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Les récoltes de printemps amélioreront la disponibilité alimentaire, notamment dans le grand Sud. Mais les prix en hausse inhibent l’impact sur l’accès alimentaire des ménages. Dans l’Artibonite, le Centre, le Nord, le Nord-est, l’Ouest, le Nord-Ouest, une bonne performance de la campagne agricole de printemps n’est pas garantie, en raison des déficits hydriques d’avril à mai, entre autres.
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Le taux de change gourde/dollar sur le marché informel atteint jusqu’à 130 gourdes pour un dollar, soit près de 20 pour cent au-dessus du taux de change officiel. La gourde s’est dépréciée de l’ordre de 20 pour cent par rapport au dollar, entre mai 2021 et mai 2022.
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La situation sécuritaire se détériore davantage à Port-au-Prince. De janvier à mai, le nombre d’enlèvements a connu une hausse de plus de 36 pour cent par rapport à l’année précédente, et le nombre d’homicides a cru de 17 pour cent, selon un rapport de l’ONU. Les affrontements entre groupes armés prennent de l’ampleur et continuent de paralyser les marchés et les activités génératrices de revenu.
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L’inflation, le manque d’opportunité d’emplois, et l’insécurité perturbent l’accès des ménages à leurs sources typiques de nourriture et de revenu. Les ménages très pauvres, surtout ceux des quartiers précaires de Port-au-Prince et dans les zones précédemment touchées par des chocs, continueront d’être en insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) jusqu’en janvier 2023. Les ménages des zones où les récoltes sont estimées proches de la moyenne, notamment dans le Sud, Grand’Anse, quelques communes dans l’Artibonite, le Centre, l’Ouest et dans le Nord, pourront être dans une insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC).
Situation actuelle
La situation sécuritaire. La violence liée aux gangs armés continue d’augmenter en 2022 par rapport à 2021, en dépit des efforts déployés par la Police Nationale d’Haïti (PNH). En effet, des affrontements continuent entre divers groupes armés dans différents endroits de la capitale. Selon un rapport de l’ONU, au moins 782 homicides ont été commis et 540 enlèvements perpétrés entre le 1er janvier et le 31 mai 2022, soit une augmentation respectivement de 17 et de 36 pour cent, comparativement aux cinq derniers mois de 2021. Depuis l’assassinat du président Moise, cette violence s’est étendue aux autres régions du pays, en particulier le Nord-Ouest, le Centre, et l’Artibonite.
Cette situation perturbe les activités génératrices de revenu et entraine la fuite des capitaux privés et des cerveaux vers la République Dominicaine. De plus, l’insécurité grandissante sur les routes nationales numéro 1 (Nord) et numéro 2 (Sud), perturbe le transport public et les marchés, entravant ainsi la circulation normale des marchandises et des individus à l’intérieur de la zone métropolitaine, puis entre la capitale, le grand Sud, et le grand Nord.
L’accentuation de l’insécurité a aussi affecté l’approvisionnement régulier des stations d’essence à travers tout le pays. Les affrontements armés rendent difficile l’accès aux zones de Carrefour et de Cité Soleil, où se trouvent les installations de stockage de carburant du pays, et interrompent le transport et la distribution des produits pétroliers. La rareté de carburant dans les stations de service pousse donc les automobilistes à s’approvisionner sur le marché noir où le prix d’un gallon de gazoline et de diesel se vend à plus de 1500 gourdes alors que les prix officiels sont respectivement de 250 et 350 gourdes. Outre la fuite des populations, des entreprises commerciales installées dans la partie Sud de la capitale (supermarchés, succursales de banques, centres éducatifs et hospitaliers, privés et publics, stations d’essence, ports, etc.) sont fermées, à la suite des conflits à Martissant et à Fontamara.
Contexte macroéconomique. Le taux de change officiel de la gourde par rapport au dollar se déprécie davantage entre 2021 et 2022, laquelle dépréciation est due à des facteurs tant structurels que conjoncturels. Entre mai 2021 et mai 2022, le taux de change officiel est passé de 88 gourdes à plus de 109 gourdes pour un dollar, soit une dépréciation de l’ordre de 19.3 pour cent. Or, les prix des produits alimentaires et non alimentaires ne sont pas facturés au taux de change officiel mais à celui du marché parallèle de change, dont l’écart par rapport au taux de change officiel est autour de 20 gourdes, avec le taux de 130 gourdes pour un dollar américain.
