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La sévérité l'insécurité alimentaire aiguë augmente en Haïti, entraînée par une augmentation de la violence des gangs, une aggravation des troubles civils et des pauvres conditions économiques. L'augmentation de la violence a induit des réductions significatives du carburant, du fonctionnement et de l’approvisionnement des marchés, ainsi que des opportunités de revenus des ménages, entraînant une baisse significative de l'accès à la nourriture. La Crise (Phase 3 de l'IPC) est attendue dans de nombreuses régions d'Haïti, en particulier dans les zones les plus touchées en termes de mauvaise production agricole et de perturbations des marchés. En outre, de fin 2022 à l'année prochaine des résultats d'Urgence (Phase 4 de l'IPC) sont attendus à Cité Soleil, la zone la plus touchée par la violence des gangs.
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L'insécurité a fortement augmenté à Port-au-Prince par rapport aux mois précédents et a commencé à s'étendre à d'autres grandes villes d'Haïti, marquées par la fréquence accrue des activités criminelles, des enlèvements contre rançon, de la violence politique et des manifestations violentes. Les barrages routiers ont paralysé les activités économiques et perturbé les transports publics.
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Le blocage par les gangs du principal terminal de stockage de carburant à Varreux, qui stocke plus de 70 pour cent de l'approvisionnement total en carburant d'Haïti, en septembre et octobre, a entraîné une extension des pénuries de carburant et une multiplication par six du prix de l'essence, qui a atteint 4 000 HTG/ gallon en octobre. Les impacts sur l'activité économique et les revenus des ménages, déjà sous pression en raison de l'insécurité et de l'inflation, ont été considérables, obligeant les entreprises et les services essentiels (tels que les banques et les hôpitaux) à fermer et limiter leurs opérations. Les impacts sur l'approvisionnement des marchés ont exacerbé la tendance à la hausse des prix des denrées alimentaires de base, qui variaient de 55 à plus de 100 pour cent au-dessus de la moyenne quinquennale.
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La récolte d'automne en décembre, qui ne représente qu'environ 20 pour cent de la production agricole annuelle, améliorera probablement temporairement l'accès et la disponibilité de la nourriture pour les ménages ruraux. Cependant, des précipitations inférieures à la moyenne pendant la saison des semis d'automne ont perturbé la croissance et le développement des cultures dans les départements du Nord-Ouest, du Nord et du Nord-Est, où la prochaine récolte devrait être inférieure à la moyenne. Dans le reste du pays, en particulier dans les régions du sud, les conditions pluviométriques moyennes ou supérieures à la moyenne favorisent le développement des cultures typiques de la saison. Certaines municipalités du sud, dont Plaine des Cayes, Torbeck, Saint-Louis du Sud, Miragoane et Paillant, auront des récoltes d’automne moyennes et l'augmentation saisonnière de la demande de main-d'œuvre agricole pour la saison hivernale, ce qui y entraînera une amélioration à Stress (Phase 2 de l'IPC) pendant la période de récolte.
Situation actuelle
L’insécurité : La situation sociopolitique actuelle est à un niveau critique sans précédent. L'augmentation de la violence contre les civiles est principalement due aux rivalités entre gangs alors qu'ils cherchent à prendre le contrôle des ressources et des infrastructures, à étendre leur territoire et à défier le gouvernement et les autorités. Dans les efforts pour prendre le contrôle des fonctions de l'État, les activités des gangs continuent à perturber l’approvisionnement des marchés, bloquer la rentrée des classes, limiter le fonctionnement des hôpitaux et des centres de santé, contraindre même les ambassades étrangères à fermer leurs portes en suspendant leurs services consulaires, entre autres. Le nombre de cas d’évènements de violence politique a augmenté de plus de 25 pour cent, passant de 867 à 1087 respectivement, de janvier à octobre 2021 à 2022, selon ACLED, notamment dans Cité Soleil, Martissant, et Croix de Bouquets.
