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Suite aux différents chocs enregistrés en 2012, les pertes des cultures et la baisse des revenus saisonniers ont propulsé les zones à risque, surtout dans la péninsule du sud, le nord-ouest et l’Ile de la Gonâve à un niveau élevé d’insécurité alimentaire plus rapidement que prévu dans la perspective d’octobre de FEWS NET. A cause de la diminution de l’accès aux aliments locaux, des prix très élevés, et une faible demande de la main d’œuvre, la plupart de ces zones seront en IPC Phase 3: Crise entre février et mai.
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Une assistance bien ciblée et livrée en février/mars dans le secteur agricole est nécessaire pour éviter une dégradation de la sécurité alimentaire après juin. Dû à la faiblesse des récoltes en 2012, les stocks sont épuisés et des semences ne sont pas disponibles ou peu abordables dans presque toutes les zones agricoles. Bien qu’une saison pluvieuse normale soit prévue, la production agricole risque d’être compromise par suite de manque d’accès aux semences.
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Le début de la récolte précoce en mai devrait mitiger le niveau d’insécurité alimentaire. Dès le début des récoltes du printemps, même dans l’hypothèse d’une réduction des superficies emblavées, on anticipe une amélioration à partir de fin mai avec la cueillette des mangues, du pois inconnu et des haricots. De plus, l’accès au revenu tiré du travail agricole devrait permettre aux ménages en situation de Crise de remonter en IPC Phase 2 : Stress dans les zones rurales concernées.
Situation actuelle
L’année 2012 a vu la succession d’une série de chocs tels que deux périodes sèches, deux ouragans et des inondations qui ont grandement affecté la production agricole à travers tout le pays, à des degrés différents, certes, selon la zone géographique. Pour un pays tel que Haïti, où la production agricole représente environ 50 pour cent de l’offre alimentaire au niveau national, ces événements ont perturbé les moyens d’existence et l’accès à l’alimentation parmi certains groupes de richesse, surtout en milieu rural où la production locale pourrait permettre 3-6 mois d’alimentation dans une année normale. Selon des évaluations des récoltes conduites en 2012 (Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire et partenaires) la production nationale agricole pour l’année 2012 est estimée à environ 50 pour cent de la production moyenne annuelle. La baisse de la production induite par ces chocs a pour impact la rareté des denrées alimentaires locales, l’augmentation des prix, la diminution des revenus agricoles et la mise en œuvre de stratégies de survie bien avant le début d’une soudure précoce. Cette situation touchera plus particulièrement les ménages pauvres et très pauvres du milieu rural, conduisant à une forte et précoce dépendance du marché, surtout dans les zones Agropastorales sèches dans la Péninsule du Sud, la péninsule du nord-ouest, certaines communes du nord et du Plateau Central et l’Ile de Gonâve.
Évolution des activités agricoles
Les faibles récoltes d’hiver ont conduit à une soudure précoce dans les zones les plus affectées par les chocs depuis mai/juin 2012. La saison sèche qui s’étend de décembre à février/mars correspond généralement à la période de récolte du pois Congo et du sorgho semés au cours de la campagne du printemps et des haricots plantés en décembre dans les aires irriguées. Ces récoltes permettent typiquement de constituer des stocks alimentaires même au niveau des ménages pauvres des zones rurales, en préparation de la soudure, qui commence généralement en mars/avril. Par contre, cette année, la production du sorgho et du pois Congo,
Figure 2. Carte des résultats estimés plus probables de la sécurité alimentaire, janvier à mars 2013 récoltés en décembre et janvier, est estimée inférieure à la moyenne dans la plupart des zones du pays, à l’exception du Plateau Central, quelques communes du haut Artibonite et du Nord-ouest où elle est normale, d’après les techniciens intervenant dans le secteur. Suite à cette faiblesse de la production agricole, la période de soudure a débuté en janvier/février, soit 2-3 mois plus tôt que d’habitude parmi les ménages pauvres, particulièrement dans le Sud-est, la pointe occidentale du Nord- ouest et certaines communes dans le Sud, le Centre, la Grand-Anse et les Nippes.
Dans certaines zones du pays, des activités agricoles sont en cours avant même le début de la saison pluvieuse. Depuis janvier, des agriculteurs dans le sud-est ont démarré avec la préparation des sols en vue de bénéficier d’éventuelles chutes de pluies en février pour le semis des haricots de montagnes humides et semi-humides. Dans d’autres zones comme le haut Plateau Central, les premiers semis auront lieu en avril et se prolongeront jusqu’en mai. Dans la vallée de l’Artibonite, St. Raphael certaines communes du Nord-est, zone de plaine irriguée, le riz, les haricots et les maraichers sont maintenant en cours de production. A cause des variations observées dans la saison pluvieuse au cours des dernières années, des agriculteurs dans la plupart des zones auront tendance à ensemencer dès les premières chutes de pluie.