Pour sa part, le taux d’inflation maintient la tendance initiée en octobre 2021, passant de 19.7 à près de 25 pour cent en novembre et décembre de la même année. Selon le bulletin IPC (Indice des Prix à la Consommation) de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI), paru en avril, jusqu’à mars 2022, l’inflation s’est située autour de 26 pour cent en glissement annuel. L’augmentation du coût du transport, de l’alimentation et du logement, au cours du premier semestre, est le principal moteur d’un tel niveau d’inflation (Figure 1), laquelle fait d’Haïti le pays dont le coût de la vie est le plus élevé de l’Amérique Centrale et de la Caraïbe (Figure 2).
Conditions pluviométriques et impact sur la production agricole. Entre mars et avril, des conditions pluviométriques ont favorisé les plantations et le développement des cultures de printemps. Mais, depuis le mois de mai, des pluies décadaires inférieures à la moyenne sont observées dans tout le pays. Une situation qui s’est aggravée au cours des 2 premières décades de juin. Les quatre départements du grand Sud (Nippes, Sud-est, Sud et Grand’Anse) ont eu des pluies moyennes jusqu’au mois d’avril, ce qui a donc limité l’effet des déficits actuels de précipitations sur le développement des cultures.
En plus de la banane, des racines et tubercules, de l’arbre véritable (Artocarpus altilis) et de la mangue, des récoltes précoces de maïs sont observées dans la presqu’île du Sud. En outre, le niveau d’humidité des sols est également profitable aux cultures à long cycle comme les racines et tubercules. Toutefois, les ménages pauvres, qui ont été négativement affectés par des chocs successifs des années antérieures (crises socio-politiques, catastrophes naturelles, outre une crise économique chronique), et surtout par le séisme du 14 août 2021, ont encore un accès limité aux intrants (devenus plus chers et de moins en moins subventionnés par l’Etat Haïtien), ce qui réduit le niveau d’emblavement des terres.
Dans le Nord-Ouest, le Nord, le Nord-Est, le Centre, l’Ouest, et surtout dans l’Artibonite, la campagne agricole de printemps est compromise, les pluies ayant été déficitaires de mars à mai. A l’échelle nationale, des précipitations tardives, enregistrées en juin, ont donné lieu à un indice de végétation positif (Figure 3). Le déficit hydrique induit une réduction du débit de l’eau dans les canaux d’irrigation dans la vallée de l’Artibonite, une situation observée aussi l’année dernière. Les cultures de printemps (maïs et haricot) n’ont pas pu atteindre, pour la plupart, la phase d’épiaison et de fructification. Plus important encore, les pépinières de riz n’ont pas été repiquées, pour la plupart, compromettant ainsi la performance des rizières, dont la récolte contribue pour plus de 88 pour cent à la production rizicole nationale. La situation est bien pire au niveau du haut Artibonite où la campagne de printemps n’a pas été initiée dans son intégralité, en raison du manque de pluies.
Les marchés et les prix. Les marchés sont toujours bien approvisionnés, sauf en cas d’affrontements armés dans la capitale haïtienne. Les produits locaux les mieux représentés présentement sont les racines et tubercules, la banane, l’arbre véritable, le maïs vert et la mangue. Les prix des produits alimentaires continuent de montrer des fluctuations à la hausse (Figure 4) influencés par l’inflation générale, la dépréciation de la gourde, le coût du transport et aussi par l’insécurité.
Les prix des produits alimentaires restent entre 30 et 45 pour cent au-dessus de leur niveau de mai 2021 et de 80 à plus de 112 pour cent au-dessus de leur moyenne quinquennale (Figure 5). Cette tendance tend à se renforcer, tenant compte du contexte international actuel, caractérisé par le conflit Russo-Ukrainien perturbant les marchés mondiaux, en particulier ceux du carburant, des céréales et d’autres produits non agricoles. Très dépendant du reste du monde pour tous ces produits (plus de 80 pour cent) et, compte tenu de la faiblesse du pouvoir d’achat des revenus, les conditions sont réunies pour une accentuation de la détérioration des conditions de vie en Haïti.