Parallèlement, l’insécurité grandissante sur les routes nationales perturbe le transport public et les marchés, entravant ainsi la circulation normale entre la capitale, le grand Sud, et le grand Nord. L’augmentation alarmante de la violence des gangs, outre d’alimenter l’insécurité, continue de provoquer d’importants déplacements de population. Selon l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), entre juin et août 2022, la violence des gangs et les troubles sociaux ont fait déplacer 96 000 personnes des divers quartiers de Port-au-Prince tels que Croix des Bouquets, Tabarre, Torcel, Pernier, Laboule, outre Cité Soleil, Martissant et Bas de Delmas. Ces déplacés sont principalement hébergés dans des sites d’accueil temporaires.
Impacts Economiques de l'insécurité Depuis juin 2021 qui a marqué le début de l’affrontement des gangs, le blocage des voies principales d’accès empêche la distribution de l’essence dans les stations. En septembre et octobre, le principal terminal de stockage de produits pétroliers à Varreux, qui tient 70 pour cent de la capacité totale du pays, dans la commune de Cité Soleil, est sous le contrôle des gangs. Cette situation crée une rareté sans précédent de carburant qui fait passer le prix du pétrole jusqu’à 4,000 gourdes le gallon, alors que le prix ajusté le 13 septembre par le gouvernement est de 570, soit une augmentation de plus de 600 pour cent.
La pénurie des produits pétroliers entraine une contraction significative des activités génératrices de revenu. Certaines entreprises ont été contraints de réduire leur personnel, les écoles et centres de formation professionnelle et universitaire restent fermées et il y a un ralentissement significatif du transport public et privé. De plus, des institutions réduisent leur horaire régulier de fonctionnement, comme les banques qui fonctionnent trois jours par semaine, les hôpitaux limitant leur service et leur personnel et l’administration publique ne fonctionnant presque pas.
L’insécurité et la pénurie de carburant réduit fortement les activités et les mouvements des « madan Sara », qui jouent un rôle prépondérant dans l’approvisionnement des marchés urbains en produits locaux. Généralement, ce sont des commerçants qui voyagent à travers tout le pays pour collecter, transporter et revendre les produits sur des marchés urbains et surtout à Port-au-Prince. Ils constituent le principal intermédiaire entre les agriculteurs et les grossistes, les détaillants, et finalement les consommateurs
La perturbation des principales voies d’accès aux zones de production et aux marchés urbains réduise drastiquement les flux de produits provenant de ce groupe de commerçants. L’accroissement du coût du transport, l’insécurité sur les routes nationales, et le blocage des grands axes comme Martissant (Sud) et Canaan (Nord et Centre), entravent considérablement les activités des « madan Sara », lesquels peuvent passer des jours en chemin avant d’atteindre un quelconque point de vente. Plus important encore, ils courent le risque de tout perdre, par le fait d’être braqués par des hommes armés, et sont contraints de vendre des produits sur place à des prix réduites. L’accès réduite des « madan Sara » entraine une baisse de demande et des pertes de revenus auprès les agriculteurs, qui vendent 60 pour cent de leurs récoltes aux « madan Sara ».
Contexte macroéconomique : La dernière mise à jour disponible sur les données d'inflation du gouvernement haïtien remonte à juillet, lorsque l'inflation globale annuelle avait déjà atteint 30,5 % (Figure 1), L'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI)). Les augmentations du coût du transport et de l’alimentation sont les principaux moteurs de de l’inflation de sorte que l’inflation alimentaire et du transport est passé de près de 31 pour cent en juin à près de 33 pour cent en juillet. Bien que les données sur l'inflation ne soient pas disponibles depuis juillet, la valeur de la gourde ne s'est pas significativement redressée en août ou en septembre (Figure 2) en raison des coûts élevés du carburant et des aliments importés. Les prix des denrées de base augmentent proportionnellement à la tendance de la dépréciation de la monnaie nationale par rapport au dollar américain. Dans ce sillage, Haïti reste toujours le pays dont le coût de la vie, en particulier celui des aliments et du transport, est le plus élevé de l’Amérique Centrale et de la Caraïbe (Figure 3).