En dépit des pertes de récolte et de la faible production au niveau national, certaines régions, comme le bas Artibonite et des communes du nord et du bas Plateau Central ont pu bénéficier de conditions favorables au développement et à la croissance des cultures. Encouragé par les prix élevés des haricots sur le marché national, des agriculteurs dans l’Artibonite ont augmenté au cours du semis de décembre dernier les superficies habituellement plantées en cette denrée jusqu’à 15-20 pour cent d’après les techniciens intervenant dans cette zone. Les cultures maraichères telles que les oignons, les tomates et les piments sont à différentes phases de développement mais sont globalement en ligne avec l es tendances saisonnières pour ces produits. Vu que des intrants tels que semences, engrais et eau d’irrigation sont disponibles et abordables pour la plupart des agriculteurs dans cette zone, les techniciens estiment que la moisson s’annonce aussi abondante ou même supérieures à une année normale. Cette productivité se reflète par une disponibilité abondante en riz local, haricots verts, légumes et agrumes dans les marchés de la zone, tels que l’Estère et Pont Sondé.
Après les pertes des récoltes en 2012, la prochaine campagne agricole qui démarre en mars/avril va être une occasion pour reconstituer les stocks et améliorer l’accès à l’alimentation, particulièrement des ménages pauvres. La saison pluvieuse du printemps s’annonce normale d’après les prévisions météorologiques de l’International Research Institute for Climate and Society et de NOAA, ce qui augure d’une restauration des systèmes des moyens d’existence à partir de mai/juin. Lors d’une année normale, la saison pluvieuse démarre en mars/avril.
Fonctionnement des marchés
Les prix des produits importés varient d’un marché à l’autre en fonction de la disponibilité des stocks, de l’état des routes et de la distance par rapport à Port-au-Prince où les marchands généralement s’approvisionnent. Toutefois, les prix des produits locaux marquent une certaine tendance à la hausse tandis que ceux de la plupart des produits importés (riz, farine, sucre) sont stables. Le prix du riz importé est assez stable sur presque tous les marchés depuis novembre 2012. Sur le marché de Port-au-Prince, cependant, il connait une légère hausse de 5 pour cent en janvier 2013 par rapport à janvier 2012. Par contre sur le marché de Jacmel le riz a régressé d’environ 3 pour cent en janvier 2013 en comparaison à janvier 2012. La tendance est à peu près similaire pour l’huile, le sucre et la farine.
Quant aux denrées localement produites, la variation des prix est plus ample. Les bananes, les haricots, le maïs et le sorgho sont rares particulièrement dans les zones frappées par des intempéries en 2012. Il s’en suivit une flambée des prix des produits locaux entre août et novembre allant jusqu’à 50 pour cent pour les haricots, le maïs, la banane et les fruits dans presque toutes les régions du pays. Sur tous les marchés on a observé que les prix des denrées étaient jusqu’en décembre supérieurs à la moyenne des cinq dernières années en dépit d’une baisse des prix résultant de la récolte du pois congo utilisé comme produits de substitution. Cependant, en janvier 2013, les haricots ont affiché une baisse négligeable par rapport à décembre 2012 sur le marché de Port-au-Prince tandis qu’ils accusent une hausse de 13 et 8 pour cent respectivement sur les marchés de Hinche et Jacmel. Quant au maïs local, il est stable sur le marché de Port-au-Prince par rapport à décembre 2012, mais en hausse de 31 pour cent en comparaison à janvier 2012.
On a constaté de nouveaux circuits, faits de marchands venant du sud pour s’approvisionner en produits de base sur les marchés frontaliers (Malpasse), et le flux des marchandises sur la frontière entre Haiti et la République Dominicaine semble s’intensifier. Suite à la rareté des produits locaux, la population rurale consomme davantage de farine, de blé, du riz en lieu et place des ignames, du pois Congo, du sorgho et du maïs.
Evolution de la sécurité alimentaire dans les zones de préoccupation
La situation actuelle de la sécurité alimentaire dans la zone sèche d’agriculture et de pêche et la zone agro-pastorale sèche dans la péninsule du sud ainsi que la zone pastorale sèche dans l’ouest et la pointe occidentale du nord-ouest demeure préoccupante. Les intempéries ont endommagé outre les cultures saisonnières comme les céréales et les légumineuses, mais également les cultures pérennes telles que la banane et les fruitiers, qui sont dans une année typique une source importante de nourriture, surtout pendant la période de forte dépendance du marché entre mars et juin. Les bananiers qui étaient en phase végétative avancée et en phase productive ont été renversés par les vents violents des ouragans ou asphyxiés par les inondations, accusant des pertes de plus de 70 pour cent dans le nord, le sud, et l’ouest. Il faut noter que les bananeraies dans certaines localités du nord-ouest, certaines zones du nord et nord-est n’ont pas été affectées aussi gravement par les intempéries.