Situation du bétail. Globalement, le fourrage et l’eau sont moyennement disponibles. L’état physique des animaux est normal, à l’exception des volailles et des porcs, en butte respectivement au New Castle et au Teshen, au niveau de la Grand’Anse. On doit noter que les très pauvres ont très peu d’animaux en propriété, encore moins de gros bétail. En revanche, ils possèdent quelques caprins issus généralement du gardiennage.
Suivi de la Peste Porcine Africaine (PPA) en Haïti. A date, il n’y a pas eu de nouvelles données sur la situation de la PPA en Haïti, découverte en septembre 2021, depuis celles présentées dans le dernier rapport de perspective de février-septembre, montrant la prévalence de la maladie dans six départements (Sud-est, Nord, Artibonite, Ouest, Sud, et Grand’Anse). Toutefois, des cas de morts associés au Teschen, qui peuvent être confondus à la PPA, sont observés, mais FEWS NET ne dispose d’aucune donnée sur le nombre de cas.
Main-d’œuvre agricole et autres sources de revenu. Les principales sources de revenus des très pauvres sont constituées de la vente de main-d’œuvre, de produits de récolte, de bois/charbon de bois, du petit commerce informel, et de la migration. Le revenu tiré de la vente de main-d’œuvre est limité en raison de la faible capacité d’investissement des agriculteurs cette année. Les récolte de printemps étant à peine en cours, le revenu de cette source compte donc très peu en ce moment. La vente de bois et de charbon de bois est autour de la normale, bien que la production diminue dans la plupart des régions, faute de bois disponible. Les ménages pauvres dans les milieux urbains tirent des revenus en dessous de la moyenne du petit commerce qui est perturbé en raison des turbulences socio-politiques et des affrontements armés entre gangs rivaux, notamment au niveau de l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince. De plus, la migration en République Dominicaine, importante source de revenus pour les ménages pauvres des zones frontalières, continue à évoluer à la baisse, due cette fois non à la prévalence de la COVID-19 mais plutôt à la vague de déportations qui se renforce en territoire dominicain.
Impact sur la sécurité alimentaire. Les conditions de la sécurité alimentaire peinent à s’améliorer en raison de la crise socio-politique qui perdure, combinée à l’insécurité civile, compromettant l’essor économique du pays ; le manque d’opportunité d’emplois dans le secteur informel des grandes villes, et l’inflation qui est proche de 26 pour cent, grevant le pouvoir d’achat des ménages les plus pauvres. L’instabilité socio-politique continue de paralyser le fonctionnement du secteur économique du pays. En plus, les gangs contrôlent de plus en plus de territoires (Ouest, Centre, Sud, Nord-Ouest, Artibonite) affectant l’approvisionnement des marchés, donc leur accès physique aux ménages. Les opportunités de revenus informels pour les ménages issus des quartiers précaires, s’en trouvent impactées.
Le niveau élevé des prix actuel des produits alimentaires de base touche de plein fouet la quantité et la qualité de la consommation alimentaire de cette catégorie, vue leur pouvoir d’achat très limité. Selon les données de l’Initiative Conjointe de Suivi des Marchés (ICSM, avril 2022), le coût médian du panier alimentaire est estimé à 18 127 gourdes. En y ajoutant les produits hygiéniques (2378 gourdes), le coût moyen du panier devient 20 505 gourdes par ménages, avec des niveaux plus importants dans les départements du Nord-Ouest, du Nord, de l’Ouest, du Nord-est et du Sud Est. Selon le bulletin de la CNSA paru en mai 2022, le coût du panier alimentaire a connu une hausse de l’ordre de 50 pour cent en glissement annuel, de février à mai. Dans ce contexte, les revenus agricoles (ventes de récoltes, sarclage, etc.) et non agricoles (petit commerce, vente de charbon ou de bois, auto-emploi, etc.), même proches de la moyenne, ne permettent pas aux très pauvres de satisfaire leurs besoins de base.
Par ailleurs, la pluviométrie, en dessous de la moyenne, observée dans la plupart des régions du pays, depuis la deuxième décade d’avril, ont retardé le lancement des activités agricoles de printemps, particulièrement dans l’Artibonite et les zones sèches d’agriculture comme Haut Plateau Central, le Nord, le Nord-est, le Nord-Ouest, l’Ouest. Les précipitations tardives enregistrées en juin ne permettent pas aux cultures en cours de se récupérer. Ainsi, la demande de main-d’œuvre s’est avérée en dessous de la moyenne. Les revenus provenant de la vente de produits agricoles et de la main-d’œuvre pâtissent donc, en plus d’être affectés par l’inflation persistante des produits alimentaires.