Par ailleurs, les transferts de migrants, source importante de devises pour l’économie nationale, évoluent à la baisse durant les sept premiers mois de 2022, diminuant de près de 8 pour cent en rythme annuel (Figure 4). En effet, selon des données de la Banque Centrale d’Haïti (BRH), le montant moyen mensuel de janvier à juillet 2022 est estimé à près de 264 millions dedollars contre 284.4 millions par mois pour la même période en 2021. Selon la CEPAL (Commission Economique pour les Pays d’Amérique Latine et Caraïbe), les nouvelles régulations de la BRH qui obligent les maisons de transferts à payer les bénéficiaires en monnaie nationale réduit la valeur des transferts, les rendant moins favorables. La baisse des envois de transferts de migrants haïtiens contribue à une baisse des réserves de change, étant donné que les envois de fonds sont une source importante de devises étrangères. La baisse des réserves de change couplée à une forte demande d'importations contribue à la perte de la valeur de la monnaie haïtienne et au taux d'inflation.
Les marchés et les prix : L’insécurité grandissante perturbe le fonctionnement et l’approvisionnement des marchés à travers le pays. L’insécurité sur les grands axes routiers forcent l’approvisionnement des marchés à l’intérieur du pays par voie maritime, notamment pour les produits importés, ce qui augmente le coût de transport. En septembre, des hausses accrues de prix de produits de base, notamment des produits locaux, ont été enregistrées dans plusieurs marchés, à la suite des perturbations liées aux manifestations qui ont réduit les flux des marchandises à travers le pays. Le prix du maïs jaune a augmenté d'environ 15 pour cent sur les principaux marchés du Sud et du Nord-Ouest, et de plus de 30 pour cent à Port au Prince, le plus touché par les troubles sociopolitiques.
A l’échelle nationale, le prix du maïs en grain local maintient sa tendance haussière, augmentant d'environ 65 pourcent en septembre 2022 comparé à 2021 et atypiquement au-dessus de la moyenne quinquennale (plus de 100 pour cent). En dépit d’un comportement relativement stable entre aout et septembre 2022, les prix du haricot noir restent significativement au-dessus de leurs moyennes quinquennales et de leur niveau de l’année dernière, soit de 109 et de 53 pour cent, respectivement. Pour leur part, les produits alimentaires importés, comme le riz, dont le prix a augmenté de 6 pour cent en moyenne entre durant la même période, reste 92 pour cent au-dessus de la moyenne quinquennale.
Conditions pluviométriques et production agricole : La disponibilité réduite des semences, le mauvais état de l’infrastructure agricole, la hausse du cout de l’engrais et des pluies en dessous de la moyenne impactent négativement les campagnes d’été et d’automne. Dans le Nord, le Nord-Est, le Centre, l’Ouest, et dans l’Artibonite, les récoltes de printemps en juillet ont été compromises pour la plupart. Les semences sont devenues donc moins disponibles et chères. Cela a affecté les campagnes d’été et d’automne, malgré des conditions d’humidité des sols autour de la moyenne.
En plus de l'accès réduit aux intrants agricoles, les cultures sont affectées par des précipitations inférieures à la moyenne. La zone du Nord-Ouest a été la plus touchée par les faibles précipitations observées sur des périodes prolongées.
Dans la vallée de l’Artibonite, une baisse de débit de l’eau est observée, en raison des mauvais états d’infrastructures agricoles (les canaux d’irrigation en particulier), limitant ainsi l’irrigation normale des terres cultivables.
En outre, l’insécurité et la hausse du cours de l’engrais empêchent les agriculteurs d’emblaver normalement leurs terres. Présentement, seules les cultures moins exigeantes en eau, comme la patate douce et le sorgho sont en cours. Au niveau du haut Artibonite, les campagnes agricoles n’ont pas vraiment eu lieu en raison de déficits hydriques prolongés.
Le reste du pays présente des conditions de végétation moyennes à supérieures à la moyenne (Figure 5). Les conditions supérieures à la moyenne, largement réparties dans la partie sud du pays, indiquent une amélioration dans le développement des cultures par rapport à la saison de Printemps. Ces conditions s’avèrent donc favorables aux cultures en cours et aux préparatifs en vue de la campagne d’hiver dans le grand Sud, particulièrement la plaine des Cayes, Torbeck et certaines régions montagneuses (Arniquet, Camperrin).