L’île de la Gonâve : L’île de la Gonâve est partagée entre deux zones agro pastorale et agro pastorale sèche, où l’achat et la production agricole constituent les principales sources de nourriture alors que la vente de main d’œuvre et les dons sont les principales sources de revenus pour les pauvres. La période de janvier à juin est marquée par la récolte du pois congo, du petit mil et de l’arachide. Le trimestre janvier-mars attire habituellement aussi une forte demande de main d’œuvre pendant la préparation de la campagne de printemps. Pourtant, les chocs successifs qui se sont abattus sur le pays compromettent sérieusement la disponibilité des semences dans cette zone, et par conséquent, les activités pour la préparation de la campagne de printemps sont prévues d’être plus faibles que normale. En plus, les habitants subissent encore les effets des intempéries qui ont causé la destruction des cultures, la perte de têtes de bétail entrainant une augmentation des prix des produits alimentaires et une baisse du pouvoir d’achat des ménages Les marchés sont dans leur grande majorité approvisionnés par les produits importés. Le sorgho et le pois Congo ont fourni en décembre/janvier comme prévu une production nettement inférieure à la moyenne. On avait prévu également que sans une assistance bien ciblée, la Gonâve aurait été en IPC Phase 3 : Crise entre janvier et mars 2013. En effet une aide alimentaire est fournie à 4700 ménages sous forme de bons pouvant satisfaire les besoins alimentaires de base du bénéficiaire. Cette assistance s’étend de décembre à juillet et devrait contribuer à une amélioration de la situation alimentaire qui passerait de la Phase 3: Crise à la Phase 2: Stress entre les mois de février et juin.
Assistance humanitaire et à la production agricole
De nombreux acteurs interviennent dans les départements du Centre, du Nord-est, du Sud-est, du Nord-ouest et de l’ouest à travers l’exécution de projet de courte durée (3-8 mois). Ces projets ont pour objectifs le traitement des ravines, la réhabilitation de routes agricoles, la fourniture de semences et la distribution de bons alimentaires. Dans le haut Plateau Central, par exemple, interviennent plusieurs acteurs qui font du cash for Works, de la distribution de nourriture, mais sans beaucoup de coordination. Des programmes d’assistance alimentaire s’étendront en mars pendant un mois aux ménages pauvres vivant dans des endroits d’accessibilité très difficiles dans les mornes des départements de l’ouest et du sud-est et cibleront 12 500 bénéficiaires. Des travaux à haute intensité de main-d’œuvre pour la réhabilitation de routes agricoles et le traitement des ravines se déroulent dans plusieurs départements dont le Nord-ouest et le Nord-est. Dans certaines zones comme dans le Sud-est, ces projets conduiront à une amélioration de la sécurité alimentaire, surtout chez les ménages pauvres et très pauvres. Près de 40 000 ménages recevront une assistance dans les zones à risques à travers le pays.
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire, de janvier juin 2013, se fonde sur les hypothèses générales au niveau national suivantes:
- La pluviométrie sera normale entre février et juin selon les prévisions de l’International Research Institute for Climate and Society et de NOAA pour cette période. Des pluies qui démarrent dans les délais et une bonne distribution spatio-temporelle déclencheront l’investissement des agriculteurs en espérant obtenir des récoltes satisfaisantes.
- Suite aux pertes consécutives des deux dernières saisons, sans un appui bien ciblé, les agriculteurs n’auront pas assez de ressources pour conduire la campagne agricole du printemps à son plein potentiel, même avec une bonne pluviométrie. Cette situation est due aux difficultés qu’auront les agriculteurs à s’approvisionner en semences, qui sont très chers et rares. Il s’en suivra une réduction des superficies emblavées qui seront inferieures à la normale, surtout dans les zones sèches d’agriculture et de pêche et dans les zones agro-pastorales.
- La production des haricots d’hiver dont la récolte est prévue au début de mars seront 10 à 15 pour cent plus faibles que la normale, à l’exception du bas Artibonite où l’on devrait s’attendre à une production au-dessus de la moyenne. Cette récolte ne devra pas avoir un grand impact sur le cours des haricots sur le marché.
- Le Ministère de l’Agriculture continuera à subventionner les engrais chimiques qui pourront être disponibles sur le marché pendant toute la période du scénario. En considérant, cependant, le cours élevé des fertilisants chimiques sur le marché mondial, les agriculteurs continueront à les payer chers par rapport à 2010 (900 gourdes le sac de 100 livres en 2013 contre 500 gourdes en 2010). Dans certaines zones telles que la cote sud, les agriculteurs auront tendance à utiliser moins d’engrais pour la production des haricots conduisant à une productivité moins élevée qu’à l’ordinaire.