Les moyens d’existence, dans ce contexte, restent perturbés. Les ménages très pauvres, ainsi que ceux résidant dans les quartiers précaires de Port-au-Prince, en proie depuis près de quatre ans à l’insécurité et l’instabilité politique, continueront d'adopter des stratégies de crise telles que l’intensification de la vente de charbon ou de bois et d’animaux femelle, la consommation des récoltes précoces ou de nourriture à faible valeur nutritive, la mendicité, entre autres, pour maintenir le niveau normal de leur consommation alimentaire. Une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) s’y observe donc. Ceux des zones semi-humides, irriguées ou ayant bénéficié de conditions pluviométriques moins déficitaires et erratiques et ceux ayant reçu de l’aide humanitaire ou d’appuis à la reconstruction de leurs moyens d’existence, pourront adopter, en revanche, des stratégies de stress comme la réduction de la consommation journalière et de la qualité de la diète, l’emprunt ou l’achat de nourriture à crédit. Une insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC), est observée.
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire de juin 2022 à janvier 2023 se base sur des suppositions fondamentales suivantes, par rapport à l’évolution du contexte national :
Agro-climatologie
- Selon les prévisions de l’USGS, la pluviométrie devrait être en dessous de la moyenne jusqu’à juillet et autour de la moyenne pendant la deuxième saison pluvieuse (juillet à décembre).
- Une saison des ouragans au-dessus de la moyenne est prévue dans le bassin Caraïbéen au cours de la période de perspective.
Situation socio-politique et sécuritaire
- La violence et les enlèvements devraient encore augmenter dans tout le pays en 2022, par rapport à l’année dernière alors que les gangs continuent d'étendre leur emprise sur la capitale.
- Cette situation pourrait entraver les flux commerciaux entre la capitale Port-au-Prince et les autres régions du pays, ce qui entraînerait probablement de nouvelles hausses des prix des denrées alimentaires et des matières premières, ainsi qu’une diminution de l’offre.
- Il est aussi fort probable que l’accès physique et la disponibilité alimentaire se détériorent dans la plupart des quartiers pauvres de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, avec surtout le nombre de personnes déplacées qui tend à grossir.
- Sur le plan politique, l'absence d'un calendrier électoral et l'insécurité croissante devraient entraîner une augmentation des troubles sociaux dans le pays.
- De plus, un éventuel ajustement des prix des produits pétroliers par le gouvernement est fort probable, n’ayant pas la capacité financière pour continuer à subventionner les prix à la pompe.
Production agricole
- La performance de la campagne agricole de printemps 2022 serait impactée surtout par la cherté des semences ou des intrants, le déficit pluviométrique et la capacité limitée des agriculteurs à financer eux-mêmes leurs activités agricoles, entrainant donc une diminution des surfaces agricoles utiles (SAU). Dans ce sillage, les récoltes seront en dessous de la normale.
Sources de revenu
- La flambée des prix des intrants agricoles, ainsi que la diminution des superficies emblavées, induiraient une demande de main-d’œuvre agricole en-dessous de la normale durant la période.
- Le revenu provenant de la vente de main-d’œuvre agricole se trouverait en dessous de la moyenne, en raison de la diminution de l’embauche des agriculteurs, causée par les impacts résiduels des chocs sociopolitiques et économiques, lesquels réduisent leur capacité d’investir dans l’agriculture.
- Le revenu de la migration en République Dominicaine restera en dessous de la moyenne à cause des contrôles de plus en plus strictes dans les frontières, de la poursuite de la déportation des Haïtiens, de l’accès de plus en plus difficile au visa dominicain à cause de l’augmentation du prix et du temps de traitement des demandes de visas et de la poursuite de la stratégie de certains employeurs dominicains visant à faire venir dans les lieux de travail des agents dominicains de la migration pour déporter des travailleurs haïtiens au moment de la paie, question de ne pas leur payer pour leur travail.
- Le revenu du petit commerce informel dans les rues, notamment dans les zones contrôlées par des gangs, serait en-dessous de la moyenne.
- Le revenu provenant de la vente de produits agricoles se trouverait entre moyenne et en dessous de la moyenne, les récoltes anticipées peu performantes.