Conditions du bétail : A la faveur des pluies d’août supérieures à la moyenne, qui ont occasionné un accroissement de la disponibilité de l’eau et du fourrage, l’état physique des animaux est globalement normal. Dans l'ensemble, les très pauvres ont très peu d’animaux en propriété, quelques caprins généralement du gardiennage et encore moins de gros bétail (Haiti Rural Livelihoods Zone Profiles, 2015). Toutefois, les maladies du New Castle et le Teshen touchent encore respectivement des volailles et des porcs, au niveau de la Grand’Anse notamment.
Sources de revenu : Le revenu tiré de la vente de main-d’œuvre agricole est limité en raison de la faible capacité d’embauchement des mieux lotis, et des impacts résiduels des différents chocs climatiques, sociopolitiques et économique qui réduisent leur capacité d’investir. Avec très peu de produits de récoltes en ce moment, le revenu de la main-d’œuvre agricole compte très peu. La vente de bois et de charbon de bois est autour de la normale, bien que les ménages doivent intensifier leurs efforts pour accéder à la ressource en bois qui se raréfie progressivement. Les ménages pauvres en milieu urbain qui tirent leurs revenus du petit commerce, ont un revenu en dessous de la moyenne, en raison des turbulences socio-politiques, des affrontements armés entre gangs et de la baisse de la demande. Le revenu de la migration en République Dominicaine, importante source de revenus pour les ménages pauvres des zones frontalières, reste en dessous de la moyenne à cause des mesures de contrôle de flux migratoire et des opportunités d’emploi de plus en plus réduites pour les Haïtiens en territoire voisin.
La résurgence du choléra : Depuis la confirmation du premier cas de choléra le 2 octobre, cette maladie s’est propagée rapidement. Au 22 octobre, 2243 cas suspects, 219 cas confirmés, et au moins 55 décès ont été enregistrés (MSPP, 2022), notamment dans le département de l’Ouest. Cependant, selon l’Organisation Panaméricaine de la Santé, le nombre réel de cas est probablement beaucoup plus élevé, car la violence des gangs limite l’accès aux zones touchées.
Résultats actuels de la sécurité alimentaire
À Cité Soleil, l’une des quartiers les plus touchés par la violence des gangs, l'approvisionnement du marché est irrégulier et l'accès humanitaire est limité. Les principales activités génératrices de revenus pour les ménages très pauvres, y compris le petit commerce et le travail occasionnel, restent fortement perturbées en raison de la mobilité réduite et de l'activité économique limitée dans la zone. Des preuves disponibles recueillies par la CNSA et ses partenaires en août 2022 indiquent une grandissante pourcentage de la population font recours à la mendicité et envoient leurs enfants ailleurs pour manger afin de réduire les écarts de consommation. Malgré la liquidation de leurs actifs, les ménages pauvres ont des écarts de consommation indicatif à l'insécurité alimentaire d’Urgence (Phase 4 de l'IPC). Des écarts de consommation alimentaire soutenus conduiront à des niveaux élevés de malnutrition aiguë à Cité Soleil. Dans le reste de Port-au-Prince, l’accès aux marchés restent perturbés par les impacts étendus de l’insécurité et par les hausses accrues des prix des produits de base. Pourtant, les ménages pauvres dans les autres zones de Port-au-Prince qui peuvent toujours s’engager dans leurs activités de revenus, bien qu’en dessous de la moyenne, sont en Crise (Phase 3 de l’IPC).
Pour le reste du pays, la baisse des récoltes et le faible revenu des ménages ont conduit à la détérioration de la disponibilité et de l’accessibilité des aliments par rapport à l’année précédente, notamment dans le Nord-Ouest, Nord-Est, et Centre. La crise socio-politique qui perdure, l’insécurité civile, compromettant la stabilité économique du pays, et l’inflation qui est supérieure à 30 pour cent sont, entre autres, sont des facteurs aggravants de la situation d’insécurité alimentaire des pauvres et très pauvres à travers le pays.
