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Depuis juillet, des pluies proches de la moyenne sont observées, favorisant les activités agricoles d’été/automne. Très dépendante de la campagne agricole de printemps, cette saison est négativement impactée par le manque de semences, dont le prix est élevé, en raison des récoltes en-dessous de la normale en juillet.
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La situation sécuritaire s’est légèrement améliorée en aout après quelques opérations réussies de la Police Nationale d’Haïti, notamment à Croix-des-Bouquets. Le nombre d'événements violents et de décès enregistré en août, représente environ 20 pour cent de celui de juillet (ACLED, Août 2022).
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Le taux de change de référence est passé de 126.96 gourdes pour un dollar à 118.52 gourdes, après l’annonce des mesures de politique monétaire et l’injection de 8.5 et de 10 millions de dollars sur le marché bancaire, respectivement le 22 et le 25 août. Sur le marché informel, le taux de change a perdu plus de 33 pour cent de sa valeur, passant de 150 à 100 gourdes pour un dollar.
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Les ménages très pauvres ayant raté la campagne de printemps dans les zones rurales, et ceux des quartiers précaires de Port-au-Prince, continuent d'adopter des stratégies de crise telles que l’intensification de la vente de bois, la consommation de nourritures à faible valeur nutritive, la mendicité, et la vente d’animaux pour maintenir leur consommation alimentaire. Une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) s’y observe.
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Ceux des zones ayant une récolte de printemps autour de la moyenne, et bénéficiant d’appui aux moyens d’existence, adoptent des stratégies de stress (réduction de la consommation journalière et de la qualité de la diète, emprunt ou achat de nourritures à crédit). Une insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC) est observée.
La situation sociopolitique. La situation sociopolitique reste instable, mais grâce aux efforts déployés par la police nationale, plusieurs bandits ont été stoppés, notamment dans la capitale. La situation au mois d’août est relativement plus calme que celle de juillet. En effet, à peine 20 pour cent du nombre total d'événements politique et de décès enregistré au mois de juillet a été enregistré au cours du mois d’août, selon ACLED (Août 2022). En dépit de la relative accalmie en août, les routes nationales restent contrôlées par des gangs et les flux commerciaux entre la capitale et les autres régions, notamment du Grand Sud, restent perturbés.
Les conditions météorologiques. La saison de printemps a été marquée par d’importants déficits de pluviométrie ayant conduit à des récoltes en dessous de la moyenne. Depuis juillet, des pluies fréquentes et proches de la moyenne ont été enregistrées, ce jusqu’à la mi-août. Pendant cette période (mi-juillet et mi-août), une amélioration considérable a été observée au niveau de l’indice de végétation, particulièrement dans l’Artibonite et le Nord-Ouest, zones qui ont été les plus fortement affectées par le déficit pluviométrique pendant la campagne de printemps. Les agriculteurs en ont profité pour lancer la deuxième saison agricole, à savoir la campagne d’été/automne. Par ailleurs, les prévisions à court et moyen termes suggèrent des pluies proches ou supérieures à la moyenne, qui contribuent à réduire le manque d'humidité des sols et favorisent les activités agricoles de cette saison. En outre, des températures proches de la moyenne tendent à maintenir les conditions actuelles d'humidité disponible, favorables donc au développement des cultures.
Evolution de la situation agricole. Mitigées dans la plupart des régions du pays, les récoltes de printemps sont achevées, mis à part le département du Centre en particulier, l’ayant démarrées un peu plus tard. Présentement, profitant des pluies régulières et favorables, les agriculteurs, notamment dans les zones de montagne, s’adonnent aux activités de préparation de sols dans le cadre de la campagne d’été/automne consistant encore en maïs et haricot, outre les cultures saisonnières comme les racines et les tubercules et la banane. Selon nos informateurs clefs sur le terrain, des activités de cueillette de l’arbre véritable, de produits fruitiers comme l’avocat, l’ananas et des citrus sont en cours, ceci particulièrement dans le Sud et la Grand’Anse, approvisionnant déjà les marchés. A noter que les agriculteurs du grand Sud continuent de bénéficier de l’appui (semences, intrants, fertilisants, finance, etc.) de diverses organisations intervenant dans la région à la suite du séisme de l’année dernière.
Sources de revenus. Le revenu de la vente de main-d’œuvre a connu une augmentation saisonnière avec les activités de préparation de la campagne d’ete/automne, mais se trouve en dessous de la moyenne en raison de la faible capacité d’embauche des agriculteurs, causée par la faible performance des récoltes de printemps, outre le contexte sociopolitique et économique defavorable. Il en resulte des revenus agricoles en-dessous de la moyenne pour cette saison. Le revenu de la migration en République Dominicaine reste en dessous de la moyenne à cause de la poursuite de la déportation des Haïtiens et de l’accès de plus en plus difficile au visa dominicain à cause de l’augmentation du prix et du temps de traitement des demandes.