- Vu la bonne disponibilité en eau d’irrigation et en fertilisants chimiques, la production rizicole dans l’Artibonite se situera autour La demande de la main-d’œuvre qui profite aux ménages pauvres dans ces zones restera normale pendant toute la période de la moyenne.
- Le Ministère de l’Agriculture mettra en œuvre son programme de relance de l’Agriculture, qui inclut un soutien aux moyens d’existence à travers le CFW et l’appui technique aux agriculteurs, à travers le pays. Certains projets comme distribution de semences de haricots en décembre, la correction des ravines et réhabilitation des routes et des petits systèmes d’irrigation sont déjà en cours mais d’autres relatifs à la campagne agricole du printemps pourraient ne pas démarrer dans les délais pour permettre aux agriculteurs de réussir cette campagne. Des 74 millions de dollars requis depuis fin 2012, on n’en a reçu que 10 millions.
- Les ONG et les partenaires internationaux impliqués dans l’agriculture accompagneront les agriculteurs dans la réalisation de la campagne agricole du printemps en leur fournissant des semences et des outils aratoires et en développant des activités de CFW particulièrement dans le Sud-est, certaines communes dans le département du sud, du nord-ouest et de l’Artibonite. Il est probable que les semences ne parviennent pas à temps aux agriculteurs pour l’emblavement de leurs parcelles, mais les programmes de CFW permettront aux ménages pauvres de gagner du cash qui facilitera leur recapitalisation. L’aide alimentaire fournie par les institutions humanitaires dans le Sud-est, l’ouest, le Plateau Central sont susceptibles de réduire le niveau d’insécurité alimentaire actuellement en cours dans ces zones. A condition qu’elle vise les ménages pauvres et très pauvres qui sont les plus affectés par les différents chocs, l’aide alimentaire permettra d’améliorer le niveau d’insécurité qui passera de la crise à IPC Phase 2 : Stress, surtout dans le sud-est, la Gonâve et le Plateau Central.
- La disponibilité de plus en plus faible des produits alimentaires (les haricots, les bananes et le maïs) locaux produira une tendance haussière des prix par rapport à la normale jusqu’en juin sur tous les marchés, surtout dans le Nord, le nord-est, le nord-ouest, l’ouest et la péninsule du sud. Les prix pour ces produits pourraient atteindre 30 à 35 pour cent au-dessus de la moyenne des cinq dernières années, compte tenu que les prix ont déjà atteint 25 à 30 pour cent de la normale. Dans ce cas, les ménages ne seront pas capables d’accéder ces denrées de base et seraient obligés de faire appel à des produits de substitution moins cher mais de qualité nutritionnelle inférieure.
- L’importation des produits alimentaires de base tendra à augmenter pour répondre à la demande en hausse des produits importés due aux pertes élevées de la production nationale.
- Une recrudescence saisonnière de l’épidémie du choléra risque de toucher les ménages pauvres, particulièrement l’Artibonite, le Plateau Central, le Sud, les Nippes, le Sud-est, la zone métropolitaine de Port-au-Prince où les conditions sanitaires sont précaires entre mars et juin pendant la saison pluvieuse.
- Des inondations sont susceptibles de détruire les cultures et les infrastructures agricoles en mai dans l’Artibonite, le Sud-est, le Sud et les Nippes, comme c’est si souvent le cas en cette période de l’année
- Les transferts de l’étranger sur Haïti maintiendront leur tendance saisonnière entre février et juin.
- On s’attend à un démarrage prématuré de la période de soudure (janvier/février au lieu de mars/avril) chez les ménages pauvres dans presque toutes les régions du pays en particulier le nord-est, la péninsule du nord-ouest, certaines zones du département de l’ouest, et certaines zones de la péninsule du sud.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
La situation alimentaire continuera à se dégrader entre février et mai dans les zones affectées par les intempéries. En effet, les réserves alimentaires des ménages pauvres sont déjà pour la plupart épuisées alors que leur revenu potentiel demeure très faible tandis que s’accroit leur dépendance du marché. Les récoltes du sorgho et du pois Congo effectuées en janvier n’atteindront pas février au niveau des ménages pauvres des zones frappées par les intempéries. La plupart d’entre eux étaient en IPC Phase 2 : Stress en janvier. Comme ils n’auront plus rien à récolter entre février et avril, particulièrement dans les zones à agriculture pluviale, ils dépendront du marché pour se nourrir à presque 100 pour cent de leurs besoins, soit une augmentation de 20 pour cent par rapport à la normale. Cependant, face à la baisse de la demande de la main- d’œuvre, leur principale source de revenu, et l’augmentation des prix des produits alimentaires de base, ils seront contraints de faire appel à des stratégies de survie irréversibles, comme la vente du bétail et la coupe d’arbres fruitiers pour se nourrir. Beaucoup d’entre eux dans le Sud-est, certaines communes dans la Grand Anse et le sud, le Nord-ouest, le haut Artibonite, passeront en crise ou phase 3 de l’IPC entre février et mai sans une assistance bien ciblée et planifiée. A partir de mai avec la récolte du pois inconnu, le début de la cueillette des mangues et des haricots, leur situation s’améliorera et ils seront à l’IPC 2 ou stress, moyennant une pluviométrie normale entre mars et juin.
