits alimentaires de base. 

    Zone de moyens d’existence haricot, banane et petit commerce (HT07) dans la Grand-Anse (Figure 7)

    Figure 7

    Carte de délimitation de la zone de préoccupation Grand’Anse HT07
    zone de préoccupation Grand'Anse

    Source: FEWS NET

    Situation actuelle

    Progrès saisonnier : De janvier à mai 2023, la zone a connu une longue période de sécheresse qui a eu un impact négatif sur la campagne agricole de printemps, se traduisant par des récoltes inférieures à la moyenne pendant cette campagne. La production de maïs et de riz pour la campagne de printemps 2023 dans le département de la Grand’Anse a été estimée par FEWS NET à 3 005 tonnes métriques (TM) et 91 TM, respectivement. L’indice de végétation normalisé a été nettement inférieures à la moyenne pendant cette période. Ainsi, le sol ayant atteint le point de flétrissement permanent, la majorité des cultures de printemps en place ont subi un stress hydrique excessif, ce qui a grandement nui à leur croissance et à leur rendement. Cependant, à partir de juin, la tendance a changé, les pluies ont favorisé les activités de la campagne d’été et d’automne et l’indice de végétation devient moyen (Figure 8). Dans presque toute la zone, les activités de préparation des sols, semis et sarclage de la campagne d’automne sont en branle. Les cultures en place observées lors de la mission de terrain en septembre (igname, maïs, pois congo, patate, banane, entre autres) se développent normalement. 

    Figure 8

    Évolution de l’Indice de végétation normalisée dans la Grand’Anse
    Indice de vegetation

    Source: USGS

    Situation du bétail : Les principaux animaux élevés dans la zone Grand'Anse HT07 sont les caprins et les bovins, principalement détenus par les ménages aisés. Les animaux sont actuellement en bonne condition physique, grâce à la disponibilité de fourrage et d'eau. Cependant, la situation globale de l'élevage est en dessous de la moyenne en raison de la diminution de la taille du cheptel causée par des décès dus à des maladies et à un manque de soins vétérinaires, ainsi que par des ventes pour faire face aux dépenses alimentaires et non alimentaires obligatoires. Les Très pauvres n’ont pas de bovin et le nombre de caprins obtenus par gardiennage est entre zéro et 2 alors que la référence (ligne de base 2013/2014) était entre 0 et 4. 

    Disponibilité alimentaire : Les aliments proviennent principalement de trois sources : achat sur le marché (environ 65 pour cent), production agricole propre (15 pour cent), paiement en nature (10 pour cent). En raison de l’accès difficile à la zone, des coûts de transport élevés en raison de la hausse de prix du carburant par rapport à la moyenne, du faible niveau des récoltes, de l’insécurité routière, l’approvisionnement des marchés et donc la disponibilité alimentaire sont limitées et se trouve en dessous de la moyenne. Le principal produit de cueillette de la zone, fruit à pain (Artocarpus altilis), n’est pas à sa période de pointe de récolte, qui se trouve entre juin et juillet.

    Assistance alimentaire : Nos informateurs clés signalent une assistance humanitaire à travers des programmes mis en œuvre par le Centre d’Étude et de Coopération Internationale (CECI) et Catholic Relief Services (CRS) pour le compte du MAST (ministère des Affaires sociales et du travail), mais à un niveau insuffisant pour avoir un impact significatif. De plus, cette assistance est rarement orientée vers les personnes très pauvres. Les données les plus récentes sur l'assistance humanitaire fournies par le Cluster de sécurité alimentaire remontent à août 2023. Environ 5 pour cent de la population totale bénéficie d’une assistance alimentaire consistant en une distribution de liquidités d'un montant moyen de 35 dollars américains par ménage par mois, soit 7 dollars en moyenne par personne pour un ménage de cinq personnes. Selon la norme SPHERES stipulant un apport calorique minimum de 2 100 kcal par personne par jour, pour un panier alimentaire pour une personne pendant un mois coûtant environ 6255 gourdes selon la CNSA et pour un taux de change au mois d’août d’environ 135 gourdes pour un dollar américain selon la banque centrale, l’assistance alimentaire couvre entre 15 à 16 pour cent des besoins caloriques minimum des bénéficiaires.