Marchés et prix des produits alimentaires. Les marchés sont approvisionnés en maïs, haricot et d’autres cultures saisonnières, en plus des produits alimentaires importés. Néanmoins, les marchés situés dans l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince, particulièrement Croix-des-Bossales et Croix-des-Bouquets, continuent de connaitre des perturbations en raison des affrontements armés, des cas de kidnapping, et de la rareté du carburant entravant la bonne circulation des individus et des biens. Cela réduit en quelque sorte le flux normal des activités commerciales dans la capitale et aussi dans les autres régions du pays. Malgré les récoltes de maïs et de haricot noir, les prix de détail en juillet n’ont pas montré des baisses significatives typique pour la période post-récolte. En effet, alors que le prix du maïs a été relativement stable entre juin et juillet, ayant chuté de moins de 2 pour cent en moyenne au niveau national, celui du pois noir local a fait montre d’une hausse atypique de plus de 8 pour cent. Les prix des produits importés, le riz en particulier, continuent de montrer des fluctuations à la hausse (moins que 5 pour cent) durant la même période. Tous les prix restent au-dessus de leur niveau de juillet 2021 et, de manière très atypique, de leur moyenne de cinq ans.
La tendance du taux de change et les prix. Les prix des denrées de base suivent la tendance de la dépréciation de la monnaie nationale par rapport au dollar américain, particulièrement sur le marché de change informel, dont l’écart par rapport au taux de référence de la banque centrale atteint jusqu’à 30 pour cent. Du premier août 2017 au premier août 2022, la gourde est passée de 0.01600 dollar à 0.00852 dollar, soit une perte valeur de l’ordre de 47 pour cent. Entre août 2021 et août 2022, la gourde s’est dépréciée de plus de 18 pour cent, selon le taux de référence de la banque centrale. Par ailleurs, dans le cadre de nouvelles mesures de politique monétaire annoncées le 22 août pour circonscrire la chute vertigineuse de la gourde face au dollar américain et, donc, juguler quelque peu la hausse des prix, les autorités monétaires ont injecté 8.5 millions et 10 millions de dollars sur le marché, respectivement le 22 et le 25 août. Dès l’annonce de telles mesures, le cours du dollar a baissé précipitamment sur le marché informel de change, passant d’une moyenne de 150 gourdes à près de 100 gourdes, appréciation de l’ordre de 33.3 pour cent de la gourde par rapport au dollar dans le contexte d’une économie dollarisée officieusement à plus de 60 pour cent. Les prix de gros de certains produits importés tels que le riz, l’huile comestible, n’ont baissé que de façon modérée sur certains marchés, passant respectivement de 4000 à 3700 gourdes le sac de 25 kg et de 1700 à 1300 gourdes en moyenne le gallon (3.78 L) durant la même période.
Ces mesures sont prises dans le cadre des négociations avec le Fond Monétaire International (FMI) qui exige du gouvernement haïtien, comme préalable à tout support financier, des mesures d’austérité en matière des finances publiques. En effet, le FMI demande différentes mesures pour réduire les dépenses publiques et mettre en œuvre une réforme budgétaire structurelle qui comprend la réduction des subventions (carburant), l'augmentation des revenus grâce à une collecte d'impôts plus élevée, la réforme du code et du système fiscal et l'amélioration de la gouvernance globale pour préparer les conditions avant de fournir une aide financière. On doit souligner que la banque centrale tente d’implémenter ces mesures d'austérité dans un contexte socio-politique difficile et volatile.
Résultats actuels de la sécurité alimentaire. Les conditions de la sécurité alimentaire continuent d’être impactées par l’inflation et le faible revenu des ménages. En outre, la faible performance des récoltes de printemps impacte négativement le lancement de la campagne d’été/automne, étant donné que 70 à 80 pour cent des intrants utilisés viennent de la campagne de printemps. Cela entraine une faible disponibilité des semences, induisant une hausse de leur coût sur le marché. Les agriculteurs rencontrent des difficultés à financer leurs campagnes, le revenu issu des ventes de produits agricoles étant en-dessous de la moyenne. Ainsi, la demande de main-d’œuvre s’avère très faible, donnant lieu à des revenus pour les travailleurs agricoles aussi en-dessous de la moyenne.
Les ménages très pauvres des zones rurales, ayant manqué la campagne de printemps, et ceux des quartiers précaires de Port-au-Prince, en proie à l’insécurité, continuent d'adopter des stratégies de crise telles que l’intensification de la vente de charbon ou de bois et d’animaux femelle, la consommation des récoltes précoces ou de nourriture à faible valeur nutritive, et la mendicité, entre autres, pour maintenir le niveau normal de leur consommation alimentaire. Une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) s’y observe donc. Ceux des zones ayant pu récolter en juillet par suite de conditions pluviométriques moins déficitaires, et ceux ayant reçu de l’aide humanitaire ou d’appuis à la reconstruction de leurs moyens d’existence, peuvent adopter, en revanche, des stratégies de stress comme la réduction de la consommation journalière et de la qualité de la diète, l’emprunt ou l’achat de nourriture à crédit, entre autres. Une insécurité alimentaire de Stress (Phase 2 de l’IPC), est observée.