Zone Agro-pastorale semi humide dans le sud-est (Bainet) et dans la péninsule du sud (Dame Marie, Anse d’Ainault, Les Irois et Tiburon)
La campagne agricole du printemps, la plus importante, commence avec la préparation des sols en février/mars et offrira des opportunités d’emploi aux travailleurs. Cette source de revenu est capitale pour les pauvres et les très pauvres qui représentent plus de 50 pour cent de la population. Ils vivent des activités agricoles et achètent habituellement près de 80 pour cent de leur nourriture sur le marché pendant cette période de l’année. Ils sont alors très vulnérables à la hausse des prix prévue pendant la période de soudure en avril/mai. Le pouvoir d’achat, dans cette zone agro-pastorale semi humide dépend des activités économiques diverses telles que l’agriculture, l’élevage, la pèche, et le petit commerce. Les cultures comme les haricots, les ignames, le maïs, les bananes, le manioc, la patate douce, l’arbre véritable forment la base d’alimentation pour cette région. Cependant, la rareté de ces denrées pendant le premier bimestre de l’année 2013 a porté les ménages à consommer beaucoup plus de produits importés tels le riz, la farine de blé et, à un degré moindre, du pois Congo local. Le mois de janvier est habituellement marqué par les récoltes de pois Congo et du sorgho. C’est aussi le moment des plantations des cultures pérennes telles que le café, le cacao et la canne à sucre.
Situation Actuelle
Les ménages pauvres font actuellement face à une anticipation de la période de soudure (janvier contre mars) à cause des récoltes en dessous de la moyenne sous l’effet combiné des chocs qui se sont succédé durant toute l’année 2012. Un ralentissement des activités agricoles, principales sources de revenus des ménages pauvres, associé à la dégradation d’autres sources secondaires ont conduit à une réduction du revenu total des pauvres entre 15 et 20 pour cent. En guise de stratégie de subsistance, les ménages pauvres se livrent à une intensification de la vente de charbon, à l’achat à crédit et la migration interne. Devant s’approvisionner aux marchés à la hauteur de 80 pour cent de leur panier, les ménages pauvres étaient classés en situation d’IPC Phase 2 : Stress en janvier.
Les dernières récoltes de sorgho et de pois Congo, les denrées les plus importantes du dernier trimestre de l’année (pour la consommation et le commerce agricole), se sont étalées entre décembre et janvier. Selon les techniciens travaillant dans la zone, le volume de production est estimé entre 50 et 70 pour cent de la récolte de l’année 2011 qui est considérée comme une année normale dans la zone côtière du sud. L’arachide est l’une des principales cultures de rente de la zone. Pourtant, cette année, récoltée entre novembre et janvier aussi, elle génère une forte demande de main-d’œuvre. Son rendement est évalué, selon les planteurs, à environ 70 pour cent de la normale, à cause de la sévérité de la sécheresse de l’an dernier. La disponibilité des fruits de l’arbre véritable, d’ordinaire très accessibles et consommés par les ménages pauvres ainsi que les bananes qui rentrent dans la diète quotidienne de tous les groupes est en dessous de 20 pour cent. Parallèlement, le semis du haricot a démarré dans les zones irriguées en décembre. La récolte qui devra avoir lieu en février aura un faible impact sur la situation alimentaire de la zone. La superficie plantée est estimée à environ 85 pour cent de la surface habituellement emblavée et les semences distribuées par les partenaires étaient insuffisantes et de qualité douteuse.