Les ménages pauvres et très pauvres, qui dépendent typiquement de la vente de leurs récoltes, augmentent probablement l’autoconsommation de leur production afin de combler des déficits liés à la baisse du pouvoir d’achat. Toutefois, afin de réduire des déficits de consommation, les ménages pauvres ruraux s’adonnent à la vente de biens productifs, réduisent leurs dépenses de santé et d’éducation, consomment des stocks de semences. Cette situation est particulièrement évidente dans le Nord HT03, l’Artibonite HT03, la Grand’Anse HT08 et HT07, les Nippes HT01 et HT07, Sud et Sud-est HT07, qui ont été fortement impacté par les chocs climatiques et sont dépendants de Port-au-Prince pour l’approvisionnement de leurs marchés. Au regard de ces constats, la plupart du pays est dans une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC).
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire d’octobre 2022 à mai 2023 se base sur les suppositions fondamentales suivantes, par rapport à l’évolution du contexte national :
Situation sociopolitique :
- Les troubles civils sont très susceptibles d'augmenter durant la période de perspective. Des protestations supplémentaires sont très probables, à mesure que l'accord potentiel avec le FMI progresse, nécessitant un ajustement budgétaire, en plus de la levée des subventions sur le carburant.
Violence des gangs :
- Les épisodes de violence seront intensifiés pendant toute la période du scénario, en dépit des récentes sanctions imposées par les acteurs internationaux. De futurs affrontements sont à prévoir dans des zones disputées par des gangs telles que le bas Artibonite, Martissant, Delmas, Croix des Bouquets, Pernier et certaines communes dans le Bas Nord-Ouest et du Cap Haïtien.
Agro-climatologie :
- Selon les prévisions de l’USGS, des précipitations et des températures moyennes sont attendues au cours de la deuxième saison (août à décembre 2022), avec des précipitations au-dessus de la moyenne vers la fin de la saison. Ces conditions resteront aussi les mêmes au cours de la deuxième période des perspectives (février à mai 2023).
- Sur la base des prévisions de nombreuses institutions, une activité cyclonique supérieure à la moyenne est encore attendue jusqu’à la fin de la saison en novembre 2022.
Production agricole :
- Pour les campagnes agricoles d’automne 2022, d’hiver (2022-2023) les récoltes seront en-dessous de la moyenne, malgré les pronostics climatiques favorables. Les pertes subies lors des récoltes de printemps 2022 limiteront la disponibilité des semences et des revenus en vue du lancement de ces dernières campagnes agricoles. Selon les estimations de FEWS NET pour l’année de production 2022/2023, des baisses de l’ordre de 6.5 pour cent seront observées, par rapport à l’automne de l’année dernière.
- Le lancement de la campagne agricole de printemps 2023 en mars pourra être aussi affectée par cette situation, limitant ainsi les superficies emblavées et probablement l’absorption de main-d’œuvre. Toutefois, la production globale de cette période serait proche de la moyenne, notamment pour les céréales.
Le contexte macroéconomique :
- Le prix du transport maintiendra son niveau actuel pendant toute la période, vue que le gouvernement n’entend pas retourner sur les ajustements de prix à la pompe annoncés en septembre.
- Les prix alimentaires internationaux élevés pourrait continuer à alimenter les pressions inflationnistes en Haïti à travers les produits importés.
- La contraction des réserves officielles nettes de change se poursuivra. A cet effet, la BRH ne pourra pas continuer à intervenir sur le marché des changes pour stabiliser la gourde.
- La dépréciation du taux de change gourde/dollar se poursuivra, en raison des troubles politiques, de la confluence des hausses des prix du carburant et des produits alimentaires de base, des restrictions sur les transferts internationaux en USD et de la pression pour les élections nationales en 2023, entre autres.
Marchés et prix:
- L’approvisionnement des marchés, particulièrement ceux de la capitale, devrait rester perturber à cause des coupures dues au contrôle des gangs armés à Port-au-Prince qui limiteront la circulation des marchandises dans d’autres villes de provinces, notamment au niveau du Grand Sud, du Grand Nord et du Centre.
- Les prix des aliments de base importés vont rester à la hausse et au-dessus de ceux de 2021/22 et de la moyenne quinquennale à cause de la dépréciation de la gourde par rapport au dollar et au peso dominicain.