Les hypothèses du rapport sur les perspectives de la sécurité alimentaire de juin 2022 à janvier 2023 se maintiennent, à l'exception de celles mises à jour ci-dessous :
- Malgré la faible capacité du gouvernement de continuer à subventionner les produits pétroliers, le niveau déjà élevé du coût de la vie et le manque de confiance de la population continuera de constituer des obstacles à toute tentative d’augmenter les prix de ces produits dans les stations-service. Ainsi, cela renforcera le marché informel de ces produits qui deviendront de plus en plus rares et donc de plus en plus cher sur le marché informel.
- Les mesures restrictives annoncées en matière de politique monétaire tel que l’injection probable de 100 à 150 millions de dollars américains sur le marché des changes avant la fin de l’exercice fiscal en cours, va freiner un peu le décrochage de la gourde, avec pour conséquence, une baisse modérée des prix de quelques produits, à court terme.
- La chute brutale de la valeur du dollar sur le marché entrainera une perte de pouvoir d'achat des ménages détenteurs de dollars, étant donné que la baisse de prix sera moins proportionnelle à celle de la valeur du dollar sur le marché.
- Le nombre d’événements violents et de décès enregistré au mois d’août serait en baisse par rapport à celui du mois de juillet. Et, si les autorités policières multiplient les interventions contre les gangs, une amélioration substantielle sera observée dans la situation sécuritaire du pays, particulièrement dans la capitale. Ainsi, l’approvisionnement des marchés et la circulation des personnes pourront reprendre leur cours normal, surtout à l’approche des festivités de fin d’année.
Les récoltes de printemps étant en dessous de la moyenne, les ménages ont très peu ou pas de réserve pour la période d’août à septembre. Les activités de la campagne d’été/automne sont donc limitées à cause des revenus insuffisants de la campagne agricole de printemps pour les financer normalement. Ainsi, la performance de la campagne d’été/automne sera compromise, induisant des récoltes, voir des revenus, en dessous de la moyenne.
L’offre réduite de produits locaux, les revenus inférieurs à la moyenne, et le niveau toujours élevé des prix des produits de base en dépit des nouvelles politiques monétaires de la Banque Centrale, affecteront négativement l’accès des ménages pauvres à l’alimentation et donc leur pouvoir d’achat. Ainsi, les ménages les plus pauvres adopteront des stratégies de crise, en particulier intensification de la vente de charbon ou de bois et d’animaux femelle, consommation des récoltes précoces ou de nourriture à faible valeur nutritive, la réduction du nombre de repas journalier, la diminution de la consommation des adultes au profit des enfants, le recours à des activités peu habituelles comme la vente de journée chez des particuliers pour faire de la lessive, le cirage de chaussures en milieu urbain, etc. Ainsi, certaines communes (Irois, Anse-d’Hainault, Dame-Marie, Bonbon) et surtout certaines autres de la région côtière dans le Sud seront en Crise (Phase 3 de l’IPC), tandis que d’autres (Corail, Pestel, Roseaux, etc.), moins dépendante du marché, ayant réussi la campagene de printemps et beneficiant d’appui de quelques organisations en support aux moyens d’existence, seront en Stress (Phase 2 de l’IPC).
La deuxième période du scénario (octobre 2022 à janvier 2023) coïncide avec la campagne d’hiver. Cette période coïncide aussi avec les récoltes des cultures saisonnières comme le pois Congo, le poids de souche et le pois inconnu. En dépit des conditions agro-climatologiques plus ou moins favorables pour ces campagnes, les pertes issues de la campagne de printemps affecteront négativement la production de ces saisons, qui représentent déjà une faible contribution à la production agricole nationale. Ainsi, la consommation alimentaire dépendra presqu’essentiellement des achats aux marchés. Le faible pouvoir d’achat, dû aux prix élevés des produits alimentaires et au revenu insignifiant, continuera d’impacter la situation alimentaire des plus pauvres. Les moyens d’existence ne devront pas significativement changer non plus. Certes, les festivités de fin d’année représentent une source de revenus complémentaires. Néanmoins, la hausse des prix des produits pétroliers et des céréales (notamment du riz et de la farine), dans un contexte international peu favorable, ne se prête pas à une amélioration de la situation de sécurité alimentaire dans la zone. Les ménages pauvres et très pauvres devront donc recourir, une fois de plus, aux stratégies de crise évoquées plus haut, en dehors d’une assistance humanitaire soutenue visant surtout la récupération de leurs moyens d’existence. Ainsi, une insécurité alimentaire de Crise (Phase 3 de l’IPC) et de stress (Phase 2 de l’IPC), respectivement, sera observée dans les communes citées plus haut.
Source : FEWS NET
Source : USGS/FEWS NET
Cette mise à jour des perspectives sur la sécurité alimentaire présente une analyse des conditions actuelles d'insécurité alimentaire aiguë et de toute évolution de la dernière projection de FEWS NET concernant les résultats de l'insécurité alimentaire aiguë dans la géographie spécifiée au cours des six prochains mois. Pour en savoir plus sur le travail, cliquez ici.