Download the report
-
Après la confirmation de cas de Covid-19 en Haïti le 19 mars par le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), le gouvernement a entrepris des mesures pour freiner sa propagation telles que la réduction des heures de travail, la fermeture des frontières Haïtiano-Dominicaines. D’autres mesures sont annoncées par certains maires, entre autres : accès limité aux marchés de produits agricoles et hygiéniques, fonctionnement réduit des marchés, restriction du transport vers certaines villes (Cap-Haitien, Jérémie) et le département du Sud.
-
La situation sociopolitique demeure calme, mais imprévisible. Cependant, quelques mouvements de panique ont été observés au début de l’épidémie et une inflation modérée se maintient, notamment en ce qui concerne les produits alimentaires, ce qui continue d’affecter l’accès alimentaire des ménages les plus pauvres.
-
Parallèlement, des pluies inférieures à la normale et irrégulières depuis la fin du mois de mars ont ralenti la poursuite des activités agricoles et retardent le développement des plantations en cours dans le Nord, le Nord-Est, l’Ouest, le Centre et le Haut-Artibonite.
-
Les mesures préventives contre la propagation du virus agissent négativement sur le fonctionnement des marchés, les transferts, et l’emploi. Ajouté à cela, les prix élevés des produits alimentaires continuent d’affecter l’accès alimentaire des ménages les plus pauvres et obligeront ces derniers à renforcer les stratégies de crise et de stress pour maintenir leur consommation alimentaire de base. Une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) et de Stress (Phase 2 de l’IPC), pour la plupart, se maintient, avec une augmentation progressive du nombre de personnes en Crise (Phase 3 de l’IPC).
Le contexte de la pandémie Covid-19. Le premier cas de Coronavirus est confirmé en Haïti le 19 mars 2020. Au 26 avril 2020, soixante-douze cas ont été enregistrés, dont 6 morts et 7 rétablis (MSPP, 2020). Le gouvernement haïtien continue les mesures contre la propagation du virus telles que la réduction des heures de travail, la fermeture de la frontière haïtiano-dominicaine, le couvre-feu entrainant automatiquement la fermeture des entreprises qui ne fonctionnaient qu’en soirée (les boites de nuit, etc.), la réduction du nombre de jours et des heures de fonctionnement de certains marchés et la réduction du nombre de passagers dans les véhicules de transport en commun.
D’autres mesures sont adoptées au niveau communal, dont des restrictions d’accès à certains lieux publics, l’interdiction du transport en commun vers certaines villes (Jérémie et Cap-Haitien) et vers le département du Sud, la réduction du nombre de jours de fonctionnement de certains marchés communaux.
La situation sociopolitique demeure calme, malgré quelques événements liés à la violence des gangs ces derniers jours dans certaines zones de Port-au-Prince.
Les conditions météorologiques. Depuis la fin du mois de mars, la plupart des régions font face à des déficits pluviométriques qui retardent les activités de semis et pourraient affecter les cultures de haricot et de maïs semées en février et mars. Cette situation est particulièrement préoccupante au niveau des zones sèches privées de systèmes d’irrigation (Côte Sud, zone littorale Grand’Anse, Haut Plateau, Haut Artibonite et bas Nord-Ouest).
La situation agricole et du bétail. Les activités de préparation des sols et de semis pour la campagne de Printemps sont en cours dans la plupart des régions. Par ailleurs, des récoltes de faible volume d’arachide, de manioc, de banane, de patate douce sont en cours dans le Centre, la Grand’Anse, le Sud, ainsi que de riz dans le Bas Artibonite. Dans les zones en proie aux déficits hydriques (zones littorales de la Grand’Anse, du Sud, le Grand Nord, le Centre, le Haut Artibonite), le déficit d’eau d’abreuvement et de fourrage entraine une détérioration de l’embonpoint des animaux, en particulier des bovins. En conséquence, leur valeur marchande diminue par rapport à la situation observée en janvier dernier.
Disponibilité alimentaire. Les aliments de base, importés pour la plupart, sont disponibles. Les produits locaux comme les racines, les tubercules, la banane le sont également mais à leurs niveaux saisonniers bas. Le maïs et le haricot sont très rares en cette saison, ceci jusqu’aux récoltes en juin. En outre, les mangues provenant de régions de basse altitude sont observées dans plusieurs endroits.