- Selon les perspectives de la Banque Centrale Haïtienne (BRH) « les transferts devraient progresser de façon saisonnière, ce qui serait favorable à l’augmentation de la consommation des ménages haïtiens avec des effets positifs en termes de renforcement de l’activité économique ».
Prix/marchés
- La crise Russo-Ukrainienne, résultant en une baisse de la production dans ces deux pays, impactera l’indice des prix des produits alimentaires (farine de blé, le maïs, l’huile végétale, ...) sur le marché international. Vu l’importance de ces produits dans la diète alimentaire haïtienne, cela serait à la base des hausses de prix pour plus importantes, rendant donc ces produits peu accessibles aux pauvres et aux très pauvres.
- Le prix des produits importés maintiendra sa tendance haussière à cause de la dépréciation du taux de change, de la hausse des prix internationaux et des distorsions au niveau des chaines d’approvisionnement.
- Les prix des produits locaux baisseront modérément, à la suite des récoltes, à partir de juillet. Mais, ils resteront atypiquement au-dessus de leur moyenne quinquennale, ceci durant la période de perspective.
Le contexte macroéconomique
- L’importante contraction des réserves officielles nettes de change ne permettra pas à la Banque Centrale Haïtienne de pouvoir intervenir sur le marché des changes pour contenir la dépréciation progressive de la gourde. Elles restent dans les limites de 500 millions de dollars américains, malgré la dynamique des transferts de migrants depuis février. Dans ce sillage, le taux de change de la gourde par rapport au dollar américain continuera à se déprécier pendant toute la période de perspective. Le taux de change sur le marché formel serait proche de 115 gourdes et celui sur le marché informel, autour de 135 gourdes, en moyenne.
- En suivant la tendance du taux de change, l’inflation pourra se maintenir au-dessus de 25 pour cent, amplifiée par l’éventualité d’un nouvel ajustement du prix du carburant sur le marché local, l’instabilité socio-politique et le contexte international caractérisé par la récession et l’augmentation générale des prix des produits céréaliers, des fertilisants, en raison du conflit Russo-Ukrainien.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire.
Les quatre premiers mois de la perspective (juin à septembre 2022) coïncident avec les récoltes de printemps et les semis d’été, susceptible de générer des emplois, du moins temporairement. La performance de la campagne agricole de printemps sera, certes, impactée par la faible capacitée d’investissement des agriculteurs en acquisition d’intrants, limitant ainsi l’emblavement des terres. Des récoltes en-dessous de la normale sont anticipées, mais augmenteront temporairement la disponibilité alimentaire locale des ménages. Les prix des produits locaux baisseront de façon saisonnière, particulièrement en juillet et août ; mais resteront très au-dessus de l’année dernière et aussi de la moyenne quinquennale. Bien que les prévisions climatiques soient favorables à la campagne d’été en août, les contraintes et la performance de la campagne précédente affecteront la demande de main-d’œuvre, laquelle restera en-dessous de la moyenne.
Les ménages seront encore dépendants des achats au marché, les récoltes étant insuffisantes. Les prix des produits (importés et locaux) , significativement au-dessus de la moyenne, et les revenus, globalement moyens, continueront d’affecter l’accès alimentaire des ménages très pauvres. Dans les zones sèches d’agriculture (certaines communes dans l’Ouest : La Gonâve, Cabaret, Ganthier) et dans celles ayant enregistré des déficits hydriques ou des précipitations tardives (l’Artibonite, le Centre, le Nord-est, le Nord-Ouest), des récoltes en-dessous de la moyenne seront enregistrées. Le maintien d’une consommation normale portera les très pauvres à adopter des stratégies de crise telles que l’intensification de la vente de charbon ou de bois et d’animaux femelle, la consommation des récoltes précoces ou de nourriture à faible valeur nutritive, et la mendicité, seront adoptées. Une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) pourra être observée dans la majeure partie du pays. Les ménages des zones bénéficiant de conditions pluviométriques peu erratiques, de l’aide humanitaire et d’appuis au renforcement des moyens d’existence, pourront encore adopter des stratégies de stress, en particulier la réduction de la consommation journalière et de la qualité de la diète, et l’emprunt ou l’achat à crédit de nourriture. Une insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC) y sera observée.