Les marchés sont caractérisés par un déficit d’approvisionnement et une hausse des prix des produits alimentaires locaux. Le flux des produits importés est régulier et leurs prix sont plus ou moins élevés mais stables pour le dernier trimestre de 2012. Les récoltes de pois Congo (bien qu’inférieures à la normale) ont conduit pourtant au recul du prix de la marmite du haricot noir qui s’échange actuellement à un prix de 15 pour cent inférieur à celui du mois d’octobre 2012, toutefois, le haricot noir reste 35 à 45 pour cent plus cher que l’année dernière à la même époque. La rareté de banane sur le marché résulte en un doublement du prix du régime par rapport à la fin de l’année 2011. Un épuisement des stocks de maïs en grain a débouché sur une appréciation du prix de la marmite du maïs moulu. Sur les différents marchés du sud, la marmite s’est appréciée de 40 pour cent en janvier relativement au mois d’octobre 2012. Parallèlement, la marmite de sorgho s’est dépréciée d’environ 15 pour cent depuis que les récoltes ont démarré en novembre 2012.
Les principales sources de revenus des plus pauvres pendant cette période, restent la vente de main d’œuvre et de produits agricoles. En conséquence des mauvaises récoltes de l’année 2012, la rareté des semences et le manque de capitaux, il est probable que les agriculteurs réduisent leur investissement et recrutent moins de travailleurs que d’habitude actuellement et pendant la campagne agricole du printemps en mars/avril. Beaucoup de ménages pauvres devront s’adonneront à la vente du charbon de bois et des étaies pour la construction tandis que d’autres comme les pécheurs de Dame Marie se livreront à l´extraction du sable.
Des programmes de distribution de cash sont prévus par des institutions internationales, et dans certains cas, ces appuis amélioreront l’insécurité alimentaire pendant la période du scénario. L’assistance alimentaire des organisations internationales visent à faire bénéficier 600 familles dans les communes de Dame Marie, Anse d’Hainaut et les Irois. Des ONGs organiseront des foires semencières en février et mars, pendant lesquels 300 agriculteurs, dans le cadre du programme MYAP dans les communes de Chardonnières, Port à piment, Coteaux, Roche à bateau, Tiburon et les Anglais recevront un coupon pour l’achat de semences. Même avec la reprise des activités agricoles à partir du mois de mars, le revenu total des ménages pauvres se réduira d’environ 15 à 20 pour cent.
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire, de janvier à juin 2013, se fonde sur les hypothèses générales spécifiques à la zone:
- La saison pluvieuse détériorera les axes routiers, ce qui entrainera une hausse des prix des produits alimentaire de base dans les localités les plus reculées et une érosion du pouvoir d’achat des pauvres.
- Les activités de pêche, qui démarrent en mars, n’atteindront pas leur niveau habituel à cause des pertes occasionnées par les ouragans Isaac et Sandy aux matériels de pêche. Le cyclone Sandy a beaucoup affecté la pêche (évaluation CNSA et partenaires). Les dispositifs de concentration de poissons, récemment mis en place sont très affectés. De nombreux matériels de pêche tels barques, filets, nasses ont été soit détruits ou soit emportés par les eaux lors du passage de la tempête tropicale Sandy causant ainsi la décapitalisation des pêcheurs.
- La période de soudure sera plus longue cette année à cause d’un début précoce de deux mois.
- Les superficies emblavées cette saison seront entre 70 et 80 pour cent de celles habituellement cultivées en moyenne à cause de la rareté des semences. Les récoltes de patate douce, de banane, de fruits d’arbre véritable et des mangues se dérouleront normalement à partir de mai.
- Les ONG intervenant dans la zone et le Ministère de l’Agriculture apporteront une assistance en semences aux ménages pauvres, mais vu le manque de disponibilité des semences sur le marché, il est probable que la quantité apportée ne suffise pas à satisfaire les besoins et que les agriculteurs soient contraints à cultiver qu’une partie réduite de leurs champs.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
A cause du début précoce de la période de soudure, de la faiblesse de la demande de main d’œuvre agricole et la dégradation des différentes sources de revenus, du prix élevé des produits alimentaires de base, les ménages pauvres se verront confrontés à des difficultés à satisfaire leurs besoins alimentaires dû aux déficits de production, à l’épuisement des stocks, et à la diminution d’emplois saisonniers qui contribuent à une réduction du pouvoir d’achat par rapport à une année typique. Ils se retrouveront en Crise (phase 3) à partir du mois de février jusqu’au mois de mai. Avec la récolte de la patate douce, la cueillette des mangues et des haricots dès le mois de mai, s’opérera une amélioration sensible des revenus et de la disponibilité en aliments. Les ménages pauvres passeront de la phase 3 de l’IPC à la phase 2 en mai et juin.