Marchés et prix des produits alimentaires. L’annonce officielle des cas de Covid-19 et des mesures restrictives a provoqué une ruée sur les marchés formels et informels de produits alimentaires. Durant les premiers jours de ces mesures, certains marchés ont vu une augmentation importante de la clientèle. Ainsi, les prix ont connu une certaine volatilité entre le 17 et le 24 mars, mais ont retrouvé leur niveau d’avant les annonces gouvernementales après quelques jours, notamment pour le riz importé. Par ailleurs, les autorités locales ont imposé la fermeture du marché de Ouanaminthe et des restrictions sur le fonctionnement de ceux de Jérémie et Cap-Haïtien.
Ces perturbations liées au Covid-19 viennent empirer un contexte de prix déjà supérieurs à la moyenne quinquennale, rendant l’accès alimentaire des ménages très pauvres plus difficile.
Main-d’œuvre agricole et autres sources de revenus. Malgré les préparatifs pour la campagne de printemps, la demande de main-d’œuvre est plus faible que d’habitude en raison du ralentissement des activités économiques qui réduit la capacité des agriculteurs à financer cette campagne. Le revenu agricole serait donc inférieur à la moyenne pour les ménages pauvres et très pauvres.
Par ailleurs, la migration constitue une source limitée de revenu dans le contexte de la fermeture de la frontière avec la République Dominicaine et les sanctions qui freinent les points de passages informels.
D’autres secteurs formels et informels sont touchés par les mesures, notamment les activités nocturnes, le transport ou l’industrie textile qui est actuellement à l’arrêt.
Les envois de fonds de l’étranger vers Haïti représentent environ 33% du PIB, selon la Banque Mondiale, dont plus de 50 % proviennent des États-Unis et environ 20% de la République Dominicaine. Le ralentissement des activités économiques dû au confinement au niveau de ces deux pays aurait un impact direct sur le volume des transferts de fonds vers Haïti et affecterait les sources de revenu de la catégorie relativement importante de ménages bénéficiaires de ces transferts.
Assistance alimentaire. Le gouvernement haïtien a annoncé des interventions d’appui aux plus vulnérables dans environ 20 zones rurales et urbaines, en distribuant de kits alimentaires et de l’argent, mais qui ne pourront pas couvrir l’ensemble des besoins alimentaires des ménages pauvres et très pauvres dans le contexte actuel. Par ailleurs, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) procède à des distributions d’argent inconditionnelles, d’un montant de 7650 gourdes par famille dans six départements (Nord, Sud-Est, Centre, Ouest, Grand’Anse, Nord-Ouest) dans le cadre de son programme humanitaire d’urgence.
Résultats actuels de la sécurité alimentaire Les conditions de la sécurité alimentaire continuent d’être impactées par l’inflation. A cela s’ajoutent les impacts négatifs des mesures du gouvernement contre la pandémie sur les sources de revenus. En plus des prix déjà au-dessus de la moyenne, le ralentissement dans le fonctionnement des marchés entraine une augmentation des prix de certains produits. Le prix élevé des produits alimentaires et la baisse de revenu occasionnée, entre autres, par la fermeture ou le fonctionnement au ralenti des entreprises et la baisse des transferts de fonds de l’étranger, ont réduit le pouvoir d’achat des ménages et donc leur accès aux aliments de base.
Ainsi, pour maintenir leur consommation alimentaire de base, les ménages pauvres et très pauvres continuent à adopter majoritairement des stratégies de stress (réduction de la quantité et de la qualité de nourriture habituellement consommée, achats à crédit, réduction de la consommation des adultes au profit des enfants, etc.) et de crise (intensification de la consommation des semences et d’aliments à faible valeur nutritive et intensification de la vente de charbon de bois). Une insécurité alimentaire en Stress (Phase 2 de l’IPC) et de Crise (Phase 3 de l’IPC) se maintient dans la plupart des régions avec une augmentation progressive du nombre de personnes en Crise (Phase 3 de l’IPC) jusqu’aux récoltes de printemps en juin.
Les hypothèses du rapport sur les perspectives de la sécurité alimentaire de février à septembre 2020 ont été modifiées de la façon suivante :
Réponse à la pandémie COVID-19
- L’épidémie se poursuivrait avec un nombre croissant de cas confirmés pendant la période du scénario
- Les restrictions mise en place par le gouvernement pour combattre le virus telles que la réduction des heures de travail et la fermeture de la frontière haïtiano-dominicaine resteraient en place au moins jusqu’en juin. Les autres mesures en place comme la fermeture des usine textiles diminueraient progressivement
- Selon les prévisions de la Banque centrale d’Haïti (BRH), malgré l’hypothèse plausible d’un retour à la normale de la situation économique en juin, une baisse de 2.7% du taux croissance du PIB pour l’année 2020 serait observée.