- Les prix des produits locaux suivront habituellement leur tendance saisonnière mais resteront au-dessus de leur moyenne. Les récoltes d’automne et d’hiver ne permettront pas d’accroitre la disponibilité alimentaire, étant en-dessous de la normale. La période de semis d’hiver (novembre/décembre) et de printemps (février à avril) limiteront davantage la disponibilité des produits alimentaires locaux. Ainsi, il y aura une baisse saisonnière de la disponibilité, ce qui induira une augmentation des prix de ces produits.
Sources de revenu :
- La demande de main-d’œuvre agricole sera en-dessous de la moyenne, étant donné la faible performance des récoltes, la cherté des intrants et la faible capacité financière des agriculteurs. Le revenu tiré de la vente de produits agricoles d’automne et d’hiver sera en-dessous de la moyenne en raison de ces mêmes facteurs.
- La vente de charbon et le petit commerce généreront des revenus moyens, en milieu rural. Tel ne serait pas le cas pour les zones urbaines, en particulier la capitale haïtienne, en proie à l’instabilité, à l’insécurité civile et aux perturbations considérables du fonctionnement des marchés et des activités informelles.
- Le revenu provenant de la migration vers la RD continuera d’être en-dessous de la normale, à cause des opportunités d’emploi de plus en plus réduites des Haïtiens en République Dominicaine.
Assistance humanitaire :
- Bien que l’assistance alimentaire soit prévue au cours de 2023, FEWS NET ne dispose pas de planifications mensuelles sur le nombre de bénéficiaires ni la taille des rations. Selon les tendances historiques de la délivrance de l’assistance, son ampleur en termes de population couverte et de besoins n’aura pas un impact significatif majeur dans la réduction de l’insécurité alimentaire. L’analyse est alors faite dans l’absence d’assistance alimentaire.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
Dans l’Aire métropolitaine de Port-au-Prince, du fait des troubles socio-politiques, de l’insécurité et des affrontements armés, compromettant l’approvisionnement des marchés et leur accès, la distribution de l’aide humanitaire et des déplacements de population, les activités génératrices de revenus seront perturbées. Les ménages plus pauvres, qui vivent essentiellement des activités informelles telles que le petit commerce et le travail occasionnel, perdront la plupart de leurs sources typiques de revenus dans un contexte de hausse significative de prix d’aliments de base. Même en liquidant leurs biens productifs et en engageant dans des stratégies néfastes, telles que la mendicité, les ménages pauvres auront des déficits importants de consommation dans les zones inaccessibles, notamment Cité Soleil, qui va demeurer en Urgence (Phase 4 de l’IPC) jusqu’en mai 2023. Pourtant, les ménages pauvres dans les autres zones de Port-au-Prince qui peuvent toujours vaquer à leurs activités génératrices de revenus, bien qu’en dessous de la moyenne, sont en Crise (Phase 3 de l’IPC).
Entre octobre 2022 et janvier 2023, période coïncident avec les récoltes d’automne et le lancement de la campagne d’hiver, outre les festivités de fin d’année, la performance en termes de récoltes seront en dessous de la normale. La faible capacitée d’investissement des agriculteurs en acquisition d’intrants limite ainsi l’emblavement des terres. La disponibilité alimentaire locale des ménages sera encore plus faible et ces derniers devront encore s’approvisionner au marché pour la nourriture. Les prix des produits alimentaires locaux, le maïs, le haricot et d’autres produits saisonniers (arbre véritable, racines et tubercules, maraichers) augmenteront, particulièrement durant la saison des fêtes de fin d’année. De plus, les prix resteront très au-dessus de l’année dernière et atypiquement au-dessus de leur moyenne quinquennale.
Bien que les prévisions climatiques soient favorables au développement des plantations d’automne et au lancement de la campagne d’hiver en novembre et décembre, les contraintes et la faible performance de la campagne précédente affecteront la demande de main-d’œuvre, laquelle restera en-dessous de la moyenne, induisant ainsi des revenus en-dessous de la moyenne.
Les récoltes seront donc insuffisantes pour permettre à la majorité des ménages pauvres et très pauvres de répondre à leurs exigences alimentaires de base. Ainsi, les baisses attendues de la production agricole et de revenus diminuera l’accès alimentaire des plus pauvres. Dans le même temps, la hausse des prix des aliments de base en raison de la crise actuelle réduit le pouvoir d’achats des ménages. Vu l’érosion de leurs avoirs, ces ménages seront contraints de recourir à des stratégies de restriction alimentaire, notamment la réduction du nombre de repas journalier, de la quantité et de la qualité des aliments consommés (consommation des semences ou des récoltes précoces, par exemple). Ils seront donc exposés à l’insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC).