    Malnutrition : Il n’y a pas de données nutritionnelles officielles récentes. Toutefois, les observations directes sur le terrain (septembre 2023), ajoutés aux informations obtenues auprès des agents de santé du ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) et d’organisations internationales (Save the Children) intervenant dans la zone, ne montrent pas une situation nutritionnelle alarmante. Selon les données de l’enquête SMART du MSPP collectées en janvier 2023, le taux de malnutrition globale (MAG-PTZ : MAM + MAS) dans le département de la Grand’Anse est de 3 pour cent (Phase 1 de l’IPC), en dessous de la moyenne nationale qui est de 5.1 pour cent. Le taux de la malnutrition aigüe sévère est de 1.4 pour cent, égale à la moyenne nationale. Selon l’ENSSAN 2023, ce taux se situe autour de 3.5 pour cent, un niveau qui traduit encore une situation minimale, même si ces deux enquêtes ne sont pas comparables sur le plan méthodologique.

    Marché et prix des produits alimentaires : Les marchés sont approvisionnés en produits locaux (communaux et départementaux), mais en grande partie en produits importés et en dessous de la moyenne. Comme au niveau national, l’offre céréalière dans la zone est inférieure à la moyenne quinquennale et la demande reste globalement assez rigide, les céréales étant des produits de première nécessité.  Par ailleurs, les prix élevés des produits alimentaires de base, au-dessus de leur moyenne quinquennale, et le faible revenu des ménages pauvres rendent ces produits moins accessibles à ces derniers. 

    Sources de revenu : Les principales sources de revenus des personnes très pauvres comprennent la vente de journées de travail, le petit commerce informel et la vente de charbon de bois. La vente des récoltes et du bétail constitue deux autres sources de revenus de moindre importance. Toutes ces sources sont en dessous de la normale. En effet, la vente de journées de travail, principalement liée à la main-d'œuvre agricole, est en dessous de la moyenne en raison de la baisse générale des activités économiques, ainsi que de la sécheresse qui a sévi de janvier à mai et qui a impacté la production agricole et l’élevage, ce qui a affecté négativement la capacité des moyens et nantis d’embaucher de la main-d'œuvre. En conséquence, la demande de main-d'œuvre de la part de ces catégories diminue.

    Les revenus tirés de la vente de charbon de bois sont en dessous de la moyenne en raison de la baisse de la demande causée par l’insécurité routière, étant donné la diminution du flux de transport par les camions transportant le charbon, en raison des droits de passage exigés par les gangs armés sur la route nationale numéro 2. Le revenu tiré du petit commerce informel est en dessous de la moyenne, en raison de la baisse de la demande solvable, laquelle est due à la baisse de revenu des acheteurs. Le revenu provenant des récoltes et celui provenant de la vente d’animaux sont en dessous de la moyenne en raison des récoltes en dessous de la moyenne et de baisse de la taille du cheptel.

    Suppositions 

    En plus des suppositions au niveau national, les suppositions suivantes s'appliquent à cette zone de préoccupation :

    • Les modèles de prévision des précipitations suggèrent des précipitations proches de la moyenne entre août et octobre/novembre). Ces conditions seraient favorables à la poursuite du développement normal (floraison, formation et maturation des gousses) du pois congo (Cajanus cajan). Cela induirait des récoltes autour de la normale de cette culture.
    • Selon les prévisions de FEWS NET, la production de maïs et de riz dans la Grand’Anse de juillet 2023 à juin 2024 serait en dessous de 40 pour cent et 30 pour cent par rapport à la moyenne quinquennale, respectivement.
    • La vente des récoltes et le petit commerce constituent les deux principales sources de revenus pour les ménages moyens et aisés. Cependant, ces deux catégories, qui sont les principaux employeurs de travailleurs agricoles, ont dû faire face à des revenus issus des récoltes (au printemps et à l’automne 2023) et ainsi que du petit commerce, inférieurs à la moyenne. Par conséquent, leur capacité à financer les activités des prochaines campagnes agricoles d'hiver et de printemps 2024 sera en dessous de la moyenne, ce qui se traduira par une diminution de la demande de main-d'œuvre agricole par rapport à la moyenne au cours de ces deux campagnes, et ceci dans un contexte où la vente de main-d’œuvre agricole constitue la principale source de revenus pour les ménages très pauvres dans la zone.
    • L'approvisionnement des marchés locaux restera en dessous de la moyenne en raison de la production locale inférieure à la moyenne et de la poursuite des perturbations du flux de transport des marchandises sur la route nationale numéro 2, en raison de l'insécurité qui pourrait persister, même en présence éventuelle des forces armées étrangères.
    • À l'exception du pois congo (Cajanus cajan) d’hiver, dont les revenus sont estimés être dans la moyenne, les revenus provenant de la vente des récoltes d'hiver devraient être inférieurs à la normale en raison des faibles rendements du printemps 2023, causés par l'irrégularité spatio-temporelle des précipitations. Ces récoltes n'ont pas généré suffisamment de revenus pour financer la campagne agricole d'hiver 2023-2024, et encore moins celle du printemps 2024, y compris les dépenses liées à l'achat de semences, à la préparation des sols, à la main-d'œuvre, et autres.

    Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire

    Toutes les principales sources de revenus et de nourriture sont inférieures à la moyenne, tandis que les prix des principaux produits alimentaires de base sont supérieurs à la moyenne quinquennale. Les ménages très pauvres représentent plus de 50 pour cent de la population totale de la zone, vivent dans des endroits inaccessibles, et par conséquent, bénéficient peu ou pas de l'assistance alimentaire. Ils dépendent du marché à plus de 80 pour cent pour leur consommation

    Etant donné la forte dépendance des très pauvres par rapport au marché pour leur consommation alimentaire, des revenus et sources de nourriture en dessous de la moyenne entre octobre 2023 et janvier 2024, des prix projetés au-dessus de la moyenne, la situation actuelle des ménages très pauvres caractérisée par un déficit de consommation alimentaire se maintiendra pendant les quatre prochains mois. Ainsi, ils seront obligés de maintenir ou de renforcer leurs stratégies de crise pour maintenir le niveau actuel de leur consommation alimentaire de base en limitant les portions dans les repas, s’endetter plus que d’habitude, envoyer des membres du ménage manger ailleurs, consommer des récoltes précoces, entre autres stratégies de consommation alimentaire. La zone sera donc en crise (Phase 3 de l’IPC) avec des ménages en situation d’Urgence (Phase 4 de l’IPC). Les ménages en Phase 4 de la zone sont localisés dans les communes de Corail et de Pestel, et ils représentent moins de 5 pour cent de la population totale de ces communes. Il s'agit principalement de ménages démunis vivant dans des zones d’accès difficile qui possèdent très peu, voire aucune terre agricole ni d’autres moyens de production, et qui dépendent de l'aide d'autres familles ou voisins qui eux-mêmes rencontrent des difficultés, et qui ne bénéficient pas l'assistance alimentaire d’urgence.

    La période février-mai 2024 coïncide avec la période de soudure caractérisée par l’épuisement saisonnière des récoltes d’automne/hiver déjà en dessous de la moyenne et la hausse des prix des produits alimentaires. La dépendance des très pauvres par rapport au marché pour la consommation augmente par rapport à la première période. Ainsi, le déficit de consommation observé au cours de la première période s’élargira car le revenu tiré du travail agricole, de la vente de charbon, du petit commerce informel, de la vente de bétail et des récoltes ne pourront pas couvrir les dépenses de consommation à cause de la hausse continue des prix. Les ménages très pauvres continueront d'adopter majoritairement les stratégies actuelles de crise et d'urgence pour combler une partie de leur déficit de consommation alimentaire. Les principales stratégies d’Urgence comprennent la mendicité et le vol. Les principales stratégies de Crise comprennent le retrait des enfants de l’école, la sollicitation de l'aide alimentaire auprès des voisins, des familles ou des amis, la consommation d'aliments inhabituels. La zone restera en crise (Phase 3 de l’IPC), mais par rapport à la première période, une augmentation du nombre des ménages en insécurité alimentaire (Phase 3 et Phase 4 de l’IPC) est prévue, avec un pic en mai.

    Citation recommandée: FEWS NET. Haïti Perspectives sur la sécurité alimentaire Octobre 2023 - Mai 2024: Malgré la baisse de l’inflation, l’insécurité et les déficits de production agricole entraînent une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l'IPC) généralisée en Haïti, 2023.

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    Le revenu hors-ferme désigne tous les revenus en espèces ou en nature générés en dehors de l'exploitation agricole (c'est-à-dire tous les revenus qui ne proviennent pas de sa propre production agricole et d’élevage).  Les enquêtes OOFI sont menées à partir d'un centre d'appel par des enquêteurs formés à l'aide d'interviews téléphoniques assistées par ordinateur (CATI). Les personnes interrogées sont des informateurs clés locaux qui s'expriment au nom des ménages pauvres dans leur région (par exemple : quartier, municipalité, etc.) au sein d'une zone de moyen d’existence spécifique. 

    Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.

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