Production agricole
- Campagne de printemps et d’été : A cause de l’impact de la faible performance des campagnes antérieures et de la baisse des transferts d’argent des Etats Unis et des migrants haïtiens en République Dominicaine sur la capacité des agriculteurs à financer la campagne agricole de printemps (paiement de la main-d’œuvre, achat de semences, entre autres), celle-ci pourrait générer des récoltes en dessous de la moyenne, notamment le long de la frontière (Nord-Est, le Centre, et le Sud-Est)
- Riz : Une production autour de la normale est anticipée dans les zones irriguées.
- Banane et tubercules : La production de bananes et de tubercules serait autour de la normale pendant la période de perspective
Sources de revenu
- Main-d’œuvre agricole : En raison de la faible capacitée d’investissement des agriculteurs, la demande de main d’œuvre serait inférieure à la moyenne, provoquant une baisse du revenu du travail agricole pour les ménages pauvres et très pauvres sur toute la période de projection
- La migration journalière entre la République Dominicaine et Haïti garderait sa tendance à la baisse. A la suite de la fermeture des frontières, ces travailleurs ne pourront plus se rendre en République Dominicaine et constitueront une charge pour leurs ménages en Haïti
- L’imposition du couvre-feu et le ralentissement économique provoquerait la perte des revenus des ménages pauvres urbains issus des activités formelles informelles impactées par ces mesures
- Les revenus issus des ventes agricoles seraient en dessous de la moyenne à partir de juillet à cause des recoltes de printemps en dessous de la moyenne.
Tendance générale des prix des produits alimentaires basiques
- La plupart des produits alimentaires de base importés ont montré une relative stabilité, à l'exception de l'huile de cuisson, du riz (toutes variétés confondues) et de certaines variétés de pois secs (Pinto, Lima par exemple). Ils resteront élevés, en raison du niveau de la dépréciation de la gourde par rapport au dollar, de l'accroissement des cours mondiaux et de la propagation éventuelle du Covid-19.
- Pour les produits locaux, en particulier le maïs et le haricot, les prix pourraient s'accroitre suivant la tendance saisonnière.
Autres suppositions
- Les importations alimentaires sauf celles provenant de la République Dominicaine, devraient se maintenir et garder une tendance proche de la normale
- Taux de change USD et peso : Le taux de change de la gourde par rapport au dollar américain et le peso continuerait d’augmenter comme c’était le cas au début de 2019 et depuis janvier 2020. La crise économique, sanitaire et politique sont, parmi d’autres, des facteurs déterminants de la dépréciation de la gourde. Ainsi, le taux de change, qui atteint déjà 104 gourdes pour un dollar dans certaines banques garderait sa tendance haussière au moins jusqu’en juin.
Le pouvoir d’achat des ménages pauvres sera en baisse dû aux prix élevés des aliments de base ainsi qu’aux revenus réduits d’une partie de la population à cause des restrictions imposées par le gouvernement contre la propagation de Covid-19. Une insécurité alimentaire en Crise (Phase 3 de l’IPC) et de Stress (IPC Phase 2), pour la plupart, se maintiendra, avec une augmentation progressive du nombre de personnes en Crise (phase 3 de l’IPC) jusqu’aux récoltes de printemps à partir de juin.
La période de juin jusqu’à septembre coïncide avec les récoltes de printemps qui aura un impact limité sur l’insécurité alimentaire aiguë des ménages pauvres et très pauvres. La performance de la campagne de printemps sera en dessous de la moyenne à cause de la faible capacité d’investissement des agriculteurs. Le niveau élevé des prix des produits de base et les revenus inférieurs à la moyenne affecteront négativement l’accès alimentaire des ménages pauvres. Ainsi, les ménages les plus pauvres auront recours à des stratégies de crise comme l'intensification de la vente de charbon, la consommation des aliments à faible qualité ou précoces et de stress (réduction de la quantité consommée et de la qualité de la diète, achats à crédit). Dans ce contexte, la plupart des régions du pays resteraient en Stress (IPC Phase 2) et en Crise (Phase 3 de l’IPC) alimentaires.
Source : FEWS NET
Cette mise à jour des perspectives sur la sécurité alimentaire présente une analyse des conditions actuelles d'insécurité alimentaire aiguë et de toute évolution de la dernière projection de FEWS NET concernant les résultats de l'insécurité alimentaire aiguë dans la géographie spécifiée au cours des six prochains mois. Pour en savoir plus sur le travail, cliquez ici.