La deuxième période du scénario (octobre 2022 à janvier 2023) coïncide avec les récoltes d'été/automne et le lancement de la campagne d’hiver. Les prévisions climatiques annoncent des précipitations moyennes pour cette période, laquelle est généralement sèche dans tout le pays, sauf en montagnes humides et dans les plaines irriguées. Du haricot, des racines et tubercules et de la banane devront être récoltées, en novembre et décembre, bien que dans une proportion moindre que la moyenne. Ce sera également la période de récoltes des cultures saisonnières comme le pois Congo (Cajanus cajan), le pois de souche (Phaseolus lunatus L.), le pois inconnu (Vigna ungiculata) et des maraichers. Globalement, ces récoltes pourront être autour de la moyenne, mais susceptibles d’être affectées par la saison cyclonique hyper active prévue de juin à novembre. Toutefois, contribuant peu à la production agricole nationale, l’approvisionnement des ménages aux marchés restera prédominant.
Les revenus provenant des ventes et du travail agricoles ainsi que des autres sources (avec les festivités de fin d’année) seront proches de la moyenne. Néanmoins, le niveau élevé des prix des produits de base affectera le pouvoir d’achat des revenus ; ce qui maintiendra la pression sur l’accès des ménages pauvres et très pauvres aux produits alimentaires. Comme précédemment, ils continueront de recourir à des stratégies de crise pour satisfaire leurs besoins alimentaires et feront encore face à une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC). Tandis que ceux qui continueront à recevoir de l’appui au renforcement des moyens d’existence de l’aide humanitaire seront en situation de Stress (Phase 2 de l’IPC).
Aire métropolitaine de Port-au-Prince. Depuis l’accentuation de l’insécurité à Port-au-Prince, plus de 19,000 personnes sont déplacées et logées dans des centres sportifs dans des quartiers plus sûrs sur le plan sécuritaire. En avril et mai 2022, des affrontements à Cité Soleil, Croix-des-Bouquets, Tabarre, Torcel, et à Pernier, ont entrainé plus de 2,000 nouveaux déplacés. Ces quartiers résidentiels, déjà en Crise (Phase 3 de l’IPC) due à la détérioration des moyens d’existence, connaitront probablement une augmentation du nombre de personnes en insécurité alimentaire durant la période considérée. En outre, la fuite d’une frange des résidents des quartiers ci-dessus vers le milieu rural peut accroitre la pression sur les ressources déjà insuffisantes dans ces régions d’accueil. Ce phénomène est donc susceptible d’accentuer la dégradation des conditions de sécurité alimentaire en zone rurale.
Zone | Evénements | Impact sur les conditions de la sécurité alimentaire |
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National | Accentuation des troubles sociopolitiques | L’escalade de la violence perturbera le fonctionnement de l’économie et des marchés. Ceci conduirait davantage à la diminution de la disponibilité et de l’accès alimentaire, portant plus de ménages à adopter des stratégies négatives. Ainsi, un nombre plus important de zones et de ménages pourrait être en Crise (phase 3 de l’IPC). |
Un arrêt des hostilités Russo-Ukrainiennes | Cela pourrait faciliter un meilleur approvisionnement des marchés internationaux en énergie et en produits céréaliers. Dans une telle perspective, les prix pourraient baisser, garantissant ainsi une meilleure disponibilité des produits alimentaires de base, du carburant et des intrants agricoles, en particulier les fertilisants. | |
Une relative stabilité socio-politique | Cela garantirait un environnement plus propice à l’investissement, aux activités génératrices de revenus, et donc à l’amélioration des conditions de sécurité alimentaire. | |
Zones de production | Une saison cyclonique au-dessus de la moyenne | Inondations dans les zones de production de riz, de maïs, de haricot, pourrait occasionner des pertes importantes des cultures et récoltes de printemps, d’été et d’automne. Ce qui causerait des dommages aux moyens d’existence des ménages plus pauvres. |
Un épisode de sécheresse ou irrégularités des pluies | Déficit hydriques affectant les cultures saisonnières, diminution considérable des fourrages et de l’eau disponible pour le bétail. Cela causerait aussi des dommages aux moyens d’existence des ménages plus pauvres. |
Source : FEWS NET
Source : FEWS NET
Source : FEWS NET
Source : USGS/FEWS NET
Source : FEWS NET
Source : FEWS NET/CNSA
Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.