Zone sèche d’agriculture et de pêche : Anse-Pitres, Belle-Anse, Grand-Gosier Côtes de Fer, Marigot, Roseaux, Corail
L’agriculture, l’élevage et la production de charbon sont à la base de l’économie de cette zone. Pendant cette période, les ménages pauvres diversifiaient ses activités pour mitiger les risques alimentaires, mais la demande de main-d’œuvre agricole, dont le coût journalier varie entre 75 et 200 HTG, connaitra son plus bas niveau entre janvier et février qui constituent une période d’inactivités agricoles. Les ménages pauvres d’ordinaire tirent une part significative de leur revenu de la vente de main d’œuvre agricole. Le mois de janvier normalement marque les récoltes de sorgho alors que le mois de février la période migratoire interne pour prendre fin en avril. Durant ce bimestre, les ménages pauvres consomment surtout du petit mil, du pois Congo et des vivres issus de leurs propres récoltes. Cette année, ils s’alimentent surtout à partir du riz, de la farine et du blé acheté au marché.
Situation actuelle
Les ménages pauvres étaient en janvier en situation d’IPC Phase 2 : Stress, et en cours d’évolution a IPC Phase 3 : Crise, elle- même entrainée par les impacts progressifs de graves déficits dans la production agricole, la chute des revenus et l’augmentation des prix des produits alimentaires de base. Les pauvres éprouvent certaines difficultés à avoir accès aux aliments de base. Les greniers sont vides et les prix sont généralement très élevés sur les marchés qui jouent un rôle encore plus prépondérant comme source de nourriture face à la faible récolte de ces cultures frappées par de nombreuses intempéries. La décapitalisation des mieux nantis mène à une faible sollicitation des services de journaliers agricoles au profit de l’utilisation de la main d’œuvre familiale. Cette situation a une forte incidence sur le revenu moyen des ménages les plus pauvres.
En plus des récoltes de patate douce et de l’arachide, les récoltes saisonnières de pois Congo et de sorgho se sont déroulées jusqu’à la fin du mois de janvier. Par contre, pour ces dernières cultures, les rendements sont évalués à 30 pour cent d’une année normale, comme conséquence de la sécheresse qui a empêché la croissance de ces cultures, et parce que les deux ouragans successifs, Isaac et Sandy, ont provoqué la chute des fleurs d’où une nette réduction de la production. Les bourrasques de vent qui ont accompagné la tempête Isaac ont précipité la fin de la récolte d’avocats. En guise de stratégie, les ménages pauvres ont amorcé la récolte de chadèques dès décembre alors qu’elle devrait normalement débuter en février. De plus, le passage de l’ouragan Sandy a affecté la population de bétail, la principale source d’épargne des ménages pauvres. Les pertes des animaux ont éliminé une source de revenu des ménages qui autrement vendraient les animaux pour accéder le marché pendant la soudure ou d’autres périodes de difficulté. A cette période de l’année, certains ménages sont déjà décapitalisés pour avoir perdu ou dû recourir à la vente de leurs menus bétails. Leur stratégie pour le moment consiste à intensifier la fabrication du charbon de bois, à solliciter des prêts et à la migration interne.
Le mois de mars marque en général la période des grandes plantations. La réussite de la campagne agricole de mars reste toutefois tributaire d’une bonne pluviométrie et des accompagnements dans la fourniture de semences qui se font d e plus en plus rares. Mais, en définitive, il y aura moins de superficie emblavée cette année, ce qui permet d’augurer d’une production inférieure à celle d’une année normale.
Sur les différents marchés, la sécheresse et les tempêtes (Isaac et Sandy) ont conduit à une rareté des produits locaux tels que le haricot noir, les bananes et dans une moindre mesure le maïs moulu local. Les produits importés sont largement disponibles, mis à part le haricot rouge qui est surtout importé de la République Dominicaine. Si les prix des produits alimentaires de base importés maintiennent une certaine stabilité, les prix des produits locaux se comportent différemment en affichant une tendance à la hausse pour certains. Le prix d’un régime de banane est le double de celui de l’année dernière sur les différents marchés. Les haricots noirs et le maïs produits localement ont respectivement subi une augmentation de 40 et de 30 pour cent en décembre 2012 par rapport à décembre 2011. L’analyse des prix pour le mois de janvier 2013 montre que les prix continueront à grimper, en les comparants avec le mois de décembre 2012. Le prix de la marmite de maïs moulu local a augmenté de 6 pour cent alors que le prix du haricot a grimpé de 9 pour cent. Quant au pois Congo, dont le prix a chuté de 15 à 20 pour cent depuis le début de la récolte, il reste néanmoins environ 50 pour cent plus élevé par rapport à l’année 2011 à pareille époque.
Suppositions
Le scénario le plus probable de la sécurité alimentaire, de janvier juin 2013, se fonde sur les hypothèses générales spécifiques à ces zones:
- Le prix des produits alimentaires locaux et plus précisément celui du haricot noir continuera son ascension jusqu’á 20 à 25 pour cent par rapport à son niveau actuel. Ce sera la conséquence d’une hausse dans la demande pendant la période de grande plantation (mars-avril).