Toutefois, certaines communes du Grand Sud telles que la Plaine des Cayes, Torbeck, Saint-Louis du Sud, Miragoane, et Paillant, pourront bénéficier de récoltes d’automne susceptibles d’être proches de la moyenne. De surcroit, le lancement de la campagne d’hiver pourra donner lieu à un nouvel élan de la demande de travailleurs, susceptible de générer des revenus, bien qu'encore inférieurs à la moyenne, pour les plus pauvres. Toutefois, les ménages pauvres de ces zones ne pourront pas satisfaire pleinement leurs besoins non-alimentaires et seront en en insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC).
Entre février et mai 2023, l’activité dominante sera, dans un premier temps, les récoltes d’hiver qui atteindront leur pic en février, dans les plaines irriguées et les montagnes humides. Du haricot, des racines et tubercules et de la banane devront être récoltées pour la vente aux marchés. Ce sera également la période de récoltes des cultures saisonnières comme le pois Congo, le pois de souche, le pois inconnu et des maraichers. Toutefois, contribuant peu à la production agricole nationale, l’approvisionnement des ménages aux marchés restera prédominant. Ainsi, ces récoltes seront vite épuisées, ne permettant pas de constituer des réserves adéquates en vue de la période de soudure.
Dans un second temps, les agriculteurs initieront comme d’habitude les préparatifs en vue de la campagne de printemps 2023 à partir de mars. A noter que, le Sud, la Grand’Anse débutent la campagne de printemps dès février, avec les activités de préparation de sols et de semis. Les autres commencent en mars, hormis le Plateau central qui lance sa campagne en avril. Les revenus provenant de la vente de la main-d’œuvre agricole et des autres sources seront probablement proches de la moyenne. Néanmoins, la hausse saisonnière des prix et la baisse des revenus et donc du pouvoir d’achat qui en résulte entraîneront une détérioration et une pression accrue sur l’accès alimentaire des ménages pauvres et très pauvres. Comme précédemment, ils continueront de recourir à des stratégies de crise pour satisfaire leurs besoins alimentaires et feront encore face à une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC).
Événements qui pourraient changer le scenario
Événements possibles au cours des huit mois à venir qui pourraient changer le scénario le plus probable.
Zone | Evénements | Impact sur les conditions de la sécurité alimentaire |
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Nationale | Apaisement des troubles sociopolitiques/Intervention militaire | La diminution de la violence induirait le fonctionnement de l’économie et des marchés y compris une reprise rapide des activités formelles et informelles. Ceci conduirait à une augmentation de la disponibilité et de l’accès alimentaires, conduisant à une baisse du nombre de ménages adoptant des stratégies négatives. Ainsi, un nombre plus moins important de zones et de ménages pourrait être en Crise (Phase 3 de l’IPC). A Cité de Soleil, une amélioration de la situation serait donc probable, passant d’une phase d’Urgence (Phase 4 de l’IPC) à Crise (Phase 3 de l’IPC). |
Poursuite de la rareté du carburant | Si la rareté de carburant se poursuit sur le marché, un grand nombre d’entreprises y compris des hôpitaux fermeront leur porte et la hausse du coût du transport intensifiera l’inflation. Ainsi, un nombre plus important de ménages et de zones pourrait être en insécurité alimentaire (Phase 3 de l’IPC ou pire). | |
Zones de production | Un épisode de sécheresse | Déficit hydriques affectant les cultures saisonnières, diminution considérable des fourrages et de l’eau disponible pour le bétail et un retard dans le lancement de la campagne de printemps 2022. Cela causerait aussi des dommages aux moyens d’existence des ménages plus pauvres et la demande de main-d’œuvre agricole et augmentera probablement la population en situation de Crise (Phase 3 de l’IPC). |
Source : L'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI)
Source : BRH
Source : L'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI)
Source : BRH, octobre 2022
Source : FEWS NET/USGS
Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.