- Pendant le premier bimestre de l’année, le pouvoir d’achat des pauvres aura chuté à cause d’un ralentissement des activités agricoles, ce qui est normal pour la saison sèche. Entre mars et juin, le pouvoir d’achat remontera grâce au démarrage des travaux agricoles en préparation pour la campagne du printemps, d’où les pauvres tirent 40 pour cent de leur revenu.
- On s’attend à une baisse de la demande de la main-d’œuvre agricole entre février et avril, une conséquence de la faible production en 2012 résultant de la baisse des ressources (intrants, argent) pour investir dans la récolte du printemps. Comme conséquence, les ménages pauvres ne gagneront pas les niveaux de revenu habituels et seront obligés de faire appel à des stratégies irréversibles.
- Compte tenu du début précoce de la soudure et la diminution des sources de revenu habituel, les ménages pauvres feront face à un niveau de décapitalisation plus élevé que d’ordinaire. Ils procéderont à la vente des animaux (volailles), la coupe des arbres fruitiers pour produire du charbon et à la sollicitation de prêt au taux d’intérêt usuraire entre février et mai.
- Avec les tendances saisonnières, on s’attend à une probable aggravation de la situation nutritionnelle des enfants dans les communes de Belle-Anse et de Bainet entre février et mai. Cette année, cette dégradation serait précoce et plus répandue que lors d’une année typique.
- Les programmes d’urgence pour soutenir la production agricole et les moyens d’existence seront probablement en retard, et ne permettront pas une maximisation des superficies. Pourtant, le début de ces programmes permettra une augmentation progressive du pouvoir d’achat parmi les bénéficiaires des programs orientés vers le CFW.
- Les programmes d’urgence pour soutenir la relance agricole et les moyens d’existence se dérouleront normalement dans les communes de Thiotte, Belle Anse Grand Gosier, Marigot, Anse à Pitres.
Résultats les plus probables de la sécurité alimentaire
La faible performance de la production agricole, le coût élevé des produits alimentaires de base ont contribué à diminuer considérablement la quantité et la qualité de la nourriture des ménages actuellement. Aussi, la consommation alimentaire des ménages pauvres et leurs moyens de subsistance continueront-ils à se dégrader entre janvier et mai. La coupe effrénée des arbres pour la fabrication du charbon, la pêche abusive et la vente du bétail, déjà observées dans certaines zones, entraineront des effets pervers sur les ressources naturelles (ligneuses, aquatiques) tout en provoquant la décapitalisation des ménages pauvres ou même des moyens et des mieux lotis. Les ménages pauvres évolueront au niveau d’IPC Phase 3 : Crise alimentaire entre février et mai. Cependant la situation des ménages s’améliorera en mai et juin lorsque les récoltes de céréales et de légumineuses et la cueillette des mangues contribueront à une plus grande disponibilité alimentaire et à une augmentation des revenus. Les ménages pauvres passeront de la crise à la précarité ou IPC 2.
Zone | Evénement | Impacts sur la sécurité alimentaire |
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Artibonite | Augmentation de la population des punaises vertes qui s’attaquent aux rizières à Dessalines suite à un décalage dans les semis. | Baisse de la production rizicole. Baisse de la demande de la main-d’œuvre agricole. Augmentation du prix du riz produit localement. |
Tout le pays | Les différents corps de l’Etat, les partis politiques et les organisations de la société civile arrivent à un consensus qui permet l’organisation d’élections législatives et locales libres et acceptées de la grande majorité. | Le climat peut devenir favorable aux investissements, ce qui contribuera à la création d’emplois durables. |
Péninsule sud | Les programmes du Ministère sont déployés dans les délais et arrivent à fournir des intrants de qualité à la grande population des agriculteurs. | La superficie emblavée augmente pour atteindre un niveau plus proche de la normale. La production agricole sera en augmentation. |
Tout le pays | Les pluies arrivent en retard et sont erratiques pendant toute la saison. | Faible production agricole. Flambée des prix. La situation alimentaire des ménages pauvres continuera à se détériorer. |
Sude-est, Grand Anse, Sud | L’assistance humanitaire est fournie mais n’est pas bien ciblée et coordonnée. | Les pauvres ne bénéficient pas de l’aide et leur situation continue à se détériorer. |
Source : FEWS NET
Source : FEWS NET
Afin d’estimer les résultats de la sécurité alimentaire pour les prochains six mois, FEWS NET développe les suppositions de base concernant les événements possible, leurs effets, et les réponses probables des divers acteurs. FEWS NET fait ses analyses basées sur ces suppositions dans le contexte des conditions actuelles et les moyens d’existence locaux pour développer des scénarios estimant les résultats de la sécurité alimentaire. D’habitude, FEWS NET prévient du scénario le plus probable. Pour en savoir plus, cliquez ici.